L’attente laisse place à l’audace, la méditation à la découverte. Le géant tourne ses pensées vers un unique projet ; une seule idée dont il fait choix de se saisir, passé plusieurs jours à y songer. Il se lève, et s’étend, et s’élance à grandes enjambées le long de la dune. Ses pas laissent derrière lui des empreintes énormes, que même la nature changeante de la poussière ne parvient à combler tant elles sont profondes ; le titan écrase pierrailles et rocailles, monts et vallée ; véritable masse de puissance en mouvement qui fend tout ce qui se met sur sa route.
Au terme de sa course, il s’arrête : devant lui s’étire les premières bâtisses de Nacimiento.

Sa main se pose sur la roche argileuse d’un des habitats, geste qui lui certifie la réalité de cette ville née du désert. Lorsque la terre sèche commence à fissurer sous son contact, Vilmar ne doute plus. Un mélange de colère, de tristesse et de joie affluent dans son vieux cœur qui ne sait quel rythme battre tant sa confusion est grande et ses sentiments inextricables.
Afin de mieux juger son avis, de se forger une opinion dans la flamme la plus pure, le Roi Poussière s’avance dans les ruelles chaotiques du dédale urbain. Il croise Hollows et Arrancars sur sa route ; certains d’entre eux le dévisagent avec crainte ou hostilité quand il s’approche, d’autres fixent perplexes son masque couronné et les derniers ne lui prêtent pas la moindre attention, réaction que Vilmar perçoit comme plus perturbante que toutes les autres. En cette foule anonyme, fourmillante, l’ancien souverain n’est rien. Constat plus blessant que les blessures reçues jusque là : un rappel de sa mutilation d’essence, une morsure imprimée par l’acier de l’échec jusque dans son âme.

Le seigneur sans royaume étouffe un grognement de rage. L’émotion est un vice de la sagesse, une leçon acquise, mais pour la première fois depuis des éons, le vieil homme se retrouve tenté d’y céder. La fureur menace de déborder de son esprit ; ses poings se serrent en deux masses de férocité contenue alors que sa mâchoire se contracte sous le coup de la tension. Sa présence spirituelle monte en flèche, pas assez pour porter préjudice aux âmes environnantes, mais suffisamment pour les écraser sous un air plus pesant chaque seconde.

Les forts s’écartent par prudence, les faibles subissent en gémissant. Le Roi Poussière ne bouge, ni n’attaque ou se calme, pesant la réponse d’une seule question : voir ou détruire ?

La colère de la déraison l’étouffe ; fielleuse et amère, elle écrase en lui ce qu’il y a de posé, de calme et de juste, et ne laisse dans la coquille évidée de sa lucidité qu’une envie pure de dévastation. Tout ce qui se déroule sous les yeux du colosse lui est insupportable : les maisons lui sont comme autant d’horreurs affichées à sa vue, et leurs habitants de pauvres choses errantes et perdues, quant au palais, Vilmar ne se le figure plus que comme une aberration gigantesque ne méritant que d’être rasée.
Une part de lui hurle après ses visions, les juge sottes car cet ensemble n’est qu’un royaume, au même titre que l’était la Montagne, en bien plus vaste et grandiose. Toutefois, l’aspect de sa personne qui gouverne sous le joug de la fureur et de la honte se refuse à entendre pareil jugement. La cicatrice laissée dans son égo continue de crier sa douleur, sans se taire jamais.

Perdu dans les bouillonnements de ses pensées, l’Ancien ne remarque pas immédiatement que l’on s’adresse à lui. Quand les mots lancés à son attention l’atteignent et sont entendus, il se tourne vers la source du bruit et découvre son interlocuteur. Son regard se pose sur un garçon à l’allure fine, de taille minuscule, à la mâchoire masquée par l’os du masque et dont les prunelles dorées se braquent dans les siennes par défi. Vilmar cesse de le dévisager pour porter son attention jusqu’à la main du jeune homme, posée sur son sabre, prête à jaillir du fourreau.
Une pulsation pénétrante vibre brûlante et douloureuse dans le crâne du colosse.

« Non, déclara-t-il en réponse aux deux demandes. »

Sa propre poigne massive entre en contact avec la garde froide de sa dague. Le visage fermé, creusé par la confusion passionnelle de ses émotions, l’ancien roi sous la Montagne déborde d’une hostilité qu’il ne cherche même pas à atténuer. L’impression s’accentue davantage lorsqu’il s’avance vers le garçon, son ombre massive le couvrant bientôt entièrement, et que de sa hauteur, il le jauge tel le géant face à un grain de sable.

« Ma décision n’est pas prise. S’il me faut vivre et voir grandir cet endroit, ou mourir pour tenter de réfréner sa maladie. Défenseur de ce lieu, que dis-tu ? »

Les ombres déforment la mine fermée du vieux roi pour la tourner en un faciès de terrible résignation, alors que ses doigts tapotent le manche de l’arme, geste de dernière impatience.

Le maelstrom d’émotions ne se tait pas, et ni les mots que Vilmar se prononce à lui-même, ni le calme résolu du garçon ne parviennent à le faire taire. La colère bat ses tempes, hermétique à toute raison et toute logique, impénétrable face aux assauts de l’intelligence ; elle aveugle le colosse à la lucidité, elle l’assourdit au bon sens.
Ne compte plus que son envie de tout balayer, d’ainsi noyer sa peine dans la dévastation la plus absurde.

Quelque chose l’en empêche, pourtant. Ses membres sont raidis par la fureur d’agir, malgré tout, son corps ne suit pas et le dépossède de tout contrôle sur ses propres gestes, comme si sa chair était la dernière chose à être encore dotée d’un tant soit peu de sagesse. Sa main libre s’en va se plaquer contre son front alors que ses yeux se ferment. Ses sourcils se froncent sous l’effort de récupérer quelques bribes de calme, ce qui aurait pu aboutir s’il n’avait entendu à ce moment là le bruit d’une lame jaillissante à l’air libre.
Ses paupières s’ouvrent brutalement tandis qu’une ire terrible flamboie en son regard. Il extrait à son tour la dague de son fourreau, et son visage n’exprime plus le moindre doute ce qui va suivre

Cependant, l’Ancien demeure immobile, paralysé moins par le doute que par une curiosité aussi mal venue que brutale. L’homme a usé de termes que Vilmar n’a pas compris, qu’il ne toujours comprend pas, et il perçoit dans cela un motif supplémentaire à sa fureur. Il n’a nullement l’intention de disserter plus longtemps sur le bien fondé de cette ville, se tenant à présent au-delà de tout raisonnement, toutefois un savoir lui doit d’être acquis. Même dans son état, le vieux juge s’acharne à survivre dans quelques unes de ses attitudes.

« Tu cites des noms comme des vérités, des exemples qu’il te faut suivre. Peu m’importe ta paix, peu m’importe l’attachement que tu accordes à cet endroit. Je n’ai plus soif de paroles mais d’actes. Alors dis-moi une dernière chose. »

Son arme s’illumine vivement, aussi intense qu’un soleil blanc, et disparait dans un éclair qui frappe le vieux roi en plein cœur. La silhouette de l’ancêtre se gondole, se ploie et grandit, et brille autour d’elle une lumière aveuglante, fendant les ténèbres éternelles du Monde Creux. En quelques instants, le colosse mérite son nom, se dressant à plus de quinze mètres de hauteur sous sa forme libérée : géant de pierre et d’os, au visage lisse de toute humanité, une lueur menaçante passant sous sa peau minérale comme autant d’ondes vibrantes au rythme de battements enragés. Il frémit et se penche vers l’être minuscule à ses pieds.

« Qui sont ces Barragan, ces Aizen et ces Grimmjoy ? Qui sont ces gens et leurs idées pour lesquelles tu es prêt à mourir ?, dit-il de sa voix gutturale et gigantesque. »

Spoiler:

Silence de mort devant le stand de fortune. Ambiance joviale un instant plus tôt, juste avant qu'une tension des plus palpables envahisse l'environnement, donnant aux individus en présence une mine des plus sombres. D'achever son bol de nouille, nonchalant. Non inquiet du pique spirituel apparu depuis la périphérie de la cité ? Un problème préoccupant, qui ne justifiait pas pour autant que l'Usagi gaspille une goutte du bol de ramen servi par cet arrancar soucieux d'asseoir sa place au sein de Nacimiento. Engloutir le restant du breuvage. Un moment immobile, à savourer ce qui pouvait être là son dernier repas. Quelques kilomètres plus loin, un individu dont la puissance s'en ressentait jusqu'à leur position. Un défi ? Un seul moyen de s'en assurer.

Se lever, puis se mettre en route. Ne lui avait-on rien demandé qu'il mettrait tout de même sa vie en jeu dans l'optique de prévenir la menace. Une raison simple à cela, d'affirmer lui-même la légitimité de sa place dans l'armée du Rey et ce... en se donnant corps et âme aux intérêts de ce lieu de culte. Une initiative des plus libres, en rien frivole. Entamait-il à peine sa course qu'un hollow vint l’interpeller, pour donner matière à la dangerosité potentielle de la nouvelle force en présence. D'apprendre que se tenait déjà sur place Vacio, en position de retenir le danger dans l'attente de renforts. Un jeune Espada qui lui avait inspiré une sympathie réelle. Certes, le vizard n'avait pas attendu qu'on le prévienne pour se mettre en chemin. Demeurait ce fait... de savoir un ami concerné. À partit de là, se sentir personnellement visé. D'en voir sa détermination accentuée.

-Dai kure... Kyokkai...

Des mots sans queue ni tête, si on l'observait sans rien savoir de lui. En effet, rien qui n'ait changé dans son apparence, ni même dans ce qui tenait de l'invisible. Un écoulement spirituel fluide. Pour autant, d'être désormais préparé au pire. Le regard franc. Reprendre son sprint. Emprunter des shunpos en chemin. Une seule silhouette au départ, pour en trouver six à destination. Une seule qui se dévoile au regard de Vacio, ainsi que du géant. Un simple double, pendant que trois autres se mettaient en position autour ; encerclant l'adversaire potentiel, embusqués derrière les bâtiments de la cité, à l'affût du moindre geste hostile. Le corps réel, légèrement en retrait, un dernier double à ses côtés en guise d'escorte. Est-il plutôt éloigné que son esprit est des plus proches du colosse, voyant depuis les yeux du double exposé.

Silencieux. La main sur la garde. Ne trahir aucun signe d'hostilité. Son allié, campé dans la même attitude. Selon toute vraisemblance, ils n'en étaient pas encore venu aux armes. Sans conteste que l'Octava avait trouvé les mots pour à minima gagner du temps, à maxima détruire dans l’œuf la colère de cette chose. De là, un espoir qu'ils se sortent de cette situation sans verser la moindre goutte de sang. Espoir qui imposait de faire montre de la plus grande prudence. La main posée sur la garde, le chapeau doucement levé par le pouce, son regard cherchant celui de ce monstre.

-Je suis Kazuhide, un gardien de Nacimiento. En cette qualité, soyez prévenus. Si l'intention vous vient de causer du tort à cette cité, je n'aurai d'autre choix que de la défendre de ma vie... et je ne serai pas seul... Pour autant, comprenez que là n'est pas ma volonté. La balle est dans votre camp.

Ne baisser sa garde à aucun instant. Trop de vies étaient en jeu.

Le titan pense, encore, plutôt que d’agir et écraser la résistance. Ce qui retient son geste est une simple pensée, une admiration paisible de la dévotion affichée par ce chétif combattant, pourtant vacillant, un genou touchant déjà presque terre. Le petit être se sait fragile, dérisoire, pourtant il affronte la montagne en dépit de ce constat, de cette peur, qu’il chasse loin de lui. Un individu minuscule aux allures de géant. Qu’importe de quelle façon les événements vont se poursuivre, le gardien de la cité a gagné pour jamais le respect du vieux roi.
Le bruit de foulées nouvelles détourne l’attention du colosse, qui fait face à l'arrivant : un homme à l’allure fatiguée, un homme qui a vu trop de batailles et qui se résigne à en voir d’autres au nom de la cause pour laquelle il a formulé ses vœux. En dépit de son trouble, Vilmar demeure suffisamment lucide pour percevoir une étrangeté chez l'inconnu ; ce dernier est perçu comme bien plus faible que son comparse, or une sorte d’écho plus puissante répond à cette faiblesse, dissimulée non loin. Le souverain antique ne s’attarde que peu sur le phénomène, se limitant à dévisager tour à tour ses interlocuteurs.
Il prend enfin sa décision. Irrationnelle, absurde, mais ô combien libératrice.

« Ma volonté n’a jamais été de me présenter ici, dans un tel état. Des circonstances m’y ont poussé. À présent, pour perdurer, je dois exprimer cette colère qui gronde, qui empoisonne ma raison. Vous n’êtes pas l’objet de cette rage. Simplement les victimes. Les sacrifiés pour la reconquête de mon esprit. »

Son reiatsu explose dans toute sa démesure, balayant les existences trop faibles pour le supporter, mettant à mal la combativité de ceux qui y survivent et doivent y faire face. Le béhémot n’est plus simplement une créature aux proportions hors norme : il s’incarne en un mont colossal touchant le ciel, embrasé par sa propre puissance qui s’apparente à une tempête monstrueuse. Alors le Roi Poussière se penche vers le monde à ses pieds, et sa volonté terrible ne promet plus que destruction.

Une intense lumière jaillit de sa main, braquée vers le premier gardien de Nacimiento, perçu comme la menace la plus notable. L’air prise dans le faisceau vibre, se contracte, se froisse, et distord toute chose en un monolithe de chair figée. Des doigts de la seconde main gauche du géant se matérialisent des sphères radieuses ; elles gagnent en éclat avant de se tourner en projectiles pierreux qui, sitôt forgés entièrement, s’abattent sur l’Arrancar en une pluie effroyable.
Dans le même élan, le mastodonte balaye de ses autres mains les habitations autour de lui, envoyant de part et d’autres de lourds débris s’écraser sur le sol. En quelques secondes, sa frénésie apporte dévastation et ruines, et puisque rien ne vient l’arrêter, la tourmente se fait d’autant plus intense ; des décombres s’hissent vers le ciel avant de retomber en fracas, battant de leur mesure brutale le rythme du maelström déchaîné. Un épais nuage s’élève de la zone sinistrée, la plongeant dans une obscurité rêche et opaque. Derrière ce rideau, fruit du désastre, Vilmar lui-même disparaît.
Un temps, le silence se fait, tout cesse et le monde se tait. La note du calme retrouvé pèse quelques secondes, flottante et délicate, puis brisée lorsque le tumulte reprend. Une lueur dorée fend les ténèbres grisâtres tandis que le bruit du tonnerre retentit, roulant dans la nuit, tel un troupeau de chevaux paniqués.

L’ancien souverain se redresse, tenant dans l’une de ses paumes une longue lance d’énergie foudroyante. Le titan rugit ; son cri puissant disperse le manteau poussiéreux, et de son arme ainsi dotée, Vilmar abat son poing sur le malheureux innocent, dont la seule erreur est d’avoir été trop courageux. L’éclair craque, crépite, explose, semant la mort telle une certitude. Se dressant au milieu de la vaste cicatrice qu’il vient d’infliger à la terre, le titan se dresse, intact et féroce, à l’image de sa soif de carnage.

« Bientôt je m’en irai, et dans mon sillage, il n’y aura plus rien. Ainsi soit-il. »

D'avoir espéré, au moment de son arrivée, incarner la force dissuasive, ramenant ce géant à la raison. Non que l'Usagi se savait supérieur à cette entité... rien de moins vrai... Plutôt que sa présence dans la bataille, cumulée avec celle de son allié, était pour rendre périlleux le pari d'une confrontation ; sans compter l'arrivée potentielle d'autres défenseurs de la cité à un moment où le colosse n'aurait certainement plus les réserves suffisantes pour s'enfuir. Dans ce calcul de loin abordable, l'aberration d'une réaction primitive, dépourvue du moindre sens, de la part de cette créature. Des circonstances ?

Nul temps d'accordé pour réagir. Une pression spirituelle jusque là jamais éprouvée, au point de lui faire ployer un genou. N'était-il pas déjà au maximum de son rayonnement spirituel, quelques minutes auparavant ? Tressaillir devant l'absurdité de la puissance dont ce monstre se faisait le propriétaire. Frisson plus glaciale encore au constat de ce qui se déroulait autour de lui. Des âmes s'évanouissant dans le néant. Des avenirs éteints à jamais. Et pour quelle raison ? Rien qui ne le pousse à s'y intéresser. Rien qui ne l'amène à tenter de comprendre son adversaire. Une bête comme il lui avait été donné d'en croiser par le passé, du temps où la surveillance du Rukongai relevait encore de sa responsabilité. Une confiance aveugle en sa puissance. Là demeurait sa faiblesse, à condition de savoir en tirer parti.

Le regard changé. Non une haine viscérale d’empreinte dans ses prunelles, quoiqu'il avait suffi d'un instant pour étouffer dans l’œuf toute chance de compassion... mais plutôt, une froide détermination à supprimer une menace. Une menace s'en prenant cette fois à l'Octava, une lumière mystérieuse s'abattant dessus, puis l'enveloppant. N'avoir idée de la nature de son pouvoir. Pour autant, le vizard n'attendrait pas de le découvrir avant de passer à l'action. Malgré sa bonne volonté, de ne disposer que d'un mental éprouvé, de sorte à entamer profondément les liens le rattachant aux entités matérialisées par son zanpakutoh.

D'inspirer profondément, les paupières closes. Un double d'interpellé, pour le déporter d'un shunpo jusque devant Vacio. Plusieurs indices factuels animant son intuition. L'intuition que l'opposant s'acharnerait sur son camarade, pour n'avoir plus qu'un ennemi à éradiquer, avant de raser les rêves d'une multiplicité d'individualités. L'en empêcher, à tout prix. Ainsi, essuya-t-il les assauts adverses en invoquant une barrière. Avancer pour repousser les salves, les chocs ; tous déviés ou réduits en poussières. Avancer. Avancer dans l'optique de se donner l'opportunité d'une contre-attaque. Opportunité réduite à néant au moment où une seconde salve vint achever de dissiper le mur protecteur, pour avaler dans sa déflagration l'utilisateur et passer au travers lui.

Se demander si Vacio avait disposé d'assez de temps pour se garder de cette attaque, ou s'il avait pu encaisser sans que les dommages ne lui soient trop préjudiciables. Se le demander, puis aussitôt, préparer la manœuvre suivante, pendant que l'ennemi s'enivrait très probablement des dégâts infligés à Nacimiento. Le premier double apparu au regard de celui-ci, immobile jusque-là, remit à contribution en le faisant s'approcher du mastodonte, l'air grave. Parler depuis lui, tandis que son vrai corps demeurait toujours derrière un bâtiment, au flanc de l'opposant, un de ses clones à proximité directe.

-Sans pitié, ne vous attendez pas à en recevoir.

Menaçant, sa prochaine manœuvre n'irait pas pour le laisser intact. Faire pour que ce nuisible soit éradiqué dans les plus brefs délais. La survie de la cité en dépendait.

Spoiler:

Et le lieu se fracasse sur ses propres ruines ; combien d’êtres réduits et d’espérances brisées sous l’action d’un titan en colère, réduit à moins de rien qu’une rage sans borne, une ire sans raison ? La masse gigantesque se meut avec lourdeur, mais chacun des gestes du roi déchu visent juste et leur conséquence se résume à la destruction la plus accomplie. Entre les souffles brutaux, les coups sourds contre le sol et les cris redoutables mais désespérés du Béhémot, on se perd, affolé, dans un enfer aussi bruyant que brutal. Le colosse rugit : « La pitié n’est pas de ce monde », et à la parole hurlée, il joint le geste, et fauche d’un geste hargneux une autre bâtisse qui s’en va voler, tout en morceaux, au plus loin de sa vue.
Le monde est rouge, et embrasé ; tout doit brûler, tout doit disparaître : telle est la pensée qui s’écrase dans le crâne de Vilmar. Il constate, entre les élans de la fumée, que ses attaques n’ont que peu portées, et à cette vue odieuse, et l’idée qu’on tente de lui résister, encore, son courroux grandit ; mais si sa colère est grande, sa peine l’est plus encore, et la désolation apparaît comme être le seul remède. Il se lance à corps et âme dans cette tâche, et moissonne les bâtiments comme les vies, et ce qui s'apparentait autrefois à un quartier ne ressemble bientôt plus qu'à un grand creux dévasté.

Soudain, sa vue s’inonde d’immaculé, et le monde devient blanc dans son entier, d’une texture plumeuse et légère, bien loin des considérations de carnage qui régnaient jusqu’alors. Le Roi Montagne se fige, secoué par cette vision de grande paix, harassé par ces contradictions de sentiments qui s’agitent en lui. Dans un instant, il se voit rendu au calme, paisible, et de l’autre il exige de lui-même la plus féroce pugnacité, la plus impitoyable ardeur.
Il flanche une seconde, marqué d’une hésitation comme s’il recevait une violente blessure tout le long de son être, puis son esprit bascule encore vers l’empire de violence. Ses sens s’étendent brutalement, au-delà du mur de vierge douceur, rendant visible ce qui ne l’était pas, plaçant les deux ennemis au cœur de l’attention du vieux roi. Soudain ce dernier brille d’un terrible éclat, se tournant en un soleil de radiance pâle à la lumière moins porteuse de vie que d’inertie à celle-ci. La radieuse sclérose chatoie tout autour et ce qui s’y plonge se change en pierre, comme l’exige le titan à la chair, qu’il façonne à son image.

Avec une vivacité étonnante, le mastodonte se porte brutalement à hauteur de l’homme à l’air fatigué, et ne se préoccupe pas, cette fois-ci, des doubles qui l’entourent. Seul celui qui est vrai occupe sa vue, et non l’illusion du reflet fragile et inconstant. Un nouvel éclair grésillant emplit l’une des mains du souverain, tandis que les trois autres se raidissent, paume plate, doigts figés. Dans une même impulsion, les deux assauts se joignent l’un en l’autre en un ouragan véhément qui, par le souffle qu’il crée à sa naissance, fait s’écrouler les quelques demeures encore debout.
Le géant s’écarte du cratère creusé par son action ; son torse tourne et entraîne les épaules puis la tête, et son absence de regard se pose sur le garçon.

« Fuis. »

Colère des plus destructrices. Démence bonne à multiplier les mouvements inutiles, le faisant s'écraser contre les différentes bâtisses à sa portée. Spectacle lamentable, qui suffisait à déshumaniser l'ennemi. Pour autant, sur le long terme, nul doute qu'un terrain rasé tournerait à son désavantage. Était ce à prêter à cette créature une once d'intelligence quant-à sa manœuvre ? L'observer, et n'y voir qu'une boule de rage. Une haine des plus irrationnelles, dont l'origine n'irait pas pour l'intéresser, tant les dommages infligés à la cité faisaient croître son inquiétude. De toute évidence, sa tâche incombait de ne laisser cette bête ébrécher plus profondément le marbre de Nacimiento, quitte à s'exposer au danger.

À son dos, l'arrivée de son allié, la forme changée. Sa libération ? La situation faisait que l'intéresse davantage son état physique plutôt qu'une transformation qu'il observait pour la première fois chez un arrancar. Se rassurer de ne trouver aucune blessure profonde. Ce combat, il ne le gagnerait seul. Évidence partagée. Selon toute vraisemblance, l'Octava attendait de lui qu'il propose un plan susceptible de supprimer le plus efficacement le nuisible. En d'autres termes, laisser son destin entre les mains du vizards, responsabilité à laquelle il était bien accoutumé. L'expression grave.

-Je m'occupe d'attirer son attention. Au moment le plus opportun, interviens. Ne frappe pas pour blesser. Frappe pour tuer, de manière prompte. Considérer cette situation autrement qu'une mise à mort précipitera notre fin.

Tandis que s'effondrait le bâtiment les couvrant, trouver dans son champ de vision une masse colossale parfaitement immobile. Apaisé ? L'Usagi ne connaissait que trop bien ces temps morts. Ainsi se dégageait-il des décombres, escorté par un double, dans l'optique de s'afficher plein et entier à la vision de son adversaire. Voir de son corps émettre la même lumière mystérieuse. S'en protéger, ainsi que tous les corps autour, par le biais d'une couverture invisible sur l'épiderme. Un pari tenté. Celui que cet éclat n'affectait non pas l'esprit, mais l'enveloppe charnelle. Pari réussi, faisant se dissoudre sa barrière à fleur de peau, révélatrice de la puissance du sort ayant menacé leurs corps.

Ainsi préservé, demeurer statique malgré la menace du mastodonte déporté jusqu'à lui. Garder son sang froid. Deviner la nature de l'attaque à venir, en plus de son orientation. Une carte à jouer, celle de sa surprise. Rien qui ne puisse trahir qu'il se soit défait de cet envoûtement. Toutefois, attendre trop longtemps signifierait sa perte. À l'impulsion de la manœuvre adverse, laisser son double invoquer un kekkai protecteur, le même que précédemment. L'expérience récente lui avait permise d'assimiler la donnée simple mais précieuse que la force de frappe ennemi s'avérait supérieure à son pouvoir défensif. De cette manière, n'employer cette protection que pour ralentir l'attaque d'une fraction de seconde. Le juste nécessaire pour lui permettre de se détourner, d'une rotation fluide, du coup du colosse. Hors de portée à un cheveu du bras puissant. Une déportation de plus, et le vizard s'épargnait la projection de l'impact. Fracassante.

Pour l'heure, aucun coup d'encaissé par cette créature. Probablement que cela nourrissait sa confiance. Pour preuve, n'avoir prêté aucune attention au restant de ses clones, notamment celui orienté dans sa marche vers lui. Dangereusement. Que ce dernier se déporte derrière la jambe de l'ennemi, et il pouvait trouver toute amplitude à pourfendre ses tendons, enchaînant par un coup de pommeau derrière son genoux et ce, dans le dessein évident de faire ployer le géant. Un signe tacite. L'espoir de trouver récepteur à ce dernier.

« Sur mon territoire vous avez déclenché votre colère et sur mon territoire vous trouverez la paix ; pour toujours, Arrancar. »

« Vacio. Kazuhide. Offrez à votre Roi un divertissement à la hauteur du déplacement. Comme par exemple... Des bottes en peau de géant. »

Vilmar sent, bien avant de le savoir, son contrôle sur l’affrontement se perdre jusqu'à disparaître. La température qui s’élève brutalement, cette blessure qu’il reçoit dans sa jambe, sont autant de signes que sa rage ne parvient à lui faire occulter. Et lorsque le géant voit s’avancer le maître du lieu détruit, il accueille avec une froideur détachée l’idée de sa propre mort. La défense qu’il dresse entre l’offensive acérée et sa peau n’est finalement qu’un réflexe de survie qu’il ne rationalise pas, et sa fatigue, tant de corps que d’esprit, se fait sentir à l’aune du feu qui crépite sur son torse, et le mord, et le blesse.
Vient alors le jeune Vacio qui, profitant de la faiblesse du vieux roi, s’abat sur lui, meurtrier comme un oiseau de proie. Seul un dernier geste de protection épargne à Vilmar la décapitation, mais son sang saigne à flot, le recouvre de la gorge jusqu’au torse, avant de s’écraser sur le sol en de gros bouillons noirs.

Le Béhémot se voit chassé au loin, et avec lui sa violence ; le monstre laisse place au vieillard après une dernière illumination, et ne se dresse donc plus que ce vieil homme usé, meurtri, las de tout ceci.
Quelques frémissements blancs s’agitent autour de ses plaies, mais ils visent moins à lui permettre de survivre que de lui accorder un sursis.
L'Ancien demeure encore un peu, car certaines paroles doivent être formulées à haute voix avant que ne s’abatte le long silence :

« Alors, tu es leur souverain, tu es leur Roi Aveugle, dit-il à l’adresse de l’éphèbe à l’allure déchirée.

Les attitudes du colosse ne se font plus menaçantes à l’égard de quiconque ; il se tient au milieu de la poussière comme s’il s’agissait de son royaume, et sa mine sombre, et son regard vitreux, permettent de comprendre que lui-même sait à quoi il en est réduit. Toutefois, malgré sa résignation, son visage abimé laisse transparaître encore une froide colère, mais celle-ci s’accompagne aussi de pitié :

- Vous êtes fous. Tous fous, dit-il aux trois hommes, les dévisageant tour à tour. Des déments habités d’une foi monstrueuse, des pantins de quelque chose qui les dépasse. Vous ne savez rien. Ou bien préférez vous l’ignorer et vous voiler d’illusions ?

Il n’attend pas de réponse, il se contente de mâchonner ses mots avec amertume, pour les cracher ensuite comme du fiel : la dernière oraison d’un être qui a tout perdu.
L’ancien monarque met sa main sous son menton et le leve, présentant sa gorge à celui qui se prétendait autorité suprême du Hueco Mundo :

- Finissons-en. Seul un roi devrait exécuter un autre roi. Je ne pars qu’avec un seul regret : celui de ne pouvoir être là lorsque vous ouvrirez les yeux. Mais il sera trop tard pour vous alors, et vous m’irez rejoindre dans les cendres.
Va. Fais-le. Donne moi la paix promise. »

Les paupières closes, le souffle éteint, l’Aïeul attend le baiser froid de l’acier, et le dernier sang versé.

« C'est toi qui est fou, ermite du désert. La solitude, sans doute. Ton discours a un sens que toi seul peut comprendre. J'imagine cependant que tu fais mention de Sima... »

« Des blasphèmes. J'en ai tué quelques uns comme toi, pour des paroles cependant plus outrageuses que les tiennes. Tes fantaisies sont certainement amusantes à écouter, mais elles ne m'intéressent pas. La paix, je vais te la donner. Mais pas aujourd'hui. Ca, je te l'ai pas promis. Une âme tourmentée comme la tienne ne mérite que de vivre plus longtemps, pour connaître plus de détresse. Tu as meurtri ma cité. Tu te battras pour rembourser cette dette. »

« Enfermez-le dans une des geôles du Palais. Que plusieurs gardes s'assurent qu'il ne tentera rien de stupide. J'ai des projets pour notre nouvel ami. »

Sentir le cuir de cette chair se fendre en deux au passage de sa lame. Une manœuvre portée à son terme avec succès, rendant possible l’enchaînement qui devait suivre. N'avoir plus qu'à attendre qu'intervienne son camarade. Que ce dernier lui porte le coup de grâce. La condition unilatérale à la victoire instantanée évoquée plus tôt ? L'avoir pensé, jusqu'à l'arrivée d'un second reiatsu démentiel, faussant toutes ses estimations. Un environnement devenu ardent, infernal, se confondant avec celui du géant. De force égale.

Que montent les sueurs froides pendant qu'il se tournait vers l'origine de cette puissance inconsidérée ; un visage affichant une surprise toute relative à la vue du Rey. Une proximité avec le palais, n'interdisant en rien qu'il réplique en chair et en os aux agressions assénées à la cité sous sa juridiction. Néanmoins, ce déplacement du maître des lieux n'était-il pas disproportionné au regard de la situation ? Non qu'il puisse assurer qu'autrement, l'annihilation de cette créature aurait trouvé exécution. Pour autant, concevoir difficilement que le commandant du Seireitei en fasse autant dans des circonstances apparentes.

Une succession d'attaques d'envergures, renchéries par l'intervention de Vacio, mettant selon toute vraisemblance toute son énergie à abréger le combat. Dans ce laps de temps, viser à cerner d'éventuelles intentions cachées de la part de son seigneur. Notamment à ce moment où la menace fut réduite à l'état d'incapacité de se défendre, retournant à sa forme originelle, à la merci de Santo. Se rapprocher, prêt à achever le vieillard au moindre geste hostile. Qu'il parle. Marmonne sa complainte. Épuisé. Des mots sans sens apparents. De là, l'Espada put se questionner sur les raisons faisant qu'on le laisse aller au bout de son discours qui ne trahissait d'autre volonté que celle de quitter avec un minimum de dignité ce monde. Mêlées à celle-ci, des dernières paroles provocantes, désabusées, portées à l'encontre du fer de lance de son maître, ce pourquoi il avait su fédérer une espèce de prime abord impossible à lier entre elle.

En la personne du Rey, ne trouver l'ombre d'un énervement, signe d'une maîtrise de soi constituant une partie de sa légitimité sur le trône. Au contraire, qu'il manifeste comme un amusement. Donner l'impression de jouer avec une créature effectivement à sa merci. Quand agirait-il ? Qu'aux yeux de l'Usagi, la seule attitude valide soit celle de la fermeté, devant impulser l'exécution froide d'une créature d'une dangerosité rare. Pensée frénétique de sa part, qui n'allait pas sans s'accentuer. De toujours supporter ce ressentiment apparu dès lors que tombèrent nombre de ceux qu'ils s'était fait la promesse de protéger. Tombés pour une raison qu'il ne parvenait toujours pas à s'expliquer. Un acte gratuit, simplement, justifiant qu'aucune compassion ne lui soit accordée.

Pour cette raison, de poser un regard des plus froids sur cet arrancar. Froideur virant brusquement vers une consternation muette après que le Rey rende son verdict. Hésiter, l'espace d'une seconde, à l'interpeller sur cette décision prise, folle. Hésiter à la contester pour, au bout du compte, s'en abstenir. Rappelé, par lui-même, aux limites de sa charge. S'il avait prêté serment à cet homme, ce n'était sûrement pas pour discuter ses ordres. S'exécuter, l'attitude qu'il jugeait la plus sage dans ces circonstances.

Avancer de quelques pas sur la voie menant au palais, puis s'arrêter, se tournant de moitié vers le prisonnier nouvellement désigné. Par son expression, sa posture, lui faire comprendre son attente. Celle qu'il se lève pour l'accompagner jusqu'aux cellules du palais. Au fond de lui, le souhait à semi-conscient que cette créature dangereuse refuse d'obtempérer, donnant par ce biais le prétexte d'une exécution sommaire. Le sort mérité, indéniablement.

"Merci pour le coup de main. Je n'aurais pas pu l'arrêter seul."