Rencontre fortuite au petit matin [pv Real]

Nuitée automnale supportant dans son plafond l’œil lunaire. Un œil immuable, placide, peu importe les bizarreries terrestres. Cieux et territoires irréconciliables. Suffisance de la distance. Satellite esseulé. Jeune fille titubant dans la ruelle d’une banlieue. Petite brume vaporeuse s’extirpant de ses lèvres au gré de sa respiration. Petit matin ? Un nombre inestimable d’aiguilles minuscules, sous la forme d’une brouillasse glaciale, entame sa chaire. Une simple robe délavée pour la prémunir du froid. Cadavre ambulant ? Piètre carcasse à la teinte mortifère au point de surprendre les rares passants d’y trouver une once de vitalité. Une altérité à l’allure scabreuse, intimant ses quelques témoins à déguerpir au plus vite. Réaction légitime ? Pas vraiment. Du moins, pour l’heure, car sa faim demeure insuffisante pour commanditer la moindre chasse de sa part.

Elle vacille, vacille près du mur pour mieux le heurter. L’abattement rompt son avancée. Chute nonchalante. Masse inerte étendue au sol, mine insipide blottie contre l’asphalte, le regard creux. Images coulissantes dans son esprit. Figure maternelle la traitant telle une poupée sans âme. Figure paternelle se plaisant à alimenter sa marginalité. Nostalgie d’attaches singulières. Une nostalgie malsaine, terre fertile aux regrets. Non une pensée, juste, une émotion. Un besoin, un manque. Manque la tiraillant jusque dans ses entrailles, la faisant se recroqueviller sur elle-même. Ses ressentis se mêlent, s’enchevêtrent chaotiquement de manière à faire monter l’adrénaline. Frustration muette mais saisissante de par son abstraction. Se tortiller, émettre un râle rauque, écharper ses avant-bras avec ses dents. Automutilation à l’apparence absurde mais pourtant nécessaire.

Un goût ferreux sur son palet grossier, ses plaies béantes et dolentes. Seuls sens excités ? Bruit infime. Ce son n’échappe pas à son champ de perception. Sursaut. Aussitôt, la bête se met sur ses pattes, statique, prête à sauter au cou de la menace, à en arracher la jugulaire d’un renfermement de mâchoire. Les yeux vifs plantés dans la nouvelle silhouette dessinée devant son champ de vision. La moindre émanation hostile risquait bien d’abréger cette rencontre fortuite.

- Oh là, du calme ! Je ne te veux pas de mal.

Real levait les mains face à elle, comme elle l'aurait fait pour calmer les pulsions d'un animal sauvage. A en croire la réaction de cette femme, elle n'était pas bien loin de la vérité. Visiblement, elle l'avait dérangé et cette dernière avait réagi instinctivement, menaçante. Comment réagir alors ? L'abattre avant qu'elle ne s'attaque à elle ? L'idée lui avait bien traversé l'esprit mais elle ne tuait pas les humains. Pas tant qu'elle n'y était pas contraint. La Mayer avait beau être un assassin, elle s'était spécialisée dans l'éradication des Shinigamis. Cette humaine - pouvait-elle en douter ? - était certes différentes mais ne justifiait en rien une élimination.

Pour autant, Real restait sur ses gardes. La scène qu'elle découvrait à cette heure matinale avait de quoi surprendre. Les avant-bras de la fillette était couverts de sang mais pire encore, quelques gouttes du liquide carmin se trouvaient sur ses lèvres et au coin de sa bouche. Visiblement, même si elle n'y avait pas assisté de visu, elle s'était mutilée volontairement. Comme l'aurait fait un chien avec sa propre patte blessée. La raison ? Elle l'ignorait. Mais visiblement l'autre en semblait dépourvue. Se reculant de quelques afin de ne pas l'effrayer plus encore, Real posa sa main discrètement au niveau de son oreille, feintant de remettre en place une de ses mèches. En réalité, elle venait d'actionner le traceur permettant à Elias de la rejoindre. Tout du moins de la localiser. Ce dernier ne se trouvait jamais loin. Il se mettrait donc en position, "juste au cas où". Prudence est mère de sureté après tout.

- Tu as l'air blessé. Je peux t'emmener à l’hôpital, voir un docteur si tu en as envie. Mais tu ne peux pas rester comme ça. Tu me comprends au moins ?

Elle en doutait. Quelque part, elle venait tout simplement d'associer cette femme à un simple animal, incapable de comprendre le sens des mots. Une simplification causée par le comportement étrange de cette femme. Son oreillette grésillait. Elias était là. La voix se fit entendre dans son oreille, presque un murmure.
- Je suis à proximité, Mademoiselle Mayer. Si vous avez besoin d'aide, faites le moi savoir. La brume n’arrange rien mais au besoin, je saurai trouver un angle de tir parfait.

Ces simples mots rassurèrent Real. Elle prit une profonde inspiration, glissant sa main au niveau du pendentif qui pendait à son cou. L'autre pouvait encore refuser son aide. L'autre pouvait encore attaquer. Mais elle se tenait désormais prête.

Progressive détente amorcée par la réaction de l’étrangère. Non une menace, une passante malchanceuse ? Un recul mesuré, un esprit ménagé. Ses tambourinements cardiaques tendent à s’apaiser. Se dissipe de son esprit toute conceptualisation de forfait. Boule d’instinct posant pied sur le domaine de la raison.

-Un docteur ?

Cette formule l’interpelle. Déclic au défilement d’une série d’images. Jusque-là aux aguets, Muda se libère précautionneusement de sa posture défensive pour, sans relâcher sa prudence, se mettre debout. L’attitude positive de son vis-à-vis catalyse ses pulsions au point que ses iris le relâchent un instant dans l’optique de scruter ses avants bras sanguinolents relevés devant sa mine. Petit pincement sur une plaie auquel ne suit aucune réponse de sa trombine insipide. Vibrations désagréables. Une douleur, certes, suffisante pour lui faire oublier la fraicheur matinale mais, somme toute, assez superficielle.

Un docteur… Son père était docteur. Tous les soupés passés à tasser ses journées en petites anecdotes. Des anecdotes à toutes les sauces. Bon public à déguster chaque parcelle de ces dernières avec délectation. Minuscules brèches dans sa claustration. Docteur, une profession, un savoir-faire. Bon souvenirs de rafistolages, moments privilégiés de son existence. Bons souvenirs savourés derrière ses paupières closes. Grincement de ses cordes vocales, grincements de plaisir.

Ses voiles se rouvrent. Rebelote, ses iris de rubis se retrouvent captés par ce corps inconnu. Un corps exotique, non pour ce qu’il montre, mais pour ce qu’il dégage. Petits pas timides, un tantinet chancelants, en sa direction. S’approcher dangereusement, intégrer son espace intime, le visage curieux à quelques centimètres de celui de son interlocutrice.

-Drôle d’odeur…

Des gestes lents, délivrés de toute émanation menaçante. Des gestes portant ses doigts à hauteur de cette figure pour se figer à un certain stade d’avancement. Regard sur cette main porteuse de frissons soudains. L’intuition d’une limite. Une limite à ne pas dépasser sous peine d’encourir un danger mortel. Une tension inédite qu’elle prend le temps de goûter, silencieusement. Cérémonie brisée par une présence, une présence infime chatouillant sa perception. Sa figure pivote sur le côté, le regard vide. Une force invisible. La possibilité d’un danger imminent. Ses bras se détendent. L’expérience lui rappelle ces bêtes masquées venus du néant, à diverses occasions, pour la prendre en chasse. Murmure.

-Prédateur ?

Craquements aux articulations de son bras. Protubérance sur ses coudes. De chaque, une lame d’os en sort. Immobile, la proie chasseresse attend que surgisse d’un quelconque feuillage son prédateur gibier.

Cette petite avait de l'instinct, c'était une évidence. Et la comparaison à l'animal était de plus en plus réaliste au vue de ce qui se déroulait sous le regard averti de Real. Peu de paroles, droit au but. Elle synthétisait les informations et les décortiquaient pour mieux les intégrer. Cette femme était aussi captivante que dangereuse. Mais elle semblait avoir compris que son interlocutrice n'était pas là pour elle. Sa curiosité vis à vis de la Mayer était par ailleurs troublante. Finalement, les autres ne la fuyaient-ils pas eux aussi par instinct ? La peur était un moteur puissant. Mais empêchait aussi de s'attarder dans des endroits jugés à risque. Et la proximité de cette femme était un facteur de risque important, sans le moindre doute.

Pour le moment, Real ne pouvait qu'essayer d’interpréter au mieux les maigres informations que l'autre lui fournissait. Percevait-elle la source de la force de Real ? Cette aura qui faisait d'elle un Fullbringer ? Impossible... Et pourtant, la suite des événements vint appuyer cette thèse. Sans réellement comprendre comment, cette créature perçut les effluves d'Elias. Sa réaction fut aussi immédiate que surprenante. Prouvant ainsi qu'elle était elle-aussi une Fullbringer.

Les os sortirent de ses coudes, donnant à la fillette une allure proprement effrayante. Elle était prête à agir contre tout potentiel agresseur. Et il n'était pas encore dit qu'elle laisserait la brune tranquille. Inutile de garder son propre pouvoir scellé plus longtemps. Juste un murmure. Puis un léger souffle d'air. Ice Age. A son cou, le pendentif a disparu. Mais l'aura presque imperceptible qui enveloppe désormais la Mayer en contient l'essence. La base de son propre don. La température baissa de quelques degrés. Rien de bien exceptionnel pour le moment. Mais en réaction à cette sortie d'armes, il était préférable de calmer les pulsions de cette femme.

La libération de son pouvoir entraînait généralement un effet quelque peu indésirable pour ceux qui pouvaient représenter un danger pour Real. Cette aura qui l'enveloppait gagna en intensité. Le froid se fit plus mordant. La brume accrue. Une fine pellicule de verglas, assimilable à de la poudre blanche, s'étendait peu à peu dans la zone d'action de ce Manteau de Glace. Elle ne souhaitait pas attaquer cette créature. Mais espérait que cette aura aurait raison de son envie de tuer. Pour le moment, l'inconnue n'avait fait que réagir à un danger potentiel. Réaction logique quoi que primaire.

- Rassure-toi, il n'y a aucun prédateur dans le coin. Je ne suis pas là pour te traquer. Je suis comme toi. Cette odeur que tu as sentie sur moi t'es familière parce que je possède aussi quelques dons particuliers. Mais en restant ici, tu vas attirer les vrais prédateurs. Tu comprends ?

Peut-être bien que non. Mais au moins essayait-elle de limiter les dégâts. La Mayer exécrait devoir combattre un frère ou une sœur, ceux qui étaient comme elle des Fullbringers. Mais si ces derniers ne lui laissait pas le choix, alors tant pis.

- Je ne suis pas ton ennemie. Et il n'y a personne d'autre que nous pour le moment. Personne ne te veut du mal. Range-ça. Et marchons un peu... Il fait froid ici.

Grise mine en tête d’un long suspens, celui d’une approche présumée, d’un guet-apens devancé. Sens sollicités à pleine mesure. Mutisme persistant. Silence en butte aux chuchotis ascendants de la nature. L’altération du temps prend des proportions à lui donner la chair de poule. Fraîcheur requinquée d’une curieuse manière, sans qu’aucun indice ne l’y dispose.

Froidure contrariante à en devenir handicapante. La visibilité, d’abord, pâtit d’une brume de plus en plus épaisse. Son potentiel de déplacement, lui, se trouve mis à mal par une fine accumulation de glace sur le bitume, de quoi finir les quatre pattes à l’air à la moindre niaiserie gestuelle. Au moins jouit-elle désormais d’une coagulation accélérée de ses écorchures, le débit de coulure de son sang s’en trouvant ralenti. Délicate intention nuançant à peine l’affliction éprouvée, faute à une fine couche de vêtement trop vite défaite par le froid.

Naïves frictions de ses mains sur ses bras, caresse de son ouïe par la voix doucette de son interlocutrice. Une personne n’essuyant aucun carton jaune pour le moment. Rare discussion où l’effroi ne se percevait pas dans le regard de l’autre. Une absence notable l’amenant à la distinguer aussi bien de la classe prédatrice que de celle de ses proies abondantes. Ainsi exprime-t-elle à son égard une attitude de plus en plus neutre. Une conséquence, que sa prudence s’ébrèche substantiellement.

-Comme moi ?

Un détail, de quoi l’interloquer. Fallait dire qu’on lui avait rarement fait la remarque, si ce n’est jamais. Pas étonnant avec une bouille pareille. Son odeur, la sienne… Cette sensation particulière, familière. Quelle familiarité ? Familiarité de dons ? Des dons particuliers, uniques. En effet, jamais jusqu’alors Muda n’avait vu d’autres êtres humanoïdes capables de prouesses comme elle vis-à-vis de ses os. Le don de cette femme… Un lien avec ce dernier caprice de la nature ? De nouvelles possibilités, de nouvelles attentes.

De vrais prédateurs ? Ce qu’elle sent en l’instant… Une autre entité… comme elle ? Avec elle ? Impossible de le déterminer avec certitude. Son insistance à justifier de leur solitude… Comment l’interpréter en comparaison avec sa conviction d’une autre présence aux alentours ? Un mensonge ? À quelle visée ? Son affirmation qu'aucune menace ne la guette… Son invitation à se désarmer pour se rendre à découvert… Une évidence que cette semblable cherche à lui faire baisser sa garde. Des indices dans le sens d’une volonté de la mettre en position de faiblesse. Mais en même temps, l’absence apparent d’intérêts de l’attaquer. Pour renchérir cette ambiguïté, l’absence d’hostilité dans tout ce qu’elle pouvait émaner.

Long blanc révélateur de son hésitation à obtempérer. Finalement, sans lâcher du regard sa congénère, son radius retourne lentement à son état initial, basique. Un premier pas fait dans son sens en paiement de tous ceux faits dans le sien. La suivre, pour aller où ? À un endroit chaud, belle aubaine que ce serait. Une congénère… Une race auquel elle appartient ? Cette appellation qu’on a coutume de lui coller durant ses rituels…

-Comme moi… Un monstre ? Combien on est ? Et… qu’est-ce que c’est… ces dons ?

Une ouverture en contraste avec la maladive surveillance portée à elle en plus de cette présence supposée absente. Surveillance rendue difficile par l'attention requise pour ne pas glisser. Peu pratiques les pieds nus sur le verglas en plus d'être désagréables.

- Je n'en sais rien.

Ce n'était ici que la stricte vérité. Les Fullbringers n'étaient pas répertoriés et il était difficile d'en évaluer le nombre de par le monde. Sans doute nombreux. En tout cas, pour l'heure, cette fillette acceptait de rentrer cette arme étrange, ce qui n'était pas pour déplaire à la brune. A ses yeux, les Fullbringers ne devaient pas se battre les uns les autres et elle aurait détesté avoir à neutraliser cette dernière. Ce pourquoi elle fit de même, scellant partiellement son propre don. Le froid se fit alors moins mordant, le sol moins glissant. Son pendentif était toujours nimbée de cette étrange aura bleutée, preuve qu'elle n'avait pas complétement scellé son pouvoir. S'il lui était difficile de devoir lever la main sur une sœur, elle n'en restait pas moins suffisamment prudente pour ne pas prendre le risque de se montrer sans défense face à elle.

Real s'était arrêtée. Dans son oreillette, Elias venait tout simplement de lui dire qu'il quittait les lieux, sentant que cette fillette le percevait même si ce n'était pas avec une absolue précision. Sachant la Mayer capable de se défendre seule, il préférait ne pas prendre le risque d'être un déclencheur. Elle ne lui répondit pas, jugeant qu'il avait raison et essayant de ne pas attirer l'attention sur elle plus que de raison. Peut-être qu'elle serait moins aux aguets après tout. Elle le saurait bien assez tôt, de toute évidence.

- Pour toi, je ne saurais le dire avec précision. Pour moi, c'est le contrôle de la glace et du froid.

Alors qu'elle lui expliquait brièvement, elle portait les mains autour de son pendentif. Ce dernier émit une lueur plus intense encore. Lorsqu'elle rouvrit les mains, une petite sphère de glace se trouvait au creux de ses mains. Une simple preuve de ce qu'elle avançait pour elle. Une simple précision quant à la nature d'être des Fullbringers. Lui expliquer comment ils l'étaient devenus était une histoire bien trop longue pour être narrée sur la route. Une seule interrogation pour Real : comment cette femme avait-elle survécu. Ses talents la préservaient des entités spirituelles, elle n'en doutait pas. Mais le monde des humains n'était pas pour autant plus tendre avec les gens comme elle.

- Chacun possède sa propre particularité. Mais nous ne sommes pas des bêtes. Je suis Real. Et je suis ce que l'on appelle un Fullbringer, comme toi. Quel est ton nom ?

Le mot la définissant... Mais elle l'oublierait très rapidement, à n'en point douter. Mais le Conseil, lui, ne l'oublierait pas, c'était une évidence. Elias ferait son rapport comme il le faisait à chaque fois et rentrerait dans son ficher les informations qu'il avait récolté avant de partir. Il compléterait d'ailleurs son rapport avec ce qu'il obtiendrait de Real lorsqu'ils se reverraient. Le Conseil exigeait de savoir quel danger pouvait représenter cette créature. Ils prendraient alors les mesures nécessaires pour régler le problème si elle en devenait un. Ou pour la recruter si elle s'avérait intéressante. En cela, leur méthode ne changeait pas.

- Et enlève-toi de la tête une chose essentielle... Nous ne sommes pas des monstres !

Sa voix s'était adoucie. Jamais elle ne se considérerait comme un monstre. La nature lui avait donnée des dons dépassant ceux du commun des mortels et elle ne devait pas les dénigrer. Elle luttait pour son clan. Les monstres appartenaient aux deux autres clans : celui des Hollows qui ne pensait qu'à dévorer les âmes humaines et celui des Shinigamis qui s'octroyait le droit de diriger les Hommes. Du moins était-ce ainsi qu'elle les voyait. Eux qui étaient pires que des monstres.

Rien ? Alors quoi ? Auprès d’elle, une entité qui n’est capable que de distinguer ses semblables, non de se définir ? Blocage pénible. Mais au moins peut-elle se consoler de ne plus être le seul monstre dans ce vaste territoire chaotique où dominent les proies et se cachent les prédateurs. D’ailleurs, la présence de l’un d’eux tend à se dissiper à mesure de leur marche avant d’échapper complètement à sa perception. Parti ? Disparu ? A-t-il seulement déjà existé ? Un regard porté à sa congénère, nonchalante. Un instant de doute suivi d’un détachement. Au bout du compte, ceci n’a désormais plus la moindre importance. Une vigilance allégée d’un poids, de quoi concéder davantage de marge à la légèreté.

La glace ? Le froid ? Cet aveu intervenant au moment où, justement, la jeune fille grelotante percevait une progressive atténuation de ce mal environnant sur sa peau… Cette révélation lui fait alors prendre conscience de l’état de tension dans laquelle se trouvait et se trouve peut-être encore son interlocutrice. Ainsi, depuis le début, est-elle prête à vendre chèrement sa vie et ne décline-t-elle sa garde qu’après que sa semblable en ait fait autant. Les suspicions s’éloignent en même temps que progressent l’empathie et l’entente.

Soudain, de cette femme, un geste esquissé. Aussitôt, un éclat en éveil dans ses paumes renfermées qui ne manquent de concentrer l’intérêt enfantin de Muda. Prunelles scintillantes portées très proches de cette sorcellerie attrayante. Pouvoir formidable, bien moins révulsant que le sien. Mieux encore, esthétique. Des dons donc aussi nombreux qu’eux ? Cette perspective inopinée lui donne le vertige.

-Real… Fullbringer…

Murmure à peine audible tandis que s’exprime sa vis-à-vis. Ainsi s’encrent dans son esprit ces nouvelles informations. Un effort de mémorisation à la mesure de l’attractivité perçue aussi bien chez la personne que dans ses dires. Après tout, rares sont les occasions où son peu de savoir peut se renouveler, s’enrichir. Son nom ? Une question qui fait frissonner l’ensemble de son épiderme. Une association de mots n’ayant que peu de fois effleuré ses tympans, mais pourtant chargée d’émotions. Résurgences du passé, un passé décidément geôlier de son présent, de sa conscience. Souvenirs confus mêlant joie et mélancolie. Ces émois influent sur sa démarche, moins intéressée, plus distante mais surtout naturelle.

-Muda.

Un déchet, sympathique héritage de sa génitrice. Une appellation ne l’ayant jamais interloquée, sans doute du fait du peu d’interlocuteurs sensés rencontrés. Loin de toute gêne homonymique, des pensées nébuleuses, vites rattrapées par la voix doucette de Real. Cette expression crue, ce ton sincère, ces mots directes… Ses yeux, pris de court, s’écarquillent un bref instant. Non des monstres ? Dès lors, comment se considérer ? Cette femme… l’attitude tellement… humaine. Une humaine ? Non des bêtes, des humains ? Une optique inédite à son regard qu’elle tente d’appréhender pendant un certain laps de temps.

Toutefois, un blocage. Devant son champ de vision, un flash. Une détonation d’arme à feu, détonation imaginaire. Ses mains empoignant sa boîte crânienne, les genoux fléchis, le corps recroquevillé, les gémissements contenus. Une migraine aussi démente qu’inattendue. Humaine ? Jouissance de festins cannibales. En son sein, un sentiment étranger, une répugnance, non identifiée comme telle, ravageant son âme et la faisant se tortiller au sol par spasmes. Humaine ? Une masse fracassant ses articulations, une faim tiraillant sa chaire. Se disloquent et se remboitent ses os en même temps que ses doigts crispés arrachent une partie de l’asphalte. Humaine ? Cette expression, ces expressions… Ce regard, ces regards… Cette répulsion, ces répulsions… Dégoût, haine et rejet. Appréhension, peur et fuite. Désir de fuir. Regard apeuré adressé à l’autre humaine. Différente, absolument différente. Se relever, tituber et filer à vive allure avant de disparaître dans la pénombre d’une venelle. Son refuge dans l’obscurité, dans l’inexistence.

[hrp : fin du RP pour moi, libre à toi de poster pour conclure de ton côté. Dans tous les cas, ce fut un plaisir. À renouveler o/.]

La brune ne fit rien pour empêcher la créature de filer au-delà de son champ visuel. De toute façon, ses talents de traqueuse ne lui auraient pas permis de la suivre et qui sait comment aurait réagi cette fillette si elle avait senti sa présence à ses trousses ? Il n'existait rien de plus dangereux qu'une bête traquée. Et en réfléchissant bien au pouvoir qu'elle semblait avoir démontré, Real se savait en danger si elle partait à sa recherche sans l'appui d'Elias. Elle pouvait s'en défendre sans souci mais un piège était vite arrivé. Cela ne valait pas le coup. Et puis elle n'était pas ici pour abattre une sœur. La seule consolation qu'elle avait étant de pouvoir mettre un nom sur un visage. Nul doute que le Conseil en serait heureux également. Elle ne manquerait pas d'en toucher deux mots à Elias qui était parti lui aussi. Temporairement. C'était toujours temporaire avec lui.

Muda... Pourquoi avait-elle réagie avec autant de virulence à l'énoncée de leur véritable nature ? Cette fillette se conduisait comme une bête. Sans doute croyait-elle réellement être un monstre. Il n'était pas totalement illogique de la percevoir comme telle même si Real se refusait de porter un tel jugement pour le moment. Qu'avait donc vécu Muda pour devenir cette créature taciturne, prête à tuer ceux qui se dressaient sur sa route ? Aucune idée mais désormais la brune avait de quoi farfouiller pour en apprendre plus. Elias serait parfait pour cette quête, elle en était sûre.

Scellant en totalité ses propres dons, elle leva les yeux aux cieux, poussant une grande inspiration qui laissa s'échapper de la buée. Le froid n’ayant pas encore totalement disparu, elle profitait encore quelques instants de ce sentiment de sécurité que lui procurait la morsure de la glace sur sa peau. Avant de reprendre contenance. Sortant d'une poche intérieur de son manteau un petit téléphone portable, elle composa le numéro comme par réflexe. Deux tonalités et l'homme au bout du fils décrocha.

- Nom de code : Reine des Glaces. Opération "Alpha". Tiens à signaler l'apparition d'un Fullbringer de type physique à Karakura, répondant au nom de Muda. Individu hostile et potentiellement dangereux. J'attends des instructions à son sujet. Real Mayer, terminé !

Elle raccrocha rapidement, sachant son appel prit en compte. Il était de la compétence du Conseil de décider quoi faire de cette femme. Elle garderait les yeux ouverts pour l'heure et attendrait la prochaine prise de contact avec elle. Sans doute aurait-elle déjà ses ordres la concernant... Tranquillement, elle reprit la route. N'ayant à l'esprit que cette rencontre des plus étranges.

[Fin rp, merci à toi aussi]

Sujet: Re: Rencontre fortuite au petit matin [pv Real]

» Petit petit petit.... Viens mon petit Sane, dis moi quel Vizard es-tu? [fini!]
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