Un pas après l'autre, l'homme ne prenait pas vraiment garde à regarder devant lui, si bien que sans cérémonie ni excuses il lui arrivait souvent d'occasionner quelques bousculades. Pourtant, l'on n'osait pas vraiment lui faire de remarques à ce sujet. Sa taille, sa carrure, son style, sa cicatrice, son cigare calé entre ses dents ainsi que son air sombre... Tout dans son apparence constituait un message d'avertissement. « Faites pas chier, vous le regretteriez sans le moindre doute ». Quelle était la source de cette attitude ? Et bien, tout simplement, le Jimushi réfléchissait. Une activité à laquelle il ne s'adonnait que très peu, force est de le reconnaître.

Les raisons ? Diverses. Bien sûr, Koshiro ressassait son combat face à Borick et tentait de peser le pour et le contre d'un « match retour ». Il s'était bien rendu compte qu'il n'était pas si compliqué ni même particulièrement dangereux de s'aventurer au Hueco Mundo, du moins pour un être tel que lui. Un désert s'étendant à perte de vue, une grande quantité d'êtres à la puissance négligeable... Il lui faudrait juste mieux se préparer et ne pas omettre d'emmener un casse-croûte la prochaine fois, chose qui lui avait été pénalisante lors de la première expédition.

L'incendiaire pensait également à l'avenir des Sons of Inferno, bien sûr. Le départ de son groupe de son petit glaçon n'arrangeait pas vraiment ses affaires, même si une alliance entre eux était garantie – du moins jusqu'à preuve du contraire. Dans les faits, cela n'enlevait rien au fait que sa propre organisation venait de s'affaiblir, sans parler de Ganryu qui devenait de moins en moins joignable. Se renforcer devrait ainsi encore et toujours être à l'ordre du jour.

Mais un autre plan émanait peu à peu de son esprit. Un plan dans lequel son poids sur Karakura devrait encore s'accroître. S'il dominait déjà totalement le marché noir dans la ville, frapper un grand coup pour asseoir son autorité ne serait pas du luxe. Ouais, pour arriver à ses fins, il devrait...

Il fut coupé net dans sa réflexion par un beuglement se déplaçant à grande vitesse. Juste à temps le déséquilibré notoire se retourna pour lever la jambe et opposer au projectile peu commun un obstacle qui n'était autre que sa semelle droite. Deux bouffées nerveuses sur son cigare, pendant que l'homme a la face désormais ravagée gisait au sol, incapable de bredouiller quoi que ce soit. Pas question donc qu'il explique à Koshiro les raisons l'ayant mené à se prendre pour un homme-canon. Les explications, il devrait aller les chercher lui-même...

Aussi empoigna-t-il le poivrot par la nuque et le traîna jusqu'au bar d'en face d'où il venait manifestement. Là, une fois les portes passées, le lever à bout de bras sans sembler réaliser le moindre effort.

C't'à qui c'truc-là ?

C'est ce petit bout de femme qu'aurait balancé ce type ? Ouais, c'est ça ! « Raconte ça à d'autres, cocotte ! » pense-t-il pour lui-même. Cependant, personne d'autre ne relève. Pourquoi se dénoncerait-elle si elle n'était pas la responsable ? Ce n'était pas comme si Koshiro affichait un visage avenant qui donnait grandement envie de porter le chapeau. Pourtant, elle l'invitait même à venir s'asseoir à ses côtés. L'incendiaire balaya d'un regard l'assistance. Que des pauvres types, et aucun capable de la ramener dans cette situation.

Deux gestes s'enchaînent rapidement : il envoie l'inconscient d'une main derrière lui, pendant qu'il penche rapidement son torse vers l'avant tout en envoyant un bon coup de pied vers l'arrière, reprenant le malheureux au vol et l'envoyant s'encastrer de l'autre côté de la rue. D'aucun pourraient considérer qu'il s'agit d'une démonstration de puissance, là où il ne s'agit que de se débarrasser des déchets. S'il avait voulu prouver quoi que ce soit, ce troquet serait déjà rongé par les flammes...

Et à présent, autant aller s'installer. S'il n'était toujours pas certain qu'elle ait pu réellement être la responsable, il ne pourrait éliminer les doutes qu'en discutant un peu avec elle. Le déséquilibré notoire se pose alors sur le tabouret indiqué, se pointant le torse du pouce.

Moi, c'est Koshiro.

Même phrase, même geste... Toujours ainsi qu'il se présentait, invariablement. Juste Koshiro, même ses proches n'en savaient pas plus. Cependant, quelque chose de bien plus notable se produit alors qu'il se trouve auprès d'elle. Une impression bizarre dans le bide. Il sait ce que cela veut dire.

Whisky. Pas la peine de salir un verre !

La bouteille, directement. Son regard adressé au barman le lui signifie clairement, au cas où il n'aurait pas bien compris. Pour le moment, il ne dit rien sur le fait qu'il a pris conscience que sa voisine de bar n'était elle non plus pas une simple humaine. Son cigare arrivant à son terme, il en sort un nouveau, plus corsé que le précédent, qu'il allume avec les restes du premier avant d'écraser celui-ci négligemment sur le comptoir. Manière d'attendre, de laisser s'installer le silence... de la laisser parler, pour le moment. C'est alors elle qui y vient en premier lieu. Un très bref rire de gorge du Jimushi.

Fais pas l'innocente ! T'es quoi toi ? Fullbringer ? Dieu d'la Mort ? T'as pas d'bout d'masque chelou sur la tronche, donc t'es pas une Arrancar, c'est d'jà ça !

Des termes qu'il a appris à connaître et à utiliser. Avant qu'il n'arrive à Karakura, il pensait être unique, et depuis... Bah, de l'eau avait coulé sous les ponts. Maintenant, il en était même à avoir fondé son propre gang d'êtres surnaturels dans le but de repousser les envahisseurs qui voudraient venir squatter ce que la brute considère comme SON territoire. La bouteille apportée, il en prend une grande gorgée, avant de pivoter sur son tabouret pour lui faire face, accoudé au bar.

Quitte à s'présenter, autant l'faire à fond, nan ? D'ailleurs, j'serais pas contre le fait de faire connaissance avec tes deux amis là !

Il ricane simplement en pointant du menton la poitrine généreuse de son interlocutrice. De quoi prouver une fois de plus si cela est nécessaire que ce type n'a décidément aucune bonne manière...