Au bout d’un moment, je devais avouer que Las Noches était d’un terrible ennui. Ce gigantesque château changeait très certainement du Yermo, mais à un moment, il était vraiment irritant. Je ne crachais pas vraiment sur sa tranquillité, bien au contraire ; mais plus le temps s’écoulait et plus je me sentais cloitré, restreint, emprisonné dans son enceinte. Une impression qui n’était pas du tout agréable, ma foi. De plus, je devais avouer qu’il y avait un paradoxe qui me dépassait toujours. Alors que presque tous les plafonds du château avaient l’apparence d’un ciel bleu et recouvert de nuages, le nom de l’édifice signifiait tout le contraire…

Toujours est-il que je voulais autre chose, vraiment. Et vu que je n’avais le statut que d’un simple nùmeros sans importance, je pouvais m’autoriser une petite sortie, incognito. C’est dans cette optique des choses que je m’étais vêtu convenablement après un bon bain, avant de quitter mes quartiers. Las Noches était tellement gigantesque que même un pauvre clampin pouvait se targuer d’avoir un petit espace rien qu’à lui. Pas comme le Yermo où tout territoire s’acquérait par la force. Mais tout de même, que je m’étais ensuite dit. Ce château était d’un ennui affligeant, sans compter qu’il y avait toujours quelques brebis galeuses pour vous emmerder.

C’est sur ce constat que je quittai enfin Las Noches. Une fois à l’extérieur, je m’étirai longuement, sourire aux lèvres. Cette journée -Haha- s’annonçait intéressante ! Quelque part, je le sentais comme ça. Ce pourquoi j’avais commencé à gambader comme un joyeux gosse avant de me faire surprendre par un gigantesque hollow qui sortit soudainement du sable, à cinq mètres devant moi. Son regard se voulait menaçant et sa bave en disait long sur ses intentions. Même pas qu’il avait peur d’un arrancar, même de la taille d’une crevette ? Pauvre fou ! Car en deux temps trois mouvements seulement, je m’évertuai à lui foutre une grosse correction.

Quelques minutes plus tard, l’on pouvait me voir assis sur le dos de la pauvre bête qui m’avait auparavant attaqué. Elle ressemblait à une grosse larve et elle avait de multiples bosses sur la tête qui la faisait légèrement pleurnicher. Après un temps de réflexion, j’avais commencé à frotiller et à entourer ses bosses de bandages pour qu’elle se calme. Mes gestes doux et mesurées m’attirèrent rapidement sa sympathie, avant qu’elle ne se mette à courir dans tous les sens. Son initiative m’amusa pendant près de vingt minutes, jusqu’à ce que nous arrivions près d’une créature dotée de plusieurs pattes, et qui saignait. Compatissant, je voulus m’en approcher, mais…

- Pas encore…

L’hollow s’attaqua à nous. Oui oui, malgré ses blessures. Ne comprenant pas ce geste de folie, je descendis de ma monture et lui administrai une baffe bien sentie pour le calmer, mais aussi pour essayer de le soigner par la suite. C’était peine perdue vu qu’il fit volte-face avant de s’enfuir. Véritablement inquiet pour lui, je repris place sur mon copain la larve, avant de lui intimer l’ordre de poursuivre la créature blessée. Poursuite qui dura un peu moins de cinq minutes, avant que nous n’arrivions à quelques mètres d’un être étrange, à moitié plongé dans le sable. Alors que le hollow se cacha derrière ledit être, nous nous stoppâmes à quelques mètres d’eux…

Si elle semblait puissante, mes sentiments furent tout autres que la crainte, puisque je m’étais mis à rougir bêtement. Pas de doute sur cette forme humanoide : Il s’agissait d’un vasto lorde. « D… Désolé de vous importuner… N… Nous ne voulions pas… » Mes mots se perdent, ma bouche se ferme et mon teint devient de plus en plus rouge. J’étais certes un arrancar, mais nous n’avions pas la même conception de la beauté que celle des shinigamis ou encore des arrancars. Là, j’étais juste séduit par celle qui nous faisait face. Autant par l’énergie qu’elle émanait, que par son apparence. Ma larve s’inclina soudainement, et toujours sur sa tête, je fis aussi de même.

- Nous voulions juste accorder des soins à ce hollow. C’est difficile à croire, mais c’est la vérité.

Mon ton était vraiment sincère. Il n’y avait plus qu’à attendre sa réaction pour aviser.

Un autre territoire que ce désert blanc ? Incroyable… Qui aurait pu le croire ? Le Yermo était tellement vaste et uniforme qu’il était improbable de penser à un autre univers que celui-ci. Comment était-ce possible ? Mystère et boule de gomme. Toujours est-il que cela semblait bien réel. Ce seigneur n’aurait aucun intérêt à me mentir, et je sentais clairement au timbre de sa voix qu’elle était totalement sincère avec moi. Pendant quelques secondes, je m’évadai du lieu où nous étions par le biais de mon imagination. J’essayais tant bien que mal de me faire une idée de cet eldorado dans ma petite caboche, jusqu’à ce qu’elle me dépeigne un tableau assez sombre de ces lieux, le tout sous un rire amusé. Dès lors, mes pensées s’envolèrent aussi vite qu’elles étaient venues. J’étais légèrement déçu. Plus que la déception même, je tiquai même face à la réaction du Seigneur Riful à ses propres dires. En quelques instants seulement et face à sa beauté, je l’avais un peu trop idéalisé, oubliant qu’avant d’être Vasto Lorde, elle était hollow, tout comme moi et tout comme bien d’autres sanguinaires, avec ses instincts et ses penchants.

Toutefois, je redevins un brin admiratif devant sa taille et la prestance qu’elle dégageait. Je pense bien que c’était toutes ces bénédictions que visaient mes anciens camarades adjuchas. Bénédictions bien trop difficile à acquérir. Et sur le coup, je ne pus me départir d’un certain soupçon de malaise, de jalousie. Je n’avais jamais vraiment aspiré à devenir un Vasto Lorde, mais l’idée d’évolution ne m’avait jamais rebuté non plus. Là, je comprenais de mieux en mieux tous ces adjuchas qui cherchaient à atteindre ce niveau avec hâte, hormis le fait de ne pas régresser en Menos. Avais-je des regrets après avoir enfin réalisé cette folie des grandeurs ? Pas vraiment, non. Il était plus que clair que je n’arrivais pas à la cheville des Vasto Lordes, mais je n’étais non plus un arrancar faible et craintif. D’aucuns se fourvoyaient beaucoup sur ma silhouette et mon caractère, car à ma manière, j’étais plutôt fort et je pouvais clairement me montrer agressif quand ma vie ou celle de mes proches venaient à être menacée. Je n’étais pas vraiment fier de cet aspect de moi-même, mais il ne faisait pas bon de renier ses instincts dans ce monde impitoyable.

- H… Hein ?!

Je crois qu’elle m’avait pris au dépourvu là. Comment avait-elle réussi à m’approcher subitement sans que je ne m’en rende compte ? Bonne question, parce qu’autant dire que j’étais perdu devant une telle proximité. A vous faire frissonner. J’en vins même à rougir plus que jamais, en balbutiant des mots incompréhensibles, avec mes yeux grandement écarquillés et mes prunelles dilatées. Cependant, il eut quelque chose qui me déplût dans son sourire. Cette désagréable intuition s’envola aussitôt, puisqu’elle attendait que je la satisfasse. Elle me désirait ardemment et cela se sentait. Posant alors mes mains sur mon visage comme pour me cacher, je reculai d’un ou deux pas pour ne plus sentir son souffle chaud sur ma peau hâlée. Comment lui dire que j’avais perdu ma capacité à retrouver ma forme d’origine ? Non… Non ! Je ne pouvais pas ! Sans quoi je la décevrais… Mais pourquoi ? Pourquoi est-ce que je me sentais aussi fautif devant un tel être que je ne connaissais qu’à peine ? Halala ! J’avais chaud. Mon cœur battait à la chamade, tandis que je remuais mon visage dans tous les sens, seul dans mon coin…

- J… Je suis sincèrement désolé. J… Je n’ai pas mon arme avec moi…

D’un seul coup, la pression retomba lourdement. Je n’étais certes pas à l’abri d’une remontrance, d’une attaque ou même d’une horrible déception de la part du Seigneur Riful, mais je me sentais un peu soulagé. Néanmoins, je n’osai plus soutenir son regard et je me cachai donc derrière mon importance chevelure. Ma larve se rapprocha de moi et me donna un coup de lèche pour me soutenir, sentant clairement que je stressais comme jamais. J’aurai véritablement voulu la combler, mais je ne le pouvais pas. Mon impuissance me faisait bouillir à l’intérieur de moi-même. Comme quoi, les arrancars n’avaient pas que des avantages. « En arrachant notre masque, nous scellons tous nos pouvoirs dans des sabres, un peu comme les fameux shinigamis. Cependant, je ne me promène que rarement avec mon arme, n’ayant jamais eu l’occasion de l’utiliser depuis un bon moment. » Voilà. Tout était dit. Nul besoin de lui affirmer que je n’arrivais plus à me transformer. Cette information dénuée de mensonges -Effectivement, je n’avais pas mon arme sur moi- suffirait très certainement à lui faire comprendre que je ne pourrais pas accéder à sa demande.

- Veuillez accepter mes plus plates excuses.

Je pouvais clairement comprendre sa déception. Comme elle l’avait si bien dit, cette forme n’était qu’une coquille. Une coquille néanmoins pleine puisqu’elle garantissait notre survie et un gain de pouvoir non négligeable. Des avantages que de tels êtres comme elles ne pouvaient peut-être pas comprendre. Je mordis alors ma lèvre inférieure. Etait-il nécessaire de lui expliquer la raison de cet acte qui avait poussé la plupart d’entre nous à déshonorer notre essence de la sorte ? In fine, peut-être pas. Elle avait beau être curieuse, joueuse et un brin compréhensive, mais il n’en demeurait pas moins qu’elle resterait certainement campée sur sa position pour ce qui était de ce sujet. Mais alors qu’elle soumettait son hollow à ses ordres, j’en vins à me demander si je n’avais pas mal fait de vite arracher mon masque. Peut-être qu’une année supplémentaire aurait suffi à me faire évoluer comme il se doit. A cet instant précis, j’eus un remord. Remord vite balayé cependant par les affirmations de ma vis-à-vis…

- ESPADA ?!

Le fameux Rufus et la larve derrière moi sursautèrent aussitôt. Il faut dire que j’avais presque hurlé comme un fou furieux. Cependant, ma voix criarde en disait long sur les brusques impressions qui secouèrent tout mon être, autant au niveau physique que mental. Mes yeux écarquillés et mes pupilles dilatées montraient à quel point j’étais surpris, mais aussi effrayé par ce que je venais d’entendre de sa bouche. Comment était-ce possible ? Comment avait-elle pu rencontrer des membres de l’espada et rester indemne ? C’était tout simplement fou, incompréhensible même. Répondre à sa question n’était pas un problème. Le véritable souci se trouvait au niveau des rencontres qu’elle avait faites. La honte que j’avais précédemment ressentie laissait place à une mine réfléchie. Si mon intuition était bonne, notre roi pourrait peut-être penser à l’enrôler, quitte à le faire de force. Si c’était le cas, le seigneur Riful risquait l’arrancarisation qu’elle abhorrait tant. Pire même ! La mort en cas de non soumission…

- Il ne serait pas exagéré de dire que notre roi est l’être le plus puissant du Hueco Mundo. Il est vraiment fort. Très fort. Ceci explique l’autorité qu’il a sur ce territoire et les hommes qui sont sous ses ordres. Son élite n’est pas en reste. Elle est même composé de quelques vasto lordes, comme vous, mais qui ont choisi d’arracher leur masque pour un gagner encore plus de puissance. Une armée à part entière.

Même s’il s’avérait que ce que je lui avais énoncé maintenant n’étaient que des évidences, il n’en demeurait pas moins pas moins que lesdites évidences me serviraient à argumenter pour plus tard, une idée que j’avais. Entre temps, je me relevai et dépoussiérai mes genoux avant de soupirer. Elle voulait une réponse ? Nul besoin de la faire attendre plus longtemps : « Je suis effectivement de son armée, et tous les membres de cette armée sont réellement des arrachés. Notre roi est lui-même un arraché. » Pour ce qui était des origines de la fameuse panthère, je ne les connaissais pas vraiment, aussi préférais-je ne rien affirmer sur un sujet que je ne maitrisais pas. De toute façon, là n’était pas le plus important, puisqu’elle devait pertinemment savoir qu’il était extrêmement puissant. Maintenant, j’allais m’atteler à lui expliquer un peu le fonctionnement de notre armée. Elle ne me l’avait peut-être pas demandé, mais je suis sûr qu’elle devait mourir d’envie de savoir pour ce qui était de notre hiérarchie.

- En premier lieu, il y a le roi. En second lieu, l’espada. Elle est composée des dix plus puissants arrachés de ce monde. Vient en dernier lieu le reste des soldats plus ou moins puissants, qu’on appelle communément les nùméros. Ces derniers peuvent être sous les ordres d’une espada. Me concernant, je suis aussi un nùméros, bien que je n’aie pas de supérieur direct, mis à part le roi que je sers.

En vérité, j’étais bien trop discret au sein des murs de Las Noches, pour que j’éveille l’intérêt d’une quelconque espada. En un sens, c’était mieux ainsi, puisque je pouvais librement me promener dans le Hueco Mundo, sans avoir à subir les foudres de quiconque. Et comme je n’étais pas un soldat forcement indispensable au sein de l’armée, personne ne pouvait m’en porter rigueur. Les gens avaient d’autres chats à fouetter. « Les raisons de mon accession à cette armée sont personnelles, mais je ne vous dirai qu’une chose : Tous les arrachés et toutes les lames du roi ne sont pas imbus d’eux même. Je suis sincèrement désolé pour tous les désagréments que ceux que vous avez rencontrés vous ont causés. » Encore une fois, je m’inclinais devant elle. J’étais persuadé que si nous gardions tous notre agressivité, certains n’étaient pas forcément mauvais ni arrogants contrairement à d’autres. Les gens comme moi étaient rares, mais il y en avait tout de même. Malheureusement, elle n’était pas tombée sur les bonnes personnes.

- Je sais que ce que je vais vous dire peut être présomptueux, mais fuyez. Retournez dans ce monde qui nous est inconnu. Si le roi vient à vous convoiter, qui sait ce qui pourrait vous arriver. Les membres de l'espada sont trop puissants pour que vous seule, arriviez à leur tenir tête...