Il était temps de remettre légèrement les pendules à l'heure. Sans son intervention, la Vice-Capitaine des Nécromanciens serait sans doute morte à l'heure qu'il est, éparpillée en divers morceaux au sein d'un bois entourant la Division des Kidoshis. La Shinigami avait cru bon de s'entraîner seule à la maîtrise d'un Hado de très haut niveau en créant un bon gros grabuge. Les déflagrations s'étaient entendues au loin, en venant même à perturber le cours de Jinzen que Tenzen donnait à l'Académie. Une chance pour elle, car alors qu'il s'était rendu sur les lieux pour faire savoir sa manière de penser sur un tel vacarme, il avait pu la tirer de la mauvaise passe dans laquelle elle s'était mise.

À présent, Tenzen souhaitait juste à s'assurer que cela ne se reproduise plus. Et pour cela, il devait directement s'adresser au responsable de cette Division bien particulière ! En effet, qui d'autre que lui pourrait s'assurer que la préparation de ses subordonnés n'en viennent plus à nuire aux autres Shinigamis peuplant le Seireitei ? Après tout, il s'agissait des Nécromanciens, ils étaient capables par divers sorts et barrières de se couper totalement du monde s'ils le désiraient. Il n'y avait donc pas de raison d'avoir à faire face à une telle nuisance...

Ce pourquoi il se rendait en ce jour dans les quartiers des Kidoshis, avec la ferme intention de rencontrer Shimizu Haruki et de lui en toucher deux mots... Et cela passait par le fait de s'adresser au premier membre de cette Division qu'il croiserait afin qu'il cherche son dirigeant afin de lui faire savoir que Yakushiji Tenzen, Capitaine de la Neuvième Division, demandait à le voir. Et bien sûr, avec la réputation de ce dernier, le simple Shinigami ne tarda pas à partir en quête de son propre Capitaine...

Être un Capitaine de Division n'était assurément pas de tout repos. Cela, Haruki l'avait découvert depuis une paire de jours maintenant, propulsé de manière totalement inattendue au rang de Capitaine du corps de Kidô du Seireitei. De l'extérieur, le travail d'un Capitaine ne paraissait pourtant pas si ardu : pour beaucoup de Shinigami, les chefs des Divisions ne faisaient rien de leurs journées, se contentant de déléguer et de donner des ordres à tour de bras. Evidemment, leur puissance n'était aucunement remise en cause ; néanmoins le travail de fond qu'ils effectuaient était bien souvent méconnu. Et le Capitaine aux cheveux bleutés était justement en train d'abattre ce travail, qui se présentait comme souvent sous la forme d'une pile ahurissante de dossiers et rapports divers et variés, qui semblait ne pas vouloir diminuer, quelque soient les efforts qu'Haruki mettait à sa tâche.

Cédant à la fatigue et à l'ennui, il commençait à somnoler, sa tête se rapprochant dangereusement du dossier qu'il était en train d'étudier – rapport d'une troupe de ses hommes, expliquant comment ils avaient réparé une infime brèche dans l'immense Kekkai qui protégeait le Seireitei – lorsqu'un Nécromancien à l'air vaguement affolé pénétra en trombe dans son bureau. Immédiatement, Haruki se reprit, envoyant paître sa somnolence.

- Eh bien ? Ne sais tu pas que la coutume et le respect veulent que l'on frappe à la porte avant de débouler dans le bureau de son Capitaine ?

Le jeune Shinigami avait dit ça tout en arborant un chaleureux sourire qui relativisait les choses ; malgré tout, une ombre d'appréhension passa un instant dans les yeux de son vis-à-vis, qui s'inclina pour s'excuser :

- Pardonnez-moi, Shimizu-Taishô. C'est que le Capitaine de la Neuvième Division est présentement dans nos quartiers. Il souhaite vous voir le plus tôt possible.

Le Capitaine de la Neuvième ? Haruki s'offrit un instant pour réfléchir. Son collègue, il le savait, comptait parmi les plus vieilles âmes du Seireitei – parmi les plus puissantes, aussi. Mais quelle pouvait être la raison de sa venue ? D'ordinaire, les autres Divisions préféraient rester à distance du corps de Kidô – et vice-versa. Le Capitaine des Nécromanciens avait bien l'intention de changer la donne à ce propos, mais il n'avait pour l'instant pas encore eu le temps de tenter une approche diplomatique avec les autres Divisions. Alors comment expliquer la présence du Yakushiji en ces lieux ? Ne trouvant pas de réponse satisfaisante, il se mit en route sans plus attendre, allant à la rencontre de son visiteur, en lançant un bref merci au Nécromancien qui était venu le prévenir.

Les baraquements des Nécromanciens étaient comme une extension du corps d'Haruki, et il eut tôt fait d'y localiser son collègue, et de le rejoindre. Arrivé à son niveau, il le salua avec déférence.

- Bienvenue dans les locaux du Corps du Kidô, Yakushiji-sempai. C'est un réel plaisir de vous voir. Y-a-t-il quelque chose que je puisse pour vous ? On m'a dit que vous avez demandé à me voir ?

Il devait y avoir suffisamment de politesse dans cette phrase pour que le Capitaine de le Neuvième soit satisfait. A près tout, bien que leurs titres soient semblables, il paraissait évident pour Haruki qu'une âme de son âge devait réellement douter des capacités d'une âme aussi jeune à assumer la responsabilité de meneur d'une division. Peut-être était-ce d'ailleurs une des raisons de sa visite ?

Shimizu-Taishô !

Salua-t-il son confrère en inclinant légèrement la tête, tout en gardant sur son faciès son masque imperturbable parfois qualifié de froideur ou de sérénité. Sous ses paupières entrouvertes, son regard dur et sévère qui participait à sa réputation entièrement méritée. C'était la première fois qu'il rencontrait ce Capitaine dont il ne savait pas grand chose. L'espace d'un instant, il se demanda si cet homme pourrait rivaliser avec lui dans le domaine du Kidô... La logique voudrait que oui, mais il en vint à se dire qu'un être aussi jeune ne pourrait pas maîtriser aussi bien que lui ces sorts d'énergie spirituelle. Une simple question d'orgueil qui ne lui ressemble pas. Qui ne faisait tout bonnement pas partie de lui avant les premières manifestations de son Hollow intérieur. Aussi est-il capable de réprimer cet amour-propre et d'en revenir à la simple raison de sa venue.

Oui, en effet. Je souhaitais vous parler de votre Vice-Capitaine.

Un petit regard aux alentours. Il aurait préféré que le maître Kidoshi cherche à l'emmener là où ils seraient seuls, où ils pourraient parler sans qu'aucune oreille ne puisse percevoir le contenu de leur discussion. Mais après tout, tant pis si d'autres entendaient, cela pourrait peut-être servir d'exemple et de leçon.

J'ai pu la rencontrer il y a peu, dans des circonstances qui m'amènent ici... Est-ce normal de voir l'un de vos subordonnés s'entraîner en extérieur à des sorts du niveau du Senjû Kôten Taihô ? Il fut évident qu'elle ne le maîtrisait pas et a ainsi mis sa propre vie en danger, sans parler de la gêne auditive occasionnée... Elle en est même venue à déranger mon cours à l'Académie, ce qui vous en conviendrez n'est pas admissible...

Voilà comment il présenta simplement sa plainte, sans user de détours. Car selon lui, il n'était tout simplement pas pensable que tous au Seireitei doivent subir ce genre de désagrément lorsqu'il était possible pour eux d'utiliser des salles protégées et spécialement dédiées à cette pratique – c'est du moins ce qu'il comptait pour acquis, ce n'était pas non plus comme s'il connaissait les structures de cette Division. Voici donc la première partie portant sur les faits. Il attendrait la réponse avant de voir s'il était nécessaire d'évoquer lui-même la possibilité de sanction, afin qu'elle serve d'exemple et que cela ne se reproduise plus...

Lorsque la raison de la venue du Yakushiji fut révélée, Haruki ne put s’empêcher de serrer les dents. Des problèmes, déjà ? Il n’avait décidément fallu longtemps pour qu’il ait à assumer sa responsabilité de Capitaine en répondant des actes des membres de sa division. Mais sa Vice-Capitaine elle-même ? Qu’elle ait pu agir de telle façon paraissait tout à fait invraisemblable aux yeux du Capitaine aux cheveux bleus. Mais, il devait le reconnaître, ce jugement était totalement arbitraire. Il ne connaissait absolument pas son Lieutenant. Ni la plupart de ses hommes, d’ailleurs, à part ceux avec lesquels il avait été amené à travailler lorsqu’il n’était qu’un simple Shinigami du Corps de Kidô. Depuis sa promotion, la paperasse avait été son quotidien, et il n’avait définitivement pas eu le temps d’apprendre à connaître ses hommes. Cela serait certainement mal vu par le Capitaine de la Neuvième…

Toutefois, Haruki n’y pouvait pas grand-chose. Conscient que cette discussion ne pouvait se continuer au beau milieu des couloirs de sa Division – et réalisant un peu tard qu’elle n’aurait même pas dû y commencer, à voir les regards en coin que lançaient certains membres du Corps de Kidô de passage. Sans perdre plus de temps, le Capitaine signifia à son collègue de la suivre.

- Je vois. Si vous le permettez, je préfèrerais terminer cette discussion dans mon bureau.

Joignant le geste à la parole, le chef du Corps de Kidô prit la direction de son objectif, et les deux Capitaines eurent tôt fait d’y arriver. La porte coulissante refermée, il effleura la porte, installant en un seul geste un Kekkai qui garantirait aux deux Capitaines une parfaite intimité pour leur échange. Indiquant au Capitaine de la Neuvième deux coussins bien gonflés et colorés qui reposaient au sol, il le pria de s’asseoir tandis qu’il prenait lui-même place. Revenir sur le sujet précédemment abordé fut un peu plus difficile, et pendant quelques secondes, un silence gêné plana, avant qu’Haruki ne brise enfin le silence.

- Un incident de ce genre n’aurait jamais dû arriver, et j’ai du mal à m’expliquer comment cela a pu survenir. Notre Division possède un assez grand nombre de terrains d’entraînement spéciaux, qui sont en fait des Kekkais , permettant d’empêcher tout dommage et nuisance durant notre entraînement. J’ai même érigé l’un d’entre eux personnellement, et il est supposé être capable de contenir la puissance d’un sortilège aussi puissant que le Senjû Kôten Taihô – pour peu que celui qui l’exécute ne soit pas trop puissant.

Haruki s’interrompit une minute. Il le savait pertinemment, personne n’utilisait ce Kekkai dans le Corps de Kidô, à part lui. Bien peu nombreux devaient être ceux qui avaient réussi à maîtriser les arcanes les plus puissantes de la Nécromancie. Pour preuve, d’après le discours du Yakushiji, même la Vice-Capitaine de la Division n’avait su juguler la puissance du sort…

- Ceci étant dit, je dois vous avouer que je ne sais pas grand-chose à propos de ma Vice-Capitaine. Cela ne fait que quelques semaines que je suis à la tête de cette division, et pour l’instant, je n’ai pas vraiment eu le temps d’étudier le profil des membres de ma Division.

Ce-disant, il avait jeté un regard entendu sur la pile de paperasse qui trônait toujours sur son bureau. Le Yakushiji saurait probablement le comprendre…

- Quoi qu’il en soit, soyez assuré qu’aussi vite que possible, je toucherai deux mots à ma Vice-Capitaine à propos de cet incident. Je suis navré que votre cours ait été interrompu par son manque de discernement, et vous remercie d’avoir pu la secourir. Ce genre d'incident ne se reproduira pas.

Consterné que ce soit sa propre Vice-Capitaine qui se soit comportée comme une enfant, Haruki ne parvenait néanmoins pas à envisager l’idée d’une sanction à son égard. Il était trop tôt pour qu’il se permettre à distribuer des punitions, non ? Un simple sermon devrait suffire pour cette fois.

Après avoir entendu la raison de sa venue, Haruki jugea finalement qu'il serait bon, en effet, de se diriger vers son bureau. Là où ils pourraient converser seul à seul. Le mal était déjà fait, quelques oreilles attentives avaient déjà pu entendre de quoi il s'agissait. Cela donnerait peut-être une mauvaise image de la Vice-Capitaine de la Division des Nécromanciens, mais au moins obligerait à ce que sanction ait lieu. Cela lui sembla en tout cas désormais indispensable pour la cohésion de ces hommes et femmes. Tenzen n'en demandait pas plus... Enfin, il accepta de suivre son confrère, où il put s'asseoir en Seiza sur un coussin mis à disposition. De là, il ne fit qu'attendre la répartie du Shimizu sans broncher.

Lorsqu'elle vint enfin, les présomptions du Yakushiji furent confirmées : les locaux des Kidoshis possédaient bel et bien des terrains d'entraînement prévus spécifiquement pour que les sorts de haut-niveau puissent être exécutés sans que cela ne cause le moindre dérangement à quiconque. Il n'y avait donc aucun sens à ce que la jeune Kokoa ait pu perturber ainsi la sérénité du Seireitei. Selon son propre aveu, Haruki ne connaissait pas encore bien tous ses subordonnés ce qui n'était pas étonnant compte-tenu du fait qu'il n'avait été nommé qu'il y a bien peu de temps. Cependant, la promesse que cela serait rapidement réglé suffit à Tenzen. C'est tout ce qu'il voulait : ne plus avoir à être dérangé par ce genre d’événement.

Bien. Votre parole me suffit donc sur ce point. C'est la première fois que je vois des problèmes créés par les gens de votre Division, et je gage donc que ce n'est là qu'une erreur de jeunesse qui sera rapidement corrigée.

D'autant qu'un Capitaine est le seul à pouvoir décider des sanctions envers l'un de ses subalternes pour ce genre de faits qui ne représentaient pas réellement des délits. Le Capitaine au Lotus – en charge de la Justice et de l'application des peines – ne voyait pas les choses autrement. Il s'occupait déjà par trop de punir tous et chacun lorsque la Chambre des quarante-six le lui réclamait, et s'il pouvait parfois se laisser aller à quelques conseils disciplinaires, il s'en abstiendrait pour cette fois. Par contre, tant qu'à être là, un autre point avait attiré son intérêt...

Si je puis me permettre, j'aurais une autre requête à avancer. Comme ces dossiers en témoignent, votre temps est précieux, cependant j'aimerais en user quelque peu si cela est possible. Vous avez mentionné vos salles d'entraînements, protégées par des Kekkais d'une grande puissance. Pourriez-vous m'accorder le privilège de pouvoir y assister de mes yeux ?
Je ne sais si vous en avez connaissance, mais je suis moi-même très versé dans l'art de la Nécromancie, sans pour autant m'être particulièrement intéressé à la branche particulière des barrières. Et j'avoue qu'il ne me déplairait pas de voir les vôtres en action...

La raison qu'il avançait n'était pas entièrement véritable... Des Kekkais puissants, il avait déjà pu en voir à l’œuvre, notamment lors des Taishu, ces épreuves où un Shinigami devait faire montre de son Bankaï afin de pouvoir accéder lui-même à la qualité de Capitaine. Et durant ses presque sept siècles à la tête de la Neuvième Division, il avait pu souvent y assister. Non... Ce qu'il désirait voir en fait ici était la résistance des barrières du Shimizu en personne. Son prédécesseur excellait véritablement dans ce domaine, sans doute le plus remarquable des Shinigamis qui ait pu voir le jour sur ce point. Le remplaçant d'Hachigen pouvait-il tenir la comparaison ? Tenzen espérait bien pouvoir éprouver ce point...

Spoiler:

Tenzen fronça les sourcils. Après un moment de silence, son confrère avait finalement baragouiné quelques excuses. Comme quoi ce n'était pas possible, du moins pas en l'instant. Une contrariété pour lui, surtout vu l'explication avancée. Qu'on lui dise que les locaux des Nécromanciens n'étaient réservés qu'à eux seuls, qu'on lui dise qu'ils préféraient garder leurs secrets pour eux et que la méfiance, même envers en Capitaine, était de mise pour qu'ils gardent leur effet de surprise. Oui, c'était là des excuses qu'il pouvait entendre et comprendre. Pas de quoi en prendre la mouche. Mais là, cette espèce d'hésitation pour en finir par un simple « c'est impossible pour le moment » sans autre explication avait tendance à le frustrer quelque peu. Bien sûr, c'est un sentiment qu'il se doit de réprimer. Il n'a de plus même pas à insister... En effet, le Yakushiji n'apprécierait réellement pas du tout qu'un autre face de même avec lui. Si le Shirohasu disait « non », alors il n'en allait pas autrement... Dans ce cas donc il devrait se contenter de cela, malgré le désappointement.

Et bien dans ce cas, plus rien ne le retenait là ! Le Capitaine de la Neuvième Division resta poli néanmoins, même si son départ n'avait absolument rien de chaleureux tout de même. En y réfléchissant, l'explication tenait peut-être ailleurs. Et si... cet homme était tout simplement incapable de faire montre d'un Kekkai réellement suffisamment résistant pour tenir face à la puissance d'un Senjû Kôten Taihô de Tenzen ? Ou même de n'importe quel Nécromancien ? Enfin, il savait pourtant que cette Division ne manquait pas de pouvoir établir de barrières assez puissantes, il n'y avait qu'à s'en référer aux Taishus, ces tests où un postulant Capitaine devait faire montre de son Bankaï à ses confrères pour pouvoir rejoindre le Capitanat. La question resterait donc en suspens, mais il ne manquerait pas de tenter de tirer tout cela au clair, un jour ou l'autre...