Tokyo, centre-Ville, minuit. Cette nuit précède d'une semaine le retour au Hueco Mundo de Kafar. Cette nuit marque le jour de sa rencontre avec un autre prédateur. Prédateur n'étant ni Arrancar, ni Hollow. Une première pour le Vasto Lorde. Et quelle première.

Et aussi, cette fût nuit la nuit où l'insecte se déchaîna. Jusqu'ici, il s'était imposé des pseudos limites, n'avait pas été plus loin qu'au-delà du rôle d'observateur, sauf en de rares exceptions. Le peu de temps qui lui restait ici, il allait le dépenser en meurtre et destruction. Souvent l'on néglige le bien que peut prodiguer de faire du mal à autrui. à tort. Et ça, le colosse ne le savait que trop bien. Depuis qu'il a atteint le stade hollow, il n'a voué son existence qu'à combler le vide que fût sa vie humaine par la haine et le chaos. La voie de la facilité. il a la puissance, et il a la colère. Les choses ne pouvaient se passer autrement. Sauf s'il avait eu la volonté. Mais il n'est pas être qui marche par la volonté. Il est être qui marche car il faut bien marcher. Qui marche motivé par l'idée de découvrir ce qu'il y a plus loin. Voir ce plus loin mérite d'être réduit à l'état de cendres ou non. Être de curiosité, d'envie, à la rechercher du divertissement, fuyant l'ennuie comme la peste. Recherchant de quoi assouvir ses pulsions, ou plus simplement sa faim. Sa faim, ou plutôt, sa gourmandise.

Et qui arriverait à ressentir l'ennui au milieu des ruines fumantes d'un bâtiment défiguré par ses propres soins ? Qui arriverait à trouver la famine dans cette ville où prolifèrent Hollow et autres âmes puissantes ? Ah, ces fameuses âmes. Le caviar du Hollow, un goût en rien comparable à celui des âmes fades et faibles des créatures qui peuplent le Yermo. Toutes uniques en leur genre. Ces êtres au potentiel spirituel plus qu'important sont les proies favorites du géant. Et il comptait bien s'en mettre une ou deux sous la dent avant son départ.

C'était avec cet objectif en tête qu'il parcourait la ville, exécutant tout hollow ayant le malheur de croiser sa route. Il avait diminué la visibilité de son Reiatsu afin de ne pas attirer l'attention sur lui, ou bien même effrayer ses proies. Un Vasto Lorde en ville, ça n'a rien de commun, et s'il n'avait pas fait l'effort de cette dissimulation, sans doute que la plupart des Hollows présents auraient pris la fuite. Mais non, ici, vu qu'ils avaient l'impression que ce qui s'approchait d'eux n'était ni plus ni moins qu'un simple Adjuchas sans prétention, ils tentaient leur chance. Avant de se faire dévorer sans la moindre difficulté par ce qu'ils prenaient plus tôt pour une cible potentielle, à portée de leurs griffes. Quelques minutes comme ça, à continuer son chemin, avec dans son sillage les corps éventrés de ses victimes, pour finalement tomber sur la proie tant recherchée. Alors qu'un énième groupe de Hollow se profilait devant lui, eux-mêmes en train de se repaître d'un humain au milieu de ce parc désert, un autre être s'interposa entre l'insecte et son banquet. Pire encore, lui vola son banquet. Un massacre digne des plus grands chasseur du Yermo. Pourtant, cette fine silhouette n'était en rien celle d'un Habitant du désert sans fin. Non, il s'agissait bien ici d'un être humain. Un être humain qui dévore un hollow. Hérésie. Devant un tel spectacle, Kafar se retrouve déconcerté. Même s'il n'y parait rien, sa perpétuelle expression indifférente trônant toujours sur son faciès. Reste qu'en son for intérieur, plusieurs sentiments se bousculaient les uns les autres. Colère, curiosité, envie, déception. De cet être pour le moment inerte pouvait à tout moment s'échapper une vague de violence sans égale. Mais il reste là, à dévisager l'impardonnable voleuse, du haut de son triple mètre et demi. Ses lèvres se descellent, et celui qui habituellement se complaît dans le silence prend parole, de sa voix puissante, venue d'ailleurs.

Que fais-tu ?

Cette question, qui sonnait comme une accusation. "Que fais-tu", phrase qui aurait bien pu être remplacée par "qui est-tu, toi, humain, pour goûter à la chair de nôtres ?" Si le colosse était d'humeur plus loquace. Cela dit, impossible pour le moment de savoir si ce qui lui fait face est capable de plus de discussion que lui.

S'il le faut, ils communiqueront par le dialecte qu'ils semblent tous les deux maîtriser le mieux. Les coups de crocs seront leurs verbes, et les griffures ponctueront leurs phrases.

Spoiler:

Le temps panse les plaies, paraît-il. Il dilue la douleur jusqu'à l'effacement complet. Cette idée sonne comme un doux songe que ferait une âme vierge de la Souffrance. Non celle vécue par tous, anecdotique dans une existence ; mais la vraie. Celle qui engourdit la gorge, ineffable, et reste fichée en soi comme une seconde peau, immuable. La défier ou l'ignorer, autant d'attitudes qui mènent à la perdition. L'accepter ? Sans doute le moins pire des choix. Le moins pire, quand cette dite souffrance ne tire pas son origine d'un mal infligé. Le plus innommable. Accepter ses meurtres ? Accepter ses pertes ? Accepter sa nature ? Une nature bonne à la rendre esclave de ses pulsions. Cette bête enfouie en son âme et conscience... créature allant pour gratter sa raison, grignoter sa retenue et dévorer sa volonté.

En être à ce dernier stade. Ce stade où la mémoire est réduite à peau de chagrin, où il semble à ses sens qu'il n'a jamais été autrement que ce sentiment viscéral de manque. Une force creuse dans sa chair, l'agite et la fait suer. Une fièvre dont il paraît infaisable de se sortir. Et pourtant, malgré ce relatif abattement, se sentir comme appelée par un remède bien abstrait. Tantôt, son instinct lui fait lorgner sur les passants, tantôt son restant de détermination l'en tire pour une cible plus acceptable, selon le peu d'éducation reçu.

Une détresse de perçue. Tituber vers elle. Un festin de ressenti. Fondre en sa direction. Une horde d'identifiée. Se précipiter dessus, les crocs à l'air vite maculés du sang fusant des morceaux de chair alors engloutis. Une résistance que l'on pourrait qualifier de formelle, tant le fossé séparant la prédatrice de ses proies se faisait évident. À peine quelques secondes de lutte, et Muda pouvait déjà goûter à ce qu'elle était venue chercher en premier lieu : leur charpente. Y incruster ses canines. Aussitôt, absorber la masse osseuse pour ne plus faire de ces géants que des masses flasques et difformes. Seulement après pouvait-elle recouvrir l'étendue de sa raison. Une raison qui lui faisait fin voir le cadavre du semblable qu'elle n'avait pu sauver. Celui-là même qui légitimait le sort réservé à ces monstres masqués.

Des hollows, lui avait-on expliqué. Pour autant, ces explications l'avaient-elles préparée à ce qu'elle s'apprêtait à vivre ? Une présence en son dos, minime. Tourner sa figure, encore accroupie sur sa pitance, et voir un colosse humanoïde. Le premier du genre qu'elle observait, de quoi la rendre béate le temps d'une fraction de seconde. Que ce dernier ne lui laisse le temps d'assimiler la situation, l'interpellant d'une voix menaçante, un frisson venant parcourir le long de son échine. De la peur ? Alors que la densité de son énergie spirituelle ne présageait rien de sa dangerosité ? Sans danger ? Une profonde inspiration de prise, rompant avec l'apnée induite par une pression inattendue.

Exit ce sentiment handicapant. La tête froide. Se lever, silencieuse, donnant son regard dubitatif au sien, insipide. Tenter de lire en lui. Nul signe visible venant trahir la moindre de ses émotions ni intentions. Et pourtant, éprouver tout le danger qu'elle avait à demeurer là, à sa portée. Une aura particulière, qu'une vie passée à l'état sauvage lui avait appris à discerner. Plus encore, un artifice de défait, en lui-même éloquent de la puissance que renfermait cette créature.

-Je survis.

Une réponse brève, que la cannibale savait au fond sans importance. Inversement, celles que lui apporterait cette chose ne serait pas innocente du sort qu'elle lui réserverait.

-Toi... T'es quoi ?

Une question tout juste posée, et déjà, remarquer un élément de réponse.

-Ton odeur... elle ressemble à la leur. Un... "hollow" ?

Dès lors, la lumière de mise sur les intentions du colosse. Venu en cette place venger ses congénères ? De facto, une menace d'autant plus évidente. Restait à déterminer jusqu'à quel point. Un pas en avant, pour ne plus se trouver qu'à un rien de distance de ce qui s'apparentait de plus en plus à un ennemi. En parallèle, ne le lâcher du regard, franc. Un regard qui dit ses pensées. Des pensées renchéries par la matière que donne la libération de sa puissance intrinsèque. Une pression spirituelle crépitante, qui sonne comme une prévention. Celle que ses desseins ne seraient pas aisés de portée.

-Tu veux me tuer ?

Spoiler: