Belle couronne. Toute propre sur la commode poussiéreuse, elle ressortait bien. Si sophistiquée, dans une pièce si insalubre… Pour être mise en valeur… Elle faisait presque tâche dans le décor. N’était-ce pas de l’irrespect ? Son ancien propriétaire aurait-il cautionné que sa coiffe se trouve dans pareille porcherie ? Une réflexion bêta nourrie dans une position bêta, assit en tailleur, l’index sur ses crocs, la tête bêtement inclinée sur le côté pendant que ses pupilles fixaient l’objet de ses soucis. Sa boîte crânienne s’incline dans l’autre sens. Ce serait plus beau mieux décoré, non ? Enfin, mieux décoré… Décoré tout court. Le jeunot se gratte le cuir chevelu. Oui, c’est une bonne idée, mais pour mettre quoi ? Des confettis partout par terre ? Des tableaux de clowns dépressifs ? Des meubles en chêne ? Mettre au propre le tout serait déjà un bon début… M’enfin, si déjà il avait un balai. Rien à faire, une seule route possible, celle du shopping. Cela impliquait que l’arrancar froussard devrait pointer le bout de son nez dehors.

Une nuque tremblotante, c’est le signe de l’appréhension ? Peu importe, il n’allait pas prendre le risque de se faire punir par son seigneur défunt. On n’est jamais trop prudent. Ainsi, tandis que le soleil peinait à apparaître sur l’horizon, le jeune vieillard quitta sa cachette pour se rendre dans la place marchande. Aussi risible ceci puisse t-il paraître, que les magasins soient fermés à 6h00 du matin n’était pas prévu dans les plans du pickpocket. Premier obstacle, il lui fallait maintenant improviser. Une présence intègre sa perception. Vite, se cacher… Derrière un lampadaire, le ninja improvisé espionne le passant. Ce dernier sort des clés puis déverrouille sa boutique.

À gauche, à droite, personne, Fuan s’incruste furtivement dans l’infrastructure. Qui sait, il trouvera peut-être des friandises dedans. Avait-il déjà oublié la raison de sa venue ? Fort possible. Damnation ! Le gérant revient ! Vite… Se planquer… Oh, un carton. L’arrancar aux iris d’opales joue au contorsionniste, rentre dedans puis cloisonne son refuge. Une vingtaine de minutes filent, le malheureux commence à étouffer. À l’extérieur, des sons inaudibles. Que se passe t-il ? Oh, tiens, ça bouge. Est-il… en train de se faire transporter ? Surtout… Ne pas bouger… Il était trop tard pour faire marche arrière. Se faire découvrir maintenant, dans pareille posture, ce serait signer son arrête de mort. Le candide en était persuadé.

Le temps continue de filer, l’impression de passer de véhicule en véhicule lui vient. C’est long… Comment s’occuper ? Une vraie torture de n’avoir aucun moyen de stimuler son esprit. Une seule issue contre l’ennui, recycler ses souvenirs. Oh… Qu’est ce qu’il ne ferait pas pour une bonne pâtisserie… Son estomac gargouille… Quand pourrait-il enfin sortir ? Combien de temps ça fait maintenant ? Deux heures ? Dix heures ? Vingt heures ? Il se sent rebelote porté. S’en est trop… Impossible de tenir plus longtemps. Le clandestin étouffe, explose. D’un coup, il s’étend en long et en large, sort du paquet avec une virulence telle que ses porteurs tombent à la renverse. Ces pauvres employés n’y comprennent rien, le paumé saute dans la fontaine à proximité pour s’hydrater. Fuient les passants, s’approchent les amateurs de phénomènes paranormaux, frise la crise cardiaque le bleu prenant enfin conscience du grabuge causé par sa faute.

L’immigré court dans tous les sens, grimpe au plus haut qu’il le peut dans l’optique de se mettre à l’abri de tout danger. Un soupir, Fuan rouvre les yeux. Les maisons sont minuscules de là où il se trouve. Le vertige le fait perdre l’équilibre en avant et tomber dans le vide. Un hurlement pendant qu’il se prenait en vol plusieurs barres de métal sur plusieurs centaines de mètres de haut. Mais c’est quoi ce gros tas de ferraille difforme ? Soudain, la lumière se souvient qu’elle peut amortir sa chute en concentrant de l’énergie spirituelle sous la plante de ses pieds. Un peu tardivement, il s’applique à ne pas s’écraser au sol comme un fruit rouge trop mûr. Étendu au sol, statique. C’est quoi cet endroit ? Les gens ne parlent pas, ils font du bruit. Le pire, c’est qu’ils semblent se comprendre. Mais par quel miracle ?

Ainsi s’amorça le long voyage d’un arrancar froussard qui, originaire du Japon, se retrouva du jour au lendemain au cœur de Paris. Une histoire qui ressemblait à celle de Némo, à la différence près que le périple se voulait ici terrestre. Le paumé, à la recherche de son foyer, affronte villes et villages, passe de la Grande Bretagne à l’Afrique du Sud, se perd dans la jungle, frôle la mort dans le désert du Sahara, passe un bref séjour au Moyen-Orient, un attentat suffisant à le convaincre de décamper au plus vite. Monde de dangers… Retrouverait-il un jour son nid douillet ? De l’aide… N’importe qui… N’importe quoi…

Un miracle frappe à sa porte, Fuan trouve sur son chemin une âme originaire du Japon. Cette dernière, prise de pitié par l’histoire grotesque du drôle d’oiseau, accepte de sacrifier plusieurs mois de son existence à reconduire le malheureux à bon port pour aussitôt après repartir en voyage. Une expérience éprouvante cuvée dans son lit. Le lendemain, assit en tailleur devant la couronne de son maître défunt, il inclinait la tête sur le côté. Ne manquait-il pas un petit quelque chose pour bien mettre en valeur son trésor ?