Les Maho Tsukaï... si jusque-là, le Soejima en avait seulement entendu parler, pensant qu'il ne serait pas envoyé face à l'un d'eux avant d'avoir engendré plus de puissance, le destin en avait décidé autrement. Une faction d'individus débordant de puissance, capable de ravager toute une organisation comme l'était le Kanshu, et d'enfermer leur leader. Rien que cela, c'était impressionnant. Quelqu'un comme Gesshin, tout nouveau membre de l'Espada, occupant l'un des rangs les plus bas dans cette unité d'élite, n'avait tout bonnement aucune chance face à l'une des Ombres. L'issue de son dernier combat, face aux clones matérialisaient par l'une d'elle, renforçaient cette idée. Et pourtant, même après avoir essuyé une sévère défaite et lourde humiliation, la Neuvième Lame ne perdait pas espoir de retrouver le fautif et de l'abattre.

Il lui ferait sévèrement payer, tôt ou tard. Et pour ce faire, il aurait besoin de se renforcer physiquement. Ce qui lui avait fait défaut face aux doublons, était son manque d'endurance. Il avait suffit de quelques lourdes techniques pour le mettre à terre, inconscient. Cela ne suffirait pas face à un monstre de l'envergure d'un Maho Tsukaï. Aussi, c'est avec en tête de trouver une personne en particulier qui l'aiderait à se renforcer qu'il traversait les interminables couloirs de Las Noches. Ni plus ni moins que la personne lui ayant fait la plus grosse impression pendant qu'il combattait à ses côtés. La Quarta Espada, Tibors Tiesce. Impeccablement vêtu, quatrième homme le plus fort des dix Lames du Roi Grimmjow, et surtout, un véritable mastodonte d'endurance.

L'homme avait ramassé le double de ses propres dommages et n'avait pas eu l'air d'être sur le point de flancher. C'est ce que le rouquin recherchait. S'il ne s'était jamais aventuré aussi loin dans les quartiers des Espadas, s'arrêtant à ceux de son ancienne maîtresse, il semblait déjà connaître le chemin. Aussi ne lui fallut-il pas bien longtemps, une fois sorti des corridors, pour se rendre face au Tiesce. Comme à son habitude, ce dernier ne manquait pas de classe. Le costume ravagé par la violence des assauts à son encontre avait été remplacé par un tout nouveau. A la différence du Novena, dont le corps portait encore les traces de l'affrontement, le sien était comme neuf. D'un signe de tête, il salua son interlocuteur, avant de se rapprocher de quelques pas.

Salutations, Cuarta. Et avant toute chose, avant que vous me questionniez sur la raison de ma présence dans vos quartiers, laissez-moi vous remercier de m'avoir ramené en un seul morceau au palais. Je vous en suis reconnaissant !

Sceptique, je regardai l’ouvrage. L’individu n’avait guère de charme, c’était évident : sa stature maigrelette, ses épaules voutées, son regard fuyant et sa mollesse malgré sa jeunesse, étaient autant d’éléments qui l’empêchaient d’imposer le respect à quiconque, et encore moins de se faire obéir. Quoi, c’était ça l’élite de l’élite ? Un maigrichon tout fluet dont le moindre coup de vent pouvait l’emporter loin, si loin que jamais le malheureux n'aurait une chance de revenir ? Et bien, si cela était vrai, le Monde Vide n’avait aucune chance face à ses adversaires.
Me renfrognant plus encore, je m’enfonçai davantage dans mon fauteuil afin de rendre plus confortable à cette analyse, d’en atténuer la pénibilité par le bien-être de mon séant. Mon regard se planta dans celui de l’homme qui, s’il avait été doté d’une quelconque personnalité, aurait senti peser tout mon mépris. Hélas, je me trouvai rapidement pris en défaut par le strabisme avancé dont il souffrait, et je ne sus finalement quel œil regarder, les deux suivant des axes impossibles, qui l’enlaidissaient jusqu’à créer le rire. Chose qui ne manqua pas d’ailleurs, puisque je ne pus m’empêcher de lâcher un ricanement grinçant où se mêlèrent dédain et pitié.

L’entrée de la Neuvième Lame dans mon salon détourna mon attention du portrait que je tenais en mains. D’un geste féroce, je froissai la feuille jusqu’à la réduire à l’état de boule minuscule. Ces Hollows étaient décidément nullissimes en expression artistique, ce malgré de m’avoir eu pendant plusieurs heures comme modèle. Un jour, je réussirai à faire naître des professions mais le chemin jusque là s’avérerait long. Immensément long.
Je pris sur moi pour ne laisser paraître mon émoi, posai le détritus sur la table devant moi, me levai pour accueillir mon hôte non-invité, et souris :

« Je vous en prie, mon cher, il eût été bien impoli de ma part de vous laisser là-bas, à la merci du premier prédateur venu. Vous méritez une mort plus digne, si je puis dire. »

Je ris de ma propre plaisanterie sans pour autant la trouver amusante. Les Lames du Roi changeaient sans cesse ces derniers temps, et je m’attendais à ce que Soejima Gesshin fût l’une des prochaines à bientôt nous quitter. Le bonhomme avait toute ma sympathie, mais cela ne suffisait généralement pas à les sauver. Bien que, à l’inverse, ceux que je n’aimais pas avaient tous connus une triste fin. Qu’interpréter de tout ceci, finalement ? Va savoir.

« Bien, bien, bien, dis-je en me frottant distraitement les mains. La reconnaissance étant exprimée, et comme elle ne semble pas être la raison première de votre venue, que puis-je pour vous ? »

Mériter une mort plus digne ? Les propos de la Cuarta arrachèrent un sourire au Soejima, cet homme devait bien être le seul dans ce palais à penser ainsi. Pour le roi Grimmjow, il n'était qu'un autre de ses nombreux pions, certes parmi ses dix les plus importants, n'empêche qu'il restait une chose remplaçable. Pour ses semblables, il n'était rien de plus qu'un énorme morceau de chair sur deux pattes, doué de la parole et quelque peu moins inoffensif qu'un autre. Aucun n'estimait de lui qu'il aurait le droit de mourir honorablement, définitivement pas. Cela faisait donc du Tiesce, si tant est que ce soit son intention, une personne d'estime. Par ses actes comme ses gestes, il prouvait bien être différent des autres Arrancars ne pensant qu'à leur propre gueule, pour parler vulgairement.

Merci encore.

Il était inutile d'en dire plus, le sérieux du sujet n'avait pas l'air d'être identique des deux côtés. D'autant qu'il n'avait pas fait le déplacement jusqu'ici dans le seul but de le remercier, comme si bien souligné par son interlocuteur.

Si je suis venu jusqu'à vous aujourd'hui, c'est dans l'intention de solliciter votre aide. Vous avez certainement pu le remarquer, je manque encore cruellement... de résistance. Oui, appelons ça ainsi, de la résistance. La vérité étant que si je ne me débrouille pas trop mal pour infliger des dommages à mon adversaire, celui-ci n'aura pas trop de mal à me mettre hors d'état de nuire avant d'être parvenu à l'inquiéter.

L'intégralité de ses combats pouvaient être utilisé comme preuves pour appuyer ses dires. Face à son ancienne maîtresse Lili, en deux échanges aux corps à corps, il avait mordu la poussière. Contre le Vasto Lorde Riful, il avait suffi à cette dernière d'élever la puissance de ses arcanes pour le clouer au sol. Et finalement, en opposition aux copies crées par la Maho Tsukai, l'histoire s'était répétée. Tout s'était déroulé à la perfection jusqu'au moment où il avait eu le malheur d'encaisser un assaut. Un autre plus tard, il tombait le premier. S'il en arrivait à perdre tous ses combats, ce n'était pas uniquement dû au fait qu'il n'était tout simplement pas au niveau. Sa faible capacité à encaisser les coups jouaient un rôle majeur. Et cet homme pouvait lui être d'une grande aide.

Aussi, pour palier à cette faiblesse pouvant être considérée comme majeur, j'aurai souhaité m'endurcir, afin de renforcer ce point faible et peut-être, en faire un point fort par la suite. C'est tout naturellement qu'il m'a cru bon de me tourner vers vous, après vous avoir vu à l’œuvre récemment. Sur-le-champ de bataille, rien ne semblait en mesure de vous faire tomber. Pourriez-vous me venir en aide, Cuarta ?

Je ne pus m’empêcher d’éclater de rire, mais moins par moquerie, que par une espèce de tendresse devant la maladresse de la Neuvième Lame. Ce grand nigaud, derrière ces airs de ténébreux mélancolique, n’avait visiblement aucune confiance en lui-même.

« En effet, je peux vous aider, répondis-je, souriant et aimable, il est de bon ton d’accorder de l’importance à sa propre existence, ne croyez-vous pas ? Si vous me permettez ce petit écart, je n’attendis pas la réponse pour continuer, tout ceci est affaire de choix.
Personnellement, j’ai toujours considéré qu’il valait mieux vivre longtemps que de chercher à emporter avec soi le plus de personnes dans la tombe. Vous avez privilégié ce dernier, moi le premier. Comme vous l’avez constaté, le vôtre est bien hasardeux : s’en remettre ainsi à la chance est risqué pour peu que votre force soit insuffisante pour vaincre.
Mais je suis sûr que notre collaboration pourra vous aider à résoudre ce travers. En revanche, si vous voulez bien m’excuser quelques minutes, j’ai peu à cœur à souiller mes vêtements une nouvelle fois. »

L’instant suivant, je me tenai face à lui dans une tenue qu’un de ces bœufs humains, suant et puant parmi les siens dans un de ces enfers malodorants où ils sculptaient leur corps, n’aurait pas dénigrée. Ainsi vêtu, je me sentais sale, impropre à l’admiration qui m’était due, mais mon sens du sacrifice l’emportait sur ma fierté froissée. Un véritable héros, en somme.
Pour autant, je ne pus m’empêcher de lancer un coup d’œil circonspect à la chose informe me tenant lieu de pantalon et à l’espèce de tissu sans manche qui m’enveloppait à peine le torse. Diable, tout de même, où avais-je pu trouver ces horreurs ? Je ne m’en souvins pas.

« Bien… Euh… Venez, dis-je à mon invité. »

Ma voix me sembla soudainement avoir perdu toute contenance et n’être plus qu’une espèce de bégaiement inaudible. Désireux de ne pas me ridiculiser davantage, je fis un geste à la Neuvième Lame en lui indiquant une porte. Je m’avançai en premier afin de servir de guide à mon hôte. Nous errâmes quelques minutes dans un dédale de couloirs pour enfin parvenir à une vaste salle dont la taille devait avoisiner celle d’un de ces terrains où les humains courraient en piaillant derrière un ballon. Un jeu curieux.

« C’est un peu exigu, navré. »

De nouveau moi-même (notre petite promenade m’avait aidé à relativiser : ce n’était pas le costume qui faisait l’homme), je tapotai amicalement le dos de la Neuvième Lame :

« Bien ! Comme vous n’êtes pas un enfant, je ne vous épargnerai donc rien. Aucune blessure, aucune douleur. Hormis ma forme primordiale, bien sûr, je n’ai pas l’autorisation de la libérer ici. Ce qui est bien dommage dans un sens, songeai-je en levant les yeux au plafond, elle eût été formatrice pour tester vos limites.
Toutefois, je pense qu’il est préférable de commencer gentiment. »

Entre deux gentilles tapes, un Cero se matérialisa au creux de ma main. Parfaitement en traître, je le libérai dans le dos du jeune homme, visant soigneusement à toucher le haut de son torse et son crâne. Dans un tourbillon de vêtements, je balayai le sol de mes jambes afin de le faire chuter. Dans mon autre main apparut un Cero qui fusa à son tour vers où devait se situer la Neuvième Lame. La déflagration (pitoyable) dispersa le carrelage en bris et en fumée. D’un petit bond en arrière, je m’écartai de la nuée de poussières :

« Du nerf, je vous interdis de mourir pour si peu ! »

Un sourire amusé étirait les lèvres de l'Arrancar tandis qu'il observait la nouvelle tenue de son interlocuteur. Comme quoi, sans ce costume fortuné et impeccable qui l'habillait constamment, il n'était pas plus transpirant de classe qu'un autre. Il n'était qu'un autre homme parmi tant d'autre. Pour autant, même s'il en tremblait d'envie, il ne se laissa pas aller à quelques paroles moqueuses. Le Tiesce acceptait sans contrepartie de lui venir en aide, il aurait été irrespectueux d'oser le railler. Qui sait, si cet entraînement portait ses fruits, ce serait à lui qu'il devrait ses futurs succès sur le champ de bataille. Il n'en fit donc rien. Pas plus qu'il ne pris le temps de répondre aux précédentes paroles de la Cuarta. Il se contenta de le suivre jusqu'à une autre salle, plus adaptée à ce qui allait suivre.

Exigu ? Uniquement selon vous alors, Cuarta. J'ai rarement vu plus vaste comme pièce que celle-ci. Il faut dire que mes appartements, même les nouveaux dû à mon nouveau rang, ne sont pas aussi vastes. Non clairement, il n'y a pas de quoi s'excuser, ce sera parfait.

Du regard, il examina brièvement les lieux, à la recherche d'un quelconque détail qu'il aurait été bon de prendre en compte avant que cela commence. Le combat. Car il s'agissait bien de cela, de se battre. Ou plus précisément cette fois, prendre des coups. Les encaisser, ne pas les repousser et surtout, ne pas y succomber. Résister, se renforcer. Peut-être se déciderait-il à en donner aussi, selon comment il ressentait les vibrations de l'affrontement à venir. Les quelques règles, si l'on pouvait considérer cela des règles furent énoncés, et le premier coup fut presque aussitôt porté. Ce qui s'apparentait à une tape amicale se transforma en un coup en traître avec l'apparition d'un Cero qui percuta le Soejima sans espoir de contre. Il n'était de toute façon pas question d'éviter les blessures.

Toujours est-il qu'il fut pris dans la déflagration et dans le reste de l'enchaînement qui suivi. Les jambes de Tibors firent décoller les siennes du sol et un nouveau Cero le frappa. Faiblard fut le mot qui traversa l'esprit de la Neuvième Lame. Ce n'était qu'un début, une façon d'engager le combat. Commencer gentil, comme il l'avait annoncé. Son corps percuta le carrelage, roula sur quelques mètres, avant qu'il ne décide de stopper sa course, laissant un rouquin quelque peu secoué. Il se força à ne rien montrer, se hâta de se relever et de planter son regard dans celui du brun. Quelques secondes s'écoulèrent, avant qu'il ne se propulse sur son opposant. Le bras droit, celui recouvert du fragment de son ancien masque, en retrait du reste du corps. Une fois à hauteur, il envoya le poing de ce même bras s'écraser sur sa cible.

Aucune tactique d'approche, simplement une démonstration de puissance brute. Frapper fort, sans réfléchir, tout simplement. Seul léger avantage, avoir des phalanges renforcées par ce qui reste d'un masque arraché d'une lointaine époque, ça aide forcément à faire mal à l'impact. Comme cette chose que les humains appellent poing américain. Cette pièce métallique destinée à ce que l'utilisateur cogne brutalement sans se péter les articulations. Ici, avec Gesshin, le principe est un peu le même, seulement ce n'est pas un poing américain qu'il possède, mais du hierro. Une seule frappe, pas plus. Il n'est pas là pour dépenser son énergie à faire saigner ce qu'il considérait comme son instructeur du moment. Aussi s'éloigna-t-il d'un bond vers l'arrière, solidement encré sur ses appuis, en attente de la suite.

Ne vous retenez pas, Cuarta.

Il se releva maladroitement, déjà ébranlé par ce timide assaut. Le garçon n’avait pas franchement tort à vouloir s’améliorer, pour peu, je l’aurais cru fait de papier. Toutefois, je pus lire dans son regard une étincelle de défi parfaitement réjouissante.

« C’est très bien, lançai-je avec enthousiasme, le secret, il est dans les tripes, dans la hargne !

Pour appuyer mon propos, j’accueillis son assaut les bras ouverts, en souriant. Son poing armé se fracassa contre le coté de mon crâne d'où jaillit un son tout à fait inquiétant. Ma tête ploya sous le coup, mais je ne bougeai pas, je tins bon, aussi immuable qu’une montagne. Je me redressai paisiblement, et fis fi de la douleur qui pulsait au niveau de ma pommette blessée, mais bel et bien intacte.

- Un joli revers, il faut dire ce qui est. Cependant, nous le savions tout deux, n’est-ce pas ? Ce ne sont pas vos qualités offensives qui posent problème. Venez, cessez de fuir. Approchez.

Mon énergie spirituelle explosa en une pesante déflagration. Ma confiance en mon charisme retrouva sa plus vivace intensité. Déjà imposant malgré ma défroque, je fus plus encore, et l’aura d’intimidation qui m’auréolait ne tarderait à plaquer au sol la Neuvième lame.

- Je vous prends au mot.

Je disparus d’un Sonido pour réapparaître face à mon petit camarade de jeu. Je le défiai de résister de toute ma hauteur avant d’envoyer ma main voler vers son visage en une gifle saisissante. Dans le même temps, mon autre poing fusa à son tour, mais avec pour objectif son fragile estomac.

- Dans les tripes, oui, voilà !

Je profitai de la surprise occasionnée par mes deux assauts consécutifs pour en porter un troisième. J’amorçai le geste d’une pichenette qui se plaça devant le visage du garçon.

- Prêt ? »

Je n’attendis pas la réponse. Mon index se libéra de son frein pour fendre l’air, jusqu’à l’espace du front, situé entre les deux yeux. S’il mangeait celle-ci de plein fouet, il allait la sentir passer. Comme il le souhaitait.

Dans les tripes ? C'est bien ce qui l'inquiétait justement. S'il allait chercher ce fameux secret avec ses tripes, il n'était pas persuadé de ne pas agir comme un animal sauvage. Ce qu'il ne voulait pas, qu'il réprimait depuis son arrancarisation. Selon lui, afin de devenir l'être parfait, il fallait se débarrasser de cet état primitif dont bon nombre de ses congénères pouvaient être habités. Tuer. Tuer, tuer, tuer. Cogner, cogner cogner cogner. Grogner, grogner grogner grogner. A ne pas se révéler capable de faire fonctionner sa cervelle, on en arrive à se faire écraser par la semelle d'un forcément plus malin, en mesure de penser, lui. Par ailleurs, même si la puissance ne faisait pas tout, elle suffisait quelque fois à asseoir sa suprématie. Le Roi Grimmjow en était quelque peu l'exemple parfait. Alors, entre force brute et ingéniosité, que fallait-il réellement choisir ?

Je ne vais nulle part, Cuarta.

Une réponse claire. Il n'avait pas l'intention de se dérober au dernier moment, en réalisant à quel point l'entraînement s'avérait douloureux. Aussi mal que cela puisse faire, jamais cette souffrance n'égalerait celle d'une défaite humiliante. Chose qu'il avait trop de fois connue par le passé. Lorsque le reiatsu du Tiesce fut libéré, le Soejima plia genoux jusqu'à en frôler les dalles de la salle. Ses mâchoires se crispèrent, ses poings se serrèrent et un effort colossal fut mis en place pour ne pas définitivement embrasser le sol de tout son corps. Il s'y refusait. Comme il s'y était refusé lors de son affrontement avec le Vasto Lorde. Il ne courbait pas l'échine devant n'importe qui, il fallait le mériter. Comme Aizen ou Grimmjow avant eux. Cette forte volonté, couplée à sa propre énergie spirituelle qui fut libérée, lui offrant un maigre soutien, furent salvateur.

Seulement, qu'il ne soit pas totalement incliné n'était pas vraiment sa plus grande préoccupation face à ce qui allait suivre. Il le savait, la pression spirituelle de Tibors le clouait sur place, entravant ses mouvements. Autre chose, elle l'affectait psychologiquement, le terrorisant. Exactement comme l'avait fait Riful. Maudissant cette pratique, il ne pouvait s'empêcher d'en admirer l'efficacité et l'avantage qu'elle offrait dans un affrontement. Il ne ménageait pas ses efforts pour ne pas finir à plat ventre, la sueur commençant à faire son apparition sur son visage. D'un vrombissement qui ne trompait personne l'utilisant, son formateur disparut un instant pour réapparaître proche de lui. Tout juste en mesure de lever les yeux pour les planter dans ceux de la Quatrième Lame, il encaissa la suite.

Une première frappe, une gifle, plus humiliante que douloureuse, offrant l'impression au Novena que le brun s'amusait encore un peu. L'ensemble de phalanges en revanche, lui ôtèrent cette hypothèse dès lors qu'elles s'écrasèrent sur son estomac, lui arrachant une grimace et une gerbe de sang. Quant à la pichenette... En plus de totalement le déboussoler à l'impact, elle l'envoya valdinguer loin en arrière à une vitesse affolante. Si la salle n'avait pas été aussi vaste, il aurait très certainement traversé un ou deux murs avant de terminer l'envolée. A défaut de quoi, il vrilla intensément dans les airs de longues secondes, avant de s'exploser sur les dalles et d'y exécuter une série de tonneaux. Le tout avait formé un modeste cratère au point de chute suivi d'un long sillon jusqu'au corps, immobile, de Gesshin.

Putain de... l'enfoi'... douloureux... 'tain.

Ces mots, entrecoupés par des toussotements témoignant de la violence de l'enchaînement, étaient l'unique chose permettant au Tiesce de savoir qu'il n'avait pas tué son élève du jour. En effet, ce dernier, allongé sur le dos, bras en croix, ne semblaient pas réellement animé par la vie. La vue troublée, un pic de douleur lui martelant le crâne, l'estomac en feu là où le poing avait frappé. Du sang coulait du coin de ses lèvres, retombant sur son cou et ses vêtements. Il regarda en direction de l'Espada responsable de son état, lui adressa un sourire catastrophique, avant de forcer son corps à se relever. S'il aurait voulu rester allongé, qu'on lui foute la paix le temps qu'il se rétablisse, il n'en avait pas le luxe. Il lui fallait faire de nouveau face, s'offrir en pâture au Tibors qui le frapperait encore une fois, testant ses limites à encaisser.

Je vais, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, me contenter de ramasser les coups, à partir de maintenant...

A comprendre par là qu'il ne tiendrait pas longtemps s'il lui fallait, en plus de subir, dépenser le reste de son énergie à en mettre autant dans la tronche de son opposant.

J’éclatai d’un grand rire en l’entendant maugréer du fin fond de son cratère. Son gracieux envol qui avait précédé sa brutale chute, et ses actuels marmonnements, peaufinèrent ma bonne humeur. Je ne sortirai pas grandi en tant que guerrier de cet entretien avec la Neuvième lame, c’était évident, mais au moins aurais-je passé un moment réjouissant à tabasser un garçon frêle et à la volonté farouche.

« Non, non, non, ce n’est pas ça la vraie douleur. Je me ferais un plaisir de vous initier à ses arcanes, mais je ne le puis, hélas, sous l’injonction de notre bon Roi. Une prochaine fois, peut-être !

Je marchai d’un bon pas jusqu’au pauvre bougre qui offrait bien piètre mine. Je me postai face à lui sans manifester la moindre intention de l’attaquer à nouveau, au contraire tout en sourire et en mines avenantes, poussant même la bonté à réduire complètement ma pression spirituelle :

- Votre acharnement vous honore, néanmoins, faisons une pause. Il est agréable de mettre du cœur à l’ouvrage, cependant le cœur seul ne peut compenser les faiblesses du corps.

Je posai un regard critique sur l’état de mon élève du jour. Il avait perdu sa fière allure en à peine quelques passes d’armes, ce qui n’était pas des plus valorisants pour une des lames d’élite du Roi. Au moins, n’était-il pas tombé inconscient dès le premier échange.

- Il existe bien d’autres moyens de vous défendre, que ce soit par votre vitesse ou les barrières. N’étant expert dans aucune de ces deux matières, je vais uniquement me focaliser sur votre résistance. Vous êtes cependant libre de vous orienter dans une autre direction si d’aventure vous ne constatez aucun progrès. Je tiens seulement à préciser que vous pouvez pallier à votre fragilité par d’autres biais. Aussi ne perdez pas espoir si cet entraînement ne donne rien.

Un petit discours se voulant rassurant, paternel, compréhensif, afin de flatter cette flamme brûlante dans les yeux de la Neuvième Lame. Avec une envie de vaincre pareille, ce garçon pourrait aller loin s’il y mettait autant de pugnacité que d’intelligence :

- Avez-vous déjà vu une cotte de mailles ? La peau de notre espèce est structurellement similaire, constituée d’un réseau complexe de filins d’énergie spirituelle qui la rend bien plus dense et solide que celle des Shinigamis ou humains. Pour vous améliorer, il vous faut visualiser ce réseau et en percevoir les flux internes. Puis, en déceler les faiblesses, là où la résistance y est plus tenue.
Faites, fermez les yeux, percevez votre être. La transcendance du corps passe par la connaissance de soi avant toute chose, conclus-je, bienveillant. »

Il s'en amusait. Il venait de lui étaler la tronche au sol d'une manière bien peu délicate et il s'en amusait, le sadique. Ou alors était-ce qu'il le trouvait si faible que cela en devenait risible. Quoi qu'il en soit, ce n'était pas très agréable à entendre, bien que pas nouveau pour le Soejima. L'initier à la vraie douleur ? Il n'en avait pas besoin, contrairement à ce qu'il pensait, Gesshin avait déjà eu un petit aperçu de ce qu'elle était réellement. Un combat qui remonte à des années maintenant, alors qu'il n'était pas encore intégré au sein de l'Espada. Debout, faisant face à un Tibors intact, s'improvisant entraîneur pour l'occasion, il écouta tant bien que mal ses conseils. S'ils étaient précieux, ce n'était pas pour autant qu'ils étaient totalement clairs. La faute à l'état physique dans lequel se trouvait le rouquin, sans doute.

Le problème Cuarta, est que ma vitesse est aussi pitoyable que ma résistance... Quant aux barrières, je n'ai jamais essayé d'en créer une, en sachant cela...

Il ressemblait au parfait petit soldat inutile. Le genre qu'on place en première ligne au champ de bataille, pour qu'il éventre deux trois ennemis, avant d'être transpercé par l'acier. Comment, par quel miracle, était-il parvenu à s'élever au rang de Neuvième Lame avec autant de faiblesses ? S'il ne le craignait pas autant, il serait allé poser la question au Roi Grimmjow immédiatement après avoir quitté le Tiesce. Encore fallait-il qu'il soit en mesure de traîner sa carcasse jusqu'au trône de la panthère. Si pour l'instant, on lui offrait un court moment de répits, en favorisant quelques un enseignement oral, il ne doutait pas que la pratique reviendrait sur le tapis prochainement.

Non, son exitence ne remontait pas assez loin pour qu'il ai connu le temps des cottes de maille, cependant, il avait sa petite idée d'où la Quatrième Lame voulait en venir. Visualiser le réseau de filins d'énergie spirituelles parcourant le corps. Pas aussi facile à réaliser qu'à énoncer. Fermant les yeux, tentant de se couper du monde extérieur, de ralentir les battements de son cœur, reprendre son souffle, Gesshin s'exécuta. Cependant, quand on en avait pas l'habitude, parvenir à ressentir le Reiryoku, pour ensuite espérer le solidifier, ou , n'était pas chose aisée. Tellement que, au bout de longues minutes de concentration, la Novena, totalement agacée par la stupidité de l'exercice, laissa tout exploser. Son reiatsu se manifesta en une onde de choc qui secoua la salle.

ROOOOOOOAAAAAAAAAH !

Sa chevelure flamboyante, désormais redressé en pics semblant vouloir toucher les cieux, l'aura entourant l'Arrancar ne s'était jamais révélée aussi impressionnante. Lui-même avait du mal à croire ce qu'il venait de faire.

J’écoutais le garçon avec un mélange de pitié et d’affection paternaliste imbécile. À l’’entendre, il n’était bon à rien, et force était d’admettre, hélas, qu’à part geindre avec un talent certain, il n’avait pas fait preuve de capacités martiales très élevées. J’avais vaguement souvenir de notre combat en commun contre nos sosies, sans toutefois conserver de lui une impression frappante. Un combattant correct, sans plus.
Comme je l’avais toutefois décelé, il était de bonne volonté, une qualité louable, pas suffisante pour faire de lui un guerrier exemplaire, mais du moins nécessaire à un tel projet.

« Oh, cessez de pleurnicher, vous faites partie de l’élite, vous méritez votre place, allons !

Je n’en étais pas totalement certain ceci étant dit, et je cachais bien de l’avouer. Je reculai de quelques pas afin d’appréhender entièrement ses efforts fournis pour mon petit exercice. Le résultat ne se fit pas attendre. J’observai décontenancé le garçon se métamorphoser en une déferlante d’énergie spirituelle qui me fit chanceler de quelques pas en arrière tant ma surprise avait été grande. Quand le souffle retomba, je lorgnai d’un air sceptique sa chevelure redressée en une couronne de feu.

- Ouiiii… mais non. Si j’avais voulu vous voir exploser, je vous aurais dit d’exploser. Vous ai-je demandé une telle chose ? Je ne crois pas. Enfin passons.

Je fis craquer mes jointures, ma nuque, et devins plus enjoué.

- Abandonnons l’endurance pour le moment, la régénération à présent. Un chapitre que j’apprécie fabuleusement !

L’instant d’après je disparus. Et le suivant, je fus sur lui en fendant l’air telle une masse, et m’écrasant sur lui, je ne rencontrai là que la résistance d’un mur de plume. Je sentis le corps du malheureux se compresser sous le mien avant de s’envoler dans les airs comme une pauvre créature désarticulée pour finalement s’abattre de nombreux mètres plus loin. Je le vis gesticuler vaguement puis ne plus bouger du tout. Je me déplaçai jusqu’à lui à grands pas en ressentant une petite pique d’inquiétude. Une fois à ses cotés, je fus toutefois soulagé de détecter encore son énergie spirituelle, quoiqu’affaiblie. En revanche, le garçon était bel et bien mal en point, inconscient de plus, et pour je ne savais combien de temps.

- Vous êtes décidément une sucrerie, mon pauvre enfant. »

D’un air maussade, je le balançai sur mon épaule avec l’impression d’avoir déjà vécu cette scène. Il ne me restait plus qu’à le ramener dans ses appartements tout en espérant qu’il ne me claquerait pas entre les pattes. Quelle merde.