Des pas dans la nuit, réguliers et rythmiques. La première couronne du Rukongai en était encore à ces heures ou les fenêtres des rez de chaussée brillaient de mille feux. C'était épars, mais aisément localisable, entremêlé de chants et de voix ronronnantes puis tonitruantes quand le zénith des passions était proche d’être atteint. Nommément, quand les phalanges de l'un, enivrées des vapeurs de la soirée, s’apprêtaient à s'écraser sur l'arcade de l'autre, tout aussi attaqué. La quatrième division déléguait de temps à autres des équipes subalternes, menées par quelques uns des officiers de siège les moins élevés dans la hiérarchie. Des infirmiers de première ligne dont le job peu reluisant consistait surtout à s'occuper de leurs collègues shinigami dont le foi hypertrophié ressemblait davantage a un tatou malade qu'à un organe humain. Autrement dit, leurs attributions consistaient à ramener les trublions pour ne pas ternir l'image du Seireitei.

Kei marchait à l'arrière garde d'un de ces groupes, alors qu'en sa qualité de sixième siège, il était censé ouvrir la marche et donner les directives de la "mission". Mais comme à son habitude, l'officier s'était contenté de fourrer un bout de papelard avec l'adresse dans la main d'un de ses plantons. Il se limitait à ça, et accompagnait ensuite l'équipe, des fois qu'ils seraient trop empotés pour tenir les cheveux d'une autre greluche occupée à vomir. Calant une filtre au coin de ses lèvres, Kei soupira un bon coup, et les deux qui étaient juste devant lui sursautèrent. C'était la première fois qu'ils entendaient le gradé émettre le moindre son depuis qu'ils avaient quitté les locaux de la quatrième. Ils avaient presque oublié qu'il marchait de son pas souple mais hésitant juste derrière eux.

- T'as du feu, Hasegawa ?

L'autre lui tendit une boite d'allumettes, et Kei alluma la mèche de ses poumons en grognant. Il la rendit, un signe de tête, puis plus rien. Il était lucide. Il détestait être lucide, et ce fait se ressentait jusqu'à sa manière nerveuse de tirer sur sa clope, qui devint bientôt mégot. Il était en manque, et les affres de son tourment se déchainaient à présent. Il avait besoin de... Sa main alla se perdre dans sa doublure, fit jouer un flacon, puis deux. Vides. Damn. Ses yeux allèrent se perdre au loin et il s’empêcha à peine de jurer haut et fort dans le vent. L'une de ses mains était agitée de légers tremblements. Il percevait les choses plus vite, plus fort, la musique criarde en provenance du bar ou ils devaient intervenir le lardait de ses scies obsédantes. Ils étaient entrés. Balayant la salle du regard, il avait mis un coup bref sur l'épaule d'un des jeunes imbéciles qui l'accompagnaient. Faisant un signe de tête vers le bar, lèvres serrées autour du cadavre encore fumant de sa dose de nicotine, il lui fit comprendre en un regard qu'ils rentreraient seuls, avec comme remplaçant le type affalé près d'une table dans un coin, tandis qu'il resterait ici.

Il jeta ensuite un regard sans équivoque au barman. Puis il pointa du doigt un whisky derrière lui, et mima avec aisance le fait qu'il en voulait deux. Il cracha le mégot à ses pieds, et l'écrasa de sa geta, faisant preuve d'un incivisme assez dantesque dans son genre. Puis, une fois servi, il laissa tomber les épaules, et plongea les lèvres dans l'un des verres, le contenu disparaissant en un éclair le long de sa trachée, semant feu et désolation la ou il passait. Kei ferma les yeux. Il n'avait cure du fait que toute la salle l'avait vu agir comme un goujat avec ses subalternes, et qu'il avait manqué de mettre le feu au bar avec ses singeries de clopeur en série.

Qu’est-ce que je fous ici sérieusement, pourquoi je me suis laissai entrainer dans cette histoire ? En même temps si j’avais su que cela m’entrainerait dans un bar du rukongai, jamais je n’aurais accepté. Autant engager une équipe de démolition, ou des gaillards solides dans l’optique de m’arrêter une fois que je partirais en vrille. J’en suis sûr il savait pour moi et l’alcool et bien mes petits bonhommes vous allez en faire les frais.

Pour clarifier la situation. Des « blues » recrutés il y a quelques mois, sont venus à trois me proposer une série de défis le premier étant aux cartes. Le deuxième sera choisi par les perdants ou le perdant. J’ai laissai s’échapper un petit sourire et accepté. Le fameux soir où nous étions tous les quatre libres. Ils durent se résoudre à constater que ma bonne fortune écrasa la leur sans vergogne. Dire que j’ai fait une erreur de débutant, sous-estimer mes adversaires, j’aurais dû y penser que c’était trop simple. Aimant me dire que je sois invincible au poker (et autre jeu impliquant des cartes), je n’ai pas vu leurs erreurs trop grossières. Leur deuxième défi c’est quoi ? Boire comme des poivrots dans un bar et celui qui tombe en premières payent la note et choisissent le dernier défi. Bande d’abrutis, mes avertissements auront atterri dans les oreilles de sourds ? Vous voulez vous foutre de ma gueule ? Oh, mes guignols, j’accepte même de payer vos frais d’hospitalisation. Cependant, le bar qui sera démoli là c’est hors de question ça me couterait trop cher et je n’apprécie pas vraiment de dépenser mes thunes dans les lieux que je ne fréquente pas habituellement.

Le principe était simple, j’en buvais trois verres et eux un seul et comme ça juste qu’à ce que l’équipe en face tombe. Sauf, qu’en ce qui concerne ma personne, ce n’est pas le corps qui ne supporte pas la boisson. Mais la tête qui disjoncte assez rapidement. Me rendant très agressif et un rien peut faire que je vous envoie mon poing dans la tronche ou que je vous assaisonne de sort de type hado.

L’énervement grimpant à la même vitesse que j’enfilais les verres, les gus ont commencé à se demander s’il n’avait pas réalisé une connerie. Mon regard devant de plus en plus assassin, ironique pour un membre de la deuxième division d’être dérangé par ce trait. Combiné à mon front plissé, le message était clair « me parle pas ou je t’explose ». Se regardant en cherchant une solution à l'en merde dans la quel ils se sont fourrés tout seul. Ma manie dans ce genre de cas est de regarder partout, pour avoir un objet ou une personne sur qui me défouler. Dans le cas contraire, ils seront les premières victimes.

Leur sauveur malgré lui vient sous la forme d’un shinigami des plus pitoyables ? Oui c’est le mot, déjà en temps normal j’aurais était abasourdis par la façon dont il a traité ses collègues. Mais en rajoutant le fait qu’il jette ses mégots par terre n’importe où, d’ailleurs il a du bol il faillit foutre le feu devant l’entré cet abruti. Je vais aller m’expliquer avec ce type. Me levant brusquement fessant tomber ma chaise en fra qua. Je me dirige d’un pas lourd en direction du m'en foutisme personnifiée, mais droit, en claire je n’ai pas la démarche d’un poivrot de comptoir. Cependant, avec tout ce que j’ai pris, je dois certainement en avoir l’haleine.

- Alors mon pote, on se met à l'aise, on se sent comme chez sois, juste comme ça tu les ranges où les ordures ?

Sur une voix des plus agressives, que je marquais mon entrée dans la scène. Bon sang et moi qui devrait être un modèle de discrétion. Sans lui demander son avis, je m’assois en face. Les avant-bras liés par les poings arrivant un peu brusquement sur la table, qui a eu pour conséquence de faire sauter le deuxième verre sur la table, sans verser son contenue, à par une ou deux gouttes qui coulait en dehors. Quant à mes compagnons ils observent le spectacle en commentant à voix basse la main devant, c’est tout ce que je peux dire en jetant un coup d’œil.

- Sinon juste tu es tous les jours comme ça ou c’est juste que tu es mal luné et t’essuies ta mauvaise humeur au rukongai ?

Moi défenseur des simples gens en public ? Voilà un détail qui ne me fâche pas d’oublier à chaque cuite. Par contre si l’impertinent a le malheur de m’envoyer un de ses déchets, il aura juste à garder la bouche ouverte pour éclairer son chemin en rentrant au sereitei.

- Nan parce que purifié les lieux où on passe c'est bien, mais foutre le feu t'a pas juste l'impression d'être radical ?

Yeux toujours fermés, vissés au tango lent de ses lèvres contre le verre mal dépoli de sa chope, Kei avait de temps à autres les paupières agitées de soubresauts, comme s'il rêvait, après l'orage qu'il avait pourtant provoqué de par son entrée fracassante dans le troquet du coin. En réalité, ses synapses se détendaient peu à peu, accusant ainsi des soubresauts qui secouaient sa cornée. Les particules moelleuses de l'ivresse étaient venu se loger au plus profond de son cortex malade, éludant ainsi toute trace de sa colère tout juste passée. Ses bras étaient à présent calmement croisés, reposant contre son torse frêle, et sa geta battait la mesure sur un air imaginaire le long du barreau de sa chaise. Il aurait presque pu oublier ou il se trouvait en rouvrant les yeux si il n'était pas tombé nez à nez avec un jeune type, shinigami, visiblement. Il le fixa, plissant un instant ses yeux bleus acier et mornes comme une matinée sans caféine.

Force était de reconnaitre que ce petit type (enfin, dans la norme, mais lui étant tout plié avait malgré tout de quoi lui rendre une tête et demi de plus) De fait, durant toute cette procédure aussi nécessaire que silencieuse comme une tombe morte, Kei n'avait pas lâché son verre, ingurgitant à toutes petites lampées à mesure que son cerveau à peine amoindri de ses facultés pourtant peu importantes travaillait à élucider le pourquoi du comment cet autre consommateur d'alcool fort, à en juger par son haleine, avait plus ou moins l'air de vouloir lui coller une méchante dérouillée dans les secondes qui suivraient. Pour tout vous dire, amis lecteurs, notre homme, jadis leader d'une équipe de nuit de sauvetage médical, était à présent Kei le pilier de bar. Et Kei le pilier de bar n'avait pas entendu un traitre mot de ce que le jeune freluquet d'en face, tout neuf, lui avait dit. Il posa son verre, lentement. Très lentement. à vrai dire, il n'avait même pas noté qu'au moment de le reprendre en main quelques secondes plus tôt il avait en fait attrapé le rebond du coup de son interlocuteur du jour. Il était très ivre et lui manquait cruellement de patience. Alors, de deux choses l'une, il décroisa les bras, pointa un long index osseux vers son jeune collègue et articula d'une voix qui sentait tellement le renfermé qu'on aurait pu l'exposer dans un musée:

- Ouais ? T'avais une raison pour v'nir t'asseoir là ? Parc'qu'j'ai deux verres, 'ffirmatif, mais sont a moi.

L'index prit ensuite son temps pour redescendre, appuyant les mots trainants de son propriétaire à mesure que sa voix se perdait, diminuant de volume, jusqu'à ce que les derniers mots de sa phrase ne soient plus qu'un marmonnement à peine audible. De la ou était son agresseur du jour, il était aisé de discerner, outre la tête de croquemort habituelle de Kei, les deux gigantesque valise qui lui servaient de cernes et s'étalaient comme de la mauvaise marmelade sous son regard trouble. C'était ivresse contre surmenage, et le match de tennis s’apprêtait à commencer, les deux participants ayant dégainé leurs raquettes et commence le tour de chauffe en s'envoyant des balles à blanc. Quittant les prunelles mordorées du poivrot d'en face, le regard de Kei s'aventura dans le reste du bar. A une table, un petit groupe les regardait avec intérêt, fuyant le regard bleu de l'escogriffe dès qu'il croisa les leurs. Il devinait une connivence avec chevelure de jais, juste là. Puis il nota les mines choquées ou simplement surprises des autres consommateurs, ainsi que les résidus de fumée qui s'élevait d'un mégot non loin de lui, lui faisant froncer les narines.

Il ne fit pas le lien entre le mégot, la fascination, le dégout et la surprise. Tout ça le dépassait, et le soir méritait d’être bon comme un bon bourbon. Ce que justement, il était en mesure de déguster, aux frais de la grande ville blanchie à la craie qui était le siège des types comme eux, habillés de pied en cap de noir et tous plus arrogants les uns que les autres. Il n'avait pas conscience de renforcer le nombre de fort belle manière, il se croyait au dessus de ce ramassis de gradés tous plus sirupeux et assassins les uns que les autres quand il s'agissait de se rappeler leurs racines. Il était un gars d'ici, même si il ignorait le district, et pis encore la taverne. Mais il se perdait encore en rêveries. D'un seul homme, il lança un

- Cibiche ?

A son nouvel acolyte. Car il était son acolyte maintenant. Il se cala une filtre (aux frais d'Hasegawa, celle là, il lui avait ravi son paquet) au coin des babines, un demi sourire tout sauf engageant sur son faciès de vieil iguane défraichi. Il avait tout raté de A a Z, dans cette interaction-ci. Au lieu d'offrir un gage de bonne volonté, comme il le croyait, il venait en fait de provoquer encore plus un type déjà échaudé. Sans grade apparent, certes, mais Kei était avant tout un médecin, et la quatrième avait beau le craindre, elle connaissait toutefois le fait que sa redoutable efficacité en matière de chirurgie et autres prescriptions (enfin, quand il voulait) n'avait d'égale que son inefficacité lame en main. Il se ferait étaler quel que soit le niveau du gars. Donc finalement, même si il n'avait rien compris, être conciliant semblait erre la bonne solution. Il tendait le paquet vers le jeune homme, à présent.

Autant le dire le mec a tout pour me gonfler. Limite on pourrait penser que ce grand zombie vient tout juste de sortir de son cercueil ou un toxico qui a forcé sur la moquette. Sans doute que ça explique le fait qu'il soit deux de tension, avec un regard de veau mort. Alors déjà il me suffit de boire juste un peu de trop je m'énerve pour un rien, alors que le mec de base est juste insupportable faudra pas qu'il s'étonne si mon poing ou qu'un sort de hado percute sa tronche de déterré. Alors qu'il avait rattrapé un des verres qui sauta par réflexe ou par chance il me pointe de son index squelettique et me sort une réponse aussi ramollie qu'il put de la gueule, dans la chambre où l'on n'aurait laisser une trainée de cadavre sans jamais l'aéré. Alors oui j'ai une raison de m'asseoir et ça n'a rien avoir avec tes verres.
J'admire sa molasque attitude, aussi bien dans sa voix à peine audible sur la fin ou son bras baissant au ralenti. S'il veut me faire péter les plombs, qu'il s'épargne cette peine ils ont déjà grillé.

Dit moi le chouté alcoolisée t'a compris un traite mots de ce que je t'ai dit ou il faut répéter très lente pour que sa rentre ?

Et cette fumée qui m'agresse les narines je le flamber le gars et avec l'alcool qu'il l'a ingurgité il va faire un joli feu de joie. Pointant ma paume dans direction un des mes trois camarades intervient pour m'empêcher de faire un lifting sur le type. Il partit au loin en pulvérisant la table ou l'on s'était posé. Incroyables, mais vrai le bonhomme ne semble même pas percuter ce qui vient de passer n'y même l'agitation autour et là il me lance un

Caniche ? Tu me traites de caniche ?!

Les yeux me sortaient des orbites et les dents bien en vue serrer. Se foutant une clope dans son mec tirant une tronche d'endormie, il se moque ce n'est pas possible autrement ! Allant de surpris en surpris il me tend son paquet de cigarettes. Les yeux étaient toujours surpris, mais la bouche ferme. Entre le zombie tout droit sorti du cimetière et moi avec ma tronche d'ahurie, la soirée pourrait se montré cocasse pour celui qui entend l'histoire de notre interaction. Saisissant une, sans trop savoir pourquoi n'y quoi je ne trouve rien de mieux que de dire

Tu joues à quoi ?

Néanmoins, sans la colère, mais avec un ton perdu, sur le fait que je ne sais plus quoi penser.