Une seule sèche, comme d’habitude, après un verre de mauvais alcool. On ne se refaisait pas. Le Serpent avait des plaisirs simples, et il ne comptait pas les laisser de côté, malgré le mauvais climat ambiant. Il fallait dire que depuis quelques mois et plus précisément, depuis l’arrivée des Reapers, l’atmosphère du Seireitei changeait. Et pas en bien. Les anges de la mort version non bridée avaient une fâcheuse tendance à se mêler de tout, et surtout de n’importe quoi. "Une belle bande de connards", comme il les avait souvent nommé dans ses rapports, qui avaient fait de l’ingérence une raison d’être. Ils prétendaient devenir la nouvelle police militaire, reléguant la deuxième division à un rôle proche de celui d’un agent de police assigné à un carrefour.

Serpiente, assis sur son banc perdu au milieu du Rukongai, soupira, en pensant à ce que sa journée du lendemain annonçait. Quelques heures plus tard, il devrait se présenter à son capitaine pour expliquer pourquoi il n’avait pas encore mis en marche l’opération qu’ils avaient planifié depuis presque une semaine. Le Vif-Argent était têtu comme un âne, et il était peu probable qu’il change d’avis au sujet de son implication, mais ce n’était pas grave. Un délai n’était pas un refus, en quelques sortes.

La cible, d’ailleurs, n’était pas des plus aisées, et ce genre de coups ne pouvait pas se réaliser sans une bonne préparation. Ce n’était évidemment pas en passant des nuits blanches au sein des mauvais quartiers de la ville qu’il allait se préparer, mais d’un autre côté, sans ces petites distractions, le borgne aurait jeté l’éponge depuis longtemps. Comme d’habitude, il aimait se réfugier dans les souvenirs qu’il avait gardé de sa vie terrestre, et qu’il avait arraché à son enveloppe humaine. Ils étaient une raison de ce qu’il était devenu : un assassin qui tentait de se donner une bonne conscience.

L’américain aurait pu laisser son esprit divaguer de la sorte encore quelques heures s’il n’avait pas été tiré de sa rêverie par une présence. Un reiatsu qui ne laissait place à aucun doute. Proche de lui se trouvait un shinigami de première catégorie. Ou peut-être était-ce un Reaper au courant de sa petite entreprise ? Dans le doute, le vice-capitaine de la deuxième posa la main sur la garde de son sabre. A ces heures avancées de la nuit, il ne restait plus que des oiseaux de mauvaise augure à errer dans les rues.

Sa colère était grande. Sa frustration aussi. Et il était préférable pour lui de l'évacuer avant qu'elle n'explose : cela ne serait bénéfique pour personne. Moins encore pour le Seireitei que pour lui. Il était prêt à assumer ses actes. Mais le Gotei pourrait-il se passer de sa force de frappe ? Ce n'était en rien prétentieux que de parler ainsi. Un fait est un fait et il était le guerrier le plus affuté de cette armée sur le déclin. Ces Reapers avaient réussis à faire douter les Shinigamis. Et la mort deux ans auparavant de Shunsui n'avait rien arrangé. Asuna était Commandant désormais mais était loin de pouvoir fédérer l'ensemble des Capitaines. Il ne doutait pas qu'elle y parvienne un jour. Mais il était tôt pour le moment et la haine grandissait dans les cœurs des Anges de la Mort. Une étincelle, une seule, et le feu prendrait.

Était-ce cela qu'il cherchait en parcourant les quartiers du Rukongai ? Mettre la main sur un Reaper, le défier et s’octroyer une occasion de briser la fierté et l'arrogance de ces créatures ? Peut-être qu'il y avait un peu de ça effectivement. Mais Shinjirô possédait une tare énorme pour ce genre d'entreprise, une tare qui faisait de son projet un échec : son incapacité à ressentir le Reiatsu. Son incapacité à ressentir les traces d’énergie et de les remonter pour tomber sur sa proie. Il était ainsi. Incapable de faire usage de perception. Ses sens lui suffisaient en combat. Et généralement, on venait à lui. Pas l'inverse.

Ainsi ne perçut-il même pas la présence d'un autre Shinigami avant de tomber dessus. L'heure avancée excluait généralement la présence d'un autre Ange de la Mort. Mais s'il n'était pas doué dans la perception, il avait l’œil pour les détails permettant de déceler un potentiel danger. Malgré l'obscurité. La main posée sur la garde était un avertissement réel. Avertissement auquel le colosse réagissait que d'une seule manière : il fit pivoter son imposante lame devant lui, attrapant la poignée centrale et basculant une partie de l'arme sur son épaule, l'air de dire "attaque-moi mon pote, tu vas voir ce que tu vas prendre". Il reconnut alors les traits de l'homme. Lieutenant de la Seconde division. Il avait beau ne pas lui parler, il connaissait cet homme puisque le Capitaine de cette Division était son ami. Il se rapprocha doucement de lui.

- Si tu veux mon avis, t'aurais plutôt intérêt à pas garder cette main posée sur ton arme. Sauf si t'as dans l'idée de t'en servir contre moi. Ce qui serait idiot.

Il resta là, un instant, avant de faire de nouveaux pas dans sa direction. Le colosse balaya la place du regard, histoire de s'assurer qu’on n’allait pas lui tomber à plusieurs dessus. Mais quelles raisons auraient-eu ce Lieutenant pour faire ça ?

- J'peux savoir c'que tu glandes dans l'coin ? Juste par curiosité, mon pote. J'te flique pas, hein ! Moi j'cherchais à de ces putains de Reapers. Mais ces p'tits bâtards sont de vrais fantômes. Pas possible de foutre la main sur eux.

Le Serpent soupesa les possibilités qui s'offraient à lui, et il raya d'entrée de jeu celles qui commençaient par "Je peux toujours ne pas suivre son conseil et ...". Il fallait être sérieusement dérangé pour s'attaquer à un être tel que le Kiryu. Ou alors, il fallait être suicidaire. Et si l'américain était parfois considéré comme un fou, peu nombreux étaient ceux qui pouvaient se targuer de le trouver kamikaze.

" Il faudrait être extrêmement courageux pour s'attaquer au Kenpachi en face à face, capitaine. Courageux ou complètement con. Je sais que dans la onzième vous êtes toujours partants pour un affrontement, même perdu d'avance, mais je ne suis pas de ceux là. " lança-t-il d'un ton morne, tout en retirant sa main de la garde de son sabre.

Robert Snake avait toujours été un homme plutôt pragmatique. Lorsqu'il avait du s'exiler au Japon, il avait choisi la voie des armes non par plaisir ou par cruauté, mais simplement car il s'agissait de la seule dans laquelle il avait un tant soit peu de talent. En passant l'arme à gauche, le shinigami qu'il était devenu n'en était pas resté moins efficace. S'il devait s'attaquer un jour à son interlocuteur, et ce n'était là évidemment qu'une hypothèse, cela passerait forcément par quelque chose de plus élaboré qu'une rencontre inattendue dans le Rukongai.

Il avait répondu, mais en même temps, il analysait les dernières paroles du capitaine de la onzième division. Il cherchait des Reapers ? N'était-il pas tombé sur la personne idoine pour ce job ? C'était peut-être un peu trop simple. Un peu trop évident. Il était l'une des personnes les mieux situées dans tout le Seireitei pour lui indiquer la localisation de ces parasites, et comme par hasard il tombait sur lui ? Il fallait être prudent. Certains annonçaient que les Reapers étaient capables de tout, alors pourquoi ne pas carrément prendre l'apparence d'un capitaine du Gotei 13 ?

"Hmm... J'ai la fâcheuse habitude de trainer dans ce coin, la nuit. Ca me permet de m'évader quelques heures de la superbe ambiance que nous avons en ce moment à l'Omnitsukido." répondit-il avec une moue qui en disait long, et qu'il n'avait pas besoin d'expliquer à son supérieur. Après tout, il devait être au courant que les hommes de la deuxième étaient à la limite d'être confinés à domicile.

Après quelques secondes de silence, il se leva de son banc et s'approcha de son interlocuteur les mains dans les poches. Il n'avait aucune envie d'être épié, alors autant rendre une écoute de cette discussion plus difficile. A voix plus basse, il demanda au Kenpachi : " Officieusement, vous leur cherchez quoi à ces Reapers ? Il se passerait quoi si quelqu'un vous donnait, disons, la localisation de plusieurs d'entre eux ?"

Ce qui pouvait se traduire par "Allez vous ouvrir la boite de Pandore, capitaine ?". Il connaissait la réputation du colosse, et elle ne s'était pas bâtie sur uniquement des on-dits. Il était convaincu que s'il fournissait au Kenpachi ces données, certains de ces fouteurs de merde pouvaient y rester.

Et ce n'était pas plus mal.

- Bah, tu sais pas c'que tu perds mon gars.

La réponse détendit le colosse qui, presque instantanément, relâcha la pression. Il se sentait tendu à l'extrême, sans doute à cause de ce qui se passait en ce moment, et le fait de ne pas pouvoir se laisser aller face à ces Reapers commençaient à l'atteindre. Ne serait-ce que psychologiquement. Et on avait beau essayer, on ne maintenait pas éternellement un fauve en cage. Il trouvait toujours le moyen de s'échapper. Et si c’était au mauvais endroit, alors il pouvait y avoir un carnage. Shinjirô n'était pas de ceux qui se souciaient des conséquences. Et la raison en était logique : il ne parvenait pas à se projeter suffisamment loin pour s'apercevoir des risques qu'il encourrait. Qu'importe que le Commandant ait donné des ordres. Qu'importe que la stratégie soit d'étudier ces étrangers pour ensuite se décider. Il n'appréciait pas ce qu'on lui imposait. Et il risquait d'exploser à tout moment. Une arme se devait d'être utilisée. Point barre.

Alors son sang ne fit qu'un tour lorsqu'il entendit les mots qui suivirent. Si on lui donnait l'opportunité de les trouver ? La première idée était plutôt sanglante. Voir destructrice. Et les autres étaient assez similaires. Sa main se resserra sur sa poignée, comme s'il était prêt au combat. Un signe qui n'était pas anodin. D'un geste, il abaissa sa lame sur le sol qui s'enfonça de plusieurs centimètres, créant autour de lui quelques fissures non négligeables.

- Il se passerait que j'en profiterais pour gommer de leur visage ce putain de sourire qui s'affiche lorsqu'ils nous croisent. Juste pour voir s'ils feront toujours les malins avec un bras en moins !

Il lâcha son arme, la laissant telle quelle dans le sol. Une étrange aura luisait de cette dernière, comme si elle répondait aux sentiments guerriers de son possesseur. Il s’imaginait assez bien être face à eux et les voir essayer de le repousser. Il imaginait très clairement l'impact qu'aurait Kaimetsu dans cette discussion. Mais il se reprit. Serpiente avait presque chuchoté et cela ne lui avait pas échappé. Craignait-il qu'on puisse les entendre ? Il n'ignorait pas que la Seconde division était en quelque sorte consigné. Il avait suffisamment entendu Noboru s'en plaindre. Et comprit alors qu'il n'était sans doute pas le seul à porter une haine viscérale à ces créatures.

- Si tu sais où en trouver un, hésite pas. J'veux seulement pouvoir avoir une discussion d'homme à homme avec l’un d'eux. Un exemple ne leur ferait pas de mal, si tu vois c'que j'veux dire. En tout cas, on peut pas leur retirer qu'ils sont prudents, ces enfoirés.

Noboru ne s'était pas plus étendue que cela, connaissant son ami comme il le connaissait. Il avait deviné sans doute qu'en lui exprimant les faits, le colosse voit rouge et décide de faire justice lui-même. Ils neutralisaient la Seconde pour une seule raison : ils la craignaient.

- Faut pas qu’t’aies peur d’eux, Serpiente. T’es de la Seconde, mon pote. J'sais que Nob' vit plutôt mal leur présence. Ils vous emmerdent vraiment ?

Un sourire fatigué apparut sur le visage du shinigami borgne. La peur ? Ce n’était plus ça qui le faisait se mouvoir. Plus depuis longtemps. Oh, il existait des êtres plus puissants que lui, preuve en était la présence même du Kenpachi face à lui, mais s’il y avait bien accepté un fait, c’était qu’il finirait par retourner sur terre, sous cette forme, ou une autre. Il était tout simplement pragmatique. Si on le découvrait en train de conspirer, il finirait au cachot, et depuis là, il ne servirait plus à grand-chose.

Et il se ferait probablement plutôt chier.

Il se remémora les dernières paroles de son interlocuteur. La deuxième dérangeait, donc on les avait mis sous tutelle. C’était parfaitement exact. Si quelqu’un pouvait bien se targuer d’être bien au-dessus de ce ramassis de branle-bites, c’était la deuxième. Ou du moins c’est ce que n’arrêtait pas de répéter Noboru. Comme d’habitude, il évitait de donner son avis à son supérieur. Déjà qu’il était plutôt sur les nerfs ces derniers temps, il n’avait pas spécialement envie d’en plus lui donner la chance de lui passer une gueulante. Parfois, il ne comprenait pas d’où venait cette tendresse que le Vif Argent avait pour sa clique de bras cassés.

Robert Snake avait bien compris ce que cherchait le capitaine de la onzième par contre. Il voulait coller une rouste à un Reaper, histoire d’en faire un exemple. « On ne joue pas avec moi. » ou quelque chose dans le genre.

« Une discussion d’homme à homme ? Vous foutes pas d’ma gueule capitaine, vous voulez en aligner un histoire de leur montrer qui a la plus grande. Et, entre nous … ça me démange un peu aussi, mais j’ai malheureusement quelques obligations qui me poussent à devoir rester du genre discret. Ils nous emmerdent totalement comme vous l’avez si bien dit. On a tout juste le droit de se torcher sans leur demander la permission … » Avoua-t-il à demi-mot.

« Cependant … vous voir coller une peignée à un de ces fils de pute orgueilleux, ça pourrait me faire ma journée. » ajouta-t-il après quelques secondes de silence.

Sans attendre, il ferma l’œil valide qu’il lui restait, et fit appel à son sens de détection. Sa technique était simple, mais il l’avait tellement utilisée qu’elle en était devenue presque infaillible. Il ne savait pas tout à fait ce qui lui permettait d’identifier le Reiatsu d’un Reaper, mais le flux d’énergie qui émanait de ces derniers était assez différent pour pouvoir supposer qu’il pouvait en déduire l’origine. Humain. Reaper. Hollow. Shinigami.

« Il y a deux forts reiatsus de Reaper. L’un au Nord, à environ un kilomètre cinq. L’autre à l’est, à plus de deux bornes. » lui dit-il, les yeux toujours fermés, avant d’ajouter, d’un ton presque sardonique « Le deuxième semble être en dehors du Rukongai, capitaine. » Il ne fallait être grand clerc pour en déduire ce que l'ancien assassin préconisait...

Certains Capitaines prendraient ombrage que l'on puisse s'adresser à eux de la sorte. Pour Shinjirô, cela n'avait aucune importance. Cet homme ne prenait aucune pincette et c'était la même chose pour lui. Il fallait du caractère pour être le Lieutenant de Noboru. Et il le prouvait ici en jouant franc jeu. L'Argenté n'oubliait pas que cet homme appartenait à la Seconde division et que celle-ci était certainement l'une des plus touchée par la présence de ces Reapers. Sa réaction restait toutefois à l'opposé de celle des autres Shinigami. Les autres craignaient sans doute les représailles du Gotei s'ils l'ouvraient trop. Mais Serpiente agissait autrement.

Les indications qu'il lui fournit réveillèrent les pulsions meurtrières du géant. Surtout la dernière petite note, pas anodine pour un sou, et qui signifiait que là-bas, ce Reapers ne bénéficierait pas de la protection allouée par le Seireitei. Tout du moins de ce pacte de non-agression. Car ce qui se passait au-delà du Rukongai n'appartenait qu'à ces terres désolées. Il le savait pour en avoir profité à de très nombreuses reprises. La décision était donc toute trouvée. Il se rendrait là-bas, guidé par un homme qui possédait cette capacité si rare parmi les siens : celle de percevoir l'aura pourtant particulière de ces nouveaux arrivants.

- T'es pas si con toi, hein. J'aime ça. C'est marrant les coïncidences quand même... J'avais justement envie d'aller faire un p'tit tour aux frontières du Rukongai, histoire de me dégourdir un peu.

Le large sourire qui apparut sur son visage était annonciateur de problème. Pour lui comme pour celui qu'il comptait retrouver. Une bonne bagarre, il n'y avait rien de mieux à ses yeux. Histoire de montrer qui avait la plus grosse, comme l'avait si bien dit ce cher Serpiente. Il était temps de se mettre en route. Après tout, il serait dommage que ce Reaper ait dans l'idée de se casser pour revenir dans le Rukongai. Là le colosse serait bien emmerdé. Et alors qu'ils allaient prendre la route, Serpiente lui fit signe. Même une tête de mule comme Shinjirô pouvait comprendre qu'il y avait un problème. Quelqu’un approchait ? Il reprit Kaimetsu bien en main. Juste au cas où. Finalement il reposa son bras lorsqu'il reconnut le Shinigami. Un de ses gars, lui aussi traqueurs à ses heures perdues, et qui semblait chercher son Capitaine.

- Qu'est-ce que tu glandes là ? J'ai dit personne dehors sans ordre !

Ces consignes n'étaient pas données au hasard et permettaient de canaliser ses gars avant qu'eux aussi pètent un câble. Ils étaient tous pour la plupart des bagarreurs et il n'en fallait pas beaucoup pour qu'un incident éclate. Mais ce qu'il lut sur le visage de son soldat fut tout autre.

- Je sais, Capitaine. Mais nous avons un problème. Attila s'est foutu dans la merde avec les Reapers. Il s'est frotté à l'un d'eux et ça s'est très mal fini. Il est en soins intensifs !! Les gars se sont armés et veulent en découdre. Faut que vous veniez avant que ça empire.

Cette fois, il comprit. Son regard se posa sur Serpiente. Les festivités étaient reportées. Il était inutile d'en dire plus, le Lieutenant comprendrait certainement. Les deux Shinigamis de la Onzième se propulsèrent alors en avant. Seule une question brulait les lèvres du géant.

- Je veux le nom du Reaper qui a fait ça !

- Un de leurs Généraux... Vespa.

[Désolé de mettre fin au rp comme cela mais je dois mettre les choses au clair pour mes projets rp ^^ Alors sorry. O.O]