Le Tercera passait le plus clair de son temps à Las Noches et à Nacimiento. C’était une chose normale quand on savait qu’il était le responsable de la sécurité de la cité, et que ses quartiers se trouvaient logiquement au palais du roi. C’était d’ailleurs là-bas qu’il s’y trouvait, venant de rentrer d’une ronde particulièrement longue. Ce n’était pas qu’il voulait faire du zèle, loin de là, mais en tant qu’être doué d’intelligence poussée, il se plaisait à marcher, à regarder les autres Hollows, à réfléchir. La marche dans Nacimiento était en somme quelque-chose qui ne lui était pas désagréable, bien au contraire.

Mais ce fut tout de même avec plaisir qu’il retrouva ses quartiers. Sa pièce était grande et ronde, mais très simple. Pas d’artifice, quasiment aucune couleur : digne d’un Espada Arrancar. A l’image du désert blanc… Mais cela lui allait bien, lui qui savait faire la part des choses. Une chaise restait une chaise, une table une table et il n’y avait au final que l’utilité qui importait, et non pas l’apparence.

Il soupira, repensant à cette mi-journée de ronde qui s’était bien déroulée. Les fidèles de Santo Pastor étaient de plus en plus nombreux, mais pourtant l’équilibre perdurait. Il y avait certes eu récemment un jour où une jeune Arrancar avait tué un Hollow. Mais c’était tout. Remarque, lorsqu’il y repensa, il ne put oublier la mort étrange des deux autres Hollows à forme animale. Qui avait bien pu leur appliquer la sentence ? Il était probable que le Tercera ait décidé d’en faire autant, puisque le calme et la prospérité devaient régner à Nacimiento. Mais tout de même, il n’avait pas aimé cette zone d’ombre.

C’est en soupirant une nouvelle fois, qu’il entendit quelqu’un frappait à sa porte. Probablement un de ses « serviteurs ». Il n’avait jamais aimé ce mot, et il trouvait d’ailleurs que ça ne collait pas avec la volonté de rassemblement que Sima et le Rey voulaient imposer. C’est pourquoi Aaròn avait toujours été plus ou moins respectueux avec ceux qui l’épaulaient tant que ces derniers faisaient de même.

─ Entrez.

Il se demanda tout de même qui cela pouvait bien être, en ce milieu de journée. Car il ne se rappela pas avoir eu le moindre rendez-vous.

Les événements qui s'étaient déroulés à Nacimiento avaient attirés l'attention de Téthys, l'obligeant même à intervenir. Ces Hollows avaient été détruits et la réputation de Sima grandissait. Pour autant, l'intervention d'un des membres de l'Espada avait permis de calmer les choses. Et si elle s'était éclipsée rapidement par après, elle n'avait pas pour autant oublié l'Arrancar en question. Ce dernier portait le nom d’Aaron Nada, actuellement Tercera Espada. Ce qui en faisait un centre d'intérêt supplémentaire pour celle qui était en réalité l'ombre de Santo. Garder un œil sur l'Espada était primordial pour elle. Car de ses observations, son Roi tirerait des conclusions. Et elle s'assurerait que personne ne puisse atteindre son Seigneur.

Mais comment approcher un homme qui faisait partie de l'unité la plus terrible de Las Noches ? Pour Téthys, s'infiltrer quelque part n'était pas difficile. Véritable spécialiste de par le don qu'elle possédait et sa formation passée au sein de la Seconde division, elle connaissait de nombreuses parades pour approcher ceux qui l'intéressaient. Pour aujourd'hui, elle savait déjà comment faire. Alors même qu'elle se dirigeait vers les quartiers du Tercera, elle activa son Shikai, modelant ainsi son apparence réelle. Son corps se mit à rapetisser, son visage à changer, pour finalement lui donner l'apparence d'une fillette. Étrange ? Pas tant que cela en réalité tant les Arrancars pouvaient revêtir bien des formes.

Enveloppée de son long manteau, elle prit le soin pour une fois d'abaisser la capuche. A quoi bon se cacher alors qu'elle avait de toute façon modelé son faciès. La poigne de son sabre dépassait légèrement de son manteau mais la lame elle-même était parfaitement camouflée, empêchant quiconque d'en voir la forme véritable. Et de deviner ainsi que la lame n'était pas commune. Quant à la justification employée, elle était tout simplement parfaite. C'est confiant qu'elle attendit que ce dernier l'invite à entrer. Ce qu'il fit sans attendre. Alors qu'elle s'engouffrait dans, elle salua l'Espada d'une courbette.

- Pardonnez ma venue, Seigneur Espada. Je viens en ma qualité d'intendante des affaires touchant Nacimiento. Je suis Iris. Des rumeurs nous sont venues aux oreilles en cette fin de matinée. Il semblerait que des troubles aient eu lieu durant votre ronde. Et j'espérais pouvoir en apprendre plus auprès de vous directement. Si cela ne vous dérange pas, Seigneur Nada.

L'administration de Las Noches était une chose nouvelle et certains Arrancars se voulaient être les relais entre le Roi et les exécutants. On ne pouvait avoir une ville sans gérer désormais des éléments de ce type. Prendre cette excuse n'était donc en rien absurde. Les Hollows aimaient colporter les informations, même sans les vérifier. Surtout depuis que Nacimiento avait vu le jour. Il n'y avait rien d'étonnant alors à ce que l'incident soit déjà connu. Et même s'il se renseignait par après, on ne pourrait rien lui confirmer : les différents intendants ne se concertaient pas.

- Je comprendrais que vous préféreriez attendre de faire votre rapport à notre Roi en personne. Je... Je souhaite seulement aider, Seigneur.

Penaude, elle abaissa la tête vers le sol, attendant que l'Espada lui accorde quelques mots. S'il la congédiait, elle trouverait une autre manière d'obtenir des informations sur lui. Mais la prise de contact était toujours primordiale.

Une simple fillette ? Si elle possédait le ton et l’apparence, son discours était tout sauf celui d’une gamine. Mais les Arrancars et les Hollows formaient une race des plus surprenantes. L’apparence était souvent source de rejets et d’autres effets du genre. Une fillette pouvait très bien être membre de l’Espada, et mettre au sol le plus robuste et imposant des Hollows. L’apparence ici, n’avait aucune importance, preuve en était son monde. Las Noches avait tout d’un monde froid et simpliste, alors qu’il était si riche et si complet. Non, il n’y avait aucune place pour l’aspect ici. Seuls les êtres trop primaires pourraient se laisser avoir par le physique.

Iris était venue en tant qu’intendante. Jamais le Tercera n’avait eu l’occasion de la rencontrer auparavant, du moins aussi loin que ses souvenirs à Las Noches remontent. Politesse, courtoisie, vocabulaire développé : cette fille était bien éduquée, mais ne semblait pas directement sous l’autorité du Rey, bien que tout le monde le soit d’une certaine manière. Elle semblait appartenir à une autorité propre à Nacimiento. Une cité sur laquelle Aaròn Nada s’était fait connaître de par le travail qu’il y effectuait très régulièrement et très sérieusement.

Mais effectivement, ce jour-là un évènement brusque avait pris de court le membre de l’Espada. Des Hollows extrêmement primaires avaient harcelé une jeune Arrancar qui s’était défendu en prenant la vie de l’un de ces derniers. Mais quelque-chose d’autre – ou plutôt quelqu’un d’autre – avait tué ceux qui avaient fui. Un mystère toujours à l’ordre du jour. De l’eau ou de la transpiration – en plus du sang - voilà tout ce qui avait accompagné les cadavres.

─ Et en quoi constituerait votre aide, une fois ces informations obtenues ? Je ne saisis pas très bien la nature de votre travail au sein de notre royaume.

C’était vrai, Iris s’était déclarée intendante des affaires de Nacimiento, mais c’était bel et bien l’Espada qui constituait l’élite sécuritaire de cette cité. Si la bonne volonté était présente chez la jeune fille, son objectif semblait moins sûr.

─ Que voulez-vous savoir exactement ?

Car même s’il décidait de remettre son rapport – chose qu’il avait déjà décidé de ne pas faire – il devait savoir qu’est-ce que la dénommé Iris voulait précisément.

Qu'il ne comprenne pas ce rôle, c'était une chose. Mais son attitude et le ton employé ne flouait pas la belle. Cet homme se méfiait d'elle. Et sans doute de toute personne qui s'approchait de lui. En sa qualité d'Espada, elle pouvait le comprendre. Et était même rassurée de voir qu'un tel homme pouvait prendre le temps de la réflexion avant de donner des informations. Celles qu'elle demandait n'étaient pas importantes, néanmoins, et elle comptait bien voir ce qu'il avait appris en cette journée. S'il suspectait la présence d'une entité parallèle, elle devait le savoir. Sans doute avait-elle agi avec trop de promptitude en éliminant ces rebuts mais son rôle exigeait qu'elle puisse agir, quel qu'en soit le prix. S'il s'avérait dangereux. Elle l'éliminerait. Tel était son rôle à elle, l'ombre de Santo.

Ce pourquoi elle gardait son attitude de retrait. Elle n'était qu'une âme envoyée pour collecter des informations. Ce rôle qu'elle s'était composée, elle le connaissait dans les moindres détails. Aucune hésitation dans l'attitude à avoir, aucun doute dans les propos qu'elle tenait. Car le doute causerait irrémédiablement sa perte, surtout face à ce type de personne. Ainsi inclinait-elle la tête en guise de soumission, comme si elle venait de faire une faute. Les Espada étaient craints. Il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'elle agisse ainsi. Surtout si elle venait de la ville sainte.

- Excusez-moi. Je... Je vais vous expliquer. Comme vous devez le savoir, nous mettons en place des règles afin que la ville ne sombre pas dans la décadence. Le Roi a été clair : nous ne devons pas nous comporter comme des bêtes. Mais certains Hollows ont du mal à respecter cette règle pourtant élémentaire, les instincts étant plus forts que tout. Ainsi, si la sécurité revient à l'Espada, l'organisation générale et la gestion du peuple appartient au Surintendant, sous la responsabilité de notre Roi. Si nous parvenons à savoir ce qui s'est réellement passé, nous pourrons essayer de voir si nous pouvons agir pour éviter que le problème ne se représente.

Toutes ces choses n'étaient que du bon sens. Et la plus stricte réalité. La police revenait à l'Espada. Mais la police comme toute forme d'autorité ne pouvait exister que si les structures le permettaient. Naciemiento n'en était encore qu'aux balbutiements. Téthys le savait. Puisqu'elle voyait la ville croître dans l'ombre.

- Ne le prenez pas mal, Seigneur Espada. Mais nous ne pouvons pas toujours nous en remettre à vous. Sans quoi, la ville n'a aucune chance de prospérer. Ce que nous souhaitons savoir, ce sont les circonstances de l'incident et savoir si, selon vous, il y avait des moyens matériels d'éviter que ça se reproduise ailleurs. Simple rixe, agression préparée ? Ce ne sont là que de maigres informations pour vous mais qui ont une importance extrême pour ceux qui ont en charge une ville naissante comme la nôtre.

S'il n'était pas réceptif et gardait les informations demandées pour lui, cela ne faisait rien. Il venait, de par ses attitudes, de donner de précieuses informations sur lui. Et c'était là la seule raison pour laquelle elle s'était présentée à lui. Santo et lui seul comptait.