Un message. Tandis que l'Arrancar faisait les cents pas en se demandant quoi répondre. Car il ne s'agissait pas d'un simple message, non. Ca venait d'en haut. Pas du chef de l'organisation dont elle faisait partie. Le chef qui avait rassemblée ses épées. Celui que tout le monde appelait le Messager de Sima. Le Rey. Santo Pastor pour être tatillon sur les présentations. La tracasser au plus haut point. Si le message était d'une décision enfantine, le choix de la tenue l'importunait au plus haut point. Se faire belle, Aessa y tient beaucoup. Surtout si elle doit sortir voir une personne de l'envergure de Santo. Venant tout juste de s'installer dans une grotte aménagée par le temps, il n'y demeurait point encore toute la garde robe ni les bijoux que la Vedova avait ramené de son voyage dans le monde des humains. Quel voyage fantastique cela avait été n'empêche. S'y rendre avec la Septima lui avait permis de faire tout un tas de choses dont elle n'aurait jamais pensé ni osé faire seule.
Les rues de Berlin étaient tellement différentes de ce qu'il y avait à Las Noches... Tapant du poing contre la paroisse, l'Araignée se dit qu'il faut à tout prix profiter du message du Rey pour lui faire part de ses idées de décorations. Elle s'étonna elle même de sa réflexion. Elle qui n'aimait pas parler déco d'intérieur avant, il se trouve que maintenant ce n'était plus le cas. Comme quoi les avis changent, en plus des personnes.

Bon, qu'est ce que je vais mettre maintenant ? Cet ensemble bleu ? Une robe ? Une jupe ? Un short ? Raaah, trop de choix pour une petite fille !

Se tirer les cheveux pour une décision trop difficile. L'impression comptait dans un entretien, surtout la première. Tellement de pression à supporter qu'elle finit par balancer tout par terre, mettant quelques hauts en boule. Elle rangerait plus tard. Et pour ce qui est de la tenue, plus tard aussi. Se coiffer à présent. Avant de mettre sa tenue, quelle manque de savoir faire. Surtout que c'est une fille, elle devrait savoir ces choses la. Alala, que de coquetterie dans ce corps ! Une heure passa, et finalement elle est prête. Sa tenue : l'uniforme de l'Exequias, tout simplement. Un haut sans manche, près du corps et ouvert sur le devant histoire de mettre en valeurs ses atouts mammaires quasiment inexistants. Le bas reste dans le simple, mais gardant le style provocateur que la brune affectionne si bien. Et vu que son derrière est le seul atout féminin dont elle soit fière, autant mettre toute les chances de son côté ! De longues bottes lui arrivant jusqu'aux cuisses terminent cette tenue dont il aura fallu se battre contre la montre pour arriver à ce résultat.

Fringuée comme ca, il va tout m'accorder c'est O-B-L-I-G-E !

Adoptant une démarche de souveraine, la dame Arachnéenne s'y croit déjà. Mimant diverses expressions, elle prépare son jeu avant la représentation finale. Une bonne demie heure s'écoule. Puis vient le moment de tout vérifier, si rien n'a été oublié, tout remettre à sa place. Une petite heure de gaspillée. En fin de compte, trois heures avaient été nécessaire pour un entretien. Fallait que ca soit important, parce que tout ce temps perdu, c'était du temps en moins sur le dîner et la manucure qui suit ! En parlant de manucure... Oh et puis non, elle se ferait les ongles plus tard.

Direction le palais maintenant. Prenant soin de ne pas salir sa tenue, la veuve scrute les alentours pendant le trajet. Éviter les mauvaises rencontres, et surtout résister à la tentation d'un quatre heures. Palais en vue, à quelques mètres devant elle. Le trajet s'est bien passé, aucun trouble en particulier. La voila devant l'entrée. Se cachant pour finir d'enlever le sable qui s'était accroché pendant la ballade, elle commence à stresser. Mais peut importe, il lui faut avancer et rendre dans le palais. Le Rey n'attend pas. Se dirigeant vers les gardes de l'entrée, elle se permet de les regarder avec un air suffisant.

Le Rey m'attend les loulous. J'dois vite entrer, vous me laissez passer ?

Les deux se regardèrent, l'air hésitant. Quel toupet, être obligé de montrer l'invitation... Une honte ! Ca aussi elle allait en parler avec Santo. Après vérification, ils la laissèrent pénétrer dans l'antre de l'Illuminé. La décoration était superbe, Aessa prit note de lui demander des cours. Elle devait avoir la même dans son trou. Sa grotte. Son domicile, pour éviter les pensées mal placées de certains dont le nom sera épargné afin de préserver leur anonymat. Et à la fin du long couloir de l’entrée, elle le vit. Assis sur son trône, à attendre la venue de Sima, ou ne serait ce qu'un signe de sa part. Saluer son souverain d'un geste gracieux, la Vedova prend la pose et lâche une petite phrase gentille pleine d'humour.

Je ne suis pas le signe que vous attendiez venant de Sima, hélas pour vous... Ouais non c'était nul comme entrée, je l'avoue.

Elle se permet de dire cela avec un ton plutôt cynique, mais elle savait que cela était très risqué de jouer sur ce terrain. L'humour n'est vraiment pas un de ses points forts, il fallait qu'elle se le mette dans le crâne une bonne fois pour toute. Revenir aux bases désormais, savoir pourquoi elle avait été demandé. Montrer un respect profond pour cet être supérieur.

J'ai répondu à votre appel. Vous souhaitiez me voir, Rey ?

« Je souhaitais te voir, en effet. Il y a trois heures de cela ! »

La voix de Santo résonna comme le tonnerre entre les murs de la pièce. Il ne criait que rarement. Essentiellement, quand il était dans la fièvre du combat. En dehors des champs de bataille, il était, le pensait-il, d'une humeur facile et avenante. Mais la jeune recrue de l'Exequias avait trop tiré sur la corde, trop tiré sur sa patience. Et même en ne haussant que légèrement la voix, l'écho de la pièce lui donnait des airs de vacarme émis par les dieux. Le regard flamboyant de Santo se posa sur la frêle créature qui s'était présenté non seulement en retard, mais en plus avec une plaisanterie aussi stupide qu'inconvenante.

« J'ignore pour qui tu te prends, mais sache que toute convocation de ton Roi est prioritaire sur tout. Que tu dois te présenter devant moi dans les délais les plus brefs. Et non pas me faire attendre des heures durant. Je ne tolérerai pas une récidive, Aessa. »

La remontrance faite, Santo estima qu'il était inutile de se montrer sévère désormais. Il avait des choses importantes à discuter avec celle qui était devenue, après la disparition de Borick, l'Arrancar le plus fort de l'Exequias. Lui en confier les rênes ? Non. Trop jeune, trop peu expérimentée... et trop peu soucieuse de la ponctualité, par dessus le marché. Mais à défaut du blondinet, il lui fallait un interlocuteur dans la branche secrète de Las Noches.

« Passons. La disparition de Borick a fragilisé l'Exequias. Je compte sur toi pour faire de ton mieux pour contribuer à Las Noches. Vous n'avez plus de chef, mais j'ai transmis des ordres et vos activités ne devraient pas en souffrir. En particulier la surveillance des déserteurs. Connais-tu Freya, Aessa ? »

Ouais bon d'accord elle avait trainé. Mais avait il fait une remarque sur la tenue que portait Aessa ? Non. Au fond d'elle, la jeune Arrancar bouillonnait. Elle aurait tellement voulu faire un caprice, lui balancer ses bottes dans la face, aller les récupérer et se barrer hors du palais tel une princesse en pleurs. Il l'avait blessée intérieurement. Tout ces efforts, ce temps perdu, ce retard. Tout était la faute du Rey. A force de glandouiller sur son trône, il devenait vieux jeu, impatient. Qu'il sorte faire un tour dans l'immensité du désert, il en reviendrait grandi. Après avoir maudit Santo pendant quelques minutes, il fallait qu'elle dissipe tout malentendu. Aussi, elle accepta de dévoiler les causes de son retard.

Navré Rey, mais avec tout le respect que je vous dois, je me suis faite toute belle pour vous, voilà pourquoi je suis arrivé en retard. Je tenais à vous faire honneur, ce qui n'est pas le cas vu votre accueil. Ce retard sera le dernier, vous avez ma parole.

Oh que ca lui coûtait de prendre tout sur elle. Si ce n'était pas le nouveau souverain de Las Noches, cela ferait longtemps qu'elle l'aurait réduit au silence. Mais ceci resta un doux fantasme pour elle. Bien que passablement énervé par le comportement de l'Araignée, Santo entama une discussion qui s'avéra importante pour l'Arrancar dès les deux premières phrases. Disparition de Borick.
Se retenir de ne pas fondre en larmes. Des larmes de rage mêlées à celles du chagrin. Parti en mission pour ne plus revenir. Le contrat envers l'unité de l'Exequias était fragilisé, bien plus que sa force de frappe. A vrai dire, l'Exequias, en ce moment, elle s'en foutait pas mal. Derrière les trois heures de retard se cachaient une vile stratégie : feindre l'innocence en jouant sur son aspect juvénile. Pourquoi ? Le siège qu'avait laissé Borick, représentait un nouveau défi dans une partie assez reculé de l'esprit d'Aessa. Santo dit avoir envoyer des ordres à l'unité dont elle faisait partie. Du travail. Surveiller les déserteurs. Et un nom qui sembla si familier à la Vedova. Freya....

Si vous parlez de la fraccion de la Septima, bien sur que je la connais. Cette garce se croit tellement intelligente qu'elle se barre en m'insultant de monstre qui pense qu'à bouffer.

Commença alors un examen du corps, vérifiant si quelque chose n'avait changé sur ce corps si bien bâti. Surtout en bas. Quelques frayeurs sur le coup. A croire que Freya avait dit vrai. L'espace d'un instant, elle y a cru. Vengeance et haine doublée.

J'ai pas grossi hein ? Raaaah, cette merdeuse va le payer. On n'insulte pas la grande diva Aessa sans en payer le prix ! - s'adresse au Rey, reprenant un air sérieux - Vous voulez que je m'occupe d'elle, si j'ai bien saisi votre demande ?

Elle saisissait très bien la demande. Son tableau de chasse qui trainait dans son nid allait être bientôt garni de la caboche de la désinvolte idiote qu'était Freya. Un sourire carnassier fit son apparition sur le faciès de la Veuve. Oui, parlons de cette Fraccion qui préférait partir en courant pour survivre. Il y en a tant à dire...

Santo posa sa tête pleine de soucis, de questionnements, de plans stratégiques sur sa main. Il massa ses tempes lentement, prenant quelques secondes pour apaiser son esprit. Certaines fois, il se demandait si les Arrancars étaient réellement la forme la plus élevée et aboutie de son espèce. Un Hollow de base, sans don de parole et de réflexion, tout juste bon à détruire tout sur son passage, peut-être était-ce, d'une certaine façon, la forme la plus parfaite. Au moins se concentrait-il sur ce qu'il était né pour accomplir.

« J'apprécie l'effort, mentit Santo, mais je n'ai malheureusement pas le temps d'attendre que tu choisisses la meilleure robe à ta disposition. J'ai tout un peuple à guider et très peu de temps pour le faire, mes responsabilités importent plus à mes yeux que la couleur de tes escarpins. A l'avenir, présente-toi le plus prestement possible à moi. Ta diligence sera toujours bien plus appréciée que ta tenue, j'en ai peur. »

Voilà qui devait, l'espérait-il, calmer la vexation de la jeune recrue. Santo tentait toujours d'être le moins désagréable possible, pour s'assurer une fidélité sans faille. La première traîtrise était de ne pas voir son chef comme un être aimé. Il fallait éviter de faire glisser quiconque dans cette haine qui risquait de se faire grandissante. Si tout le monde appréciait le Rey, personne ne songerait à fomenter contre lui. Et compte tenu du caractère de commère d'Aessa, il valait mieux éviter de se faire détester par la petite peste.
Celle-ci avait, comme l'escomptait Santo, rencontré Freya et dressé son appréciation sur la jeune Arrancar. Apparemment, la dragonne avait le don pour se faire apprécier de tous.

« Demande ? Je n'ai adressé aucune demande pour le moment. En effet, Freya a bien déserté, mais a été assez sotte pour revenir à Las Noches et de se faire capturer. J'ai eu l'occasion de lui soumettre mon jugement et elle est à l'heure où nous parlons dans les geôles du Palais. Attendant que je vienne régulièrement lui rappeler que l'abandon de poste n'est pas compatible avec ma politique ».

Comme pour illustrer ce propos, les flammes qui dansaient dans la pièce sombre se ravivèrent, projetant une fumée sombre jusqu'au plafond. Le regard de Santo sonda sur la jeune femme, espérant qu'elle comprenne l'allusion. Peut-être Aessa réfléchirait-elle à deux fois la prochaine fois qu'elle se plaindrait à son Roi.

« Cependant, le simple fait qu'elle ait pu partir si aisément du Palais - entraînant avec elle la Septima Espada - me pose problème. Je ne peux permettre des départs impromptus, surtout si ceux-ci pénalisent la défense de Las Noches et de Nacimiento. Je ne peux tolérer la fuite de soldats, qui pourront être capturés et interrogés par l'ennemi. Nous avons eu de la chance cette fois-ci. Je ne veux prendre aucun risque la prochaine fois. »

Santo n'indiqua cependant pas exactement la raison de la présence d'Aessa ; même si celle-ci devait s'en faire une idée assez précise désormais. Il voulait d'abord laisser à la jeune araignée le temps d'enregistrer ce qu'il venait de dire, de réagir si elle le souhaitait... et d'anticiper sa future demande.

L'effort fait par la demoiselle, Santo dit l'apprécier. Même s'il disait cela pour arrêter de parler de fringues, Aessa s'en fichait. Il allait bien finir par reconnaitre un jour son goût pour la mode. Celle ci étant pas du tout exploitée à Las Noches, avec un peu de temps et de patience, elle s'imposerait. D'abord pour les filles, après les garçons. S'ils se sentent d'y participer. Imaginez juste Santo en costume. Vous voyez le potentiel un peu ? La brune jubilait intérieurement. Mais il fallait quand même rester dans l'idée de montrer que ce sont bien eux la dernière branche de l'évolution.

Bien. La prochaine fois je viendrai directement. Que je sois en haillons ou entièrement nue ne vous dérangera sûrement pas alors. Tant que je viens à l'heure.

Une once de provocation, en plus d'une pointe d'amertume dans l'intonation. Déçue encore par ce manque d'implication dans la vie de ses soldats. Certes, la tenue vestimentaire n'entrait pas trop dans la ligne de compte, mais quand même. Avec toutes ces gonzesses à son services, il pourrait faire au moins semblant de s'y intéresser !

Si vous me permettez une dernière remarque, j'vous dis ça sans aucun reproche à votre égard. Les femmes se montrent attentives à chaque chose, et sont capables du pire pour se venger. C'est pourquoi je vous conseille d'être un chouïa plus charmeur avec nous. Même si vous ne le pensez pas. Un sourire ou un compliment, ca représente rien. Mais ca fait toujours plaisir.

Ce problème la étant réglé, elle pouvait se concentrer sur ce qu'avait dit Santo sur Freya et autres. Ainsi cette idiote avait fini en taule. Bien fait. Une petite visite ne serait pas de refus, histoire de se distraire. Par demande, elle voulait dire s'occuper de Freya plus tard. Ce dont le Rey parla, à propos de la désertion. Cette foutue grognasse avait emmené sa maitresse sur terre sans prévenir qui que ce soit, ce qui avait provoqué une merde pas possible au palais. Normal qu'elle ait fini au bagne. Si l'Araignée avait été à la place de Santo, elle l'aurait mise à mort pour un acte aussi irresponsable. Se priver d'une fraccion ca passait encore, il y en avait pleins qui demandaient la place de la borgne. Il n'empêche qu'Aessa se faisait un peu de mouron pour la Septima. C'était un peu devenue quelqu'un d'assez important pour elle. Les boutiques à Berlin, c'était Lies qui l'avait emmenée.

Qu'allez vous faire de la Septima ? Si j'ai bien compris et lu dans les lignes, vous me demandez de surveiller les allées et venues de chaque Espada et autre vous servant ? Une sorte d'agent secret, joué par moi.

Elle s'y voyait déjà, en tenue moulante noire, à l'affut de chaque geste de travers que pouvaient faire les zigotos de l'Espada. Achever les mourants, se délecter de leur dernier soupir... Hmmm... Un délice. D'un coup, elle se redressa et les étoiles pleins les yeux. Armé d'un sourire charmeur, elle commença à jouer avec ses cheveux observant sa réaction face à la question qu'elle va lui poser dans 3...2...1...

C'est quand que je commence ?

Jouer avec son charme, elle savait le faire. Mais ca marchait pas toujours. Tout dépend de la personne en face. Et Santo, c'est pas un novice.

« Se venger ? »

Le mot avait déclenché en Santo un interrupteur. La première remarque pleine d'insolence d'Aessa, il l'aurait laissé passer - en gardant cependant en mémoire son manque de respect vis-à-vis de son Roi - mais la suite dépassait les limites. Santo était bienveillant. Mais sa bienveillance connaissait aussi ses limites.
Son Reiatsu explosa dans la pièce, la plongeant dans une chaleur suffocante, densifiant l'air.

« Je n'ai pas à être charmeur. Je suis votre Roi ! Vous me devez obéissance et respect et je n'ai pas à supporter tes caprices de princesse. Garde tes conseils Aessa, et rappelle-toi quelle est ta place. Adresse-moi à nouveau la parole avec cette insolence et tu iras croupir avec Freya, et dans le même état qu'elle. »

La pression spirituelle diminua lentement, mais un reliquat continua d'appesantir l'atmosphère, comme un rappel que la fureur d'un Rey pouvait faire de sérieux dégâts. Aessa semblait avoir oublié sa position et ses allégeances - et oublié que son Roi avait toujours le dernier mot. Santo devait sanctionner ses manquements, avant qu'elle ne s'imagine pouvoir le défier.

« J'espère ne pas avoir à sanctionner des paroles trop facilement prononcées, Aessa. Revenons-en à la raison de ta venue. J'aimerais en effet que tu t'assures que la Septima a bien été contrainte et forcée de quitter le Palais. Je n'ai pas beaucoup d'inquiétude à ce sujet, mais je préfère avoir une confirmation. Tu commences dès maintenant. Je chargerai d'autres personnes de surveiller le reste de l'Espada. »

Originellement, Santo comptait lui confier un peu plus de responsabilités. Mais son comportement quelques minutes plus tôt avait refroidi cette intention. Aessa n'était pas assez contenue pour que le Rey lui donne plus de travail. Elle devrait d'abord faire ses preuves. Considérer que parler comme elle l'avait fait à son supérieur suprême était une tentative de suicide assisté des plus maladroites. Le dirigeant l'observa avec sévérité du haut de son trône ; il espérait qu'elle avait compris sa leçon et ne commettrait pas l'erreur de s'entêter dans le défi envers l'être le plus influent de Las Noches. Elle perdrait, forcément.

Elle y avait été un peu fort sur ce coup là. Oubliant qu'elle parlait à la personne dont le sort de l'Exequias dépend aussi. La chaleur qui s'installa d'un coup dans la salle rappela à l'Araignée qu'il valait mieux faire profil bas, du moins pour le moment. Posant d'abord un genou, puis les deux, elle se retrouva affalée sur sol. Les dalles lui brûlaient la peau, mais elle ne pouvait rien y faire. Se contenter de se plier à la fureur passagère du Rey. La pression diminua beaucoup, mais resta quand même présente, pour servir de moyen de dissuasion de répliquer. De toute façon, Aessa ne pouvait pas faire face à la domination de Santo. Elle n'en avait pas les moyens, et c'était bien là la dernière chose à laquelle penser.

A chaque fois, la fille se bat pour rester en vie. Passer sa vie à l'affut d'une créature plus faible, elle avait l'habitude. Mais Santo Pastor ne faisait pas partie de cette catégorie. Rien que ce qu'il venait de faire, la brune savait qu'il ne fallait tenter le diable. Se taire, ne plus dire un mot sur ce qu'il venait de se passer. L'araignée avait beau être une prédatrice, elle restait une proie pour les autres. Risquer sa vie pour une broutille était clairement pas la meilleure chose à faire. Santo prenait son rôle très au sérieux, et ne comptait pas changer son planning pour écouter les caprices de la jeune fille. Ca au moins, c'était dit. Et puis elle n'avait surtout pas envie d'aller en cellule, surtout s'il y avait Freya avec elle. Aller en prison, c'était comme si elle était mise dans le même panier que la Fraccion. Et ca, elle ne voulait absolument pas à y être.

Bien.

Seul un mot parvint à la gorge sèche de la Veuve. Avalant plusieurs fois sa salive pour tenter d'humidifier au maximum, elle savait qu'elle devait prendre ces menaces comme des conseils. Elle regretta ses paroles, mais son système de hiérarchie restait primaire, à savoir le plus fort gagne et le reste la boucle. Certes, Santo aurait pu faire preuve d'un peu plus de patience. Mais Aessa aurait pu aussi éviter de l'agresser verbalement, surtout en employant ce mot si dur qu'est la vengeance. Pas moyen de retourner en arrière, il fallait accepter cet avertissement. Le Rey était une proie inaccessible pour l'Araignée, il fallait se faire une raison.

Le reste de la discussion, Aessa l'écouta en silence. Si elle restait digne en apparence, il n'en était rien à l'intérieur. Elle aurait pu tomber en larmes sur le sol, énumérer en nombre toutes les fautes qu'elle avait faites tout en demandant son pardon au Rey. Mais il ne fut rien de tout cela, sa fierté l'en empêchait. Bonne chose, mauvaise chose, peut importe.
Il fut question après du travail que voulait lui confier Santo. S'assurer que la Septima avait bien été contrainte de quitter Las Noches. Oui, Aessa avait entendu parler de cette histoire. Celle où un membre de l'Espada descend sur Terre suite au départ d'un de ses servants. Et bien sur, Freya était l'heureuse personne.

Ce sera fait. Ce sera tout ?

Une pointe d'amertume, une once d'agressivité refoulée. Dès qu'elle quitterait le palais, elle allait relâcher tout ce qu'elle avait encaissé lors de cet entretien. Pouvoir tout dire, tout faire, laisser éclater sa rage. Au final, la jeune fille se rendait peu à peu compte de ce que représentait la vie en société, gouvernée par quelqu'un. Un enfant entrant dans le monde du travail sans un soupçon d'éducation. Voilà ce qu'il lui fallait pour calmer toute l'animosité dont elle faisait preuve. Borick avait laissé un grand vide, tant au niveau professionnel que sentimental. C'était quand même lui qui était venu la chercher, qui l'avait rallié à sa cause. Une larme, puis deux. Aessa s'était laissé submerger par l'afflux d'émotions provoqué par ce qu'il venait de se passer. Elle qui avait tout fait pour ne pas connaitre cette situation, elle avait honte à présent.
Jouer avec le feu n'avait fait que lui poser des problèmes aujourd'hui.

La menace avait porté ses fruits, semblait-il. Malgré des siècles d'évolution, malgré leur forme parfaite d'Arrancar, malgré toute la civilité dont savait faire preuve Santo et malgré un système hiérarchique clair - malgré tout cela -, il fallait encore faire la démonstration de sa force pour obtenir le respect. Constatation déprimante. Taper du poing, sur la table ou sur le visage, pour calmer les rebelles. Aessa avait déçu le Roi, c'était peu de le dire. Ce dernier n'oubliait pas facilement. Rancunier ? Non, car elle pourrait racheter sa faute ; mais cela n'effacerait pas pour autant cet affront.

Revenue à l'état humble qu'elle aurait toujours dû conserver, elle était matée ; ou alors elle faisait semblant. En tout cas, son air frondeur s'était éclipsé et c'était la meilleure chose à faire. Santo ne menaçait qu'une fois. Et elle était chanceuse qu'il n'ait pas sévi directement. Il distingua à la lueur des flammes des larmes. Nulle compassion dans le regard du Rey. Elle était instable. Il n'aimait pas l'instabilité. Un comble de sa part.
L'aura de Reiatsu ne faiblit pas ; et elle ne faiblirait pas tant qu'elle serait dans la pièce, comme un rappel que la Salle du Trône n'était pas un lieu accueillant pour elle désormais. L'entretien était terminé et il aurait pu bien mieux se passer. Sans Rosalie, Santo aurait pensé que toutes les femmes en ce Palais étaient soit des traitres, soit des cruches. Un bilan bien misogyne.

« Ce sera tout. Reviens vers moi avec tes conclusions. Tu peux partir. »

Comme répondant à ses paroles, les portes s'ouvrirent, une invitation à quitter les lieux et à méditer sur ce qu'elle avait fait. Le regard brûlant de Santo ne la quittait pas. Il lui donna un ultime conseil avant qu'elle ne disparaisse de sa vue.

« Tu as beaucoup de potentiel, Aessa, et tu pourrais devenir un élément important de mon armée. Mais corrige ton comportement. »

Seul point positif de cette réunion, le fait que Santo ait reconnu les capacités de l'Araignée. Du potentiel, elle savait qu'elle en avait, comme tout le monde. Restait plus qu'à éveiller tout ça au bon moment. Santo resta assis sur son trône, tendant juste la main en guise d'invitation à partir. Elle l'avait déçu, pour un premier entretien. Mais maintenant, il ne pouvait rien arriver de pire. Une sorte de plan mis en œuvre pour partir de loin et se rapprocher de son suzerain. Risqué, il a failli lui couter la vie. Mais avec cela, Aessa a un aperçu sur le comportement du Rey. Pouvoir rester dans l'ombre de celui dont le corps est tout le temps muy caliente.

Si Aessa avait du caractère, c'était pour sortir du lot. Ne pas se contenter de ressembler à toutes ces greluches en admiration devant l'homme barbelé. Et elle allait lui montrer qu'elle n'était pas aussi bornée que durant cet échange. L'Araignée apprend vite de ses erreurs. C'est exactement comme sur le terrain. Si une technique ne marche pas, il ne faut pas s'enfermer dans la facilité en disant que cela ne marche pas. S'adapter est la meilleure option. S'écraser pour l'instant, recueillir des informations puis grandir en prenant sur soi. Le prochain entretien sera bien différent de celui là. Ca, c'est sur.

Je vous remercie de m'avoir écouté.

S'inclinant devant lui en signe de respect, Aessa se dirigea vers l'extérieur du palais. Chercher du regard le premier hollow qui entrerait dans son champ de vision, puis se ruer sur lui. Cette fois-ci, pas de bol pour lui. La pauvre bête n'a pas le temps de comprendre ce qui lui arrive et déjà les doigts tachés de sang de la jeune Arrancar pénètrent la future carcasse. Accompagnant tout cela d'un rire à glacer le sang, la Vedova se sert de la créature agonisante comme un défouloir.

Alors comme ca, t'aimes pas qu'on te parles avec insolence, mon cher Rey ? J'vais t'en foutre moi, du respect !

Et le spectacle ragoutant continua, laisser libre court à sa folie, se libérer l'esprit de toutes les pensées négatives accumulées pendant l'entrevue. Tout cela est orchestrée d'une telle façon que la brune se retrouve vite essoufflée. Devant elle, des bouts de chairs, d'os, quelques dents. Il ne reste plus rien de ce qui fut un résident de ce désert blanc, excepté une flaque rouge pâle dont Aessa se trouve en plein dedans. Ses vêtements sont entachés, mais c'est le cadet de ses soucis. Reprenant un rythme normal, elle se releva et partit tranquillement, comme si rien ne s'était passé. Un sifflotement se fit entendre, avant de retourner chez soi. Libérée, délivrée. Oui, comme la chanson de la Reine des Neiges. Sauf que là, c'est plutôt la Reine des Sables. Mais ce titre ne lui sied guère. Elle n'a pas encore les capacités pour se prétendre souveraine de quoi que ce soit.

Libérééééée, Délivrééééééééée: