- Thomas, je ne rigole plus, bouge-toi de cette porte tout de suite !

Non mais c'était quoi son délire à lui aujourd'hui ? Comme chaque jour, Liz avait voulu se balader un peu. Ils n'étaient pas venus au Japon dans le but de rester enfermés, très clairement. Et le fait qu'il ne faisait pas bien chaud n'allait certainement pas empêcher la jeune femme de profiter du dépaysement autant qu'elle le pouvait. Une année, ça passe très vite après tout, il n'y avait donc aucun instant à perdre, enfermés tous les deux. D'autant plus que ce n'était pas vraiment la bonne entente actuellement, les disputes entre les deux jeunes gens se succédant, très régulièrement sur les mêmes sujets.

Elizabeth n'en faisait qu'à sa tête et essayait de trop se mêler du monde spirituel, Thomas rapportait tout au père de la jeune femme, comme il était censé le faire – c'est pour ça qu'il avait été envoyé avec elle après tout – et forcément papa appelait à chaque fois sa petite fille adorée pour l'enguirlander bien comme il faut. Il ne restait plus alors à l'aristocrate de s'en prendre à son ami qui n'agissait pas vraiment comme tel. C'est vrai quoi, ils étaient amis depuis qu'elle avait six ans, et c'était quand même toujours du côté de son père qu'il se rangeait. Il n'essayait pas d'édulcorer ses récits, il ne cherchait à rien dissimuler… comme s'il souhaitait qu'elle prenne au maximum.

Bon, d'accord, pas tout à fait. Car le Spencer pourrait tout autant en rajouter pour la faire paraître encore plus coupable. Il ne faisait que raconter la stricte vérité après tout. Mais c'était déjà trop. C'était déjà de la pure trahison pour elle. Lorsqu'il lui arrivait d'y réfléchir, lorsque sa colère était passée, elle réalisait bien qu'il n'avait pas trop le choix, car ne pas tout raconter serait trahir la maison Neville, ce qui serait encore plus grave. Mais cela n'empêchait pas l'adolescente d'être attristée que son meilleur ami ne prenne pas plus son parti. Et voilà qu'il se mettait à péter un plomb à l'empêcher à tout prix de sortir. Monsieur avait décrété qu'aujourd'hui on restait à tourner en rond devant la télévision ou quoi ?

Elle comprendrait bien vite… Une sonnerie retentit, la faisant alors cessé de bousculer Thomas pour se frayer un passage. Un son qu'elle n'avait pas encore entendu ici, mais qu'elle identifia pourtant très clairement. L'on venait de sonner à leur porte. Personne n'était censé leur rendre visite pourtant, Liz n'avait donné leur adresse à personne. Alors qui ?

- Tu devrais ouvrir.

Oh… Une boule qui pèse immédiatement sur son estomac. Sans doute pour ça qu'il n'avait pas voulu la laisser sortir. Et qui pourrait bien leur rendre visite avec la participation dévouée de Thomas ? Lorsqu'elle arriva devant le visiophone, ses maigres doutes se dissipèrent.

- Bonjour papa. Tu as l'air en forme.

Effectivement. Comme toujours. Alan Neville approchait de la cinquantaine mais paraissait n'en faire que trente. Ses cheveux blonds coiffés vers l'arrière sans être plaqués, les rares fils blancs à ses tempes se noyant dans la masse claire. Sa mâchoire carrée sur laquelle se présentait son infatigable barbe de trois jours. Une chemise blanche impeccable, une cravate noire nouée autour du cou et un long trench-coat de cuir brun qui lui retombait jusqu'au niveau des genoux. Il ne portait pas l'accoutrement de l'aristocrate, préférant un look plus décontracté qui le faisait transpirer de classe. C'est du moins ainsi qu'elle le voyait au travers de ses yeux de « petite fifille à son papa ».

- Il fait froid Liz. Je peux entrer ?

Un peu trop sec à son goût. Elle s'excusa et lui donna le numéro de l'étage et de son appartement par réflexe – ce qui n'était bien entendu pas nécessaire, il le savait déjà – avant de presser le bouton qui lui ouvrirait la porte. Liz commença immédiatement alors à se malaxer les mains, trop anxieuse même pour adresser le moindre regard furibond à Thomas, et pourtant il en aurait sincèrement mérité un, au minimum ! Comment avait-il osé ne rien lui dire sur cette venue ? Sans doute que son père lui avait demandé de ne rien dire, mais quand même… Quelques instants plus tard, l'on frappa d'un coup sec à la porte, et la jeune femme s'empressa bien sûr d'ouvrir. Essayant d'avoir l'air détendue, elle sauta au cou de son père, lui embrassant la joue avant de lui dire qu'il piquait, ce qu'elle faisait à chaque fois, inlassablement. Thomas s'inclina et salua avec un profond respect comme à son habitude également. Elle le fit alors entrer, qu'il puisse voir où sa fille vivait depuis quelques semaines déjà.

- Hum… c'est très joli ici. Ça a l'air très confortable, et la vue est belle. Vous vous plaisez bien ici ?
- Oui, Lord Neville. Merci à vous de nous offrir cet endroit.
- Oui papa, c'est formidable. La Japon est magnifique et Tokyo c'est ju-
- Alors il va sérieusement falloir changer de comportement si tu veux que ça dure.

Oh… Apparemment on entrait déjà dans le vif du sujet, et sans doute même le motif de sa présence. Cela risquait de ne pas être agréable...

En effet, ça ne l'était pas. Alan Neville avait une vision très claire de ce que sa fille pouvait faire ou pas, et fourrer son nez dans les conflits spirituels agitant Tokyo ne faisait clairement pas partie de la liste des permissions. Elizabeth avait pu venir au Japon dans le seul but de perfectionner ses connaissances de la langue, clairement pas pour se mettre en danger de quelque manière que ce soit. Les très nombreuses rencontres de Fullbringers voir même de Shinigami qu'elle avait pu faire jusque là n'avaient rien pour plaire à son père, bien entendu. Pas plus que la formation d'un Quincy qu'elle avait pris sous son aile sans même rien savoir de lui… La liste des reproches était longue, et Thomas n'avait bien sûr rien manqué dans ses rapports. Le moindre de ses faits et gestes était répété à son père, elle le savait déjà, mais elle en prenait conscience à présent avec une amertume encore plus aiguisée.

Pendant que son père déballait ses griefs, la jeune femme – qui n'était dans cette situation rien de plus qu'une enfant – avait parfois tenté d'opposer un « mais », ce qui n'avait bien entendu pas été productif. Au contraire, Liz n'avait réussi à chaque fois qu'à lui faire hausser le ton. Son père était pourtant d'un naturel très calme et posé. Le genre d'homme à rester cool en toute circonstance. Sauf lorsque ça touchait sa fille. Là, comme lorsqu'il lui interdisait il y a quelques années de participer aux missions, il pouvait se montrer aussi intraitable que colérique. Tout comme elle pouvait l'être subitement si le respect élémentaire n'était pas tenu. Un calme en surface duquel pouvait partir de terribles colères… Forcément, elle savait de qui elle tenait ce trait de caractère.

Toutefois… elle avait l'impression qu'inconsciemment elle venait de toucher une solution du doigt. Un argument, comme un écho, qui s'était brièvement détaché pour lui faire entrevoir une possibilité de sortie de crise. Mais cela n'avait été que furtif et la voilà maintenant incapable de trouver précisément ce qui lui avait fait détourner l'attention de la discussion. Lord Neville poursuivait donc seul dans son monologue, persuadé pour l'instant que sa fille l'écoutait toujours là où il n'en était plus rien. En tout cas, elle savait très bien que la solution n'était pas de renoncer. Elle n'en avait pas la moindre envie, et il était clair qu'elle ne serait pas capable de rester à Tokyo sans se mêler des affaires qui troublaient la capitale sur le plan spirituelle. Non, elle ne s'imaginait pas un seul instant reprendre une vie normale juste composée de rencontres banales. De toute façon, vu le nombre de Fullbringers dans cette ville, il faudrait vraiment vouloir les éviter pour ne pas avoir à les rencontrer.

Elle pourrait peut-être se mettre à travailler. Payer elle-même au cas où son père coupait les vivres. Après tout, elle était plutôt mignonne et bien éduquée en plus de très bien maîtriser le japonais. Hôtesse d'accueil, vendeuse, serveuse, voir même se contenter de la plonge… Elle pourrait toujours trouver, et Thomas n'aurait qu'à s'y mettre aussi tiens, histoire de se racheter un minimum ! Cependant, cela voudrait dire qu'elle piétinerait sa bonne relation générale avec son père. Ils s'aimaient beaucoup tous les deux, mais si elle en venait à le forcer à lui couper les vivres… et qu'en plus de cela elle continuait sa vie de son côté sans sembler s'en soucier… Oui, ce serait difficile de faire marche arrière pour l'un ou pour l'autre. Cela ne ferait que déclarer pour de bon un conflit qui pourrait peut-être durer toute une vie, qui sait ?

- Liz, tu m'écoutes ?
- Heu. Oui papa.
- Alors ? Qu'as-tu décidé ?

Bon, elle avait menti, elle n'écoutait plus, c'était vrai. Cela ne l'empêchait pas toutefois de savoir ce qu'il lui demandait. Est-ce qu'elle rentrerait avec lui aujourd'hui même pour Londres ou bien promettait-elle de se tenir à carreau. Un choix où aucune des possibilités ne lui convenaient. C'est alors que soudainement, son visage s'éclaira. Qu'elle se souvint. Elle avait repensé à son interdiction à participer aux missions il y a quelques années en Angleterre. Finalement, son père lui avait accordé sa confiance et lui avait donné sa permission à partir du moment où elle était parvenue à lui prouver sa puissance. À lui montrer qu'elle possédait la force et la maturité pour accomplir son devoir, qu'elle était une Quincy elle aussi et qu'elle avait le droit fondamental de faire comme tous ceux du clan : protéger les humains qui n'étaient pas capables de le faire eux-mêmes face à ces monstres venus du monde creux.

- Oui, j'ai décidé. Et ce ne sera aucun de ces choix.

Elle se redressa – ils s'étaient installés autour de la petite table basse du salon – et enchaîna directement, ne lui laissant pas le temps de lui couper la parole.

- Ce n'est pas à vous de faire ce choix à ma place. Vous êtes mon père et vous savez à quel point je vous aime et vous respecte, mais je suis aussi une adulte désormais. Une Quincy, tout comme vous. Et pas juste une petite fille qui ne peut faire ses propres choix. J'ai la force pour ça. Cette ville a besoin de moi, je me suis assez renseigné que pour le savoir. Il se passe des choses pas très nettes ici, et j'ai bien l'intention d'apprendre ce que c'est exactement et d'aider à faire taire cette menace. Si vous voulez juste me rendre la tâche plus compliquée encore, allez-y. Ou bien acceptez juste que je suis comme vous. Que je ne fais que répondre aux valeurs que vous m'avez enseignées. Et que je ne suis pas que votre petite chérie qu'il faut absolument protéger. Ma puissance vaut bien la vôtre, et s'il faut vous le prouver pour avoir gain de cause alors… je vous défie !

Thomas restait bouche-bée sans savoir que dire à une pareille tirade. Mieux valait qu'il ne s'en mêla pas sans doute. Alan quant à lui avait bien reçu le message. Ses mâchoires s'étaient contractées de plus en plus, mais ce fut finalement d'une voix glaciale qu'il lui répondit.

- Cela fait trop longtemps que tu n'as goûté à la fessée. Tu mérites une correction, jeune fille. C'est pourquoi j'accepte ton défi, aussi déraisonnable soit-il...

Dans son regard, aucune pitié. Est-ce qu'elle était bien certaine d'avoir une puissance équivalente ? Pas vraiment, en fait. Non, Alan Neville devait sans doute être l'un des Quincys les plus puissants du monde. L'espace d'un bref instant, elle regretta un peu. La petite fille qu'elle avait été voulait s'excuser. Se jeter dans ses bras pour essayer de l'attendrir d'un câlin, que l'on oublie tout cela. Mais la femme qu'elle voulait être se faisait plus forte encore. Voulait assumer et surtout prouver de quoi elle était capable.

Père et fille se trouvait l'une face à l'autre, dans la clairière où Klaus l'avait emmené lors de leur dernière leçon. Cette zone était assez éloignée de tout pour que cela ne pose pas de problème majeur. Seuls les êtres capables de ressentir et voir les énergies spirituelles pourraient alors savoir qu'au loin, un combat était mené. Et encore… Thomas pour sa part avait l'air de ne pas savoir où se mettre en tout cas. Il avait eu fortement envie de discuter cette décision, d'essayer de calmer les esprits. Mais il ne pouvait pas se le permettre, il le savait. Alan Neville n'était pas le genre d'homme à qui l'on met une tape sur l'épaule en disant « boh allez mon bonhomme, tu déconnes là, faut pas faire ça ». Non, vraiment pas. Au lieu de cela, le Spencer se retrouvait donc en spectateur impuissant.

L'affrontement entre les deux Neville avait déjà débuté, mais ne s'en tenait qu'aux regards pour le moment. Elle ne voulait pas baisser les yeux. Elizabeth ne voulait pas le laisser penser qu'elle n'était encore qu'une petite fille qui craignait son père. Et pourtant, elle avait peur, c'était vrai. Mais comme face à un chien méchant, il fallait essayer de se convaincre que ce n'était pas le cas. Qu'elle puisse réellement y croire. Car ainsi elle n'en montrerait rien. Et tout comme le chien, si elle montrait sa peur, il lui boufferait le bras. Au figuré bien entendu.

- Tu es prête ?

En place de toute réponse verbale, elle fit apparaître son arc d'énergie dans sa main gauche. Un trait lumineux et droit. Elle le tenait en son centre, et autour de son poing fermé trois cercles concentriques. L'apparence de son arc spirituelle était particulière, mais pas autant que celui de son père. Il concentrait déjà une grande quantité d'énergie, aspirant des particules de Reishi si imposante que l'on pouvait les discerner à l’œil nu. Le Quincy le plus puissant encore en vie, c'est ainsi qu'elle le voyait et qu'elle le verrait tant que personne ne lui en montrerait un plus redoutable qu'Alan Neville. Autour de sa main apparut enfin son arc, gorgé d'énergie. Enfin, il était difficile d'appeler cela un arc. Une étoile à cinq branches apparaissant devant sa main ouverte, entourée d'un cercle lumineux.

Spoiler:

- Voyons à présent ce qui pourrait justifier ton arrogance.

Lui lança-t-il alors que sans un geste il venait de lancer sur sa progéniture un véritable déluge de flèches. Rien qui l'impressionna, elle savait de quoi il était capable. La puissance de cet assaut cependant n'était pas à négliger. Elle avait espéré au moins qu'il lui laisserait l'initiative. Qu'il… la laisse passer devant, qu'il la privilégie… Oui, en fait non… C'était là justement ce qu'elle voulait éviter. Ne plus être la petite fille chérie. Juste la Quincy, l'adversaire qui voulait se montrer à la hauteur. Usant de son Hirenkyaku presque à son maximum, elle ne parvint toutefois pas à tout éviter, un trait sanglant se marquant sur une cuisse. S'il y avait bien un combat dans toute son existence qu'elle se devrait de prendre au sérieux, c'était bien celui-ci...

Le combat était rude. Son père ne la ménageait pas, même s'il était sûr également qu'il ne se donnait pas à fond. Après tout, il n'utilisait même pas son Sanrei Shutô pour lui montrer sa supériorité. Elizabeth essayait de rester au niveau en faisant de même, mais cela ne pouvait la mener qu'à la défaite. Aussi après quelques minutes où elle avait été clairement dominée – même si l'intensité du combat ne s'était pas élevé trop rapidement – la jeune anglaise avait dû avoir recours à son Sanrei Shutô. Zerstörung, son imposant marteau de guerre. Bien sûr cela n'aurait rien pour surprendre Alan, même si elle serait sans doute capable de lui montrer quelques applications qu'elle en faisait et qu'il ne connaissait en principe pas encore. En principe, oui, car l'on ne savait jamais réellement garder de secret pour lui, en croire sa présence ici. Peut-être que Thomas lui avait déjà décrit par le menu son style de combat et ses plus récents développements dans celui-ci, l'on ne sait jamais. Mais cela ne devait bien sûr pas la perturber, car quoi qu'il en était elle se devait de jouer le coup à fond.

Mais à son grand désarroi, cela ne parut rien changer. Bon, elle était dans l'ensemble un peu moins distancée, cependant son père s'ajustait, s'adaptait, si bien qu'il la dominait toujours sans paraître réellement forcer. Peu à peu, elle sentait sa frustration s'élever ainsi que sa colère, mais face à lui elle savait que ce n'était pas une bonne chose. Face à d'autres adversaires, cela la poussait à laisser éclater pleinement son pouvoir, affichant bien moins de réserves, et cela suffisait généralement pour les faire tomber, mais aussi pour cramer une bonne partie de son énergie. Ici, ça ne suffirait pas. Ce ne serait qu'un bref feu d'artifice, le laissant alors libre ensuite de lui donner une bonne correction. Toutefois, aurait-elle réellement le choix ? Car sinon, il l'userait tout de même petit à petit, pour un résultat identique. Liz avait également bien l'impression qu'il lui suffirait de pousser un petit peu ses capacités pour la terrasser, ne lui laisser aucune chance. Si seulement elle avait pu se rendre compte à quel point elle était encore loin du niveau de son père, peut-être ne l'aurait-elle pas défié finalement.

Sa frustration s'amplifia encore. Elle pensa à tout ce qu'elle laisserait derrière si elle devait s'incliner ici. Elle ne pourrait pas assister à la pleine éclosion de Klaus qui devrait dès lors se débrouiller tout seul pour apprendre ce qu'il lui manquait encore et progresser. Elle ne pourrait jamais rendre son livre à Cornélia ni même respecter sa promesse de lui accorder un combat. Elle ne reverrait jamais Melody ni aucun des autres êtres spirituels qu'elle avait rencontré ici. Ne pourrait pas se battre à leurs côtés dans la défense de Tokyo qui semblait en avoir bien besoin de ce qu'elle avait appris. Certes, d'autres étaient là pour cela également, mais elle avait bien senti que son aide ne serait pas superflue. Liz refusait de tourner le dos à tout cela. Même si sa présence au Japon était encore récente – pas plus de trois ou quatre mois, ce qui était tout de même presque le tiers de la durée totale de son séjour tel que prévu à la base – elle estimait que sa place était ici.

Perturbée par ses pensées, elle ne remarqua alors que trop tard la flèche imposante que son père lui lançait après un déplacement rapide qu'elle n'avait pas anticipé. Une attaque féroce qui la blesserait sans doute assez gravement si elle l'encaissait de plein fouet. Ce ne serait dès lors qu'une défaite humiliante, ce qu'elle ne saurait permettre. Sa colère éclata alors, et comme si cela était un véritable moteur pour elle, ce fut un véritable second souffle. Pour la première fois – du moins dans un combat – elle fit se dresser autour d'elle une bulle protectrice qui empêcha cette flèche redoutable d'entamer sa chair. Elle venait ni plus ni moins que d'utiliser son Blut Vene avec tant de maîtrise qu'il s'extériorisa en dehors de son corps. La force du choc aurait pu la terroriser. Après tout, elle estimait finalement que cette puissance aurait même pu être suffisante pour la tuer si elle n'avait rien fait… Cela ne fit dès lors que la galvaniser, la pousser à être elle-même plus redoutable encore. Le tout pour le tout, finalement.

Elle frappa puissamment de son marteau sur le sol, le côté arborant la pointe levé vers le ciel. Une imposante colonne argentée s'en éleva alors avant de se séparer en une multitude de flèches, un véritable déluge s'abattant sur son père. Sa technique la plus redoutable, qu'elle n'était disposée à utiliser que si sa vie était en danger, ce qui apparemment pourrait finalement être le cas ici. Rageuse, elle fonça alors sur Alan, esquivant ses propres flèches comme elle se rapprochait de toute la rapidité de son Hirenkyaku. Son but n'était autre que de délivrer une puissante frappe au corps-à-corps. Un coup puissant en lui-même déjà, mais épaulé par son Sledgehammer, c'est à dire un puissant arc d'énergie concentrée servant à la destruction pour. S'il n'affichait plus de pitié, alors elle non plus n'en aurait pas.

Après un tel enchaînement, elle ne serait plus capable de se battre malheureusement. Déjà rien que tenir debout… Cela sonnerait donc la fin du combat, et elle espérait bien qu'elle pourrait crier victoire. Mais ce ne fut qu'une amère déception. Elle avait espéré pouvoir le battre ainsi, oui, l'espace d'un instant. Maigre victoire que celle de voir qu'il avait quelques blessures, mais surtout de voir qu'il tenait entre ses mains son propre Sanrei Shutô. Une épée longue médiévale richement ouvragée d'or et d'argent avec laquelle il avait arrêté le coup. Elle en reste choquée un instant, alors que masse et épée crissent encore l'une contre l'autre. Puis comprend que c'est fini. Deux larmes coulent sur ses joues alors que son marteau disparaît et qu'à bout de forces elle tombe à genoux.

- Bien. Puisqu'il semble que ce soit tout, terminons-en.

Dit-il alors en levant sa lame. Comptait-il vraiment frapper sa propre fille alors qu'il était évident qu'elle n'avait plus la force de poursuivre ? Thomas préféra ne pas rester simplement là à continuer à regarder cela. Il ne pensait pas qu'Alan en soit capable mais préférait éviter d'en avoir une preuve. Se projetant avec force et rapidité, il attrapa Liz dans ses bras et l'éloigna d'une quinzaine de mètres.

- Comment ose-tu te mettre sur mon chemin, Thomas ?
- Avez-vous perdu la raison ? Votre combat est terminé. Elle a donné tout ce qu'elle pouvait donner. Si vous souhaitez toujours la punir désormais, vous avez d'autres voies que celle-ci.

Le jeune homme venait d'un mouvement du menton de pointer l'épée de son maître. Une folie sans doute. Mais pas autant que celle qui occupait l'esprit d'Alan Neville en l'instant apparemment.

- Tu souhaites alors me défier toi aussi ?
- Je ne peux pas dire que ce soit un souhait. Je préférerais nettement l'éviter. Mais si vous persistez à vouloir la blesser, vous ne me laisserez alors pas le choix.

Un arc d'énergie fit dès lors son apparition dans la main du jeune homme. Il n'avait pas la moindre chance, il le savait, et se ferait clairement écraser… mais il ne pouvait pas non plus rester là sans rien faire alors que son amie était en danger. Cela fit rire Alan. D'abord un ricanement maîtrisé, avant que cela ne s'envole en un franc éclat. Son épée disparut, mettant donc fin à la menace.

- C'est très bien. J'ai vu tout ce que je voulais voir. Liz, je ne pensais pas que tu étais capable de développer une telle force de frappe. Redoutable, vraiment. Quant à toi, je suis heureux de constater que finalement ta fidélité va à celle que tu te dois de réellement servir. Me voilà rassuré. Je n'ai donc d'autre choix que de m'incliner...

Dit-il en se retournant, s'éloignant déjà. Sa fille comprit bien ce que cela voulait dire. Il venait de leur donner sa permission de rester et de faire comme ils l'entendaient, estimant donc ce binôme capable de se débrouiller. Bien sûr, d'autres recommandations viendraient plus tard, ce n'était pas une pleine carte blanche et il faudrait bien sûr que Liz et Thomas continuent de respecter quelques règles élémentaires comme le mettre au courant de tout ce qu'il se passait et de tout ce à quoi ils se mêlaient. Mais au moins la situation d'Elizabeth R.R. Neville venait de faire un grand bond en avant.