C'est la misère par ici. [Pv : Shinjiro]

- Salut Aono, ça faisait un bail...

Cette simple phrase lâchée, sur un ton ordinaire, comme si deux amis se retrouvaient après de longs jours passés sans se voir. Lentement, je viens m'asseoir aux pieds de la statue de pierre, mon sabre appuyé sur mon épaule, dévisageant l'ancienne Vice-Capitaine, aujourd'hui élément du décors. Une statue déposée au beau milieu des jardins de la division, rien de très spécial pour quiconque ne serait pas au courant de l'histoire. C'était la toute première fois que je venais lui causer depuis sa mort, l'idée de taper la discussion à un bout de roche m'apparaissant comme stupide jusqu'à présent. C'est encore le cas aujourd'hui, j'en ai cependant pas réellement le choix. Avec les récents événements, il me fallait en parler avec une personne et Aono était la seule du Seireitei pouvant faire l'affaire. Étant qu'un sale con envers la plupart des autres shinigamis de la neuvième, rares étaient les personnes à me supporter. Bien qu'il allait leur falloir redoubler d'effort à présent que je n'étais plus le troisième siège.

- T'as dû le remarquer avec la vue que t'as sur la division, mais pas mal de choses ont changées depuis que t'as fais ta connerie.

Une pure connerie, voilà comment je vois sa mort. Voir son propre Bankai se retourner contre soi et trouver la mort, c'est une mort vraiment stupide. J'ai encore du mal à encaisser que cela lui soit arrivé, c'est juste vraiment trop con de crever de cette manière... M'enfin, j'me garde bien d'lui dire, j'vais pas commencer à l'insulter dans son repos, ce serait moche. D'autant que maintenant, j'ai conscience du travail qu'elle abattait chaque jour et j'respecte le fait qu'elle n'est jamais flanchée. Un simple troisième siège à qui l'on confie la mission de combler le vide que va laisser la récente disparition de son Fukutaishô, forcément que cela vous endurcie. Dans le sens où j'ai tellement bouffé d'la paperasse que j'en suis immunisé désormais, la plus grosse des piles ne m’effraieraient pas comme autrefois. Ce qui me sera fort avantageux avec cette nouvelle promotion, toute fraîche, datant d'à peine quelques heures, deux ou trois tout au plus. Une convocation du Sotaishô en personne, rien que cela.

- Ils ont décidé de remplacer la secrétaire que tu étais, par la grande gueule que je suis. A voir s'ils ont fait le bon choix, j'sais pas trop. D'autant qu'ils n'ont pas choisi le meilleur moment pour le faire...

Ma main droite vient agripper la plaque en bois sur mon bras droit, celle portée par les douze Vice-Capitaines du Gotei. En étais-je réellement digne ? Cette question aurait dû être posée au Yakushiji, ce dernier avait cependant décidé de se retirer de son poste jusqu'à nouvel ordre. Sans même me prévenir, moi qui l'assistait dans son travail, m'laissant comme un con avec un tas de questions en tête. Cette promotion arrivait quelques temps après mon éprouvant affrontement avec Reisen. L'état dans lequel j'ai terminé ne m'ayant aucunement facilité la tâche... Aujourd'hui encore, j'évitais de trop remuer les bras, encore fragilisés de l'intensité du duel. Vraiment, depuis la rencontre avec ce rageux, tout s'était enchaîné à une vitesse folle, perturbante. J'en arrivais à maudire le jour où croisé son chemin, ainsi je serai resté bien peinard dans mon rang de troisième siège. D'un autre côté, je tenais en quelque sorte la promesse faite à cette femme, Aono. D'où la raison de ma présence à ses côtés aujourd'hui, jour de ma promotion.

- Je t'avais bien qu'un jour, tu me laisserais ta place. J'avais imaginé que ce serait moi qui botterais tes petites fesses de ta chaise de secrétaire, m'enfin c'le résultat qui compte hein...

Esquissant un sourire, je relevais les yeux vers mon ancienne amie, regrettant quelque peu le fait qu'elle ne soit pas en mesure de me reprendre sur mes propos...

Ce n’était pas un lieu qu’il appréciait particulièrement… Les quartiers de la Neuvième ne faisaient généralement pas partis de ses centres d’intérêts et il évitait d’ordinaire cet endroit. Faut dire que l’animosité qui existait entre le Capitaine de la Division de la Justice et celle du Combat était de notoriété publique et expliquait à elle-seule la tension qui perdurait entre les deux groupements militaires. Les nombreux combats auxquels ils s’étaient adonnés prouvaient d’ailleurs qu’ils ne s’appréciaient pas des masses. Pour autant, il avait toujours existé une sorte de respect entre les deux hommes. Pas le respect de l’être, bien évidemment, mais plutôt de ce que l’un et l’autre représentaient. La droiture, la force de ses convictions parmi tant d’autres. Et s’ils étaient très différents l’un de l’autre, ils n’en restaient pas moins identiques dans leur manière de procéder.

Ainsi, lorsque Tenzen avait annoncé son retrait de ses fonctions, les capitaines avaient été abasourdis. Shinjirô en premier par ailleurs. Et s’il ne regretterait certainement pas les manières de cet homme, il savait qu’il serait difficile de trouver un remplaçant aussi compétent que lui pour reprendre la tête de cette division. Avec la perte récente d’Aono, ancienne Fukutaishô, la Justice avait perdu deux précieux atouts. Mais voilà que la nomination d’un nouveau Lieutenant avait été annoncée, permettant de faire évoluer le Troisième Siège de ce groupe à un poste supérieur. Voilà ce qui motivait la présence du Kenpachi ici-même.

On lui avait clairement indiqué l’endroit où se trouvait l’homme en question. Et le Kenpachi avait hâte de voir qui était ce fameux Lieutenant. Il avait déjà entendu parler de lui… Une brute épaisse selon les rumeurs – cela le faisait d’ailleurs sourire – qui avaient été affectés à la mission de recherche des traîtres de la Onzième. Et selon ce qu’il avait appris, ses méthodes d’interrogations étaient plutôt musclées. En un sens, même s’il ne le savait pas, il avait en quelque sorte sauvé la vie de ces rebelles. Car si l’on avait dépêché Noboru et Shinjirô pour les retrouver, sans doute qu’il n’y aurait eu aucun survivants. De plus, il avait également eu connaissance d’un affrontement entre lui et Reisen. De quoi réellement intriguer Kiryû. Enfin il perçut sa silhouette, près d’une statue à l’effigie d’Aono. A ses pieds, semblant discuter avec elle. Shinjirô connaissait l’histoire tragique de cette femme. Une histoire qui était en réalité devenue une immense blague parmi les hommes de sa division. En effet, la jeune femme avait un jour eu le culot de défier Noboru, se prenant alors une belle trempe. Quelques temps après, elle se faisait avoir par son propre Bankai en cherchant à le dominer. Une mort absurde…

- C’est toi, Ryûzoji Yoshihiro ?

La silhouette imposante de l’Argenté s’étendait tout autour de l’homme. Il ne serait sans doute pas difficile pour Yoshihiro de savoir à qui il avait à faire… Car si le Haori aux manches courtes ne laissait aucun doute quant à son rang, c’était surtout sa stature et son immense Zanpakutô accroché dans son dos qui balayaient les questions des uns et des autres.

- J’ai entendu dire qu’un nouveau Lieutenant a été nommé. Et comme c’est un peu le bordel par ici, j’avais envie de voir de mes yeux celui qui a fait l’unanimité. Pas que ça m’regarde, mais disons que la Neuvième et moi sommes en quelque sorte lié, quoi !

Et il se mit à ricaner, imaginant la tête de Tenzen si ce dernier l’avait entendu dire cela.

Si je m'attendais à cela... Une voix venait d'attirer mon attention, ayant pour effet d'attirer toute mon attention sur la personne à laquelle cette voix appartenait. Et quelle personne, j'en souriais en constatant qu'il s'agissait ni plus ni moins du Kenpachi, Capitaine de la Onzième Division. Certainement la personne que je m'attendais le moins à recevoir en ces lieux aussi rapidement après ma nomination au poste de Vice-Capitaine. Beaucoup de choses se disaient sur la rivalité qu'entretenait le colosse et le Yakushiji, ayant quitté ses fonctions récemment. Cela avait même eu des répercussions sur l’entente entre les deux divisions respectives, notamment l'affrontement entre Aono et le Lieutenant Kyuusei, ce dernier repartant avec la victoire. Je n'avais rien fait personnellement pour arranger les choses, ayant déjà du mal pour m'attirer la sympathie de mes propres subordonnés. Certains d'entre eux vont jusqu'à penser que je n'ai jamais eu ma place au sein de la division de la justice...

Adressant un signe de la tête au Kenpachi, simple geste de salut, je répondais par la même à sa première question, souriant en écoutant la suite de ces propos. En quelque sorte lié à la Neuvième hein ?

- Shinjirô-Taishô, c'est avec surprise que je constate que vous avez fait le déplacement jusqu'ici. Vous sentiriez-vous seul depuis le retrait du Capitaine ?

Puisqu'il avait commencé en déconnant un peu, autant en profiter avant d'entamer les sujets sérieux. Ce qu'il venait faire ici ne me surprenait guère, il était normal pour un Capitaine de vouloir se renseigner sur l'homme qui tenait les rennes d'une division. D'autant plus lorsque celui-ci n'est pas réellement aux commandes, qu'il ne porte pas sur ses épaules ce fameux Haori blanc dont tout Capitaine dispose. Cette situation me rappelait celle de ce vieil enfoiré de Reisen. Lui aussi s'était retrouvé dans une position similaire, à devoir gérer toute une division seul pendant l'absence de son supérieur. De ce que j'en sais, cela ne lui avait pas fait que du bien à ce rageux. Certes, il avait pu démontrer ses compétences et prouver à tout le Gotei qu'il méritait de prendre la place vacante de dirigeant de la Jusanbantai, mais il en avait légèrement pété les plombs en chemin. Et je n'étais pas innocent dans l'affaire...

- C'est bien moi que l'on a nommé Vice-Capitaine, suite à la mort d'Aono... C'est un peu le bordel car j'ai été pris de court par le départ du Capitaine Yakushiji, jamais je ne me serai attendu à ce qu'il quitte son poste... Aono gérait pas mal de choses de son vivant et Yakushiji-Taishô se chargeait du reste, du coup je n'ai jamais vraiment été habitué à autant de travail.

Encore que, comme souligné précédemment, niveau paperasse j'étais bon. Seulement si mon nouveau rôle s'arrêtait à remplir des documents à longueur de journée, ce serait trop facile. En plus d'être mortellement chiant.

Seul ? Peut-être pas jusque là, même si y’avait sans doute un peu de ça, il est vrai. Shinjirô faisait parti de ceux qui avaient besoin d’avoir un rival pour progresser. C’était tout con comme principe mais le colosse devait admettre que sur lui, ça fonctionnait foutrement bien. Tenzen étant à ce jour le seul capable de tenir réellement la distance face à lui, il devait admettre qu’il avait besoin de ça comme moteur. Mais passons… La remarque du Fukutaishô avait au moins eu le mérite de faire rire Shinjirô. L’humour était quelque chose de rare parmi l’élite du Gotei et il était agréable de voir qu’il n’était pas le seul à le pratiquer. Dans sa propre division, il n’avait pas trop à se plaindre. Mais dès qu’il était en contact avec les autres, c’était toujours conflictuel.

- Ton Capitaine est une véritable tête de con… Mais j’avoue que c’est pas pareil sans sa gueule de constipé. Les autres sont trop mous ou trop inexpérimentés pour prendre le relais. Puis j’vois mal qui parmi eux serait capable de me faire fermer ma gueule.

Shinjirô n’était pas un homme facile et était réputé pour ses colères redoutables. Sa puissance surpassant de loin celle des autres, il n’avait généralement personne pour s’opposer à lui dans ces cas là. En dehors du Yakushiji, il s’entend. Bien sûr, le Sotaishô en était plus que capable mais sans doute ne jugeait-il pas le comportement du colosse aussi durement que d’autres. Et s’il est vrai que son retrait temporaire était une malédiction pour la Soul Society, c’était aussi inexplicable pour les membres de la division de la Justice.

En tout cas, il comprenait l’état d’esprit du Shinigami face à lui. Être confronté à des responsabilités de ce genre, c’était vraiment emmerdant. Malheureusement, on n’avait pas toujours le choix, Shinjirô était bien placé pour en parler. S’il avait pris la tête de la Onzième, c’était en partie parce qu’il s’était toujours fixé cela comme objectif. Mais les contraintes qui allaient de pair avec le rôle de Capitaine, ça lui restait généralement en travers de la gorge. Mais pour ce problème, il avait trouvé une solution efficace. Et aujourd’hui, il allait conseiller cet homme afin qu’il ne se noie pas dans ces soucis.

- J’vais te dire un truc, mon pote, qui risque de te faciliter la vie. Chez nous, on a un principe… Le gars qui est en dessous de toi doit faire ton taff. Point barre. Je refile toutes les corvées administratives à Noboru pour ma part. Et j’sais que cette tête de lard fait pareil avec le troisième Siège. Le but, c’est de se décharger au maximum. Par contre faut faire gaffe… Les emmerdes, si c’est mal fait, sont évidemment pour ta gueule. Mais mes gars ont trop peur que je les démonte s’ils font les cons. Joue là-dessus ! En plus t’as pas un physique de fillette, ça devrait donc jouer en ta faveur. Qui te dirait non ?

Quoi que pour Noboru, c’était différent. Il ne le craignait pas, prenant même un plaisir malsain à foutre son capitaine dans la merde. Un jeu qu’ils avaient depuis plusieurs années en réalité, et qui en serait pas prêt de s’arrêter.

Je ne pus réprimer un rire bruyant de s'élever tandis que les propos du Kenpachi me parvenait aux oreilles. Un rire franc, provoqué par la franchise déconcertante de Shinjiro qui rappelons-le, était Capitaine. Il n'était pas courant de pouvoir échanger de la sorte avec une personne aussi puissante et respectée du Gotei. Moi qui était habitué au Yakushiji, cela me faisait bizarre lorsque " tête de con " " gueule de constipé " ou '' fermer ma gueule '' sortait d'la bouche d'un supérieur. Un langage qui me convenait d'autant plus. Ce qui restait le plus drôle dans toute cette histoire, c'est qu'il avait tendance à avoir raison. Évidemment pas sur le fait qu'il soit une tête de con, il restait mon Capitaine. Là où nos avis se rejoignaient concernait comment dire... cette fâcheuse tendance à froncer les sourcils en permanence. Lui arracher un sourire, je n'ai jamais vu personne le faire. Je n'y suis jamais parvenu, en plus de ne jamais m'y être essayé. C'est que la moindre mauvaise blague pourrait mal tourner pour ma gueule, alors autant éviter.

- J'connais pas réellement les autres Capitaines, de vue seulement et encore, j'suis pas l'genre à forcer une rencontre. C'que j'sais en tout cas, c'est que j'comprends c'que vous ressentez, enfin je crois... Y'a bien un gars moi aussi que j'peux pas encadrer et c'est sans aucun doute réciproque. Un gars qui m'donne envie d'lui claquer mon poing dans les dents quand j'croise sa p'tite gueule... Malheureusement, Yakushiji-Taishô a fait en sorte que cette histoire soit définitivement réglée, du coup j'aurais pas l'occasion d'retenter ma chance !

Et à présent que j'la ferme, j'ai l'impression d'en avoir clairement trop dit. J'sais pas si Tenzen apprécierait que j'remette cette histoire sur l'tapis, surtout avec le Kenpachi. M'enfin, le Capitaine n'est plus là désormais, hein ? J'crains pas vraiment d'm'adresser ainsi au colosse, il ne me semble pas s'prendre la tête avec ces conneries. Pouvoir parler sans faire gaffe à ce que tu dis ou comment tu l'sors, c'est bien moins stressant et gonflant, 'faut avouer. Si la Onzième se démarquait autant des autres divisions, c'était avant tout par son meneur. Cet homme et ses conseils tout particuliers, qu'il ne fallait pas rater. Une méthode des plus simplistes pour s'éviter une surcharge de travail, mais ô combien mauvaise moralement. Chose dont je me foutais royalement. Refourguer toute la paperasse administrative tellement passionnante à son subordonné, ne garder que les bonnes choses à faire pour soi. Qui restaient rares, il est vrai, mais qui existaient. Souriant à mon interlocuteur, je posais les yeux sur la statue d'Aono.

- J'connais ça ouai, Aono s'tapait tout le temps une masse énorme de documents chiants à traiter, elle y passait des heures tous les jours. 'Faut croire que Yakushiji-Taishô et vous n'êtes pas bien différents à ce niveau. Et je ne me priverai pas pour appliquer cette façon de faire à mon tour. Là où j'crains que ça coince, c'est niveau connerie comme vous dites. Mes hommes, s'ils font les cons, le feront volontairement, sourire aux lèvres. C'est qu'ils m'aiment pas vraiment ces enflures ! J'ai toujours eu une mauvaise réputation au sein de la division !

Forcément, un esprit belliqueux dans un corps taillé pour le combat, cela reste efficace pour s'attirer le rôle du grand méchant d'la Neuvième. D'autant plus lorsqu’on prend un malin plaisir à jouer sur son grade pour en faire baver aux autres. Chose qui était vraie auparavant, qui le restera sans doute un peu à jamais, chose qui s'est néanmoins apaisée depuis les quarante-huit heures éprouvantes passées au milieu d'une cour, écrasé par cinq piliers. M'enfin, je ne ferai rien pour que les relations avec mes hommes s'arrangent et eux non plus, alors autant ne pas aborder le sujet plus en profondeur. Puisque le Kenpachi était venu à moi, curieux de savoir comment se porter la Kyuubantai après la perte de son meneur, autant en profiter pour en savoir plus à ce propos. De par son grade et son influence au sein du Gotei 13, il en savait certainement plus que moi. Je l'espérais. Qui en saurait plus autrement ? Le Sotaishô évidemment, je préférais toutefois éviter d'avoir à faire le déplacement jusqu'à ses quartiers.

- Dites-moi Kiryû-Taishô, savez-vous ce qui a poussé le Capitaine à quitter ses fonctions aussi brutalement ? J'veux dire, personne ne devait s'y attendre, j'me trompe ?

Ne pas pouvoir régler ses problèmes, Shinjirô connaissait. Il se doutait d'ailleurs du nom de la personne concernée par les propos du Vice-Capitaine. Il avait entendu diverses rumeurs quant à l'entente entre Reisen et lui, des rumeurs confirmées par le Rageux. Une animosité condamnable aux yeux du Gotei mais le Kenpachi n'avait pas le même regard sur ce genre de relation. Selon lui, selon sa propre expérience, la rivalité permettait de se surpasser, de rester affuté. Et en temps de guerre, il était évidemment indispensable d'être toujours prêt. Lui et Tenzen se détestaient mais Shinjirô s'était rapidement aperçu que le combattre lui permettait de rester au top. Car s'il résistait face à lui, alors il était capable de repousser n'importe quel ennemi. Une vision simpliste de la situation, certes, mais qui n'en restait pas moins extrêmement importante à ses yeux.

Il n'était toutefois pas étonnant que ce vieux grincheux de Tenzen se soit mêlé à l’histoire. Derrière ces sourcils arqués se cachait un homme trop droit, capable de rabrouer sèchement tout manquement aux lois du Gotei. Mais selon ce qu'il voyait ici, Shinjirô ne doutait pas un instant qu'un nouvel incident aurait lieu tôt ou tard. Peut-être pour une question d'égo ou d'honneur. Mais il était prêt à parier une belle somme que les deux hommes en reviendraient aux mains. Et ce jour-là, il comptait bien y assister. Encore que, ce serait difficile d'anticiper...

- Faut t'imposer. Lorsque ces mecs en auront marre d'en prendre plein la gueule, ils apprendront à se calmer. Tu crois que mes gars m'ont accueilli les bras ouverts quand j'ai fait rouler la tête de leur Capitaine par terre ? Noboru n'a pas eu la vie facile non plus lorsqu'il s'est farci l'autre gus. J'peux te dire qu'ils ont pas appréciés que je porte ce Haori. Bah aujourd'hui, vois comment ils sont ! Nan, crois-moi : le respect, ça se gagne. T'as du caractère, tu dois t'en servir.

Shinjirô disait là une vérité. Se faire accepter était une épreuve en soi et chacun avait sa manière. Lui et le Vif-Argent avaient toujours usés des poings pour imposer leur vision des choses aux autres. Et ça marchait du tonnerre. Mais d'autres préféraient la subtilité, une notion complétement abstraite pour le colosse qui ne voyait là qu’un tour de passe-passe pour tenter d'amadouer des crétins. Au final, la force suffisait. Et ensuite arrivait le véritable respect, celui qui se gagnait sur les champs de batailles, en protégeant ses mecs, en détruisant l'ennemi. Yoshihiro était de cette caste, il en était sûr.

- C'est bizarre, hein ?

Faisant référence à la dernière question du Lieutenant, Shinjirô imaginait clairement le désarroi de ce dernier. Il est vrai que Tenzen avait pris tout le monde à contre-pied. Lui qui était le plus vieux Capitaine en exercice, en dehors de Shunsui, lui qui était à cheval sur les principes les plus élémentaires du Gotei, voilà qu'il prenait une retraite anticipée. Alors même que le Gotei avait le plus besoin d'homme de sa trempe. Shinjirô n'aimait pas ce type. Mais il devait admettre qu'il possédait des capacités plus développées que les autres. Et sans doute le seul à pouvoir l'aider dans la protection réelle du Seireitei. Les autres avaient beau posséder une force remarquable, ils n'étaient finalement bons qu'à retarder l'ennemi. Même Tojo, en qui il avait une confiance importante, ne pouvait soutenir la comparaison avec un tel homme.

- Y'a des bruits qui courent... Disons qu'il a été quelques peu secoués par notre précédente mission. Des Capitaines qui se retournent contre le Gotei, ça a de quoi perturber. J'sais pas trop ce qui lui ai passé par la tête, surtout qu'on est pas vraiment pote tu vois, mais j'pense qu'il a eu besoin de se retirer un peu pour se poser. Un truc de gonzesse, si tu veux mon avis. Sans doute son âge avancé qui fait qu'il n'a pas été capable de supporter ce qu'il a vu. M'enfin, ce ne sont que les suppositions d'un soldat. Et généralement, on porte pas trop de crédit à mes idées. Va savoir pourquoi hein !

Adressant un petit clin d’œil au lieutenant, il se mit à rire. Évidemment qu'il se savait plus con que la moyenne lorsqu'il s'agissait de discuter de choses importantes. Son instinct le poussait à choisir la solution la plus brutale généralement, laissant la réflexion à Noboru? Y'a qu'à voir la merde dans laquelle ils se trouvaient parfois d'ailleurs.

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