Alvaro était mort. Dark avait accueilli la nouvelle avec une surprise relative. L'ex-Quincy n'était que rarement touché par la nouvelle de la mort d'un de ses nouveaux semblables et ne l'aurait été guère plus cette fois-ci s'il ne s'y était pas si peu attendu. Le chef de l'Exequias était certes si horripilant que sa photo aurait suffi à définir le mot« têtes à claques » dans le dictionnaire et il avait lui-même nourri des pulsions de meurtre à son égard. Mais que quelqu'un soit passé à l'acte en fin de compte là où même lui n'avait pas été jusque là le prenait de court. Ce n'était pas qu'il soit triste ou quoi que ce soit, tout au plus avait-il perdu un informateur plus que bien placé à défaut d'être de qualité. C'était tout simplement qu'il n'aurait jamais pensé qu'un jour, on viendrait lui annoncer la nouvelle. La faute en était peut-être au côté candide du spécimen : c'était comme planter un couteau dans le coeur à un enfant. Même s'il ne l'avait jamais aimé, il nota dans un coin de sa tête de trouver le fin mot de l'histoire.

Le moins qu'il puisse faire pour ce pauvre bougre, parti trop tôt – avant même d'avoir connu la puberté, si l'on en réfère à son âge mental. Qui était le coupable, d'ailleurs ? Il avait beau ne pas le supporter, Dark peinait à croire qu'il ait pu se faire quantité d'autres ennemis au long de sa courte vie. Et pourtant, tout laissait à penser que c'était l'un d'entre qui avait fait le coup. Peut-être des représailles après que l'un de ses amis ait été mis à mort par ses soins. Le Primera ne voyait que ça. Le résultat était le même en tout cas. La seule chose qu'il puisse faire, c'était encore d'en faire le deuil. Et c'est en quelque sorte pour s'en charger qu'on l'avait contacté en priorité. La mauvaise nouvelle était assortie d'un ordre de mission qui faisait de lui un messager. S'il aurait volontiers protesté que ce n'était pas à lui de faire ça, il changea d'avis dès qu'il sut à qui il devait en faire la commission. Ce n'avait été qu'une question de secondes avant qu'il ne s'insurge devant Grimmjow. Autant dire que la précision tombait à point nommé.

Bien que celui-ci n'ait cessé de revendiquer à corps et à cris son humanité, Dark continuait de traiter Adjuchas comme un chien – littéralement. Aussi avait-il pris la liberté de lui apporter un os, prélevé sur le cadavre de l'une de ses victimes, pour qu'il se fasse les dents. Qu'y pouvait-il si le masque du Hollow lui conférait un aspect bestial ? Et puis, le Primera lui avait fait sans le savoir le plus beau cadeau qui soit en l'offrant à Borick. Il n'aurait sans doute jamais supporté de rester toute sa vie à ses côtés. En l'occurrence, le Menos Grande était absent au même titre que son propriétaire. La Première Lame promena donc son regard dans ses appartements, à la recherche de quoi que ce soit qui puisse retenir son attention. Rien n'y fit. Fait à l'image de son occupant, l'endroit était lisse d'apparence : il n'y avait rien qui laisse supposer que quoi que ce soit puisse se tramer.

L'Ezeckiel ne s'y déplaçait pas moins d'un pas prudent, tant il s'attendait à ce qu'un piège, une trappe dérobée ne lui coupe toute envie de continuer. Fort heureusement Borick ne tarda pas à faire son apparition dans son champ de perception, probablement aussi éclatant qu'à l'accoutumée dans son manteau immaculé. Dark avait quant à lui conservé sa tenue de corbeau, couvert de noir qu'il était de la tête aux pieds. Il ne sut tout d'abord que dire, embarrassé à l'idée que son alter ego le voie dans cet état. Il n'avait toujours pas guéri des blessures infligées par les Shinigami, loin de là, mais il fallait dire que son entraînement draconien n'y aidait pas. Mauvais perdant devant l'Éternel, il peinait encore à digérer sa défaite face à Shinjirô et ne perdait pas de vue son objectif de lui rendre la pareille à leur prochaine rencontre. Qu'importe ce qu'il lui en coûterait.

Il serait prêt.

C'était la seule chose qui ait encore un tant soit peu d'importance à ses yeux, au-delà même du contrôle du Hueco Mundo qui avait été sa première préoccupation au cours de ces dernières années. Au moins jusqu'à ce jour. Car avec la missive dont il était porteur, toute son attention était à nouveau focalisée sur le trône qu'occupait l'ancien Sexta. Mais pour combien de temps encore ? À ce moment précis, la présence de Borick se fit sentir aux alentours et il s'appuya contre le mur pour mieux l'attendre, faisant circuler entre ses doigts le radius qu'il avait expressément mis de côté pour la consommation de leur petit protégé. Se sachant déjà repéré, n'ayant à aucun moment tenté de se cacher, il entra dans le vif du sujet sans plus tarder.

La place de chef de l'Exequias vient de se libérer. Devine qui a tiré le ticket gagnant.

Fermant les yeux, il écouta approcher son bruit de pas – qui, malgré la différence dans leurs démarches, était étrangement similaire au sien lui aussi. À son approche, il écrasa sa cigarette sur sa semelle pour ne pas lui infliger le parfum âpre de sa fumée. Situé dos au couloir, un mètre plus à gauche, il attendit dans un calme total que son frère entre pleinement dans la pièce et tourna les talons pour lui faire face tandis que l'ombre d'un sourire fleurissait sur ses lèvres. Sa main gauche – la droite ayant trouvé refuge au creux de sa poche – se tendit dans sa direction, tant pour l'accueillir que pour fêter son avènement. Tout se passait exactement selon leur plan.

Faisons du bon boulot ensemble ! J'espère qu'on va bien s'entendre... ironisa-t-il.

Dark regretta de ne pouvoir offrir à son alter ego une poigne plus ferme, mais sa main n'était pas encore tout à fait remise de son dernier combat. Depuis celui-ci, de nombreuses blessures peinaient à cicatriser, et son obstination à continuer de lutter pour s'améliorer n'était pas pour y aider. Un comportement que n'importe quel être sain d'esprit désapprouverait, mais il n'était pas homme à se soucier de voir son corps tomber en morceaux s'il fallait en passer par là pour combler ses lacunes. Ce n'était pas son maximum. Il pouvait faire bien mieux que ça. Mais en avoir conscience ne suffisait pas. Il savait qu'il y avait une clé, mais encore fallait-il la trouver. Malgré la douleur qui lui transit l'avant-bras, il soutint le regard de Borick avec opiniâtreté.

Ce n'était certes qu'une étape de franchie et beaucoup les séparaient encore de leur objectif, mais il était clair dès le départ que ce ne serait pas une partie de plaisir. Rien de plus normal que de prendre tout leur temps pour y parvenir. Même si cela devait demander maints détours, il était essentiel de ne pas être trop tôt percés à jour. La Panthère Bleue ne se conformait pas vraiment à l'idée que l'on pouvait se faire de quelqu'un de futé, mais ce n'était pas une raison pour semer des indices derrière eux. D'autant plus alors que l'Espada n'était que l'effigie d'une course perpétuelle à la puissance et que chacun pouvait les vendre à Grimmjow à tout moment s'ils laissaient transparaître quoi que ce soit de compromettant.

Si c'était pas déjà assez clair qu'ils avaient aucune chance, je pense qu'on trouvera pas moyen plus clair de faire passer le message. Je dois dire que je t'envie... Depuis le temps que je veux sortir de ce circuit. C'est un peu paradoxal que ce soit moi qui sois sous le feu des projecteurs, mais le principal c'est qu'on touche au but, pas vrai ?

Un haussement d'épaules souligna cette assertion. Oui, Borick était l'Empereur ; il n'était que son Ombre. C'était plutôt lui qui aurait dû être à la tête de l'unité d'assassins dont son jumeau aurait la charge dorénavant. D'un autre côté, il était bien forcé d'admettre que la subtilité et la discrétion étaient des notions qui lui seyaient bien davantage. Ce n'était pas plus mal. N'étant pas connu pour faire dans la finesse, le Primera n'aurait qu'à jouer des coudes comme il l'avait toujours fait pour être au centre de toute l'attention. Pendant ce temps, son frère aurait tout le loisir de manigancer à son gré. Cela s'était fait naturellement, comme toujours. Sur ce point, il n'y avait pas de souci à se faire.

Une harmonie parfaite était nécessaire pour un dessein de cette envergure, mais ce n'était pas un problème pour eux. Même s'ils ne pouvaient que rarement se voir seul à seul afin de ne pas éveiller les soupçons, ils agissaient toujours au diapason au service d'une seule et même cause – la leur. Il était certes dommage d'avoir perdu Alvaro dans la manoeuvre en considérant son potentiel élevé, mais il était trop imprévisible. Au moins avaient-ils désormais la certitude que tout irait tel qu'ils l'entendaient et pas autrement. Certes toujours sous la coupe de Grimmjow, mais pour combien de temps ? Leurs ailes coupées seraient bientôt libre de repousser. Et alors, il devrait apprendre qu'il était loin d'être le seul prédateur au sein de la forteresse. Mais quand il s'en rendrait compte, il serait déjà trop tard...

Tu m'en vois ravi. J'ai bien fait de te le donner. Je savais que si quelqu'un pouvait trouver quoi en faire, c'était bien toi. Moi, à part lui faire rapporter la balle... J'espère juste que tu sauras le convaincre d'arracher son masque au plus vite. Il nous sera plus utile comme ça. Même si pour être franc, je suis assez surpris aussi. Mais c'est logique quand on y pense. Il a voulu te donner de l'avancement pour te féliciter, mais n'avait aucune place à te filer. Alors quand celle-ci s'est libérée, il s'est dit que ce serait une bonne idée. À mon avis, il ne faut pas chercher plus loin. N'oublie pas de qui on parle. On va pas s'en plaindre, hein ? Avec un peu de réflexion, il aurait peut-être vu qu'il creusait sa propre tombe...

Un sourire en coin accompagna cette déclaration. C'était à croire que le Jaggerjack plaçait lui-même les pions adverses de la meilleure des manières pour être mis en échec. Il aurait voulu causer sa propre perte qu'il ne s'y serait pas mieux pris. S'il tenait tant à leur faciliter la tâche, ils n'allaient pas s'en plaindre, mais c'était à ce point à leur avantage qu'il était légitime que de se demander si ce n'était pas un piège en fin de compte. Un moyen de les inciter à hâter leurs préparatifs pour qu'ils ruinent leur couverture. Mais c'était là un plan beaucoup trop ingénieux pour qu'il en soit l'auteur, et Dark avait de sérieux doutes quant au fait que Grimmjow puisse supporter que quelqu'un lui dise quoi faire. Non, s'il avait eu le moindre doute, le Roi les aurait anéantis sans l'ombre d'une hésitation.

Je ne sais pas.

Sa mine s'était faite plus sombre quand Borick avait posé la question fatidique. Non pas qu'il regrette particulièrement Alvaro, mais ne pas savoir de quelle manière ce dernier avait péri éveillait ses soupçons. Pour avoir lui-même examiné ses pouvoirs et l'avoir jugé digne d'être ramené à Las Noches, ce qu'avait confirmé sa rapide promotion en tant que chef de l'Exequias, nul doute que ce n'était pas à la portée de tout le monde. Même s'il n'était pas très dégourdi, il n'avait besoin que d'enlever son masque pour pallier à ce problème. Même une attaque en traître laissait peu de chances de l'éliminer aussi facilement, et si quelqu'un devait porter les stigmates d'un pareil affrontement, ils s'en seraient aperçus depuis longtemps. À moins que son assassin n'ait perdu la vie également... Cela n'aurait pas de sens. Dark se passa la main sur le visage, plaquant ses mèches en arrière. Il devait savoir quelle en était la cause. Tant que ce ne serait point le cas, il n'aurait aucune certitude que ce ne serait pas un obstacle de plus. Et ceux-ci n'existent que pour être pulvérisés.

Mais je compte bien le découvrir.

- C’est bien mieux ainsi. Je respecte ta force, Dark, mais il est sans doute préférable que je reste encore dans l’ombre pour le moment. Si le devant de la scène me convient mieux qu’à toi, il n’en reste pas moins que j’ai encore besoin de rester à couvert encore un temps. Plus j’évoluerai à l’insu de tous, mieux ce sera pour nous.

- Je suis plus sceptique que toi quant à l’intelligence de notre Panthère. Il est plus animal, certes, mais il possède aussi plus d’instinct que nous. Que moi tout du moins. Pas de pêchés d’orgueil, mon ami. Sans quoi, c’en sera fini de nous.

- Si besoin, je te mettrais à disposition des membres de l’Exequias pour ça. Ce ne sera pas de trop pour comprendre. Par ailleurs, en dehors de nos très chers Espadas, il y a de plus en plus de Numeros qui parcourent les couloirs du Yermo. Et pas seulement. J’ai fais la rencontre d’un véritable Vasto Lorde, pure souche. J’ai obtenu de lui son soutien si je l’aide en retour dans son projet. Je pense qu’il serait bon pour toi de le rencontrer aussi… Son objectif est le même que le tien. Alecto est son nom. Et je sais où le trouver, au besoin.

Je ne dis pas le contraire. De toute façon, je ne sais pas pourquoi mais j'ai tendance à penser que tu es le plus de nous deux pour ce qui est de passer inaperçu. Il eut un sourire ironique. Et puis, tu connais ma patience légendaire. Je trouvais juste paradoxal que de nous deux, ce soit toi qui doive rester dans l'ombre. Ma place te revient de droit, tu le sais aussi bien que moi.

Là où Borick n'était que magnificence et blancheur éclatante, lui était l'obscurité faite homme et ses manières convenaient bien plus aux tâches ingrates et aux basses besognes. Borick, lui, était fait pour s'élever plus haut que quiconque et pour régner sur les endroits que les autres ne pouvaient concevoir même en rêve. Même s'il était creux pour l'heure son titre d'Emperador finirait par prendre tout son sens. Et alors, le monde entier pourrait trembler. Déjà maintenant, malheur à ceux qui osaient contester sa suprématie. Que ce soit de sa main ou même de celle de Dark, la fin était la même pour tous. Seul différait le moyen emprunté et, de fait, le nombre de morceaux qu'il en restait. Pour sa part, Dark n'aspirait à aucun titre, aucune gloire. Tout ce qu'il voulait, c'était que sa force soit reconnue et que nul ne puisse se tenir au-dessus de lui.

Dès lors, peu lui importait de n'avoir pas la moindre distinction. Car celles-ci ne vaudraient rien face à la puissance de ses poings. Et c'était précisément pour cela qu'il était de son plein gré le pion le plus précieux que Borick ait à sa disposition. Là où les autres n'étaient que des esclaves endormis, lui était conscient de sa condition et l'acceptait de bonne grâce. Ainsi c'était en toute connaissance de cause qu'il se mouvait sur l'échiquier du destin pour que s'accomplisse enfin l'échec et mat. Même s'il était tout à fait capable de réfléchir par lui-même, voire même parfois de se montrer brillant, il se laissait trop souvent aveugler par des émotions superflues comme la colère – laquelle, ici plus que jamais, était mauvaise conseillère. Voilà pourquoi il avait remis sa vie entre les mains du tout nouveau Chef de l'Exequias. Car personne mieux que lui ne s'en servirait à bon escient.

Tu ne m'apprends rien. Je sais déjà tout ça. C'est juste que je commence à trouver le temps long. Tu oublies que contrairement à vous, je ne suis pas encore habitué à l'éternité. Il va me falloir un certain temps pour me faire à l'idée. En tout cas, qu'elle qu'en soit la raison, on peut dire que ça arrange nos affaires. On va pouvoir passer à la vitesse supérieure. Si tu veux mon avis, tu devais t'estimer heureux : ça devrait suffire à ce que je ferme ma gueule et me tienne tranquille pour un moment. Tu le sais, j'ai juste besoin qu'on continue d'aller de l'avant.

Ce qui, hélas, ne se faisait sentir que trop peu souvent. Aussi, la nomination de son alter ego était elle une heureuse nouvelle et apportait la preuve à elle seule que tout n'était pas encore figé et qu'avec quelques efforts ils pouvaient tout changer. C'était aussi pour cette raison qu'il se dévouait à sa cause : la certitude que tôt ou tard, cela les mènerait quelque part. En outre, c'était en quelque sorte son jumeau qui l'avait sorti de la fange de ce monde pour lui inculquer ses lois. Sans aller jusqu'à dire qu'il en était redevable, ceci ajouté au lien étroit qui paraissait les unir était une raison bien suffisante pour vouloir le couronner roi. Ou empereur, puisque tel était son choix.

Mais il ne l'aurait pas fait s'il n'était pas sûr que son semblable avait la carrure pour assumer une telle responsabilité sans quoi cela aurait été plus un fardeau qu'autre chose. Il croyait en lui. De plus, mettre sa force à son service dotait Dark de plus de retenue qu'il n'en aurait eu en oeuvrant pour son propre compte. Savoir que la moindre erreur de sa part pouvait faire échouer son plan l'aidait à canaliser le tempérament revanchard et explosif qui était le sien. Un vrai calvaire par moment, particulièrement quand Grimmjow prenait plaisir à asseoir son règne de terreur. Il avait tendance à s'emporter dans ces moments-là et aurait peut-être déjà craqué depuis un bon moment si l'ex-Fraccion de Fou-Lu n'avait été là. C'était parce qu'il travaillait en son nom que rien ne devait être laissé au hasard. Ça ne pouvait pas finir comme ça.

J'allais te le demander. Ils sont peut-être au courant de quelque chose. Même si, connaissant Alvaro, il a très bien pu disparaître sans leur dire où il allait et ils n'en auront retrouvé que des morceaux. Imprévisible comme il l'était, ça n'aurait rien d'étonnant. Le problème est que nous perdons en puissance de feu ce que nous gagnons en avantages stratégiques. Et tu sais aussi bien que moi que ceux-ci ne seront pas suffisants pour vaincre Grimmjow.

Moment que choisit Borick pour lui annoncer qu'il avait dernièrement fait la connaissance d'un Vasto Lorde en chair et en os. Une lueur d'intérêt s'alluma dans les yeux de Dark. Bien qu'il en ait déjà côtoyé et soit lui-même de puissance équivalente selon ce qu'on lui en avait dit, il n'en avait jamais rencontré « à l'état pur » soit avant toute forme d'arrancarisation. Cela promettait d'être édifiant. Surtout en sachant que l'intéressé partageait apparemment leurs ambitions et était donc susceptible de combler un tant soit peu le vide laissé par Alvaro. L'Espada se fendit d'un sourire. Un mal pour un bien. Et si ses soupçons se confirmaient, il n'était pas impossible qu'ils se voient dotés d'une armée plus vaste qu'ils n'auraient osé le rêver. Plus de compagnons d'armes qu'ils n'en sauraient diriger. Mais cela restait encore à vérifier. Il repoussa une poignée de mèches d'un geste de la main – mouvement qu'ils avaient en commun.

Alecto, hein ? J'irai le trouver moi-même d'ici quelques jours, quand je serai totalement remis de mes blessures. J'ai d'autres choses à faire d'ici là, mais t'as pas à t'en faire, je risque pas de l'oublier. Mais pourquoi n'a-t-il pas encore évolué ? Je suis pas le plus calé sur le sujet, mais s'il a réussi à atteindre ce stade, briser son masque ne devrait lui poser aucun problème.

- Nous allons avancer d'autant plus vite. Sans toutefois tomber dans la précipitation évidemment. Restons sur nos gardes mais en effet, nous avons de quoi faire désormais.

- Il est de la race des Seigneurs du Yermo. Un Vasto Lorde si imbus de lui qu'il ne peut concevoir de voir des hybrides au même niveau que lui. Son arrogance est une force autant qu'une faiblesse, bien que sans mon intervention, il serait sans doute mort. Pour son masque, c'est facile à expliquer. Jusque-là, il ne savait rien de Las Noches et des Arrancars, ne comprenant pas ce que nous sommes. Je le lui ai expliqué, bien entendu.

- Mais je crains qu'il ne soit pas prêt à se libérer de sa condition de bête. La haine et le dégoût perçaient de ses propos. Même s'il a reconnu la puissance des Arrancars, je doute qu'il puisse concevoir de devenir l'un d'eux. L'ego est une chose développée chez lui. Mais il m'amuse. Et puis j'ai besoin d'âmes à sacrifier pour couvrir nos arrières, non ?

La tension naissante était vite retombée. Connaissant Dark, il était bien normal de penser que sa nature impulsive puisse prendre le dessus mais il se contraignait à la juguler à chacune de ses montées en flèche. Si ce n'était pas pour lui, du moins devait-il se tenir tranquille pour ne pas nuire à Borick et c'était là une raison suffisante pour s'abstenir de tout geste prématuré, même si cela voulait dire être constamment sous pression. Cette attente avait commencé il y a déjà quatre ans de cela, à l'instant même où Grimmjow avait fait de lui l'un de ses Espadas. Il avait immédiatement su qu'il n'était pas capable de le vaincre mais, qu'il lui faudrait le faire à un moment donné pour son propre bien et pour celui du Hueco Mundo. Il n'était pas fait pour vivre en captivité. Mais tant que Borick ne lui donnerait pas le signal tant espéré, il devrait se contenter de remplir son rôle comme le chien de chasse qu'il avait toujours été. Un cerbère dont les crocs avaient toutes les raisons d'être redoutés.

Mais récemment, les choses s'étaient enfin mises à bouger. Pas que pour le meilleur étant donné les pertes que « leur » armée avait subi ces derniers temps mais au moins étaient-ils enfin en train d'aller de l'avant. La rapidité à laquelle Borick avait grimpé les échelons en était on ne peut plus représentative, et les deux frères ne pouvaient que s'en féliciter. À croire qu'après tout ce temps passé à s'enliser dans un statu quo, la reprise des hostilités avait en même temps enclenché le processus qui, d'ici très peu de temps, ferait basculer Grimmjow de son trône pour qu'il meure de leur main. Ce n'était pas une nécessité mais il doutait fort que la Panthère accepte de leur céder bien gentiment une place qu'il avait mis si longtemps à obtenir. Et ce même s'il devrait alors se rendre à l'évidence selon laquelle ils étaient d'une supériorité écrasante.

De son côté, l'ex-Quincy ne voyait aucun inconvénient à le mettre à mort dans la foulée : s'il aurait, en d'autres circonstances, pu avoir des affinités avec lui, il n'avait en fin de compte jamais pu le supporter. Le pouvoir lui était monté à la tête avant qu'il ait eu le temps de pouvoir l'apprécier...

Espérons qu'on pourra continuer sur notre lancée. J'ai du mal à croire qu'on ait pu avoir droit à autant de bonnes nouvelles sans contrepartie. Encore que ce fut tout relatif et son état en était la meilleure preuve. Mais oui, prenons le temps d'apprécier notre victoire avant de penser à en ajouter d'autres à la liste. Surtout que si ça continue à ce rythme, elles viendront bien assez tôt.

Ainsi, le débat était clos. Même s'il était compréhensible qu'il puisse par moments éveiller des inquiétudes chez son frère – voire même des sueurs froides, pour peu que celui-ci soit capable d'en avoir – son impulsivité n'était pas aussi prononcée que celle de Grimmjow ; ainsi, il savait se maîtriser pour peu que le jeu en vaille la chandelle. Et c'était ici plus que jamais le cas dans la mesure où le moindre faux pas pouvait leur coûter la tête à tous les deux, si ce n'est à tous ceux qui les avaient approchés de près ou de loin. S'il y avait bien un détail au sujet de l'ancien Sexta qui ne suscitât point de désaccord, c'était sa propension à prendre des mesures des plus extrêmes lorsque le besoin s'en faisait sentir. Ce qui, du point de vue de Dark, aurait pu être une qualité s'il n'avait pas été ici question de la retourner contre lui. Mais plutôt que de revenir sur ce point, il préféra orienter la discussion sur cet Alecto qui avant même de l'avoir rencontré éveillait déjà sa curiosité.

Je vois le genre. Je dois dire que tu m'intéresses. Moi qui ne suis même pas un Arrancar, j'ai du mal à imaginer comment il réagirait si je lui foutais une trempe. Ça mérite de creuser. Il nous sera plus utile une fois transformé en Arrancar et je te garantis que si tu me laisses m'en occuper, ce sera vite réglé. Borick était l'un des rares à savoir que son unique Fraccion, Naezka, était en fait un Adjuchas dont il avait brisé le masque par accident. On peut certes le voir comme de la simple chair à canon, mais si tu estimes qu'il est digne d'intérêt, ce doit être qu'on peut en faire quelque chose d'un peu plus élaboré. D'une manière ou d'une autre, je suis sûr qu'on réussira à le convaincre de changer d'avis.

Comprendre par là « toi ou moi ». La manière douce ou la manière forte. Si une approche plus diplomate n'était pas suffisante à lui faire rompre avec sa condition de monstre bestial alors ce serait aux poings de Dark qu'il aurait à faire. Si comme le nouveau chef de l'Exequias le laissait entendre il était si prompt à se montrer méprisant, il n'y avait que peu de doutes à avoir sur le fait que Dark partirait au quart de tour. Et à dire vrai, il ne demandait pas mieux qu'une excuse pour briser lui-même le masque de ce Vasto Lorde qu'il était désormais impatient de rencontrer. Il était aussi possible que ce premier contact se déroule dans le plus grand calme, mais le connaissant c'était peu probable. Bien sûr, il ne se serait pas permis un discours aussi belliqueux sans l'approbation de Borick mais l'absence totale de contradiction de sa part devait vouloir signifier que cette issue lui convenait. Il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'El Emperador ait pu ne pas aimer lui non plus d'être traité comme un être inférieur... Sur ces bonnes paroles, ils se séparèrent non sans les dernières félicitations de rigueur pour cette promotion. L'heure tant attendue approchait à grands pas, mais seraient-ils à l'heure au rendez-vous ? Cela, seule la grande horloge du destin pouvait le dire.