[En préambule, je m'excuse pour l'affreux retard, j'ai procrastiné comme un fou Ca n'se reproduira plus.]

Taka soupira tandis qu'il s'éloignait à pas vifs du bâtiment où venait de se tenir l'une des choses qui l'effrayait le plus dans son poste reçu tout récemment. Il ne savait même pas si quelque chose de constructif allait résulter de cette réunion, que ce soit parce que les vice-capitaines avaient du mal à trouver quoi redire à la récente alliance, ou tout simplement parce que qu'elles que soient les idées proposées, elles n'auraient au final que peu de poids dans la balance. Le blond trouvait ça inhumain: se forcer à être présentable en public, devoir prendre la parole devant une assemblée constituée de la fine fleur des officiers, tout ça pour rien? Vraiment, même lui qui n'était de base que peu porté sur la boisson, avait bien envie de s'en jeter un. Il espérait ne pas s'être attiré d'inimitié particulière avec ses propos. Il grimaça en repensant à l'air bourru de Krow-san, aux traits si jeunes et pourtant si sérieux - vraiment, c'était un exemple, ce petit! - de Taizo-sama, au silence de Serpiente, à l'air avenant de Sada-san et au doux idéalisme d' Oni-san. Pour quoi était-il passé, lui? Il avait eu beau faire, il n'avait pas pu s'empêcher de s'injurier à chaque fois qu'il évoquait son point de vue. Si ça remontait aux oreilles de Shu-taisho par le biais d'un autre Capitaine... Taka ravala sa salive et frémit en imaginant le sermon que lui passerait son supérieur. Il secoua la tête, espérant chasser toutes ses pensées négatives, et il bifurqua au détour d'une allée.

La première Division lui évoquait toujours des sentiments mitigés. D'un côté, il ne pouvait s'empêcher de trouver ces gens situés au plus près du Capitaine-Commandant, mais en même temps, il se sentait toujours si peu en harmonie qu'il avait peur qu'à tout moment l'un d'entre eux ne surgisse pour le sermonner, parce qu'il ne se tenait pas droit, parce qu'il était nul, parce qu'il n'était qu'un chien. Enfin, pour sa défense, il s'acharnait à se débarrasser de cette gangue qui le pesait plus qu'autre chose. L'influence du Capitaine, ça. Il aurait pu avoir pire comme supérieur qu' Igarashi Shu, comme il aimait à se le dire souvent. Mais qu'importe, d'ici à ce qu'il devienne le digne représentant de la Soul Society et du Gotei 13, il avait encore du chemin à faire. Passant une main dans ses cheveux pour écarter une boucle d'or de devant son oeil gauche, il bondit d'un pas léger et commença à se hisser sur un petit promontoire situé en contre-bas de la colline dominée par le Sokyoku et le Senzaikyu. Mais plutôt que de fixer ces endroits où finissaient les criminels, il porta son regard à l'horizon et observa le Seireitei moutonner sous lui, les bâtiments les plus lointains n'étant guère plus que des maisons de poupées sous ses yeux émeraude, bien cachées derrière leurs paupières.

Prenant ses aises, il s'étira puis se cambra, posant ses mains en arrière de lui, et appréciant la caresse de la brise dans ses cheveux et sur son visage. Il faisait toujours beau, à la Soul Society. N'était-ce pas là l'avantage de n'être qu'une âme?

Le Serpent trainait les pieds. Il n’avait eu, à aucun moment, l’envie d’intervenir à la réunion des vice-capitaines, et cela c’était probablement senti. Peu importait. Encore, une fois, et quitte à le répéter, ce poste n’était le sien que par un enchaînement d’accidents qui l’avaient poussé sur le devant de la scène, et les dieux eux-mêmes savaient combien il avait horreur de ça. Les idées des autres lieutenants, aussi bonnes fussent-elles n’avaient de toutes manières que peu de poids dans la balance. Le futur de la Soul Society et des âmes qui y vivaient ne dépendaient que d’une poignée d’individus. Les capitaines.

Serpiente manqua de s’étouffer en réprimant un fou-rire, imaginant son capitaine préparer un plan en compagnie de Igarashi Shu saoul et de Kuragari Asuna et son air blasé. La cohabitation devait être bien plus compliquée que les quelques minutes qu’il avait passé en réunion avec les autres sous-fifres. Certains se prenaient un peu trop au sérieux, d’autres n’osaient prendre la parole, alors que les derniers n’avaient que des idées saugrenues. Mais la plupart savait que cette pantomime de réunion n’avait sans doute aucun pouvoir décisionnel. En tout cas, il avait suivi avec intérêt les propos tenus par ses camarades. Il se devait de les connaître, car à tout moment, ils pouvaient devenir les ennemis du Gotei 13.

Perdu dans ses pensées comme il l’était, il ne s’était pas rendu compte qu’il avait bien trop marché. Machinalement il avait l’habitude de se diriger vers le quartier général de la deuxième division, cependant pas cette fois-ci. Il avait traîné ses guêtres jusqu’au Sokyoku. Il n’était pas revenu ici depuis la grande bataille contre les Quincies, et irrémédiablement, son humeur se noircit. Tant d’âmes perdues pour une bête histoire de vengeance. La structure le dominait, et il décida de ne pas s’en approcher. Il jeta cependant un dernier coup d’œil avant de suivre un chemin descendant, qui contournait la colline. Au bout de quelques foulées, il remarqua qu’il n’était pas le seul en ces lieux, sans reconnaître immédiatement le vice capitaine de la première. Ce ne fut qu’après quelques pas supplémentaires qu’il arriva à discerner son visage, et à se rendre compte qu’il l’avait déjà croisé. Discret comme pas deux, Taka n’était pas du genre à vouloir être en haut de l’affiche. Du moins, c’était la première impression qu’il avait fait à l’ancien tueur à gages.

Lorsqu’il fut à distance de voix, il le héla. « Eh bien, lieutenant, on lambine plutôt que de retourner sur ses dossiers ? » dit-il d’une voix forte.

Ce geste, il l’avait déjà vu. Cet index qui frottait sa joue. C’était sans doute symptomatique d’un certain stress. Il n’avait pas besoin d’être très observateur pour se rendre compte que le vice capitaine de la dixième division était du genre à laisser voir son anxiété, mais ce n’était que se baser sur des informations visuelles. Et le Serpent s’était longtemps habitué à ne pas se laisser berner par l’image que les gens renvoyaient. La nature humaine était ainsi faite qu’une personne avait autant de visages que de gens qui regardaient. Son "travail" humain l’avait amené à devoir suivre des êtres vils qui en apparence avaient l’air de saints, et vice versa.

Cependant dans le cas de Kazegai Taka, il n’y avait que peu de chances pour que cette image soit très différente de ce qu’il était réellement. Cette attitude qui le poussait à se confondre dans une marée d’excuses ne pouvait être simulée, ou alors il s’agissait d’un très bon acteur. Quelque chose, en son for intérieur, le forçait à se rabaisser constamment. C’était très déroutant. Serpiente, cependant, était bien placé pour savoir qu’il était possible de se retrouver à un poste qui ne lui était pas destinée. Après tout, un homme de l’ombre tel que lui s’était vu catapulté dans la lumière alors qu’il n’aspirait qu’à son contraire. Mais revenons à nos deux vice-capitaines…

Serpiente, en entendant la réplique de son interlocuteur ne sut pas s’il était sérieux ou non. Dans le doute, il préféra en rire, et esquissa un sourire, avant de lui répondre. « Vous inquiétez pas pour la paperasse, je me suis chargé de recruter un larbin qui s’en occupe. » Sur quoi il continua dans un ton qui se voulait toujours amical en ignorant volontaire la deuxième partie de la phrase de Taka. Après tout, il n’avait pas tout à fait tort. Il l’avait surpris en pleine rêverie, mais tout à fait par hasard. « Ne vous inquiétez pas, j’suis pas là pour faire un rapport sur votre compte. Disons que ça m’étonne de vous croiser ici alors qu’on vient à peine d’se quitter. »

L’ancien tueur à gages laissa son regard vaguer sur l’étendue de ville devant lui avant de revenir sur Taka. « D’ailleurs, vous en avez pensé quoi de cette réunion ? C’était une première pour vous non ? Vous avez même pris la parole à un moment donné si je ne m’abuse. » lança-t-il, sans ignorer que la totalité de ses collègues vice-capitaines avait vu le peu d’intérêt qu’il avait porté à la séance.

A ses yeux, ils avaient à peine fait plus que brasser du vent. Et encore…

Il avait pris la parole pendant la réunion et avait exposé un plan à ses camarades, c'est-à-dire qu’il avait fait bien plus que le Serpent, qui n’avait attelé à la tâche qu’une vague notion de nécessité. Cette nécessité venant d’ailleurs plus de l’insistance de son capitaine que de lui directement. Son plan, à vrai dire, il l’avait écouté. Feignant un désintérêt total pour les paroles des autres, il avait enregistré les attitudes de chacun d’entre eux. L’information était le nerf de la guerre, et, s’ils n’étaient pour l’instant pas en conflit direct avec le Hueco Mundo, il devait connaître les caractères des sous lieutenants le cas échéant. C’était sans doute cela qu’avait voulu sous-entendre Noboru lorsqu’il lui avait forcé la main.

« Pas être utile hein ? » répondit l’assassin borgne, en levant un sourcil interrogatif. Le geste de gêne était revenu, et, s’il semblait pourtant plus ou moins à l’aise quelques secondes auparavant, ce ne devait plus être le cas.

« Personne ne l’est vraiment tant qu’il n’accomplit pas ce pour le quoi il est à son poste. Et entre nous, discuter sur la meilleure méthode de doubler les Hollows ne me semble pas être ce pour quoi j’ai été monté en grade. » continua-t-il en contenant un ricanement. Après tout, toutes ces idées, les autres devaient les avoir eues. Tous ces plans, ils les avaient déjà préparés. Ils n’étaient que des pions, un peu plus forts que les shinigamis de base certes, mais des pions tout de même.

« Enfin bon, n’épiloguons pas sur le sujet, ce n’est pas à nous de choisir si nous sommes requis à une réunion ou non, aussi étonnant que cela ne paraisse. C’est un choix de nos capitaines, n’est-ce pas ? Le vôtre est le vizard Igarashi Shu, non ? » Il ne l’avait pas croisé depuis ce soir, dans le rukongai. Le capitaine n’avait pas été des plus compréhensibles cette nuit-là, mais d’un autre côté c’était explicable par son fort taux d’alcoolémie. Son petit voyage en brouette aurait pu le marquer s’il n’avait pas, heureusement pour lui, oublié l’intégralité de la soirée. Certains hommes étaient vernis…

[Vraiment désolé pour le délai, j'ai été plutôt pris !]

« Un Vizard, oui. » lança Serpiente d’une voix lente. Il ne savait pas trop quoi penser de ces êtres, en proie à une lutte constante avec leur Démon intérieur. Est-ce que le jeu en valait le chandelle ? C’était à eux seuls de le décider au final, mais aux yeux du lieutenant de la deuxième il était fort peu probable qu’il en soit ainsi. Pour un Shinigami qui savait effectivement contrôler le Hollow qui l’habitait combien flanchaient et perdaient définitivement pied ?

« Il a sa manière de faire, on va dire… C’est un ancien de la onzième et ses méthodes sont fortement imprégnées de l’enseignement du Kenpachi. » ajouta-t-il pensif. Effectivement, le moins qu’on pouvait dire c’était que le capitaine Kyuusei n’avait ni la langue ni ses poings dans sa poche. Quand les choses devaient être faites et bien … il se chargeait de que ce soit fait. Restaient évidemment toutes ces foutaises de famille auxquelles l’ancien assassin n’adhérait pas. Mais on ne pouvait évidemment pas fédérer toute une division d’un seul claquement de doigts.

« Je ne vous avait jamais croisé par le passé avant la réunion, contrairement à d’autres vice-capitaines comme ce bon vieux Krow. Vous êtes d’une promotion récente ? » lui demanda-t-il alors qu’il chassait une mèche rebelle de devant ses yeux. Il avait eu quelques missions en duo avec ce dernier, et c'était vrai que, de tous les vice-capitaines, c'était celui avec le qui il avait le plus travaillé. Des capitaines, d'ailleurs aussi, si on laissait de côté l’intrigante Kuragari Asuna.

Taka avait beau ne pas être un des personnage les plus connus du Gotei 13, Serpiente avait évidemment lu son dossier. Comme celui de tous ses petits camarades, au final. On ne devenait pas vice-capitaine de la division des renseignements sans quelques bases à ce niveau-là. S’il se permettait ce petit jeu, c’était autant pour observer la réaction de son interlocuteur que pour constater si ce dernier lui donnait des informations qui collaient avec ce qui se trouvait dans son dossier.

A vrai, dire, il le testait, un peu à sa manière. Il ne fallait pas y voir une quelconque forme d’agression… Disons que c’était une déformation professionnelle, en quelque sorte. Ce n'était pas tout à fait dans sa nature de questionner sans fond une personne qu'il venait de rencontrer pour la première fois, mais toute information était bonne à glaner sur un personnage aussi discret que le blondin face à lui.

[Pas de soucis, j'ai moi même été plutôt occupé ces derniers temps!]

Au moins, cette discussion n'aurait pas servi à rien, puisque Taka venait de glaner quelques informations sur le Capitaine de la Deuxième Division. Il est toujours bon de connaître ses alliés, ne serait-ce que pour éviter de faire des bourdes en leur présence. Enfin, étant donné que le Kazegai était peu bavard, il y avait peu de chances qu'il fasse une bourde le jour où il croiserait le Capitaine Kyuusei, mais toute chose est bonne à savoir. C'était désormais au tour de Serpiente de se renseigner, puisqu'il interrogea le Vice-Capitaine de la Dixième sur son accession au poste. Il est vrai qu'il y avait été catapulté (pas de signes avant-coureurs, rien du tout!) et qu'il avait de fait eu peu de temps pour sociabiliser. Tout juste connaissait-il quelques-uns des Shinigami de la Troisième, puisqu'il y était passé il y a un temps, et ceux de la Dixième, car sous ses airs silencieux, le Faucon était en réalité plutôt physionomiste et retenait, en plus, les noms des personnes. Mais bon, beaucoup ne le connaissaient pas en retour. Ce qui n'était pas pour lui déplaire, puisqu'il tenait à tout sauf à attirer l'attention. Mais à quoi pensait Serpiente exactement? S'il répondait qu'il avait été promu il y a peu, est-ce qu'il le penserait mauvais et demanderait qu'il soit démis dans l'instant? Tout en sachant que mentir n'aurait servi à rien, puisqu'après un mensonge, la mise au jour de la vérité attire toujours une attention non désirable. De toute façon, il allait y aller franc jeu. Ce n'est pas comme s'il avait le choix.

Il ébaucha un sourire timide, un peu étrange, puis se contenta d'un laconique: "Oui.". Et puis, il se dit que c'était bien peu comme réponse, et que Serpiente risquait d'être vexé de se voir si peu considéré. Qui plus est, le Faucon était le cadet du Serpent, et de fait il lui devait le respect et une certaine déférence. Respecter les autres est le meilleur moyen de rester dans les clous. Les fortes têtes et les impolis sont toujours plus connus que les gens biens sous tout rapports. Il est alors difficile de percer quand on ne sort pas de l'ordinaire, mais peu importait à Taka: il ne voulait pas sortir de l'ordinaire. Il était moins que l'ordinaire. Il n'était rien. Il se racla la gorge, puis reprit la parole:

- Vous avez bien deviné, Serpiente-san. Shu-Taisho m'a promu il y a quelques semaines, et je dois dire que tout m'est un peu tombé dessus ensuite. Tous ces papiers, ces choses à coordonner, et les réunions... J'espère que je ne suis pas trop nul. Enfin, le Capitaine me l'aurait sûrement dit. Ou alors il est déjà en train de chercher mon successeur.

Sourire gêné et frottage de joue furent de retour. Décidément, il devait donner une bien piètre image à son poste. C'était peut-être mieux qu'il soit remplacé... Non, il ne devait pas penser à ça. Il devait s'efforcer de servir avec honneur et fierté. Si on l'avait choisi, c'est qu'il y avait une raison. A force qu'il se le répète, ça allait peut-être finir par rentrer. Mais en attendant... Quelque chose le fit tiquer, et l'idée le fit très légèrement frisonner. Avec une moue mi-timide mi-sourire, comme tout à l'heure, il s'adressa de nouveau à Serpiente, lui précisant qu'il ne devait pas le vouvoyer, parce qu'il n'en méritait pas tant. Un simple tutoiement lui suffirait. Pas besoin d'être si formel, retint-il, conscient qu'il devait s'attendre à de la formalité avec son poste, le troisième plus haut du Gotei 13... Bien trop pour lui, quand même.

Les réponses s’enchaînaient et se ressemblaient chez le blondin. Le manque de confiance en soi dont faisait preuve le vice-capitaine Kazegai était sans doute symptomatique d’un problème plus profond, mais le Serpent n’avait ni le temps, ni l’envie de se lancer dans une analyse digne d’un psychologue de comptoir. Du moins, pas en cet endroit, et encore moins avec si peu d’informations. Ce n’était pas son genre de se fier à la première impression, et ce malgré le dicton qui disait qu’elle était souvent la bonne. Un point était cependant clair aux yeux du new-yorkais : on ne gravissait pas les échelons du Gotei 13 en étant un incapable notoire. Il fallait donc classer le bon Taka dans la case des compétents.

« Ah. La paperasse. » Ce fléau avait brièvement occupé le lieutenant de la seconde avant de se retrouver refourguée à un sous-fifre. « Tu devrais la refiler à un de tes sbires. » lui dit-il d’un ton qui se voulait sérieux, en employant un tutoiement auquel il avait été invité. « C’est ce que je fais en tout cas, et ça me libère un peu de temps … pour flâner ou récolter des informations sur les autres lieutenants, par exemple ! » ajouta-t-il avec un sourire en coin.

Une question taraudait l’assassin au sujet de son interlocuteur. S’il insistait tellement sur sa prétendue médiocrité, n’était-ce pas là pour mieux surprendre par la suite ? Cette attitude soulevait tout de même quelques suspicions chez le borgne, qui tout simplement ne se priva pas de lui dire.

« Tu te rabaisses beaucoup pour un lieutenant. Tu devrais arrêter ça sinon on va finir par croire que t’es vraiment un bon à rien. Et les bons à riens ne sont pas utiles à notre poste. » lui lança-t-il d’une voix sérieuse devenue presque sévère. Il fallait que le jeune blond se reprenne, et cesse de donner cette image d’enfant perdu. Il était une lame du Gotei 13. Son rang, affiché par son badge en bois de capitaine, était synonyme de grandeur. C’était une leçon que le tueur à gages avait mis du temps à comprendre.

Les capitaines ne se trompaient que rarement dans le choix de leurs subalternes, à vrai dire. Et Shu était peut-être un peu porté sur la bouteille - ou alors il ne s'agissait là que d'un à priori - il semblait avoir assez de jugeote pour ne pas se planter dans un choix aussi important.

Gêné, Taka n’avait pas répondu aussitôt. Il avait prétexté une quinte de toux rocailleuse pour cacher son embarras. Il ne semblait pas être à l’aise avec l’opprobre, dans un cas plus général, mais là, c’en était trop pour le blondin. Intérieurement Le Serpent sourit. Il avait mis le doigt sur un point qu’il serait en mesure de creuser le cas échéant. Mais à quoi bon s’acharner sur le pauvre hère ? S’il n’avait pas confiance en lui, ce n’était pas son problème au fond.

« Tutoie moi. » lança-t-il, d’un ton moins cassant qu’auparavant. Si dans un cas général il n’était pas normal de demander à se faire tutoyer sans saisir l’opportunité de rendre la pareille, cela collait totalement avec le cas du Kazegai.

Pendant une seconde une idée saugrenue germa dans son esprit. L’idée que le lieutenant de la dixième n’était rien d’autre qu’un excellent comédien. Décidemment, cette pensée le traversait pour la deuxième ou troisième fois depuis qu’il l’avait rencontré. Il ne pouvait cependant se résoudre à la prendre au sérieux. Impossible.

« Quel projecteur ? Le poste de lieutenant n’entraîne aucune gloire, ni aucune reconnaissance. Au mieux, des nouvelles responsabilités. Libre à toi de te mettre en avant, mais les vice-capitaines qui s’amusent à cela ne sont rien d’autre que des politiciens, si tu veux mon avis. » répondit-il aux propos du Faucon.

Il pensait réellement ce qu’il venait d’avancer. Lui n’avait jamais non plus cherché à passer officier, mais ce n’était pas le fait d’être sur le devant de la scène qui le gênait. Non. C’était de ne pas être réduit à faire ce qu’il savait faire, et qu’on lui en demande plus. Toujours et encore. La position sociale que ce petit bout de bois représentait n’était que de la poudre aux yeux. Ceux qui croyaient que d’être lieutenant était une récompense étaient d’illustres idiots.

« Et les politiciens meurent les premiers sur un champ de bataille. »

Il avait eu du mal lui aussi à accepter ce nouveau statut. D’ailleurs, son seul but était de s’en défaire, pour être honnête. Mais, encore une fois, ce n’était pas parce qu’il n’acceptait pas d’être mis en avant. Cela n’avait rien à voir à vrai dire. Il fallait connaître son rôle, et le sien était de rester dans l’ombre et de n’en surgir que pour que sa lame morde la chair d’un ennemi du Gotei 13.

Cette conversation avait donné un premier aperçu de Taka, et l’ancien tueur à gages n’en avait pas attendu autant de prime abord. Derrière cette attitude soucieuse et stressée, se cachait un homme qui semblait avoir les mêmes idées que lui, mais à qui il manquait peut-être un peu (un peu seulement ?) de confiance en soi pour les clamer haut et fort. D’ailleurs, il était évident qu’il était tout aussi peu à l’aise en société que lui-même, mais était-ce un problème en soi ? Pas vraiment. Des officiers asociaux, il y en avait eu une tripotée, pour être honnête. Tant qu’il faisait correctement son boulot,…

« Tu es vice-capitaine du Gotei 13. Si tu ne donnes pas ton avis maintenant avec un de tes semblables, tu ne le donneras jamais, Taka. » conclut-il avec une ébauche de sourire.

Cet entrevue arrivait à sa fin, mais il ne doutait pas recroiser le blond lieutenant de nouveau, au coin d’un couloir des quartiers généraux, ou autour d’un verre si l’occasion se présentait. Cependant, ce n’était ni le moment, ni l’endroit pour ces politesses. Ils restèrent un petit moment après cette dernière réplique, à garder silence en observant les toits du Seireitei. Une sorte de calme avant la tempête, en quelques sortes. Car il ne fallait pas oublier que leur but, leur rôle, était d’aller à la guerre. D’y prendre part, et, si possible, de la conclure. Et cette guerre pouvait frapper à tout moment. Ils devaient donc profiter des accalmies que la vie leur procurait. Ou du moins c’est ce que pensait le vice-capitaine de la deuxième division.

« Nous nous recroiserons, Taka. D’ici là, porte toi bien. » marmonna-t-il en se relevant. Son sabre cliqueta dans son étui, comme pour lui rappeler que ce temps de répit était peut-être fini. On ne pouvait pas aller contre sa propre nature. Serpiente allait évidement écrire un rapport sur l'homme qu'il venait de croiser. Toute information était bonne à récolter en ces temps de guerre, surtout si elle permettait de savoir sur qui on pouvait compter. Et il avait l'impression que le Gotei 13 pouvait compter sur Kazegai Taka.

Spoiler: