Et les ténèbres enlacèrent une nouvelle fois son corps ainsi que son âme, dans une prison de pierre plus étroite encore que l’avait été son précédent tombeau. Réduite à l’état de projectile vivant Yachka s’était encastrée contre la façade du bâtiment situé quelques mètres en arrière, et la violence de l’impact fut telle que tout mouvement lui était impossible. Ainsi enchainée, emmurée sous une épaisse couche de débris elle dû dès lors se soumettre à ses capacités surnaturelles, sans lesquelles tout espoir de salut aurait été vain. Pour ne rien arranger, son cœur se laissa submerger par les démons d’antan. Conséquence directe de sa confrontation hallucinée ou de l’intervention d’un tiers, toujours est-il qu’une peur presque palpable et grandissante commença progressivement à lui ronger l’âme, à l’écraser davantage sous un poids illusoire mais pourtant présent. Faisant fi des entraves et de la suffocation le masque se mit soudainement à vomir un cri de rage étranglé. Des raies de lumières parvinrent jusqu’à ses prunelles enflammées, l’armure s’affola, et sa prison en un éclair fut littéralement soufflée dans un formidable accès de colère. La vague de brume concentrique se propagea jusqu’à disparaître du nuage, et le démon de jade ressurgit des limbes incandescents. Bras ballants, échine voutée, silhouette fumante et grondante, Pestilence se redressa péniblement par saccades avant d’embraser le monde sous les feux glacés de ses lunes ardentes. Enfin.

A l’extérieur, tout n’était que chaos. Outre l’odeur omniprésente du kérosène et du sang, on pouvait aisément sentir les empreintes spirituelles des combattants alentours. Les humains s’étaient pour la plupart enfuis, ne restaient que les cadavres encore tièdes des imprudents et des fous. Une estrade de fortune sur laquelle se jouait une scène dantesque comme on aurait pu en décrire dans les textes sacrés, et qui raviva un instant la moquerie silencieuse de l’immortelle qui s’en détourna aussitôt. Ses oreilles bourdonnaient toujours, ses gestes se faisaient lourds, et même si ses sens étaient constamment en alerte elle ne fut pas en mesure de prévenir le danger dans un premier temps. Lorsqu’un de ces monstres improbables vint l’agripper violemment au niveau du visage, elle lutta désespérément pour ne pas chuter. Une main sur la garde, l’autre broyant le cou de son assaillant Yachka se mit à tituber devant un tel élan de tendresse malvenue, pour finalement voir le malheureux soupirant embrasser à pleines dents l’illusion vaporeuse.

- Quelle folie, le monde moderne se serait-il donc à ce point vautré dans l’insouciance ? Sinistre quotidien pour un mortel…

Chacune de ses pérégrinations en territoire inconnu s’était jusqu’alors soldée par une lutte à mort entre des forces divines et leurs homologues méphistophéliques. De quoi remettre sérieusement en doute le système militaire et politique actuel, tout en l’encourageant dans ses desseins. L’ancienne dirigeante comptait bien profiter de l’aubaine s’il s’agissait là d’une forme de routine macabre. En temps de guerre, le peuple finit toujours par se tourner vers ceux qui promettent monts et merveilles au prix du sang. Peut-être finirait-elle par dévoiler son jeu et asseoir son autorité par la force. Ou la ruse.

Mais pour l’heure il lui fallait faire ses preuves, et surtout sortir de ce cauchemar. Car la jeune femme ne souhaitait pas s’éterniser en plein milieu d’un banquet, non pas parce qu’elle s’y était invité sans accord préalable mais plutôt parce qu’on la désignait très clairement comme faisant partie intégrante du menu. Suffisait pour cela de croiser le regard des montres, et de lire en eux comme dans un livre de cuisine. Et l’un des convives, visiblement frustré de voir que son plat venait de se substitué à son attention, se retourna vers elle afin d’exprimer son mécontentement alors que Pestilence le tenait en joue, lame au clair. Et avant que le bougre n’ait eu le temps de se ruer à nouveau sur son repas, un gigantesque tentacule de ténèbres le faucha en plein vol. Sa misérable carcasse alla se fracasser à son tour contre la paroi du bâtiment éventré dans un craquement significatif. S’en suivit un véritable déluge. Plusieurs débris de la taille d’une voiture vinrent s’écraser avec une violence inouïe à sa suite, sans chercher à savoir si leur cible était encore en mesure de combattre. Eliminer la gêne, voilà tout ce qui importait à présent.

- Il est grand temps pour moi de laisser ce beau monde festoyer. Cette bataille n’est pas la nôtre…

Comme pour appuyer ces propos exprimés à haute voix l’ancienne monarque se mit à vomir un épais voile de brume tout autour d’elle, accompagnant le geste d’une étrange danse incantatoire. En plus d’épaissir le nuage déjà présent et d’accroitre son opacité, elle peupla son monde d’une douzaine de créatures. Des gardes du corps pour la plupart, équipés à la manière des soldats modernes. Leur but ? Exfiltrer leur maîtresse et ses gardiens tentaculaires. Tout simplement.

Surprise:

Spoiler:

Spoiler:

Tout s'était déclenché d'un coup.

Il n'aurait pas cru que l'état mental de Muda aurait été aussi fragile. Enfin...probablement que ''espéré'' aurait été un mot plus juste, si on devait dire toute la vérité. Il savait qu'elle garderait des séquelles, peu importe le temps écoulé. C'était un fait impossible à contourner. Mais il ne croyait pas qu'elle était à ce point à risque de faire une rechute dans ses plus sombres instincts de cette manière. Pendant plusieurs secondes, on aurait dit qu'il voyait tout se passer au ralenti, comme une scène de film en slow motion pour l'effet dramatique. Ses propres efforts avaient été récompensés, et deux créatures de plus avaient été enterrées sous les décombres. La troisième s'en était extirpée, désorientée, mais toujours aussi agressive en fin de compte.

Du côté des shinigamis, un troisième de ces énergumènes était arrivé sur les lieux, protégeant à la va-vite celui de ses compères qui semblait en prendre pour son grade depuis son arrivée. Ennemi ou non, c'était un peu triste à voir. Les shinigamis ne recevaient-ils pas pourtant tous la même formation? À moins que celui-là n'ait tout bonnement pas été assez aguerri pour la mission sur laquelle il avait été envoyé. Ce qui revenait à dire que c'était un choix tout simplement con, pour la peine. C'était bien la marque de la Soul Society, ça. Envoyer des bleus au devant de catastrophes inconnues, au risque de les voir se faire déchiqueter direct. Belle logique. Belle logique de taré, ouais.

Mais il avait déjà amplement à faire sans devoir se soucier du sort des dieux de la mort d'à côté. Qu'ils se sauvent eux-mêmes. Pour l'instant, il ne ferait pas exprès d'en vouloir à leur peau, mais il ne ferait rien pour les aider non plus. D'autant que... Muda avait sa façon à elle de compliquer les choses encore davantage.

Il ignorait si c'était ses paroles, les assauts, ou autre chose. Mais Muda était en mauvaise posture. À tel point que, recroquevillée sur elle-même pendant quelques secondes, elle venait soudainement d'imploser en une bête sauvage à l'aura destructrice. Il connaissait cet état. Même s'il ne l'avait vu qu'une seule fois, il n'aurait su l'oublier. La première fois qu'il l'avait vue. Enfermée, apeurée. La réaction d'une bête farouche à qui on tente de passer les chaînes, qui s'élance pour vous arracher la gorge à coups de dents. La seule différence, c'était que maintenant, elle venait de le faire au sens propre. Défonçant. Mordant. Arrachant, hurlant, pulvérisant. La noirceur au fond de son âme. La chose impie qu'il avait entrevue dans ses yeux le premier jour. La chose sanguinaire qu'il avait tenté sans relâche de calmer de repousser aussi loin que possible pour donner une chance à Muda de voir autre chose en son existence qu'une suite de carnages. Cette chose, tapie dans l'ombre depuis des mois, venait de saisir sa chance. Et de bondir de nouveau sur la scène.

Pas tant qu'il pourrait l'empêcher. Pas tant qu'il aurait son mot à dire.

Alors qu'il était sur le point de céder sous la pression de l'énergie qu'exultait Muda, l'irlandais laissa finalement éclater une charge de sa propre puissance spirituelle, écartant le plus gros du problème. L'air restait lourd, ses mouvements restaient plus difficiles à enchaîner. Mais ça ferait l'affaire. Sans plus attendre, le veinard en costard de s'élancer, attrapant une barre métallique sur le chemin. Pour la gueule des ennemis? Bah voyons. Comme s'il avait jamais été doué pour utiliser une arme. Même le baseball, il était à chier. Non, il avait d'autres plans pour tout ça. Comme foutre un bon coup sur la base fragile d'une poutre de soutien encore à peine valide dans la boutique. Cette étincelle, en plus d'une nouvelle vague d'animosité sous la forme de sa capacité qui foutait le boxon aux alentours encore une fois, ça irait occuper les bestioles qui assaillaient Muda avec un peu de chance. Fallait espérer ; après tout, il n'y avait même pas dix pas de course entre son départ et le moment où il empoigna Muda pour la soustraire à ses attaquants eux-mêmes assaillis. Espérant de tout coeur ne pas perdre une main par erreur dans le processus.

Ils disposaient de peu de temps. Probablement encore moins que ce que l'irlandais estimait, en fait. Mais il tenait à tenter de ramener Muda à un semblant de raison. Certes, elle ne l'avait pas attaqué dans sa furie. Pas plus qu'elle n'avait attaqué l'autre shinigami aux cheveux blancs qui l'avait guérie. Mais elle n'en demeurait pas moins en état de choc. Et capable de commettre des actes qui viendraient anéantir tous les efforts qui avaient été les siens depuis qu'ils s'étaient rencontrés. Il ne laisserait pas tout ça partir en fumée. Elle devait forcément pouvoir l'entendre.

« Muda? Muda, écoute-moi! Il faut que tu te reprennes! Reprends le contrôle! »

Profitant du très bref instant dont il disposait, Calum avait pris la peine de sortir un rouleau de bandages de sa veste. La technique de tranchées, mais elle ferait amplement l'affaire s'il lui donnait un coup de main. Et Muda en avait bien besoin. La douleur n'avait jamais été un très bon calmant pour qui que ce soit. Quelques secondes durant, il déroula le bandage d'une main experte, l'appliquant à une vilaine plaie visible sur le flanc de la jeune fille sous la robe déchirée. Au moins ça de moins à gérer pour la peine. Appliquant une main sur le bandage pour le parsemer d'une énergie dorée qui fit chauffer doucement le travail de soins sommaires, l'irlandais porta son autre paume à la joue de la jeune fille, essayant tant bien que mal de capturer son regard.

« Ne laisse pas la noirceur reprendre le dessus, Muda! Tu as fait trop d'efforts pour échouer maintenant! »

Il devait avoir quelque chose de suicidaire, quelque part. Un désir secret de mourir, ou peut-être simplement de voir jusqu'où il pourrait aller avant que son impétuosité ne lui coûte la vie. Car si on prenait du recul, il se tenait à un des endroits les plus dangereux qui soient, maintenant. Derrière lui, une bande de créatures assoiffées de sang qui ne tarderaient probablement pas à venir lui arracher les morceaux, histoire de la jouer casse-croûte. Et devant lui... la fille qui risquait autant de lui revenir que de l'éventrer, si ça se trouvait. Le truc, c'est qu'il en avait rien à carrer. Il se trouvait ici par choix. Un choix qu'il n'allait certainement pas commencer à regretter maintenant.

Car l'entreprise en valait la peine. Il le croyait réellement. Il se devait d'y croire, aussi fort que possible. Le regard fixé sur sa protégée. Indifférent à ce qui se passait autour de lui. S'il ne devait choisir qu'un seul but dans tout ce champ de bataille, il choisirait de sauvegarder son âme. De lui donner encore une chance de lui prouver qu'elle pouvait y arriver. Qu'elle voulait y arriver. Qu'elle y croyait elle aussi. D'une manière ou d'une autre.

Car si elle perdait la foi... alors tout serait perdu.



Spoiler:

Avancer. Ralentir. Qu'une douleur vive au moment de poser pied à terre la fasse grimacer. Sitôt, perdre l'équilibre, puis tomber. Le souffle court. Prise de fourmillements le long de sa jambe. Essayer de se redresser sans jamais y parvenir. Dans l'incapacité de détruire ? Bagatelle. Se traîner, tant bien que mal. Se traîner, sans ne rien percevoir de son environnement. Un environnement devenu bien abstrait. N'y voir que des traces d'énergie spirituelle plus ou moins familières. Dissolution graduelle de ces dernières, au point de ne remarquer cette menace approchante en son dos, s'accrochant à elle et la privant de tout mouvement. Captive. Impuissante. L'image d'un coffre, enfermée à l'intérieur.

-Je veux sortir...

Si encore elle n'était que réduite à l'inaction... D'au fond, s'y sentir en sécurité. Rappelée à une terreur ancienne, celle d'être sortie de la boîte. À la merci de son sadisme. Livrée à ses sautes d'humeurs. Brisée au moindre faux pas. Ne pouvaient-ils pas la laisser ? L'oublier ? Une force la happant. Qu'on la laisse dans son coffre... Le souhait irrépressible de demeurer dans sa coquille protectrice. N'être en mesure de cerner l'essence de cette coquille ; celle de la tenir tranquille tandis que le mal lui était fait. Qu'on la laisse... Une pression sur son bras. Une réaction de palpable. Un éclat suffisant pour réanimer l'étincelle. Son instinct réveillé, juste assez pour repousser ses agresseurs. À temps pour se déporter, lui épargnant la même déflagration que tout-à l'heure.

Sauvée pour autant ? Aussitôt assaillie par une dernière de ces créatures. Une coupure au niveau de son cou par où jaillit une effusion de sang. Tenir sa plaie, vacillante. Un pas de recul pendant que la bête revenait à la charge, allant pour tenter de la mordre. Une impulsion, et d'un coup d'épaule, la renverser contre terre. L'action dans l'action. Une synchronicité intuitive, loin du calcul qui nécessitait une lucidité minimale. À des lieux de cet état. L'esprit instable, en proie à la perdition. Entendre comme des éboulements autour d'elle. L'attention détournée, animant en elle la surprise au moment de sentir cette force la tirer hors de ce chaos. Néanmoins, n'être en rien libérée de celui qui paralysait ses pensées.

À l'extérieur de son cocon de chair, une voix bien connue, et pourtant inaudible. Assourdie par le tintamarre d'une cataracte de douleur. Visiblement apeurée. En danger... Se prémunir de ce danger... S'en défendre... Pour cela, détruire... annihiler... réduire à l'état de cendres toutes les potentielles menaces... Les plus proches d'elle. Proche. Le domaine des sensations. Atténuation de son affliction ; réelle mais minime au regard de celle virtuelle, encore vivace. D'être alors saisie. Son visage orienté par un autre. D'alors saisir le poignet fautif et serrer. Serrer pour l'écraser, le réduire en miettes. Simple prémisse à une fin des plus expéditives. Prête à incruster ses crocs dans le crâne du malvenu. Arrêtée au dernier moment... celui d'établir le contact visuel.

-... Calum ?

L'image d'un corps gisant dans son sang, prenant alors conscience qu'elle s'en repaissait. Un flash assez violent pour déclencher un spasme. Relâcher l'étreinte, l'air paniqué. Ses doigts l'effleurent sans trop l'oser. La peur prégnante d'avoir commis là une faute irréparable. Les yeux en larmes. Sanglotante.

-Non ! C'est pas ce que je voulais... Je jure... C'est pas ça... Je voulais pas... Excuse moi Calum ! Pitié ! Excuse moi !

Spoiler:

Spoiler:

Coucou, tu cliques ici, ca se déroule:

Surprise:

Spoiler:

Toutes mortes. Toutes explosées, par un plot twist auquel personne n'avait pensé. Maintenant que le silence était retombé, et entre ses pensées et la douleur de sa main dont les os démontraient une configuration toute nouvelle, Calum jetait un regard soudainement fatigué autour de lui. L'adrénaline retombait. Ses sens perdaient peu à peu de leur vivacité, pour revenir à ce qui aurait pu être considéré comme son état ''normal''. Ce silence était irréel, tellement il était tombé rapidement. Il n'avait même fait qu'à moitié attention à ce que tous les autres faisaient autour, frappant, découpant, écrasant avec hargne. Les derniers moments de cette guérilla sauvage en plein centre-ville s'étaient déroulés un peu comme sous l'effet d'un ralenti sous les yeux de l'irlandais. Car il prenait peu à peu conscience du massacre innommable qui venait d'être commis en ces lieux. Aucune guerre ne laissait pareille désolation. Aucun acte... humain ne pouvait laisser une telle horreur derrière. Et alors que le poids des morts venait peu à peu envahir l'esprit du jeune homme, le faisant presque oublier la douleur de sa chair, il se surprit à avoir honte de lui un bref instant. Pas pour avoir participé à ce désastre. Mais pour avoir cru ne serait-ce qu'un instant que ces créatures avaient mérité ce qui leur avait été infligé.

Ses pensées sombres furent cependant interrompues par une brusque pointe de douleur à la main, lorsque l'instigatrice bien involontaire de son état commença à se répandre en excuses bafouillées, les larmes aux yeux. La peur dans le regard. Là résidait, étrangement, le plus grand soulagement de l'irlandais. C'était bien elle. Par il ne savait quel miracle soudain, Muda était de nouveau... Muda. Et il ne pouvait qu'en être infiniment soulagé. D'une manière un peu maladroite, il tâcha d'esquisser un sourire en coin avant de lever sa main valide pour la poser sur l'épaule de Muda dans un geste rassurant, ramenant son poignet blessé contre lui. Un réflexe instinctif, sans doute.

« Ça va aller, Muda...ça va aller. Ce n'est pas ta faute. Je suis... » il grinça des dents une seconde sous la douleur d'un faux mouvement du poignet. « Je suis heureux que tu sois revenue. »

Il était sincère. Sincèrement heureux que tout se soit soldé... aussi facilement, en un sens. Qui sait, la situation aurait pu devenir bien pire. Muda aurait pu sombrer encore davantage. Et tous ces mois, tout ce temps et ces efforts à tenter de la faire prendre conscience du bon en elle... tout ça n'aurait été qu'un chateau de cartes balayé par le vent. Car il n'avait rien à foutre de ce que disaient les autres. Muda avait tout autant le droit que n'importe qui qu'on lui donne une chance. Une chance de vivre, plutôt que de simplement survivre. Un e chance de découvrir sa curiosité, ses envies, ses opinions. Ultimement, tout ce que souhaitait Calum, c'était de donner à Muda le moyen de décider elle-même du chemin qu'elle suivrait. Il ne demandait rien d'autre.

Mais il ne laisserait pas pour autant cette bête obscure reprendre le dessus à la première occasion comme ça avait été le cas aujourd'hui. Oh non. Elle resterait dans sa cage. Et pour de bon.

Mais dans l'immédiat, il allait devoir porter attention à son propre état. Son poignet droit, ainsi qu'une partie de sa main, avaient subi de plein fouet un écrasement digne d'un engin de construction. Et ça lui faisait un mal de chien. À vue d'oeil, c'était uniquement grâce à l'adrénaline qui ne l'avait pas totalement quitté qu'il réussissait à rester rationnel alors que son poignet ressemblait à une barre de métal tordue. Mesurant avec force sa respiration, l'homme d'affaires ramassa les bandages qu'il avait utilisé pas plus tôt qu'il y a deux minutes, et prit une dernière pause en fixant sa main. Une grimace passa sur son visage le temps d'une seconde. Puis vint la partie déplaisante : serrant les dents pour étouffer un cri de douleur, il enroula prestement les bandages autour de son poignet mis à mal, coupant ce dernier avec les dents pour finalement le fixer de façon sommaire. Et la touche finale. Précédant le geste d'un sifflement désapprobateur, l'irlandais appliqua la main sur le bandage, illuminant ce dernier d'une aura dorée caractéristique à l'homme.

Durant quelques secondes, une série de craquements sonores retentirent, alors que les os lentement replacés dans le poignet de Calum l'obligèrent à s'écrouler, front sur le sol, grognant avec force jusqu'à ce que le processus n'arrive à son terme. S'ensuivirent quelques longues secondes où le seul son ambiant fut celui des lourdes inspirations et expirations du blessé... qui se redresse finalement sur les genoux en espirant une ultime fois, le visage rouge. Rouge, mais de nouveau souriant. Un sourire empreint d'un reste de douleur. Cet humour macabre.

« On va quand même éviter de faire ça trop souvent, okay? »

Et l'homme de rire à sa propre blague, seul dans son délire à l'humour douteux. Pour finalement, d'un mouvement de tête subtil, porter le regard vers les autres rescapés des derniers évènements. Et le sourire de faire place à une moue complexée sur son visage.

Ces shinigamis. Malgré tout ce à quoi il avait fini par adhérer à force de côtoyer Melody et les autres, à force de voir les dégâts qu'ils laissaient constamment dans leur sillage, malgré tous leurs défauts... il ne pouvait nier qu'ils seraient sans doute morts, lui et Muda, sans leur présence. Oui, bon. Grosso modo, ça voulait juste dire que ça avait fait assez de proies pour que le nombre de créatures sur chaque personne reste gérable. Mais même avec cette pensée... Il leur était reconnaissant du fait de sa survie. La sienne, et celle de Muda. Même si Muda... allez savoir, elle avait bien plus d'expérience que lui en matière de survie. Mais bon. Là n'était pas la question. Les faits restaient immuables : encore une fois, quand la catastrophe arrive, les shinigamis sont dans le sillage. Ce détail, il ne pouvait l'ignorer. Les shinigamis avaient une influence nocive sur ce monde. Il ne doutait pourtant pas du fait que certains d'entre eux étaient habités d'intentions plus que louables. Mais le dicton le disait bien sans aucune aide : la route de l'Enfer est pavé de bonnes intentions. Le problème ici étant que c'était l'espèce humaine qu'ils risquaient d'emporter en enfer avec eux.

Mais bon. Il devrait se contenter de ruminer sur la question plus tard. Pour le moment, les shinigamis avaient déjà commencé à se regrouper, en vue de quitter les lieux. Bien. Ils s'en iraient sans y être invités. Ce serait au moins un point en leur faveur. Qu'ils rentrent, qu'ils se soignent. Et qu'ils restent chez eux, si le destin devait jamais finalement en décider ainsi. Sur ces pensées, l'irlandais releva une jambe, et se remit lentement sur ses pieds. Ses genoux protestaient vivement, soudainement bien ankylosés. Allez savoir pourquoi, hein. Et une fois debout, il se tourna vers sa jeune protégée, tendant sa main encore valide vers cette dernière en l'invitant à suivre.

« Allez, partons d'ici. On devrait aller à la recherche des autres, je suis prêt à parier qu'ils ne sont pas loin. »

Qui sait, après tout? Avec de la chance, ils tomberaient sur ceux qu'ils cherchaient dans le temps de le dire. Ce serait pas la première fois.



Spoiler:

Coucou, tu cliques ici, ca se déroule:

Une menace approchante sur son flanc gauche. Un regard de l'humaine porté en sa direction, bien neutre pour ce que semble lui promettre le macchabée. Simplement, n'apporter l'ombre d'une réaction. Prise au dépourvue dans une action, celle de s'assurer que rien n'avait été brisé entre elle et Calum. Un mètre de plus, et le regret viendrait la foudroyer. À la place, qu'une salade de bouts de cervelles vienne couvrir son visage, sans saveur, de la plus visqueuse des manières. Si l'on pouvait attendre de sa part l'offuscation, la plus prévisible des réactions ; ne se lisait sur son expression qu'une profonde apathie pour cette immondice venue salir sa peau blême et ses vêtements. Elle passerait au bain de toute façon. Et même au-delà de cela, la créature s'était déjà accommodé de bien pire, ce dont elle ne se vanterait pas.

Se tourner vers son interlocuteur, sans ne rien essuyer des morceaux de chair glissant sur ses cheveux poisseux, l'air inquiète. Qu'on lui parle en parallèle, plus particulièrement le shinigami aux cheveux d'argents à côté, elle ne lui prêta pas même un regard. Des mots de sa part ? Que rien ne lui soit parvenu. Littéralement absorbée par ce que lui dirait cet homme en réponse à l'erreur innommable commise quelques instants plus tôt. Des remords... remords assez terrible pour lui faire oublier le liquide tantôt rougeâtre, tantôt grisâtre que la Muda avalait par mégarde tandis qu'elle se mordait les lèvres. Pardonnée ? Pas pardonnée ? La fin ? Ça ne pouvait s'arrêter de cette façon... ça ne le devait pas... Ne le concevoir... N'être en mesure de se le représenter. Conditionnée à n'intégrer qu'un type de réponse.

Au terme de l'échéance, sentir comme une libération. Au début, intégrer l'information à grand-peine, puis esquisser un sourire. Seulement l'esquisser. Une ombre de retenue. Se retenir encore un peu, tant il lui était difficile d'assimiler qu'on puisse l'excuser si facilement. Nul piège ? Visiblement, son poignet le faisait souffrir le martyre. Une douleur de seulement le constater... Cette réponse... Ce qu'elle voulait entendre, le plus précisément du monde... Un subterfuge animé par la peur, cachant l'intention d'attendre des circonstances plus favorables avant de lui fermer la porte pour de bon ? Sourire disparaissant et réapparaissant alternativement. Incapable de discerner le vrai du faux. Ultime paranoïa ou lucidité crue ?

Éviter de le faire trop souvent... Le même type de réplique qu'il lui avait faite ce jour là. De l'ordre de l'absurde. Comme s'il était prêt à subir d'autres bévues de sa part, quitte à souffrir autant si ce n'était plus qu'aujourd'hui. Une pensée douloureuse, infiniment douloureuse. Fondre sur lui pour l'étreindre. Faire attention à ne pas trop serrer. Les larmes impossibles à contenir. Larmoyer et sangloter.

-Désolée... désolée...

Des mots donnés, a priori bénins, qui n'avaient jamais été aussi sincères. Que ça n'arrive plus. Simplement l'entrevoir la tétanisait. Plus jamais... Se jurer de ne plus jamais laisser cette situation se répéter. Du mal, il n'en n'aurait plus à souffrir. Promesse faite à elle-même si forte que ce qu'il venait de se passer alentours ne lui importait le moins du monde. Aucune ombre d'empathie, que ce soit pour ces combattants d'un autre monde venus les épauler, ou ces monstres massacrés de la plus froide des manière. Un seul élément important, l'attache encore intacte à ce qui pouvait s'apparenter à son tuteur, au mépris du dommage causé. Vue dans sa facette la plus glaciale, et pourtant acceptée. Désormais, l'effort devait venir d'elle. Un pacte tacite passé en son âme et conscience, celui de suivre cet homme où qu'il irait.

Techniques ultra secrètes de la mouvance: