Terrain:

Eimi:

Un élan de liberté vite contrarié. À peine le seuil de l'amphithéâtre fut-il franchit que l'échec panhellénique devint de notoriété publique, une cohorte romaine attendant les deux spartiates victorieuses dans l'optique de les maîtriser, toutes amoindries qu'elles étaient. Une opération réussie... mais quelle vétille au regard du bilan global... Si l'invasion grecque venait d'être matée, cette dernière avait laissé derrière elle une Rome en ruines. Leurs capitaux – les champions du Colisée – écrabouillés autant au figuré qu'au sens propre dans l'arène même. Une cité en crise qui se devait de trouver une solution prompte et efficace en vue de renflouer leurs caisses et ce, avant que ne leur tombe dessus les créanciers barbares. Là-même, tout un intérêt à recruter, le plus rapidement possible, de nouveaux gladiateurs.

Une invasion barbare ? Une histoire réécrite. Le miracle palatin lisait-on dans les manuels d'histoire. Des jeux promis à une popularité éternelle, touchant des masses de plus en plus éloignées pour en bout de ligne conquérir leur cœur, diffusant la pratique jusqu'aux confins du monde civilisé. Une affaire si juteuse que la pythie assurait deux millénaires de prospérité à un empire couvrant désormais l'ensemble de la terre des hommes. Une vision que le temps lui-même ne sut porter à discrédit.

2051

Deux mille années pendant lesquelles chaque continent, chaque province, chaque cité faisait émerger son champion dans l'unique dessein que de fournir au peuple son opium, ce pourquoi la paix tenait bon. Des orgueils blessés, apaisés ou confortés chaque décennie. Une émulation guerrière, de sorte à révéler au grand public des combattants hors du commun. Pour les hauts dignitaires, le refus arrogant d'abandonner à leurs dieux, autrement que par le combat, leurs poules aux œufs d'or et ce, depuis des temps immémoriaux. Ces dernières, le corps scellé dans l'instant grâce aux bons soins des prêtres du temple de Pluton. Une entreprise vouée à s'éteindre dès lors que la science heurta la piété du commun des mortels, raréfiant les prières et offrandes nécessaires au marché passé avec le maître des enfers. Peu importe, puisque celle-ci put prendre le relais, enfermant les champions les plus éminents dans des cosses de sorte à figer leurs fonctions dégénératives, ne les réactivant qu'au moment de fouler le sable du Colisée.

*

*Pschhhhhht*

Un visage livide à découvert. L'enveloppe charnelle tout juste libérée, dans un écran de fumée verdâtre, de la matière poisseuse l'ayant tenue endormie dix années depuis son dernier affrontement. Son regard émerge de son coma artificiel, avant de traduire une profonde panique.

-Non ! Je veux pas... Non... Je veux pas y retourner ! Pas encore ! J'en ai assez fait ! Faites moi sortir ! Partir ! Tout de suite ! Pitié ! Je...

Un hurlement strident. Qu'elle se tortille dans tous les sens tandis que la puce implantée dans le cerveau lui insuffle la pire des douleurs, bien que virtuelle. Manifeste-t-elle un embryon de rébellion à l'encontre de ses geôliers que s'accentue l'électrochoc. À sa rescousse, une Eimi ayant visiblement mieux assimilé les règles de ce monde.

-Du calme maman ! Il faut que tu te calmes !
-Mais je... C'est...
-On ne peut rien faire. Il faut les écouter. On n'a pas le choix !

Une situation répétée mille fois. Des combats. Du sang versé. Autant le sien que celui de ses adversaires. Privées de leur liberté depuis une éternité. Un purgatoire dont elles ne voyaient les tenants ni les aboutissants. Insupportable. N'avoir le choix ? Le plus frustrant des constats, au point de perdre le restant de sa détermination. Piégées à jamais ? Elles ne bougeraient plus. Au diable leur divertissement ! Un refus d'obtempérer ne les ralentissant guère plus qu'une dizaine de minutes. Un simple bouton de pressé et la rebelle s'évanouissait. N'avoir le choix...

Une interstice de taille humaine s'ouvre au travers du sable du Colisée. Un élévateur monte-charge fait monter deux gladiatrices parées de l'armure de leur cité d'origine, Sparte. L'une d'elles, semi-inconsciente. Une vision brouillée, les murmures commençant tout juste à l'atteindre.

-Maman ? Tu vas bien ? On y est ! Il faut te réveiller !
-Nooooon... J'ai pas envie... Je veux dormir... C'est chiant... Trop de fois... Trop de fois que je me retrouve dans ce Colisée de merde... On veut pas me lâcher ? Pourquoi ? … Pourquoi on m'inflige ça ? Pourquoi on veut pas me laisser tranquille avec ce Colisée... Marre... Veux aller ailleurs...
-Ah non ! C'est pas le moment de dormir ! Les gêneurs sont là ! Ils vont nous attaquer si on ne fait rien ! Maman ? Maman ! Réveille-toi ! Allez !

Spoiler:

Citation :

T'inquiète Muda, c'est décidé, prochain tournoi, on interdit les arènes greco-romaines XD

Un second coup de jus dans sa cervelle la réveille dans un sursaut brusque. Rentrer ses ongles autour de ses orbites de sorte à laisser quelques filets de sang couler le long de sa joue et ce, sans que ne soit manifesté le moindre signe de douleur. Au contraire, une auto-mutilation allant pour l'apaiser. À son grand dam, ils ne la lâcheraient pas avant que sa fonction élémentaire ne soit ici exécutée.

-Tu vas bien ? Hein ? Réponds !
-Non... Pas du tout... Mais pas le choix... c'est ça ? … Qui ?

Une attention toute entière sur sa protégée. Une répartition des rôles construite à mesure qu'elles emmagasinaient de l'expérience dans ce lieu quasi inchangé, en dépit de l’œuvre du temps. La petite vraisemblablement plus à même de donner la marche à suivre pour survivre jusqu'aux prochains combats. Muda, une machine à tuer, exécutrice évidente de cette dite feuille de route. Attendre cette dernière le regard fatigué, presque creux.

-Ce type là ! La voix le vend comme le champion de la journée. Ce doit-être le favori. Non, c'est le favori ! Il faut l'abattre en priorité !

Des mots que la Muda n'entendit pas. Sans doute le présentateur avait-il mit sur un piédestal le challenger du jour pendant son petit roupillon. Un schéma se répétant régulièrement. Le vainqueur du jour, à qui on promettait monts et merveilles s'il remportait la dernière étape de ces jeux morbides ; un pur inconnu ayant bien souvent valeur de chair à canon ; elle-même et Eimi, qui ne seraient libérées qu'au moment de rendre leur dernier soupir sur le sable du Colisée.

Cet homme, donc. Pas bien impressionnant. Peu importe, se garder des apparences. Dans ces jeux, nombreux étaient les loups dissimulés dans un manteau d'agneau. Là résidait leur force, du moment que l'opposant tombait bien dans le panneau, ce qui ne serait ici pas le cas. Démarrer sur les chapeaux de roue. Ses phalanges s'allongent pour constituer des griffes acérées. Une haine à son encontre ? Pas le moins du monde, en témoigne la teneur de sa pression spirituelle, beaucoup moins corrosive que d'ordinaire. Une froide agression, comme elle avait pu l'intérioriser durant ces quelques millénaires de lutte acharnée. Arriver en son dos en un déplacement éclair. Aussitôt, un coup d'estoc puissant avec sa main qui n'avait d'autres visées que les organes vitaux. Faire pour vaincre en un coup. Un style bien à elle, ne s'embarrassant pas du plaisir de l'esbrouffe.

Spoiler:

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L'espace d'un instant, afficher une mine stupéfaite tandis que le champion se faisait achever d'un coup de sabre par le troisième combattant en présence. Alors quoi, c'était tout ? Pas l'ombre d'une résistance, pas même d'initiative ; à se demander si on ne leur avait pas opposé un épouvantail. La spartiate n'était d'ailleurs pas la seule choquée du résultat. Un public visiblement dépité. Le présentateur, quant-à lui, bouche bée. À la différence des voyeurs, une surprise éphémère de la part de Muda. En effet, au fond, n'avoir cure de la fragilité de son opposant. Si elle ne se trouvait pas dans le feu de l'action, nul doute qu'elle se ravirait de la situation. Toutefois, ce n'était pas le moment.

Au lieu de se réjouir, mettre un terme à sa brève désinvolture. Agir. Prendre l'initiative avant que son adversaire final ne le fasse. En agissant de la sorte, n'avoir l'ombre d'une stratégie à l'esprit. Simplement, un instinct guerrier cristallisé par la douleur d'affrontements passés. En face, identifier un homme touchant sa bille au sabre. Cette information assimilée, se précipiter dans un combat au corps-à-corps dans l'optique de s'immiscer dans sa garde. Dès lors, l'épéiste se voyait noyé sous une multitude de coups de griffes certes, peu précis, mais puissants et surtout, véloces. En filigrane, une volonté ; celle d'imposer son rythme.

Finalement, ce qui devait être le coup de grâce. Se déporter derrière l'ennemi. Cinq griffes devant chacune des métacarpes de son poing se déploient en même temps qu'elle frappe son dos avec pour dessein clair de l'empaler par cinq fois en un coup. Sa cible ? Un parfait inconnu. Ce même type de protagoniste qui gisait le premier dans son sang, en temps ordinaire. Aucune raison qu'il soit plus tenace que l'autre « champion ». Aucune raison qu'il ne s'éteigne tout aussi rapidement. Une assurance inconsciente la rendant aveugle à la modification subtile s'opérant sur le terrain.

Spoiler:

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Ce coup devait être le dernier. Du moins, le penser et ce, jusqu'à ce que son sac de frappe se défausse du trépas malgré les blessures engendrées. À bien y regarder, peu de ses attaques avaient atteint son vis-à-vis. Pourtant, d'évidence que l'enchaînement porté à son encontre surpassait celui infligé au grand favori du jour, maintenant à la retraite. Et donc... l'anonyme se trouvait à un niveau au-dessus ? Un constat improbable, non anticipé. Dès lors, prise au dépourvue par la contre-attaque. Ne se rendre compte que trop tardivement du changement opéré dans l'atmosphère. Un environnement hostile, soumis à la volonté de son adversaire. Telle était l'impression s'en dégageant.

À peine fait-elle un pas de recul qu'une quantité innombrable de petites lames la meurtrissent. Des coupures sur chaque parcelle de son enveloppe charnelle. Heureusement pour sa pomme, un calvaire de courte durée. Effectivement, tremble le sable et jaillit de celui-ci un cocon de terre abritant Muda. Déséquilibrée, se cogner le dos du crâne contre la paroi qui tremblait à contenir l'offensive adverse. Un gémissement bref, tandis que la spartiate tâte sa tête endolorie. Visiblement, Eimi ne s'était laissée prendre aux faux-semblants de cet homme, gardant la tête froide tout le long ; ce qui lui permit d'agir au bon moment. Autour de Muda, une protection ayant tenu bon. Se décompose la bouclier afin de se transformer en une couche protectrice à même la peau. Une armure.

Le temps de la surprise fin écoulée. Désormais, en position de recevoir son opposant. Une attitude inspirée de ce qu'elle avait vu quelques instants plus tôt, sous sa propre offensive. Celle de lire en son ennemi dans l'optique d'anticiper le prochain mouvement. La masse d'énergie accumulée dans son corps promettait une attaque sans commune mesure ; si bien que sa propre énergie investie ne suffit à s'en départir totalement. Une position de faiblesse somme toute relative. En témoignent les blessures subies, insuffisantes pour impacter réellement la suite du combat. Demeure cette conclusion. Un combattant bien plus dangereux qu'il ne le paraissait. Dangereux, plus simplement. Une menace forçant au sérieux, ainsi qu'aux mesures drastiques.

Dès lors, l'expression placide, froide. C'était maintenant son tour, et cette fois, elle ne serait pas seule. Fondre tête baissée sur l'épéiste à qui il n'avait pas été donné le temps de se retourner. Un coup de griffe verticale avec sa main, le long de son buste. Là, une simple diversion. Dans son cocon de chair, des craquements et autres bruits de dislocations. Le sabreur s'en rendrait-il compte qu'il ne lui resterait plus qu'un infime laps de temps pour réagir. De ses flancs, ses côtes s'allongent, traversent la chair et visent à transpercer celle de sa cible. Juste après, un poing de terre sorti du sol, allant fracasser le corps de cet homme par sa droite avec une violence et une puissance suffisantes pour le projeter hors du sol. En vol, il n'aurait que plus grand mal à se défendre du pieu tiré depuis l'humerus de Muda. Aucun temps mort ne devait lui être laissé.

Spoiler:

- Faudrait me faire une transfusion sanguine là, non ?

Spoiler:

Un point de certain, ce type est en béton armé. Encore debout ? Bien pire ! Sur le point de ravager la zone avec une ultime attaque d'envergure. Une volonté louable. Pour autant, pas le genre de qualité dont était sensible la Muda. La victoire. Rien que la victoire. Ou plus exactement, la survie. Rien d'autre qui ne l'intéresse. Et en l'état, cette dernière s'en trouvait considérablement compromise. Compromise, mais loin d'être condamnée. Son arcane commençait-il à se réaliser que la spartiate se trouvait déjà auprès de sa protégée, prise dans ses bras.

-C'est... Quoi ?
-On va partir ! C'est le moment !

En face, une cataracte de neige. S'en prémunir ? Que nenni ! Rentrer dedans avec tout ce qu'elle avait. Non directement sur l'utilisateur, mais au-dessus de lui. La manière, ses deux genoux se déboîtant afin de donner le champ libre à ses fémurs. Propulsées par ces dernières contre l'avalanche. Une impulsion insuffisante telle quelle. Sur son dos, des bruissements visqueux délivrant une nuée d'épines osseuses pour s'adjoindre à la force du décollage. En bout de course, des épines qui s'écrasent et se cassent contre l'offensive adverse. Néanmoins, une efficacité bien là. Une brèche dans laquelle elles se faufilent, arrivant à leur cible finale, le kekkai qui devait protéger les spectateurs de leur émanation spirituelle. Cristalliser tous leurs espoirs dans leur cri.

Visiblement, leur détermination s'était trouvée suffisante. En témoigne la barrière brisée, n'ayant entravé que superficiellement leur envolée. Enfin libres. Dans les airs. Qu'Eimi admire la grandeur de ce monde. Elle pouvait bien se le permettre. Une éternité enfermées dans des surfaces minuscules, privées du moindre stimulus. Muda, quant-à elle, luttait contre l'affliction que lui occasionnait cette saleté de puce implantée dans sa cervelle. Un hurlement rauque sortie des tréfonds de son âme. Que ce truc crève ! Que ça crève ! Putain, disparais ! Ne plus jamais revenir ! C'est la fin ! Fini ! Fini finifinifinifinifini !Une adrénaline si forte qu'elle en éclata le petit appareil. Enfin, elles pouvaient manifester leur fantasme le plus fou.

-LIBÉRÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉES !
-DÉLIVRÉÉÉÉÉÉÉÉES !

Libre expression de leur euphorie. Dans sa gueule à l'arène gréco-romaine !

Spoiler: