D'un geste délicat le scientifique posa la petite puce en métal à la base de la nuque du volatile. Ce dernier, décédé depuis quelques heures, n'en sentait bien évidemment pas la froideur contre sa moelle épinière. Cependant, la scène n'était pas des plus ragoûtantes. Ashikaga Seito, dans une tenue des plus scientifiques, posa finalement la petite puce conter la colonne vertébrale du pigeon. Le geste effectué, il resta ainsi, immobile pendant quelques secondes. Puis, très doucement, d'abord, il commença à rire. Un rire très aigu, qui ne lui ressemblait pas du tout, et qui laissait transparaître un certain dérangement mental. Lorsque ce rire eut atteint son apogée sonore, il devint plus grave, beaucoup plus adapté à la physionomie du Shinigami. Celui-ci, en même temps que la baisse de ton de sa voix, fut pris d'une frénésie parfaitement contrôlée. Dans d'amples et rapides mouvements des bras, il recousu à la perfection l'épiderme de l'animal qui serait bientôt son cobaye. Avec des gestes tout aussi peu conventionnels, il continua son oeuvre en plaçant l'oiseau en position assise. Pour parachever l'oeuvre, il lui tapota amicalement la tête.

S'en suivit la seconde phase des opérations. Dans une valse effrénée et totalement dénuée de logique musicale, Seito commença à danser dans tout le laboratoire, activant au passage divers leviers, boutons, et autres mécanismes à l'utilité purement scientifique. Dans le sillage de sa valse folle furieuse, tous ces mécanismes s'activaient, déclenchant décharges électriques dans le laboratoire, jaillissements d'éclairs bleutés, le tout dans une ambiance purement délirante. Seito, finalement, mit ses lunettes de protection, dans une atmosphère d'orage cosmique. Gants en caoutchouc comme seule protection, il s'approcha finalement d'un énorme bouton rouge, semblable à un furoncle acnéique. Puis, solennellement, il se dit à lui-même:

"Geronimo."

D'un geste brutal, il écrasa littéralement le bouton. Un éclatement de foudre s'en suivit dans tout le laboratoire. Cependant, dans tout ce tumulte olympien, un élément témoignait du miracle quasi-divin dont avait été une fois de plus capable la science. Au milieu des éclairs, tel un fougueux aigle bravant la tempête, le pigeon, inanimé quelques minutes plus tôt, volait maintenant à travers le laboratoire dans un ballet des plus gracieux. Pris d'un fou rire guttural, Seito se précipita vers une rangée de leviers. Il en abaissa brutalement un. Le pigeon vira sur la droite. Il en leva un autre. Le pigeon s'éleva un peu plus haut. Enfin, il pressa un bouton vert bouteille. L'oiseau fit cette fois un looping, et piqua vers le sol. Riant de plus belle, Seito regarda la descente en piquet du volatile, et, au moment précis où il allait toucher le sol, il leva un troisième levier. L'oiseau redressa magnifiquement tout son corps disgracieux, et remonta vers le plafond. Au comble de l'épanouissement scientifique, Seito avait repris son rire frénétique.

Cependant, alors que l'oiseau passait à proximité de la porte du laboratoire, celle-ci s'ouvrit brusquement. Le pigeon fut projeté à l'autre bout de la pièce, beaucoup moins gracieux qu'il ne l'avait été jusque-là. Il vint finalement s'écraser lamentablement aux pieds de Seito. Celui-ci était figé, une expression mélange d'étonnement et de déception. Lentement, très lentement, il ôta ses lunettes, contempla le corps du pigeon, mort à nouveau, à ses pieds, puis, encore plus lentement, leva la tête vers la porte. Dans son encadrement était maintenant dessinée une silhouette féminine. Sans prendre le temps de réfléchir à ce qu'il faisait, Seito empoigna une seringue contenant un liquide d'un bleu azuré magnifique, et se rua sur la silhouette sombre, plantant là ou il y arrivait son arme.