"Tu sais pourquoi je suis là, n'est-ce-pas? Vas-tu me compliquer la tâche plus que nécessaire?"

Depuis son ultime rixe, l'âme creuse guérissait de ses blessures. Celui-ci avait inéluctablement retrouvé sa rage d'antan, mais il se devait d'aiguiser ses capacités s'il voulait mener son aspiration à terme.
Le prédateur pérégrinait entre les dunes immaculées, regardant la voûte ténébreuse comme s'il espérait y trouver une solution. Rien ne vint percer le silence macabre qui régnait sur ces terres nocturnes. Les montagnes éphémères elles-même semblaient lui murmurer cette triste vérité. La solitude éternelle.

Il n'osait admettre cette réalité, inflexible, son exil l'avait écarté de ses pairs et il serait désormais caduque de trouver un frère d'arme qui l'assisterait dans ses desseins sanguinaires. Plus qu'un compagnon de bataille, il se devait de trouver une entité capable de contenir la frénésie qui l'habite, car l'Exilé savait qu'il courait à sa propre fin. S'il devait avoir le luxe de choisir cette dernière, naturellement qu'il aimerait qu'elle se déroule lors d'une bataille. Il s'agissait là de toute son existence, sa raison d'être. Ce n'était pas l'idéal de vie qu'il souhaitait, mais c'était le seul qu'il connaissait.
Les mains dans son manteau, l'Ombre Écarlate se perdait dans les limbes de son esprit. Un parallèle qui s'accordait parfaitement avec ses déambulations sans fins dans le Yermo. Converser avec ses songes lui était devenu tout aussi naturel que de respirer. Il s'agissait là de l'unique compagnie dans ses années d'errances. Les quelques créatures assez imprudentes pour dialoguer avec lui s'étaient révélées n'être que de piètres interlocuteurs, de meilleures distractions cependant. Rares étaient les entités pouvant se vanter d'avoir échangés plus de quelques mots avec Caeli, sans avoir fini en plat de subsistance. C'était bien ainsi.

Ces palabres avec son for intérieur altéraient sa vigilance. Il n'avait senti que trop tard l'importun entraver son espace vital. Nuls doutes que sa présence fut forcément hostile, la seule personne daignant tolérer son comportement austère étant lui-même. Comme à son habitude, il ne concéderait aucune forme de respect quelconque. Le carnassier trouvait même une certaine jouissance à irriter ce genre d'empêcheur de tourner en rond.
Sa voix ne lui était guère familière, aussi il fit l'effort de se retourner pour découvrir son futur belligérant. L'uniforme dont il s'était vêtu n'avait point besoin de mots pour expliquer sa présence. Effectivement celui-ci explicitait son allégeance au Roi. Peu importait ses intentions, il était un obstacle à ses objectifs. Caeli éprouvait une profonde aversion pour cette condescendance qui accompagnait ses mots. Il dévorerait quiconque tenterait de s'élever plus haut que lui.

— Non, je ne sais pas, lui répondit-il avec ironie. Je n'ai pas envie de le savoir, d'ailleurs. Tu ne voudrais pas gentiment retourner astiquer les pompes de ton Roi ? Et tout le monde sera content, en prime.

Ce jour devait arriver tôt ou tard. Des mois qu'il priait dans la pénombre pour espérer trouver l'occasion d'accomplir sa vengeance... Ce moment était là. Son aura carnassière avait envahi les alentours. Son rictus féroce exhibait ses incisives. L'odeur de l'affrontement décuplait sa rage, sa soif de conquêtes.
Qui était l'énergumène que l'on lui avait envoyé ? Le monde avait tourné et il était fort probable que les vassaux du souverain également. La dernière fois qu'il avait sous-estimé un de ses membres lui avait coûté cher, songeait-il en touchant la cicatrice qui traversait sa sangle abdominale.

— J'aime quand c'est compliqué, ajouta-t-il pour conclure sa provocation.

"Et que dirais-tu que j'aille cirer les pompes de mon Roi avec ce joli manteau qu'est le tien?"

cuir:

moustache:

L'autorité, les codes et les lois n'ont jamais été les mots d'ordres qui ont conditionné son esprit, tout au long de son existence. Effectivement, il ne croyait qu'en une seule et unique règle : « Manger ou être mangé ». Un précepte universel qui n'était finalement que le seul code véritable. L'unique aspiration de l'Exilé était de se hisser en haut de la chaîne alimentaire, désormais. Les religions, démocraties, dictatures n'étaient que des conneries hypocrites, songeait-il, le doux velours de cette vérité immuable.

Ainsi, Caeli ne portait guère d'affection à ce genre de pantins, vulgaires marionnettes des desseins d'un bouffon couronné. Raisonner à l'aide de morales interminables n'étaient pas dans ses mœurs, il préférait de loin converser à coups de crocs et de griffes ; n'omettant pas quelques provocations ici et là pour sublimer ces bavardages musclés. Les discussions stériles n'étaient apparemment pas du goût de son adversaire, non plus.
L'atmosphère était toujours pesante. Le vagabond s'y accoutumait tant bien que mal, mais n'en explicitait rien. Il ne gardait que cet habituel rictus féroce, de mise en toute circonstance. L'âme creuse s'employa comme à son habitude, à laisser l'ennemie se précipiter. Feindre volontairement la faiblesse pour laisser celui-ci s'approcher. C'était à cet instant là qu'il était le plus destructeur.
Les deux premiers impacts de sa lame entaillèrent sa chaire, laissant le liquide carmin colorer son épiderme achromique. Le troisième choc fut stoppé par le tranchant de sa main. Quelques gouttes d'hémoglobine s'écoulèrent de la lame et tombèrent sur le sable de ce désert monochrome. Le démon lécha le fluide cramoisi qui se répandaient sur le sabre de sa proie. Son regard ne se défixait pas du sien, son visage s'assombrit d'un sourire machiavélique qui, s'accouplant d'un rire tout aussi effrayant, brisa l'éternel silence de l'erg immaculé.

— Je t'avais dit que j'allais te refaire la façade, glissa-t-il entre deux ricanements.

Désormais à portés de ses poings, l'Ombre écarlate envoya l'extrémité de sa main - armée telle une lance - lui transpercer la sangle abdominale . « Je vais te faire bouffer tes propres organes », s'amusa-t-il à penser alors qu'il souhaitait lui extirper les boyaux de son corps efflanqué. . Le fauve se lécha les lèvres, se délectant du festin à venir. Son sourire dérida son visage, exhibant ses incisives. Dans sa frénésie carnassière, il lui asséna un coup de tête sur son faciès juvénile, comme convenu.

— Pardonne mes manières, mais nous n'avons pas été présenté, fit-il en tenant les extrémités de sa veste et courbant légèrement l'échine - à l'instar des saluts féminins de la renaissance. Je me nomme Caeli Nephilim, mais cela tu le sais déjà. Et toi qui es-tu ? Paracheva-t-il, ses yeux rouges pesant sur le vassal du palais nocturne.

Résumé des actions:

"Je sais effectivement qui tu es. Tu n'as cependant pas à savoir mon nom, juste que je suis envoyé par le Rey pour te punir."

Spoiler: