Cajsa errait dans le désert, entourée comme à son habitude d'un nuage multicolore. Elle marchait depuis un certain temps sur les dunes de sable blanc. Combien précisément? Elle serait bien incapable de vous le dire, la puissante drogue contenue dans ses cigarettes lui faisant perdre toute notion spatio-temporelle. Une petite recette de son invention, confectionnée à partir du poison d'un Hollow mineur rencontré au cours d'une chasse. Il lui avait été inoculé alors qu'elle était occupée à le dévorer. Normalement fait pour tuer, le venin c'était directement insinué jusqu'au cerveau de la Chenille, provocant une sensation de bien être absolu. Couleurs, lumières, formes se mélangeaient dans la tête pour un festival de sensations indescriptibles, et le meilleur dans tout cela, c'était qu'il n'y avait pas ou très peu d'effets secondaires. La Septima passait donc une bonne partie de son temps à planer entre le monde réelle et son propre univers. Elle en était satisfaite, ça l'aidait à tuer le temps, au lieu de s'enfoncer dans une routine faite de chasse et de farniente à Las Noches. Au moins, avec la substance, elle s'affranchissait des contraintes de temps et de lieux.

Et là, Cajsa était en plein trip coloré alors que un inconnu s'approchait d'elle et de son brouillard arc-en-ciel. Elle s'arrêta donc devant l'homme en costume dont la silhouette tremblait légèrement à travers la fumée. Il disait qu'il s'appelait Shin. Les mots se répercutèrent dans la tête de la jeune femme et s’entremêlèrent pour exploser en feu d'artifices, du moins c'était l'image mental que la Chenille se faisait des mots de l'individu. À vrai dire, elle fixait un point de l'horizon de ses yeux gris. Elle secoua la tête dans un instant de lucidité consciente de l'image qu'elle devait donner à l'individu. Elle souffla sur le nuage qui l'entourait pour laisser apercevoir à l'Arrancar son visage. Il l'avait reconnu ainsi donc. Certainement le costume blanc ou le chapeau de feutre. Elle était pourtant une personne assez discrète, passant plus de temps en dehors de la forteresse du roi que dedans celle-ci. Et encore, quand elle y était, c'était dans ses appartements où la plupart des autres occupants n'osaient rentrer. Elle chercha au fond de sa mémoire, les yeux toujours dans le vide, où elle avait pu croiser cette personne et puis elle se rappela qu'il s'était présenté, l'invitant donc à faire de même. Elle adressa un petit signe de la main.

Je suis Cajsa, je suis la septième lame du Roi.
Shin tu viens de dire, je n'en ai pas souvenir.
Ton nom m'est parfaitement inconnu, mais ce n'est pas pour autant que ton visage, je n'ai jamais aperçu.

Elle jeta au loin sa cigarette et aspira ce qui restait du brouillard qui obscurcissait sa vue. Elle pu à loisir observer la personne qu'elle avait en face d'elle. Quelqu'un de visiblement soigné et d'intellectuellement supérieur, du moins suffisamment pour sortir du lot de débiles profonds qui arpentaient le Hueco Mundo comme l'avait laissé entendre ses paroles. Civilisé donc, Cajsa appréciait cela chez ses comparses. Elle lui sourit amicalement et souleva son chapeau en guise de salut, laissant apercevoir les restes de son masque d'une façon furtive.

Dis moi Shin l'inconnu, quel rang occupe tu?
Serais tu un serviteur, d'un confrère ou d'une consœur?
À moins que tu ne sois de cela, toi même un Espada?

La Chenille ne s'occupait guère des questions de hiérarchie, elle n'avait rencontré aucunes autres Lames du roi pour le moment et ce qu'elle entendait dans les couloirs ne lui en donnait guère l'envie. Néanmoins, elle savait que les servants de ceux-ci exagéraient beaucoup la cruauté de ses pairs. Si Shin en était une, elle n'avait jamais entendu parlé de ce dernier, même si s'apparentait à la description brève qu'on lui avait fait du Cuarta, aussi loin qu'elle s'en souvienne.

S'il y avait bien une chose que Cajsa aimait c'était la politesse, elle appréciait les gens de bonne manière, pour elle, c'était comme un radeau de naufragés en pleine tempête et le tumulte où elle se trouvait n'était autre que l'agressivité et la sauvagerie dont faisait preuve la plupart des habitants du monde creux. Elle se satisfaisait donc d'un peu de respect, non pas celui imprimé par la terreur dont elle n'était pas une grande adepte mais que sa place lui procurait néanmoins, bien que certaines personnes n'étant pas Espada soient beaucoup plus puissantes qu'elles. Sur ce dernier point d'ailleurs, elle aimait à penser que son rang, elle ne le devait pas à sa force, son pouvoir ou encore à sa violence, mais qu'elle le méritait grâce à sa présence d'esprit et son intelligence, impliquant une ruse et une facilité à établir des stratégies, le Rey n'ayant beau être qu'une brute à ses yeux, il n'en était pas moins quelqu'un de très intelligent, un génie maléfique en quelque sorte. Bref, la jeune femme se trouvait donc en présence d'un jeune homme très poli, bien sapé et visiblement avec un esprit malicieux à entendre la façon dont il lui cirer les bottes. Elle s'en amusa, et la commissure de ses lèvres formèrent un semblant de sourire. Shin savait brosser dans le sens du poil et elle s'en méfiait, les individus les plus dangereux étaient souvent les plus mielleux, ils vous susurrent de douces paroles et vous tiennent par l'épaule d'une main tandis que l'autre s'apprête à vous poignarder. Si la Chenille avait eu un quelconque souvenir de sa vie terrestre, elle aurait pu établir un parallèle frappant avec les méthodes qu'elle utilisait dans sa recherche de victimes pour Ole. Mais elle n'en avait aucun alors elle se contentait par instinct de se méfier des beaux parleurs. Et lorsqu'il se fendit d'une courbette très british, elle éclata de rire et une larme d'hilarité perla au bord de son œil gauche qu'elle essuya d'un revers de main.



Elle se courba de la même façon qu'il l'avait fait et réfléchit un moment aux dernières paroles qu'il avait prononcé. Elles eurent du mal à percuter le cerveau de Cajsa, encore embué par la drogue, sous l'emprise d'un empire de couleurs, de formes et de sons, entrecoupés de flash de lucidité. Machinalement, elle se saisit de son paquet, un étui métallique de bonne facture, qui se trouvait dans la poche de son pantalon, sur sa fesse droite. Elle en retira une cigarette qu'elle alluma avec le briquet auparavant extrait de la même poche. Elle se limita à quelques bouffées pour ne pas obscurcir le champs de vision de son compagnon. Elle voulu ranger son paquet puis se ravisa et le tendit à Shin.