On a souvent décrit la solitude comme la pire des choses pour l’Homme, et nul doute que si c’est la vérité, il en va de même pour les autres races. Même pour les Hollows, Uriô avait du mal à s’imaginer qu’être seul ne leur faisait rien. Oui, qu’importe la personne, la solitude est le pire mal. Et depuis quelques temps, l’ancien aspirant Shinigami commençait à ressentir un vide. Sans le vouloir, il se sentait seul, malgré la présence lointaine de sa mère. Si l’élément déclencheur avait bien entendu été l’emprisonnement de son père, ce qui s’en été suivi avait plongé la famille Ketsueki dans une angoisse faible mais permanente.

Le pire, c’était qu’Uriô savait que pour sa mère non plus, ça ne devait pas être simple. Peut-être aussi pour son père, mais c’était sans nul doute un cas compliqué. Il avait tenté d’assassiner un Troisième Siège, et la lettre qu’il avait laissée l’avaient transformé en un homme inconnu aux yeux de son fils. Si Uriô avait crû connaitre son père, il était aujourd’hui comme hier dans les griffes du doute. Est-ce que son paternel, à savoir Ketsueki Hô qui avait toujours défendu et adoré le Gotei 13, avait vraiment tenté de commettre un meurtre qui, de toute manière, aurait été puni et ce même s’il était parvenu à son objectif. Est-ce que cela avait vraiment été son objectif ?

Uriô n’en savait rien, et c’était sans doute ça le pire.

Car lorsqu’on connaît la vérité, on peut toujours s’en remettre, ou passer à autre chose. Qu’elle soit bonne ou mauvaise, il y a toujours un « après ». Mais quand les choses ne sont pas définies, on reste figé. Pourtant le Ketsueki de maintenant trente années humaines avait tout fait pour faire de sa vie quelque-chose. Et s’il avait plutôt réussi, rien n’avait changé. Il doutait toujours autant, et souffrait toujours un peu de l’absence de ses parents, de ses repères.

Est-ce que tout le reste de sa vie allait perdurer ainsi ? Uriô se doutait bien que non, un jour ou l’autre il franchirait un pas. Mais lequel ? Là était la question.

Il venait souvent à l’hôpital abandonné, le Matsukura, sous sa tenue de shinigami. Non seulement il ne pouvait être vu par les humains sous cette forme, mais il bénéficiait aussi du calme et du silence car il n’y avait que rarement des passants ici. Alors il restait assis sur un banc délabré, avec tout le temps qu’il voulait pour réfléchir calmement.

─ Père…

Des mots bien inutiles, car Uriô savait pertinemment que personne ne les entendrait, et encore moins l’intéressé. Peut-être était-ce là un autre signe d’une vie dont il était loin d’être satisfait ?

Il y en a un par là !
T'es sure de toi ?
À cent pour cent.

Pas mal ces oreillettes. Real s'avérait déjà être une bonne recrue, rien que pour ça. Koshiro lui-même n'aurait sans doute pas eu cette idée, mais avoir un moyen constant de parler avec Paloma pendant que cette dernière parcourait les cieux et sans avoir à beugler, c'était une véritable avancée. Heureusement, la femme glaciale l'avait rejoint et lui avait soumis l'idée de cette technologie somme toute assez banale quoi que légèrement coûteuse – et encore, cela ne se sentait pas réellement pour un homme à la tête du commerce illégal de cette ville – et dont il ne saurait désormais sans doute plus se passer. Ainsi, son Arrancar pouvait voler assez haut de sorte de ne pas être repérée, et lui n'avait pas l'air d'un con à hurler depuis le sol sans que les possibles passants comprennent bien à quoi il pouvait s'amuser. Là, pour le commun des mortels, le Jimushi se trouvait juste en communication téléphonique et donc n'attirait pas réellement l'attention – du moins pas plus que d'habitude.

C'est ici. Troisième bâtiment sur ta droite.
À l'aise. Rejoins-moi à l'intérieur.

Fin de la transmission, pour le moment. Un hôpital abandonné... Drôle d'endroit, mais après tout si Paloma disait être certaine, il ne comptait pas mettre de nouveau en doute sa parole. La corneille était bien plus douée que lui pour ce genre de choses, capable de localiser des êtres à pouvoir avec plus ou moins de précision là où lui ne pouvait que ressentir une sensation étrange dans l'estomac lorsqu'il en approchait un d'assez près. Aussi lui fit-il confiance et pénétra la vieille bâtisse. Quand même ironique que des beaux quartiers se soient fait ravager lors de la grande bataille qui avait eu lieu ici il n'y a que quelques semaines seulement, tandis que ce vieux coin pourri tenait toujours debout. Soit. Que trouverait-il ici alors ? Un humain à recruter ? Un croque-mitaine à démembrer ? Un samouraï à exploser ? Il n'avait en tout cas pas l'intention de se faire les salles une par une... Baste de la discrétion, ce n'était pas comme si le déséquilibré notoire avait peur de qui que ce soit ! Et si jamais le type fuyait, tant pis, l'Arrullar parviendrait bien à le suivre à la trace, ou à le localiser à nouveau au pire. Aussi se mit-il à gueuler de sa voix rauque une invitation à la rencontre...

Sors de ta planque ! Allez va, crains rien, j'vais pas t'manger. J'sais qu't'es là, ça sert plus à rien d'jouer à cache-cache.

Non, c'était en effet une autre sorte de jeu qu'il avait en tête. Dans un sourire, il sortit un cigare de sa poche, l'alluma et dragonna quelques grosses bouffées sur celui-ci. Avec un peu de chance, y aurait moyen de s'amuser ici...

Des bruits légers, qui s’accentuèrent au rythme des paupières d’Uriô qui se rouvrirent lentement. Il y avait quelqu’un à proximité, et du coup, le danger était peut-être présent. Non, il l’était sûrement, voire forcément. Car le Ketsueki ne se trouvait pas n’importe où, mais à l’hôpital en ruines de Karakura. Alors il n’y avait que trois possibilités. Soit c’était un humain comme les autres qui venait ici par pur hasard, auquel cas Uriô ne serait même pas cherché ni remarqué, soit c’était d’éventuels travaux de rénovation soit… on le cherchait. Et si cette dernière hypothèse s’avérait juste, alors le Shinigami avait du soucis à se faire soit pour sa propre personne soit pour sa tranquillité pourtant si agréable.

Rapidement, l’ancien aspirant du Gotei 13 eut la confirmation d’une de ses trois suppositions. Et ce fut la moins bonne et sûrement la plus probable qui s’avéra juste. On le cherchait. La question qui pouvait alors se poser était si l’homme inconnu, car il s’agissait bien entendu d’un homme vu sa voix, cherchait Uriô en particulier ou juste la présence qu’il avait senti ? En somme, est-ce que l’inconnu était en chasse d’une présence spirituelle ou vraiment de celle de Ketsueki Uriô le Shinigami ? Il était impossible de le savoir. Et de toute façon, si l’homme l’avait filé et trouvé ici, alors il était inutile de chercher à s’enfuir, malgré la vitesse que possédait le Dieu de la Mort.

C’est pourquoi il se leva du banc délabré sur lequel il était assis, et alla contourner les quelques ruines qui le séparaient de l’homme. Le stéréotype du macho gaillard, à qui on n’aimerait guère se frotter. Cependant, Uriô était un Shinigami, et lui devait être plus qu’un homme ordinaire. Oui, c’était indéniablement la rencontre de deux êtres spirituellement élevés.

─ Je ne jouais pas à cache-cache. J’étais en train de me reposer.

Sur quoi il soupira, se doutant bien que la présence de son interlocuteur était loin d’être le fruit du hasard. La raison de sa venue était bien le sujet qui intéressait l’ancien aspirant, mais il préféra laisser le silence prendre le dessus. Après tout, il se doutait que dans tous les cas, les choses allaient vite se compliquer.
C’est pourquoi, même sans le toucher, Uriô était prêt à agripper le manche de Kawaki, pour un éventuel combat.

Spoiler:

Ouais ouais... c'est c'qu'ils disent tous.

Dans sa voix peut se percevoir une forte déception. Un Shinigami... Ah ça, ça serait clairement le genre de recrue que Real ne supporterait pas. Et le Jimushi ne prendrait certainement pas le risque de la perdre pour un de ces samouraïs au rabais ! Il n'avait eu que des problèmes avec ceux de cette race de toute manière, même de ceux qui se disaient ne pas faire partie des forces de la société des âmes. Il méprisait Shu pour avoir voulu faire son petit chef – ce qu'il avait été vraisemblablement au sein du Kanshu, mais hé ! c'était bien le genre de truc qui ne le concernait pas lui. Tandis que Kamui... Ils auraient peut-être pu dissiper la rancune que Koshiro lui portait après l'avoir intentionnellement visé d'une boule de feu si seulement le type s'était donné le mal de lui fournir quelques informations, mais ça n'avait pas été le cas. Tout vouloir garder pour lui, sans doute trop la trouille que l'incendiaire devienne alors trop puissant pour lui si jamais il lui donnait un coup de main. Ouais, les Dieux de la Mort, c'était vraiment une sale race, dans leurs gènes sans doute.

En attendant, celui-ci en était un qu'il n'avait encore jamais rencontré. Mauvaise pioche pour les Sons of Inferno, mais il pouvait toujours tenter d'en apprendre plus sur cet énergumène, ça ne lui coûtait rien après tout. Et s'il s'avérait qu'il était un de ceux qui venaient foutre la merde sur son domaine – car c'est ainsi qu'il considérait Karakura désormais, sa propriété – alors il lui ferait rapidement bouffer son sabre, et bien chaud qui plus est !

Te r'poser hein ? Allez, qu'est-ce tu viens foutre là, sérieux ? C'est qui qui t'a envoyé hein ? Kanshu ou Soul Society ? Choisi bien ta réponse...

Mordillant légèrement son cigare, toujours calé entre ses dents, il ne se privait pas d'en prendre régulièrement une bouffée ou deux. L'odeur qui en émanait pouvait indiquer aux narines expertes qu'il ne s'agissait pas que de tabac, ce qui avait une tendance à griser quelque peu le déséquilibré notoire. C'est alors que, dans le dos de l'inconnu, apparaissait sa corneille, ses grandes ailes noires l'entourant comme s'il s'agissait d'une cape.

J'oubliais...

Dit-il en levant une main au niveau de son torse, pointant son pouce vers lui, s'indiquant au moment de se présenter.

Moi, c'est Koshiro. Et elle, c'est Paloma. Et évite de la r'luquer, ça pourrait clair'ment m'foutre en pétard !

Apparemment, l’inconnu semblait être déçu. Quoiqu’il ne semblait pas trop s’être calmé, en fin de compte. De toute façon, les humains à pouvoir spirituel, car il en était forcément un bien entendu, ne portaient pas les autres races dans leur cœur. C’était une chose que le trentenaire commençait à comprendre à ses dépens. L’éventualité d’un combat semblait s’être amoindrie, mais on n’était jamais sûrs de rien. Que ce soit les Arrancars, les Hollows, les Shinigamis ou les Hommes, les querelles et les combats bercent leur quotidien. Et aujourd’hui est un jour comme les autres, alors…

Pourtant, il voulut en savoir plus. Uriô n’ayant toujours pas relâché le manche de son épée écouta attentivement, bien que lassé, les mots de son interlocuteur au cigare. Kanshu ou la Soul Society ? Cet homme-là en connaissait beaucoup, et était donc plus intelligent qu’il en avait l’air. Le Dieu de la Mort vit aussi une brune qui, selon toute vraisemblance, le suivait. Elle l’avait regardé, ce qui confirmait qu’elle aussi n’était pas une simple humaine. Voilà qui était dérangeant, car si un combat se profilait, la défaite était l’issue la plus probable pour le Shinigami, qui n’était pas habitué à combattre jusqu’à la mort.

─ Je ne suis envoyé par personne. Je n’appartiens pas à la Soul Society, ou plutôt je n’y appartiens plus.

Il s’était présenté, et avait apparemment décliné l’identité de sa copine, femme ou acolyte. Leur lien n’avait que peu d’intérêt pour le Ketsueki qui, de toute manière, voulait en finir avec cette discussion. Mais il ne fallait pas être brusque. Du coup, il se présenta à son tour.

─ Je m’appelle Uriô, et comme je te l’ai dit, je me reposais ici au calme. Après tu fais comme tu veux, mais si j’étais venu avec de mauvaises intentions, je ne sais pas pourquoi j’aurais attendu dix ans pour le faire. Parce que j’habite à Karakura depuis dix ans. Et puis si je te voulais du mal, c’est sûrement moi qui serais venu à toi et pas l’inverse.

Il esquissa un sourire, sans non plus partir dans un rire ou dans des éclats de joie. Il espérait juste qu’il avait apaisé l’atmosphère, et que bientôt, il pourrait s’en aller en ayant évité tout combat inutile.

Ce Dieu de la Mort voulait apparemment éviter l'affrontement. De ce qu'il disait, il était vraiment là dans le simple but de se reposer, ni plus ni moins. En tout cas, une bonne chose, il s'indiquait comme ne faisait partie ni du Kanshu, ni de la Soul Society. Un Shinigami isolé, seul, en bref : inoffensif. En gros, Koshiro aurait pu se le farcir sur-le-champ juste pour la rigolade que ça ne porterait à aucune conséquence. Mais bon, l'incendiaire n'était pas là pour l'amusement. Aujourd'hui, ce qu'il désirait, c'était de se trouver de nouvelles recrues pour intégrer les Sons of Inferno ! Par contre, pas question de recruter un de ces samouraïs au rabais. Real les détestait plus que tout, et lui-même ne les portait pas dans son cœur, n'ayant pas vraiment eu de bonne expérience dans ses rapports avec ceux qu'il avait rencontré.

Il prit alors la décision d'en rester là... ou tout du moins de ne pas lui sauter à la gorge au seul motif qu'il était d'une race que le déséquilibré notoire ne pouvait pas encadrer. Cependant, il jugeait tout de même nécessaire de mettre certaines choses au clair, juste au cas où. Après tout, mieux valait prévenir que guérir, surtout lorsque la guérison donnée par le Jimushi n'était autre que la mort !

Si tu vis là d'puis dix piges, tu dois savoir que Karakura ça veut dire « siège vide ». Et ben la place est prise maint'nant, et ce pat'lin est à moi ! Et y s'trouve que j'ai un fort instinct d'propriété. Du coup, si tu fous la merde chez moi, j'm'arrangerai pour te faire souffrir avant d't'ach'ver. J'estime que l'message est passé, y aura pas d'deuxième avertiss'ment !

Allez on s'bouge la volaille, on a aut' chose à foutre là ! Et démerde-toi pour me trouver mieux qu'ça maint'nant, OK ?

Cette dernière partie s'adressant à sa jolie corneille, lui intimant d'effectuer de meilleures recherches. Trouver quelqu'un d'utile à son organisation, plutôt qu'un ennemi déguisé en agneau. Pour ce dernier en tout cas, comme il le lui avait dit, le message lui paraissait tout à fait clair. On ne fait pas le malin sur le territoire de Jimushi Koshiro ! Et sur ces entrefaites, il décampa aussi vite qu'il était venu, sans plus accorder la moindre intention au Dieu de la Mort le plus banal qu'il eut rencontré !