L'immensité du désert blanc n'en finissait plus. A l'instar de cette dimension immaculée, les réflexions de l'Arrancar lui paraissaient sans fin. Ses pensées allaient vers l'ombre menaçante et faussement blanche de la forteresse de ceux qu'il se refusait à appeler ses "semblables". De sombres projets étaient associés, dans l'esprit de l'homme masqué, au château de Las Noches. Sa seule silhouette évoquait à Rams une cruauté et une soif de sang sans pareil, doublées d'une envie de pouvoir et d'un instinct colonisateur qu'il n'avait jamais autant ressentis. Et cette sensation était devenue plus qu'insupportable. Dans l'esprit de Rams, ce palais et la ville qui naissait autour de sa structure formaient une tâche.

"Et les tâches ne sont pas tolérables" pensa l'Arrancar.

Cependant, la vermine était devenue trop forte pour qu'il puisse encore pouvoir espérer l'annihiler seul. Sa force ne suffirait pas, il le savait. Non pas qu'il doutait de ses capacités. Il les connaissait, et les estimait à leur juste valeur. Et il savait que ses capacités ne suffiraient pas. Les parasites du monde blanc, dans leur folie pseudo-religieuse, avaient formé une élite de dix soldats d'exception. Et ceux-ci, Rams pensait qu'ils pouvaient tous rivaliser avec lui. Attaquer la forteresse seul relevait donc de la pure folie. D'autant plus que le souverain de cet édifice, le Rey, comme il était appelé par ses fidèles, était d'une force largement supérieur à la sienne, du moins il le supposait, d'après les témoignages qu'il avait pu recueillir. Aussi, l'Arrancar en était venu à une conclusion. Afin de faire tomber Las Noches, il aurait besoin d'une armée, ou du moins d'un groupe de personnes à la puissance suffisante pour repousser ceux qui se faisaient appeler "Espada".

Ces personnes il pensait les trouver dans un autre monde. Un monde qu'il avait déjà visité, par le passé. Ses habitants étaient tous semblables, bien que certains, il l'avait remarqué, aient une certaine aura, quoi que faible pour la plupart. Cependant, quelques-un de ces "Humains" possédaient une évidente force, et Rams souhaitait l'exploiter, à ses fins. Restait à trouver comment les convaincre de rejoindre sa cause. La réponse lui viendrait sûrement dans ...

L'Arrancar tendit son bras droit devant lui, dans le vide du Yermo. La main plaquée sur un invisible mur, il déchira la surface de la réalité en un trou noir, aux dents acérées. Avec la même monotonie dans ses gestes, il pénétra dans le trou béant, sans même jeter un regard derrière lui. A quoi bon ? Ce paysage, il ne le connaissait que trop pour vouloir encore le voir ...

Le bruit saccadé, mais rapide, des pas de l'Arrancar contrastait étrangement avec la générale lenteur de sa marche. Mais malgré ce manque d'exercice physique évident, Rams n'était pas rouillé. Il se déplaçait avec agilité dans le néant de l'Entre-Mondes, laissant derrière lui une traînée parfaitement arrondie, en son bout, de Reiatsu. Il pratiquait cet exercice sans avoir besoin de se concentrer dessus, aussi son esprit vaquait-il toujours à sa question primordiale: comment convaincre les éventuels soldats de rejoindre sa cause ? Difficile, pour un ermite du Hueco Mundo, de répondre à cette question. Il savait cependant que la force ne serait sans doute pas la meilleure solution.

Aussi, il aurait à trouver des arguments. Ce projet paraissait de plus en plus irréalisable, au fur et à mesure de l'avancée de Rams dans le tunnel de vide noir. Cependant, l'Arrancar n'était pas du genre à se décourager à la première difficulté, quitte à éluder cette dernière. Comment convaincre des Humains de l'aider ? La plupart d'entre eux ne devait même pas connaître l'existence de la dimension-mère de Rams. Aussi, il faudrait commencer par leur expliquer cette première subtilité. De plus, il faudrait expliquer pourquoi détruire ce régime orgueilleux, et le chasser du palais blanc. La raison qui poussait Rams à souhaiter cet acte était purement subjective. Cependant, il arriverait peut être à jouer sur la corde sensible ...

Perdu dans ses réflexions, l'Arrancar n'avait pas réalisé qu'il progressait rapidement à travers l'enfer vide. Et lorsqu'il leva la tête, au terme de ses pensées, il aperçut une lumière éclatante, qui l'éblouit. Tel un nourrisson, il n'était pas habitué à tant de clarté. C'est donc les yeux à moitié clos qu'il franchit le portail inter-dimensionnel.

Ses pieds se posèrent sur un sol étrangement ferme, et couvert de sortes de poils verts. La terre était bien étrange, aux yeux de Rams. Il avait tout son temps. Il chercherait les âmes les plus importantes, et tenterait de les rallier à sa cause. D'un pas déterminé, il se dirigea vers les hautes tours de béton de Tokyo, ville en perpétuel éveil ...