Contempler Nacimiento depuis le dôme de Las Noches, en tailleur. Plusieurs heures à laisser la brise relever sa crinière négligée, ne se lassant guère de ce paysage marginal. Non pas que le fourmillement des bidonvilles lui soit inconnu, loin s'en faut ; réminiscences de son enfance passée dans l'un des districts les plus malfamés du Rukongai. Des souvenirs n'animant en lui guère plus qu'une vague morosité. Morosité de loin éclipsée par cette fascination. Fascination qui découle du contraste entre la représentation qu'il se faisait de tel territoire et ce qui se profilait présentement à son regard d'étranger. Au lieu de la terre de tous les vices, comme il est commun de l'entendre sur les terres de la justice proclamée, un espace de vie d'une relative harmonie.

Pouvait-il pour autant avancer que son camp d'origine nourrissait des préjugés infondés à l'encontre des hollows ? Si la réalité s'avérait effectivement bien plus complexe que ne le laissait entendre la pensée du commun des shinigamis, il paraissait hâtif de réfuter ceux-ci d'un revers de main. Une réalité qui n'avait apparemment pas toujours fait loi. Une réalité nouvelle, née du culte du Sima, rendant périmée la base des connaissances des dieux de la mort sur leurs ennemis millénaires. Une réalité révolutionnaire, le frappant lui-même au plus profond de son être. De presser sa poitrine, introverti, avant que ne l'interpelle quelque chose d'attendu.

Se lever. Avancer d'un pas. Tomber dans le vide, pour ré-freiner sa chute aux derniers mètres, se posant doucettement sur le pavage récent des rues de la cité. Quelques minutes de marches, pour arriver auprès d'un arrancar, partageant avec lui des familiarités révélatrice d'une bonne entente. Bautista, arrancar de base Gillian, que l'Usagi rencontra à son arrivée. Un temps de méfiance, avant que n'apparaissent les premières bribes de complicité. Une complicité construite sur les intérêts, car il était payant de se rapprocher d'un membre de l'Espada, quel que soit son appartenance raciale. Et quel rapprochement... Se porter garant de sa protection ; une chance inespérée pour tout hollow d'une faiblesse à devoir se contraindre à la soumission à outrance, sous peine de mettre à mal sa bonne longévité. Désormais, de n'avoir plus de comptes à rendre qu'au Vizard, ainsi qu'aux élites qui lui étaient supérieures, à savoir une poignée d'individus ; très clairement, une grande avancée par rapport à sa situation antérieure.

Un cadeau ? Un paiement plutôt, en échange de services rendus. Sans se montrer brusque ni agressif, l'Usagi ne tarda pas à rappeler son interlocuteur à ce service. L'attendre à l'entrée de la maisonnée que Bautista lui ramène l'objet de son désir. Selon toute vraisemblance, il lui faudrait encore du temps avant de gagner de son antagoniste la confiance suffisante pour être convié dans sa demeure. Retourner sur ses pas, un sac en main, qu'il portait par-dessus l'épaule. Si l'on se fiait à la fin de l'échange entre les deux protagoniste, passé il y a quelques minutes de cela, ce bien provenait d'un monde différent de celui-ci. Colis mystérieux, que la Cuarta Espada porta nonchalamment jusque l'équivalent rustique d'un bar. Prendre place devant le gérant, poser à ses pieds son bien, pour commander deux coupes de Saké. Une présence en son dos. Ne sembler y porter aucune attention. En définitive, une façade.

-Eh bien, vous ne vous asseyez pas ? … Là d'où je viens, cette boisson est d'une popularité à subjuguer le plus austère des individus ! Il serait dommage de s'en priver ! À moins que vous ne préfériez autre chose ?

Une présence à peine perceptible, dont il ignorait depuis quand elle l'épiait. De sentir malgré tout un intérêt porté à son égard de la part de cet inconnu. Un intérêt non impulsif ; encore que le vizard spéculait beaucoup. De laisser à cette personne le temps de faire son choix, pour simplement profiter de l'instant présent. Remuer doucement sa coupe, le regard introverti.

-C'est tout de même incroyable... Avant d'arriver ici, j'étais loin d'imaginer que cette cité ressemble autant au Rukongai. Ce n'est pas le chaos qu'on nous a vendu. Loin de là. Si stable... Se dire que tout ça n'avait trace il y a encore deux ans de cela... Je peine encore à le concevoir.

Marquer un bref blanc, avant de reprendre, un sourire bienveillant adressé à son vis-à-vis.

-Par hasard... vous suis-je vraiment étranger ?

- Ne sommes-nous pas tous des étrangers pour quelqu'un ?

- Nous ne sommes pas nombreux en ce monde. J'étais curieuse de faire votre rencontre et de pouvoir discuter un peu avec vous. Je vous prie d'excuser ma curiosité... Je n'ai pas pour habitude de suivre ainsi des membres éminents de la cour du Roi. Je suis Rhodé.

- Là d'où je viens, nous évitons ce breuvage car il fausse le jugement et la perception des choses.

Un simple regard, le plus amical du monde, porté en direction de la personne venue l'aborder, pour ensuite se contenter de l'image ainsi mémorisée dans son esprit. Dénoter là d'une désinvolture à l'allure téméraire, pour faire douter son observatrice de sa prise en compte ou non du moindre facteur pouvant attiser sur lui le danger. Une jeune femme réservée. À son dos, un pommeau peu commun. Malgré tout, bel et bien une shinigami qu'il identifia là. Non... Cette présence en filigrane de sa signature spirituelle... Une vizard. Une certitude qui ne fut acquise qu'à l'instant, du fait du grand talent qu'elle sembla détenir en matière de camouflage. Une tenue d'une neutralité à en esquinter sa curiosité. Que pouvait-elle bien être ? Une rôdeuse de chemin ? La raison de sa venue en ces lieux... Motivée par le folklore d'une rumeur sur la cité de Nacimiento ? De passer au crible chaque détail, tout en faisant tournoyer l'alcool dans sa petite soucoupe, naturel ; et pourtant, pas moins prêt à se défendre s'il le fallait.

Sourire à sa première remarque. En effet, de ne jamais entièrement connaître une personne. Des années passées à discuter quotidiennement avec une même personne que cette dernière n'en demeurait pas moins capable de surprendre, que ce soit du bon ou du mauvais côté. Une vie à ne côtoyer que des étrangers. Réalité à rendre élémentaire la méfiance. Néanmoins, de ne s'en offusquer guère. Se méfier pour mieux connaître. Se méfier pour mieux apprécier. Se méfier pour mieux éprouver. Au fond, l'épice de l'existence.

Écouter avec une attention studieuse son interlocutrice. Sentir des perches de tendues. Peu nombreux en ce monde. D'être touché au creux de ses perceptions depuis son arrivée en ces lieux. Ainsi, elle ne s'en cachait pas, contrastant là avec la première impression qu'il s'était fait d'elle. Suivre des membres de la cour. D'être, selon toute vraisemblance, connu d'elle en sa qualité d'Espada, de quoi achever de réfuter ses premières hypothèses sur son identité possible. À moins qu'on ne l'ait renseigné sur les forces en présence à son arrivée. L'inutilité de se triturer plus l'esprit sur la question. De s'attacher désormais à lui rendre sa politesse.

-Rhodé ? Juste quand je vous soupçonnais d'être une rôdeuse, c'est amusant. Ou pas du tout. Moi ? Je m'appelle Kazuhide. Heureux de faire votre connaissance, Rhodé.

Ne s'éterniser sur la question de l'identité de Rhodé. Sans doute qu'elle avait ses raisons d'entretenir le flou dessus. Contre productif ce serait de l'importuner d'entrée de jeu sur des sujets qui jettent le malaise sur ce qui ne devrait rester qu'une sympathique expérience. Plaisir d'une nouvelle rencontre, à agrémenter d'une gorgée de saké afin de donner un brin de fantaisie à son esprit ; avant de se laisser figer, coupe en bouche, par la dernière remarque de sa vis-à-vis. Poser doucettement l'objet, pour se tourner vers la jeune femme, un sourire gêné sur sa figure, confortée par un rire situé dans le même registre.

-Haha... Oui, vous avez raison. Ce n'est pas très sérieux. Que l'on se rassure ! Je n'en suis pas à entretenir un quelconque rituel de buvette ! Du tout du tout ! Hum... Raison de plus pour m'arrêter là, n'est-ce pas ?

Se gratter la nuque. Non un réel malaise ; garder un comportement bon enfant. D'avoir pris l'habitude de soirées passées au bar en compagnie de ses hommes. Oui, une attitude n'étant pas très adaptée à sa compagnie présente. Une petite maladresse que l'Usagi ne tarda pas à effacer en abordant une nouvelle question cette fois plus sérieuse. Du moins, dans le fond.

-Un environnement apparemment hostile. Je comprends bien... Suis-je trop indiscret si je vous demande d'où vous venez, Rhodé ? La route a dû être harassante, pour parvenir jusqu'ici.

Cette fois, de la chercher du regard. Derrière ça, une motivation toute naturelle pour lui. Aiguiser son sens de l'empathie, pour faire d'elle une étrangère familière.

- Aucune indiscrétion à cela. Je suis venue à vous, il est normal que vous puissiez vous interroger sur moi.

- Je ne viens pas de si loin que cela, Seigneur. Naciemiento est ma demeure. Et je sers le Palais et ses propriétaires comme je le peux, ne serait-ce que pour les remercier d'être clément avec moi. Ma nature étant ce qu'elle est, je n'ai jamais été la bienvenue en ce monde. Les guerres éternelles que se livrent nos peuples n'ont pas aidées à me faire une place.

- Ce monde est mien depuis de nombreuses années maintenant. Mais vous l'aurez deviné, ma première demeure était la même que la vôtre. Il m'était moins pénible de me cacher de mes poursuivants ici. Vous devinez aisément pourquoi.

- Je vous envie, vous savez. Je n'ose rêver un jour d'obtenir une place identique à la vôtre. Pouvoir prétendre à un tel rang est impressionnant, surtout pour nous. Puis-je vous demander votre secret ?

-Je vous comprends bien.

La difficulté de se faire une place dans ce monde. D'être dans cet exact cas de figure. Moment où il s'agissait de prouver à ses hôtes sa valeur pour se faire accepter d'eux. Fort probable que sa survie ne se justifie que par son bon potentiel au combat. Une règle vraie pour lui-même ainsi que pour ses semblables. De devoir posséder une certaine force pour que sa conscience ne se fasse dévorer par le parasite hollow. Mieux, pour le dominer. De fait, un atout qu'il serait malvenu d'ignorer, d'autant dans une situation où la survie de leur camp était autant incertain. Une course à l'armement, expliquant que le Sima soit l'enjeu central du Rey.

Exprima-t-il sa joie de rencontrer une congénère, de retrouver un repère qu'il connaissait bien, que l'Usagi ne discerna qu'à présent une bribe de malaise en filigrane de cette conversation. Non pas qu'une remarque ait jeté le moindre froid, quoiqu'il l'ignorait, mais une manière d'être particulière. Une attitude qui ne trahissait pas ses pensées, pour la rendre opaque à lui ; malgré l'attention attaché à la moindre mimique. Servir le palais ? Depuis des lustres, de ce qu'il comprenait. Et pourtant, ne découvrir son existence que maintenant. Une personnalité discrète, selon toute évidence. Ce qui se comprenait.

Une remarque qui n'allait pas pour le laisser indifférent. S'être rendu ici pour se cacher de ses poursuivants ? Réfléchir alors à ses propres motivations. Venu en ce lieu par pur instinct. Dans un état miteux, proche de l'agonie, sauvé par le seigneur de cette cité. Sans doute avait-il eu la même motivation à cet instant, inconsciemment. L'évidence qu'après l'assassinat d'un Reaper, la tâche de se cacher dans le monde des humains aurait été plus ardue que de se ranger dans l'armée ennemie. Un asile, qu'il allait devoir payer de son service et de sa loyauté la plus irrépressible. En cela, une raison tout-à fait valable que celle de sa vis-à-vis. De soudain se laisser prendre de court par l'intonation et la tournure que prenait la discussion. Cette sensation, comme une fausse note. Son secret ? De demeurer une longue minute muet, masquant bien difficilement sa surprise, pour enfin retrouver son sourire habituel.

-Pour que vous puissiez comprendre mon secret, il nous faudrait sortir. Nul doute que cet endroit sera plus éloquent que je ne saurai jamais l'être avec des mots.

Lorgner cette fois sur sa coupe à demi-pleine. Douloureux que ce serait de gaspiller un breuvage qui avait dû demander de la part de son vendeur beaucoup d'efforts pour se l'approprier. Des risques pris en échange de la promesse de sa protection. Faire honneur à ses efforts. La vider, pour en tirer une brève grimace. Se lever, pour alors se tourner vers le dit maître des lieux.

-Chester, veux-tu bien garder pour moi ce colis ? Je viendrais le récupérer plus tard. Merci à toi !

Hochement de tête de la part du concerné. N'avoir nul souci à ce propos. Se diriger vers la sortie, pour s'offrir à la brise extérieure. Le pas lent, pour reprendre une allure normale quand la rattrapa enfin son interlocutrice. Aux alentours, d'attirer l'attention de la foule. Spectacle peu commun que celui de deux vizards empruntant les rues de Nacimiento. La direction, vers l'extérieur de la cité. Silence pesant ? De ne l'apprécier. Le combler, pour que file plus vite le temps.

-Du temps que vous résidez ici... Vous ne devez pas ignorer que le Rey recrute ses Espadas parmi les plus fiables. L'attachement au culte n'est pas neutre de la place qu'il nous attribue. Pour autant, je n'ai rien fait qui mérite sa confiance. Sans fanatisme aucun, je pense qu'une existence assimilable au Sima subsiste dans ces terres. Enfin... ce ne sont là que des mots... Probable que mes capacités au combat ne soient pas étrangères de la place qui m'a été attribuée... Au fond, je ne sais pas. Je ne suis pas pour prétendre comprendre les desseins de mon seigneur.... Il m'a suffit d'exprimer ma volonté de le servir, pour qu'il me donne une chance de prouver ma valeur. C'est de cette manière que je l'interprète. Du reste, pour ce qui est de mon secret...

S'arrêter subitement de marcher, sans prévenir. Silencieux. Aux alentours, pas âme qui vive. À l'extrême périphérie de la cité. Un regard qui, sans être particulièrement haineux, ne présageait rien de bon pour sa semblable. La paume sur sa garde.

-Prépare toi Rhodé, car je vais te fendre en deux.

Cinq secondes en suspens, pour aussitôt dégainer et asséner un violent coup verticale de bas en haut à la vizard, sur son flanc droit. De plein fouet, elle en sortirait grièvement blessée. L'expression subrepticement crispée, il n'hésiterait pas pour autant à aller au bout de son mouvement. Risqué ? Il devait s'en assurer.

- Pourquoi avoir prévenu de vos attentions ? L'effet de surprise aurait été tout autre sans vos paroles. A moins que m'atteindre ne soit pas le but de cet assaut. Si je puis me permettre, Seigneur Espada... La tension de votre corps est plus parlante que les mots prononcés.

Un mouvement qui s'achève sans réaliser ce pour quoi il avait été impulsé. Pour autant, pendant une fraction de seconde, un soulagement le délassant. Réaction contradictoire, mais pas moins justifiée. Risque pris de pourfendre une innocente. Heureusement, n'être embarrassé par une quelconque erreur de jugement. Coupable par sa force. Une force que l'Usagi avait même mésestimé, selon toute vraisemblance. Outre l'absence de dommages, de s'être aussitôt mise en position de contre-attaquer, alors que rien ne la préparait au combat. Combattante d'expérience, à n'en point douter, dont il n'attendit pas qu'elle parvienne au bout de sa manœuvre pour se mettre lui-même en condition d'entamer un duel réel. Un murmure inaudible.

-Dai kure, Kyokkai !

Libération qui ne l'empêche pas de se faire prendre au jeu de son opposante, entravé par une matière liquide, mais relativement dense. Aussi précaire pouvait paraître cette entrave, son utilisation n'en demeurait pas moins astucieuse. Son fer de lance bloqué. Situation qui exigeait de lui de la force physique. Une aptitude guère exploitable.

Compétence qui ne semblait de toute pas nécessaire, car sa vis-à-vis se montrait encline à poursuivre l'échange ; elle-même interpellée par son comportement. Non de l'avoir attaquée sans raison apparente, une réaction qui lui aurait parue normale, si ce n'était naturelle. Non... interpellée de l'avoir prévenu. Ne pas être simplement préparée à cette possibilité. L'avoir assimilé. Réaction bonne à le faire frémir. Jusqu'à quel point pouvait-elle continuer de s'effacer devant une situation donnée ? Devant pareil automate, faire montre de la plus haute prudence. Ainsi se dédoubla-t-il au maximum de ses capacités, de sorte à l'encercler pour lui interdire toute échappatoire. En parallèle, entamer le transfert de son corps véritable vers l'un de ses doubles, derrière sa cible. Une seule silhouette en garde, celle entravée, par laquelle l'Usagi allait s'exprimer, l'expression sombre.

-Vous n'avez rien à envier aux Espadas. Nul doute que vous surpassez nombre d'entre eux. J'en ai maintenant l'assurance.

Incertain d'être lui-même à la hauteur pour capturer cette femme sans mettre en péril sa vie. Tout qui l'invitait à investir toutes ses ressources pour espérer éliminer la menace. Dans cette menace, une déception. Déception de trouver en cette femme un mirage de repère. Non un repère, un spectre du passé qui venait le rattraper dans son récent quotidien. Payer son crime, le vizard s'y attendait, mais pas si tôt. Rappel douloureux que l'avenir ne se trouvait ailleurs qu'en ces terres arides. Malgré l'aspect évident de l'identité réelle de cette Rhodé, bien que déterminé à la mettre hors d'état de nuire, l'Espada ne se défausserait de lui donner sa chance de s'expliquer.

-Vous prétendez servir le palais de longue date. Connaissez-vous une personne haut-placée qui puisse m'affirmer que c'est bien là la vérité ?

Au fond, maigre espoir de faire fausse route. Malgré tout, cette vague sympathie n'irait pas pour corrompre son jugement sur ce qui suivrait. En effet, les indices de sa culpabilité ainsi que le sérieux de la situation allaient pour le rendre rigoureux dans son analyse. Anticiper toutes les possibilités, dont celles impliquant d'user de la violence pour parvenir à ses fins.

-Auquel cas je vous demanderais de bien vouloir m'accompagner jusqu'au Rey.

Aux aguets, mais sans abandonner sa voix doucette, bonne à ne pas brusquer son interlocutrice. Peu importe qu'elle soit une ennemie. Peu importe qu'il doive dans la minute tout mettre en œuvre en vue de la pousser au trépas. Peu importe, car rien jusque là ne justifiait la moindre agressivité dans son ton et ses mots.

- Il existe bien plusieurs personnes qui pourront vous confirmer mes dires, Seigneur. Et je présume que le Roi lui-même connait ses ouailles, surtout celles qui sont comme nous. Après tout, nous ne sommes pas si nombreux.

- Néanmoins, je ne ferais certainement pas perdre son temps à notre Roi pour quelques présomptions qui n'ont pas lieu d'être. Vous avez cerné que je ne suis pas la première venue. Et je vous en félicite. De fait, vous devez déjà avoir compris qu'il ne serait dans l'intérêt de personne de me forcer la main... Je vous en conjure, Seigneur. Ne m'obligez pas à faire de vous mon ennemi.

- Pourquoi tant de méfiances alors que vous êtes celui à avoir porté le premier coup ?

- A moins que vous n'ayez cru que j'étais ici pour vous ? Je comprends... Je ne suis pas au service de l'unité de traque de la Soul Society, Seigneur Usagi. Sans quoi, je ne me serais jamais présentée à vous ouvertement.

S'attendre à essuyer une offensive. Cette femme, dos au mur, dans la mesure où elle était bien ce qu'il imaginait. Se surprendre alors à la voir lâcher le pommeau de son zanpakutoh. Accentuer par là sa vigilance. Une feinte ? Un pouvoir libéré, passé au travers de son attention ? Attaque imminente ? Temps qui file. Rien ne se passe. Vide de forme. Possibilité donnée de mieux réfléchir sur la situation. Venue pour supprimer le traître ? Une anomalie. Un instant plus tôt, d'avoir laissé une ouverture dans son enchaînement. Une ouverture non exploitée. Non exploitée par incapacité ? Réfuter intuitivement cette pensée. En face, en rien une novice. Son instinct le trompait rarement sur ce point. Si elle l'avait voulu, elle l'aurait fait. Une inaction tombant sur lui comme une fausse note, propre à instiller le doute.

Mouvement. Qu'elle tourne sur elle-même pour finalement fixer son corps véritable, l'air satisfaite. Le message était clair, renchérissant l'image qu'il tendait à se façonner de cette Rhodé. Demeurer inflexible. Malgré tout, pris au dépourvu. Une situation mal anticipée. Celle qu'il avait estimé la moins probable. Un constat : qu'elle rentre dans son jeu jusqu'au bout. Plusieurs personnes ? Jusqu'au Rey lui-même ? Une affirmation certes prudente dans sa formulation, mais ne le faisant pas moins se demander si cette situation n'était-autre qu'un terrible qui proquo, induite par son arrivée récente dans ce domaine. Une menace qu'il pensait décisive, n'ayant pas fait lever un sourcil à son interlocutrice. D'avoir reçu matière aux suspicions. Cette matière gardait-elle autant de valeur, au regard des nouvelles informations amassées ? Restait à déterminer leur véridicité.

Confiante dans l'affirmation de ses soutiens. Moins dans l'action de les prouver. Un refus de le prendre au mot. Pour autant, un intérêt à l'y forcer ? Peu, dans la reconsidération de la situation telle qu'elle se profilait. Encore moins avec les indices que sa semblable daignait lui accorder. Reconnaître sa position irrégulière dans l'armée de Santo. Sans compter cette menace doucette emmitouflée dans ses mots. De l'intérêt de personne ? Menace globale, non personnelle. Comprendre avec facilité qu'accuser à tort un membre certifié de l'organisation du Rey ne lui réussirait pas, surtout à un moment où il s'agissait de faire ses preuves. Ne comprendre sur le moment... À qui d'autre cette histoire pouvait porter atteinte ? Comment cela pouvait-il toucher l'organisation même ? Pourquoi ? Le risque de devenir un ennemi ? Malgré l'assurance donnée qu'ils étaient du même côté ? Qu'avait-ce à voir avec le fait d'être validé dans son intégrité par le maître des lieux ? Cette possibilité, également, que cette formule ne vise qu'à l'intimider. En d'autres termes, du bluff.

Trop de questions plus ou moins conscientes, pour un temps de réflexion réduit. D'alors voir l'expression de cette personnalité ambigu changée. Ce regard insipide, prenant tout-à coup de la saveur. Une bien étrange saveur. De ce qu'il en percevait, un regard joueur. Amené à se demander si ficelles il y avait de sa part, visant à influencer le fil de ses pensées. Manipulé ? Lui-même interrogé sur son attitude qu'elle semblait ne pas s'expliquer. Un parallèle amusant. Une probabilité que réside là le plaisir. Un jeu dangereux dont il se faisait de plus en plus sensible. Celui de lever le voile de l'autre en premier.

Un jeu dont il se fit le perdant. Percé à jour dans ce qui avait impulsé sa méfiance. Une découverte de sa part simulée ? N'être encore en mesure de réfuter la possibilité qu'elle soit bien son bourreau désigné. Néanmoins... cette impression de plus en plus forte de faire fausse route. Plusieurs signaux l'invitant à croire en la bonne foi de sa congénère. Peu qui découlent du sens raisonné. Un dernier argument, achevant de le faire douter. En effet, qu'elle n'ait nul intérêt de se dévoiler d'emblée à lui, si l'intention était bien de le supprimer. Encore qu'une mauvaise curiosité avait pu la pousser à l'erreur. Dans ce suprême questionnement, une seule attitude efficace, pour répondre à tous les problèmes. Nouveau moment de flottement, avant de faire disparaître ses doubles. Clore ses paupières, ses mains sur la nuque, la trombine gênée.

-Vous avez raison... Je divague. Il m'aura fallu du temps pour m'en rendre compte. Et dans quelle situation inconfortable ça nous a mené... Mes excuses d'avoir douté, Rhodé. À croire que je suis encore un peu tendu... depuis mon exil.

Ne plus douter pour autant ? La posture nonchalante, mais demeurer sur ses gardes, les sens à l’affût, semblant n'attendre qu'une chose : que le poisson morde à l'appât, si tenté qu'il y ait matière à appâter.

-Dans l'intérêt de personne... Je dois reconnaître que cette formule me travaille. Je n'ose imaginer la portée de vos responsabilités. Je mentirais en affirmant que ça ne titille pas ma curiosité.

Rouvrir les yeux. La fixer le plus naturellement du monde. Un sourire neutre, pouvant prêter à de nombreuses interprétations différentes. Une occasion de se faire une idée plus claire de son rôle dans la cité. Une bonne idée d'aborder la question ? Peu importe la réaction de sa vis-à-vis, elle serait à coup sûr riche de sens.