Elle avait été longue cette nuit sur Terre. Semblait sans fin comme dans ces pays du nord ou les étoiles habillent le ciel six mois durant. C'était loin d'être différent au pays Nocturne, la nuit n'était pas la même. Ici elle est humide et froide, elle sent la crasse humaine et elle a le goût du sang, ne s'animant que des quelques pauvres âmes qui y traînent et les cris des rats. Au loin la ville vrombit et ses lumières font office de soleil nocturne.

La nuit au Hueco Mundo n'a aucun parfum. Ni goût, ni couleur, elle a la fadeur d'un vent chaud aux estivaux. La brise que l'on voudrait, fraîche mais qui vous brûle davantage la peau. Elle est sèche la nuit. Elle est claire, familière et celle-ci, elle la comprend. Elle était bien trop calme et cela la désolait, mais à l'heure actuelle, comme tout être vivant, son instinct de survis lui commandait de rentrer à sa Patrie.
Car oui ça l'était.

Pourtant maudite mille fois par la Septième, alors qu'elle ne l'était pas encore, le sable blanc l'avait vu renaître. Et sous la Lune éternelle elle avait comblé le vide qu'elle avait toujours eut, celui qu'elle avait déjà alors qu'elle était qu'une humaine, la simple occasion de prouver sa valeur au monde.
Souvent elle y repensait. Cette discussion qu'elle avait eut avec l'ex-Tercera .

«-Vous êtes forte, indéniablement, mais qu'êtes-vous d'autre ?»

Sur le moment elle n'avait trop sût quoi répondre alors à son habitude elle avait joué l'orgueil et le sarcasme. Puis elle y avait longtemps réfléchi, et à Las Noches elle avait eu le temps de le faire, après la mort de l'ancien Roi, avant que le nouveau ne se présente pour réunir les Arrancars sous le blason du dit Sima.
Qu'était-elle ? Forte, oui. Incroyablement douée, certainement. Fatale et splendide, indéniablement. Mais n'y avait-il que sa beauté et ses performances guerrières pour la définir ? En somme, elle ne s'était pas sentie plus évoluée qu'un autre, et ça lui donnait la nausée. Elle ne savait rien d'elle en réalité sinon les automatismes qu'elle avait à l'éveil de sa conscience. Cela et son nom. Lies. Noble. Qu'avait-elle de noble ? Rien. Elle était un monstre, une meurtrière impitoyable qui jouit de briser des os et faire couler du sang, qu'il appartienne à un autre ou qu'il soit le sien. Loin d'elle le rebut de cette idée, ça lui restait plaisant, jouissif.

Un carnassier d'espèce dont elle garde des visions mémorables, séraphiques. Poursuivant un chemin au feu poussiéreux, jonché des fleurs défraîchies et ravagées par son ardeur primitive et meurtrière. Des actes non trop dénué de sens, du moins pour elle. Elle se nourrissait, non de chair ou de sang, mais de cris, de plaintes. De danger et d'adrénaline, l'incessante masse au creux de son être qui lui rappelait qu'elle pouvait mourir à chaque instant. Car le supplice des roses, c'est de ne pas être éternelles.
Elle suivait les pas de la bête, ses offrandes charnelles directement dédiées à Méphistophélès lui-même. Quelles bacchanales merveilleuses, quels sangs écarlates lui étaient offerts, tandis qu'autour, des paysages évasifs s'éteignaient sous ses pas, sous l'astre glacial. Pourtant, pourtant cette ''gloire'' ne lui laissa que quelques fleurs de sang, et à l'instant, sa déchéance lui semblait à la hauteur de dignes empereurs de la Rome Antique.

La bataille, elle ne la faisait que pour elle, pour combler ce vide. Non pas celui qui lui transperce nettement le buste, celui qui, plus large, lui donne l'impression de se vider de son propre à chaque instant. Voilà pourquoi, pourquoi elle se jetait corps et âme dans cette passion couleur rouge sang, dans de luxuriants jardins aux supplices sanglants. Comme elle aimait ses lèvres ruisselantes de rubis, comme elle aimait ses frénésies meurtrières.
Un sourire s'étira sur ses lèvres, s'extasiant encore, en repensant aux champs de fleurs ensanglantées que cette beauté immola.
Que c'était beau. Que c'était mal, au fond et cependant, à quoi bon, elle était loin derrière cette ligne morale, il y a longtemps qu'elle tranche des gorges pour que le sang s'écoule jusqu'à elle et la souille. Oh discuter avec la chasseuse nocturne avait réveillé les sensations qu'elle avait, seule dans son désert, son monde. Son précieux univers, en réalité. Qu'elle a aujourd'hui quitté pour les sièges de la Cour du Roi, pour servir le fou qui croyait en Dieu, pour recruter et organiser ses troupes, les diriger, se mettre à la tête de ces milliers de fous, faire couler leur sang pour recolorer le blason de leur terre de la teinte morbide qui lui va si bien depuis des millénaires. Et ce, en partie grâce à elle.

Ce qu'elle était ? Une allégorie de la bestialité et la dangerosité de ce monde. Une pièce de ce puzzle sans forme stricte, un rouage de la mortelle et froide machine. Et pour tout ça elle était elle-même, et la symbolique on s'en fout.
Elle serait sa mémoire et sa trace, une âme et un nom qui le représenterait. Désormais et pour cela elle allait maintenant rentrer. Exister dans ce monde qui est le sien, et se faire digne de ce sol et de son rang.