La dimension nouvellement forgée par les Mahô Tsukai s’incarne en un palais gigantesque, infini, qui occupe tout l’espace, et s’étire jusqu’à l’horizon sans jamais cesser. Les lieux sont drapés d’orfèvreries rouges et or ; des teintures de tissus épais pendent des murs, illustrant des scènes grandioses toutefois indicibles à la compréhension ; les pièces sont vastes, richement décorées et meublées, et la salle du trône, située au cœur de l’endroit, ferait pâlir n’importe quelle autre demeure royale tant son faste et sa splendeur sont au-delà de toute mesure. Ici, chaque chose a été pensée pour imposer un sentiment de terreur révérencieuse dans l’esprit de ses visiteurs, inopportuns ou non. Les sons se répercutent dans les couloirs gigantesques comme autant de grondements de tonnerre, et le moindre geste, la plus tenue des respirations, semble suffire à éveiller toute la démesure du lieu.
Cependant, les qualités architecturales et esthétiques du sérail ne parviennent pas à cacher l’instabilité de la dimension qu’il occupe. L’édifice croît en continu ; il grandit, se module, s’étend ; de ses changements apparaissent des absurdités : des portes ne mènent à rien ou à des fosses sans fond, les couloirs se tordent sur eux-mêmes en des spirales mouvantes, de nombreuses chambres sont à l’envers ou repliées contre des plafonds trop bas.
Un palais, certainement, mais de pur chaos. Les règles physiques elles-mêmes sont modifiées, pleine de variables et d’aléatoires. Les distances sont faussées en permanence, et toutes aussi changeantes que le reste ; le temps se courbe, s’accélère ou se ralentit, parfois se fige en une boucle d’évènements qui se répètent ; des failles apparaissent ci et là, donnant sur d’autres mondes, jamais les mêmes, connus comme totalement exotiques, terrifiants dans leur nouveauté.

Cette création des Mahô Tsukai est malade, incontestablement, et ce malgré les efforts et le génie mis en place pour la construire. L’ensemble incarne une idée fabuleuse, pourtant défaillante, à l’agonie au sein de sa propre naissance. Cela se sent, cela se sait, cette dimension est un organisme mort-né qui s’acharne à vivre quand il tend déjà vers l’agonie.