Aujourd'hui n'était pas un jour comme les autres pour Akahebi. Il était nostalgique, et même si il avait fait des rencontres intéressantes depuis qu'il était arrivé à Las Noches, ou plus précisément dans l'Espada, il avait envie de retrouver un fragment de sa vie d'avant. Quand il n'était qu'un vasto lorde passionné de sciences, il avait toujours été plus ou moins seul, ses acolytes du moment n'étant pas à proprement parler une véritable et enrichissante compagnie. La solitude n'était pas le problème, cela n'avait jamais vraiment été une chose gênante pour lui, non, ce qui lui manquait, c'était la joie intense que lui procurait ses activités passées, du temps où il pouvait faire absolument ce qu'il voulait à qui il voulait sans se préoccuper des conséquences. Et oui, cela fonctionnait comme ça au Hueco Mundo, enfin dans le yermo et au delà, la loi du plus fort faisait office de règle suprême sur les différents territoires de chacun, et si l'envie prenait le propriétaire d'une terre de commettre des atrocités, ou des bonnes actions, peu importait, il pouvait le faire sans remords d'aucunes sortes. Ce qui manquait au Sarujie en ce jour, ce n'était pas quelque chose dont il pouvait véritablement se vanter devant tout le monde, ou en tout cas pas dans l'enceinte du palais, il y avait bien trop d'oreilles indiscrètes. C'était connu, notre gentleman nourrissait une passion pour le savoir, les recherches, la beauté, le sang... La torture. Un sadique trouvait de quoi se rassasier là où il le pouvait, il essayait parfois de taire ses pulsions un moment, mais elles revenaient au galop sans crier gare, prenantes, insistantes, irrésistibles. Cela le rongeait depuis deux ou trois heures maintenant, et il ne savait pas quoi faire pour y remédier.

Le serpent rouge déambulait dans le palais, se laissant porter par ses jambes, un sourire crispé et faux sur le visage. Il rasait les murs de la main, tentait de se distraire en sifflotant, mais rien n'y faisait, des voix commencèrent même à s'élever du fond de son être, un obscur appel auquel il se devait de répondre sous peine de sombrer dans une rage qu'il n’avait plus éprouvé depuis plusieurs siècles déjà. Il ne voulait surtout pas que cela se reproduise, pas ici, pas maintenant, sa position était trop précaire, on le prendrait pour un de ces hollows bons qu'à tuer, incapables de réfléchir autrement que comme des bêtes. Il avait du talent, oh oui, mais il portait un lourd fardeau en retour, un fardeau du genre sordide. Comment en était-il arrivé là ? Il avait été capable par le passé de se contrôler plusieurs années durant, et là, à peine après quelques mois, il craquait. C'était même bizarre à bien y réfléchir, il n'avait pas flanché aussi vite une seule fois durant sa longue existence. Peut-être était-ce le changement de climat social qui l'avait perturbé ? Ou alors ses nouvelles fonctions lui pesaient peut-être trop sur les épaules ? Ce devait être un medley des deux, le stress l'avait probablement amené à se sentir comme ça. Non, impossible, il n'était stressé qu'en cas d'extrême dangerosité, quand il était sur le point de mourir par exemple, sans la moindre échappatoire prévue à l'avance. L'arrancar eut un rictus pour lui-même, la situation était assez ironique. Lui qui aimait tellement torturer les gens, il se retrouvait à se torturer l'esprit parce-qu'il n'avait personne à torturer. Une vraie torture.

Il descendit un escalier, il ne savait même pas où cela pourrait bien le conduire. Il commença à avoir un petit tic nerveux à l’œil, ce dernier s'ouvrait et se fermait tout seul, complétant le tableau de parfait psychopathe que dépeignait Akahebi avec succès. Et là il atteignit le Saint-Graal auditif. Une complainte, longue, d'où perçait souffrance et désespoir. Un regard à droite, un regard à gauche. Oui, il y était. La prison de Las Noches, l'endroit qu'il lui fallait atteindre pour se ressourcer pleinement. Il prit son temps, visita, contempla ses pairs effectuer leur besogne sur les « hors-la-loi » qui s'étaient attirés les foudres du Rey. Il n'intervint pas, car à chaque seconde qui passait, les voix dans sa tête se faisaient un peu plus muettes. Puis il ne les entendit plus, il était rassasié, enfin. Il reprenait peu à peu le contrôle de son corps, comme s'il sortait d'une transe prolongée. La première réaction qu'il eut fut du dégoût, mais il était bien trop imbu de sa personne que cela ne dure plus d'une demi-seconde. Très vite il se remit en marche comme si de rien n'était, profondément serein et heureux de son existence. Bah, après tout, chacun ses travers, et au moins avec ça, il était sûr de pouvoir tenir un bon bout de temps. Cette pensée en tête, il passa devant une cellule particulière. Non pas dans son apparence, mais plutôt au vu du détenu qu'elle contenait. Il s'arrêta un instant pour la contempler plus avant, car c'était une femme, constatant rapidement qu'il ne s'agissait pas d'une vulgaire prisonnière.

Elle n'avait pas l'air spécialement dans son assiette, et elle avait l'air carrément aveugle en fait. Elle devait avoir commis une sacré boulette pour se retrouver dans cet état, on n'était pas mutilé aussi violemment pour des broutilles. En tant qu'expert, le Sarujie savait qu'on s'attaquait aux yeux de ses victimes que vers la fin d'une séance de torture en bonne et due forme. Effectivement, la vue était importante, lorsque l'on voyait ce qui allait nous tomber dessus, on appréhendait deux fois plus, lorsque l'on voyait notre corps dépouillé de ses attributs un peu plus chaque jour, les répercussions psychologiques étaient terribles. Une fois que la victime avait fait l'expérience d'une telle peur, là, on pouvait lui arracher les yeux, un par un, évidemment. Cet arrancar là avait bien souffert, et pour une étrange raison, le gentleman voulu savoir ce qui avait bien pu se produire. Il venait d'arriver il y a peu, il n'était donc pas forcément au courant de ce qui s'était passé dernièrement, et même s'il s'était arrangé pour se renseigner sur l'essentiel, il n'avait pas encore rassemblé toutes les informations indispensables qui circulaient dans le palais. Le serpent rouge se tint droit devant les barreaux puis s'exclama d'une voix enjouée.

« - Et bien et bien, qu'avons-nous là ? Une criminelle ? Peut-on véritablement parler de crime lorsque l'on est au Hueco Mundo cependant ? C'est une terre dangereuse, il peut se passer des tas de choses vous savez... Oh, mais quel grossier personnage je fais, excusez-moi, je ne me suis même pas présenté. (Il fit une révérence théâtrale puis remit ses lunettes en place, machinalement). Sarujie Akahebi, Novena Espada, éminent scientifique et génie de son état, pour vous servir My Lady. Alors, à qui ais-je l'honneur ? Oh, et si ce n'est trop demander, qu'avez-vous bien pu faire pour vous retrouver dans cet état ? »

Solitude.

De nouveau elle était seule dans sa cellule à contempler l'obscurité et à méditer sur le temps et ce qu'elle pourrait accomplir une fois sortit de ces barreaux. S'échapper? Elle aurait sans doute pu le faire mais la sentence aurait été sans appel et la mort cette fois ci était certaine si on la rattrapait. Et l'exequias la rattraperait, elle n'était pas encore suffisamment puissante ni agile pour pouvoir camoufler toute trace de son passage et de tuer l'équipe qui viendrait la mettre à mort.

Elle devait donc attendre et se contenter d'avoir la sensation de dormir les yeux ouverts constamment, la méditation et la réflexion étaient donc les seuls occupations de l'aveugle dont la cécité rendait la vie quasiment impossible enfin elle arrivait à se repérer dans sa geôle mais en combien de temps? Rien pour que cette espace restreint elle avait mit du temps à connaitre ne serait ce que les emplacements des quatre murs qui l'entourait.

Elle n'imaginait donc pas encore sortir rapidement et finalement c'était mieux ainsi, et à mesure que des pas se rapprochait en sa direction le dragon ne bougea pas d'un pouce et se contenta de replier ses jambes et de se tourner vers l'autre côté de la pièce. Des visiteurs encore et toujours à croire qu'elle était une bête de foire dont la vue faisait rire les gens.

D'un côté ce n'était pas complètement faux mais son orgueil lui interdisait d'accepter entièrement son état passif et inactif la réduisant plus à une loque qu'autre chose. Elle maugréa alors que le visiteur prenait la parole en se présentant et seul le mot génie capta l'intention de la fraccion qui esquissa un semblant de sourire avant de lever la main pour interrompre ce monologue trop pompeux à son gout. Quel étrange personnage que celui qui se définissait comme membre de l'espada et surtout scientifique. Une idée germa dans l'esprit de la femme et finalement elle allait bien trouver une utilité à cette rencontre et de ce fait elle voulait faire bonne impression.

Raconter pourquoi elle en était là ne la dérangeait pas outre mesure au contraire les gens sauraient quel châtiment était réservé à ceux qui avaient la folie de prendre des vacances en ne prévenant pas le dirigeant des arrachés et des hollows. Pastor contribuait indirectement à augmenter son influence et importance auprès de tous et bien que la punition lui avait apprit l'humilité et le respect elle contribuait indirectement donc à l'essor de sa vanité et son envie de connaissance et surtout de reconnaissance des autres. Aussi d'un ton neutre mais en ne tournant toujours pas son visage vers celui qui attendait une réponse Freya prit le temps d'insister sur chaque mot elle allait faire cour et concis afin de ne pas perdre son temps dans des grandes phrases éloquentes pour au final tourner autour du pot.

-J'ai fait un petit voyage sur Terre entrainant ainsi celui de ma maitresse la Septima qui a du me sauver les fesses. A notre retour le Roi ne fut pas content de nos vacances improvisés. C'est un résumé plutôt réaliste des évènements qui m'ont conduit ici Novena Espada. Je suis Freya ancienne borgne et désormais aveugle au service de sa majesté.

Il ne pouvait voir ce qui se passait mais les lèvres de la dragonne s'ouvrirent pour déployer un sourire carnassier et interessé de la part de l'aveugle.

-Vous êtes scientifique avez vous dit n'est ce pas...seriez vous capable de me faire recouvrer la vue?

La bombe était lâché.

Akahebi commençait à douter d'être arrivé dans cette prison par hasard. Une rencontre pareille, ce devait être un coup du destin. Enfin, c'est ce qu'il penserait si il avait un jour cru à des fadaises de ce genre. Il était en face d'une des très rares contestataires à l'ordre établi par Santo Pastor, du moins d’après ce qu'il avait compris. Elle avait été durement châtié pour ce qu'elle avait fait, et cela prouvait que le Rey pouvait sévir et faire preuve d'une sévérité édifiante. Si son but avait été de dissuader quiconque de troubler son monde, ou au moins de respecter le peu de règles en vigueur à Las Noches, il devait avoir réussit haut la main. Un tour de passe-passe comme ça, bien évidemment, cela n'atteignait pas le Novena, il en avait vu bien d'autres et il fallait employer d'autres procédés pour l'impressionner. Convaincre ses détracteurs de son autorité par un acte volontairement violent et choquant, c'était une base que tout maître manipulateur maîtrisait, un procédé qui manquait de style selon lui, il aimait être plus inventif, on vivait dans un monde en constante évolution au final. En tout cas, la victime, quant à elle, conservait une certaine dignité en s'adressant au serpent rouge, fière, c'était le mot qui convenait parfaitement pour la décrire. Elle lui « confessa » son crime, un petit aller-retour sur terre. Étonnant d'écoper d'une telle punition pour une aussi petite broutille, il devait s'être produit autre chose en même temps, il avait du mal à croire qu'on puisse énucléer quelqu'un sous prétexte qu'il ait pris un jour de congé de trop.

Le Sarujie fit les cents pas devant la cellule, sa main droite tenant son menton, il était en train de réfléchir. Elle disait s'appeler Freya... Hum, non, il n'avait pas entendu parler d'elle jusque maintenant, mais cela, ce n'était pas étonnant, il n'était pas là depuis longtemps, par conséquent il ne pouvait pas être au courant de tout ce qui avait pu se passer avant son arrivée, même s'il s'évertuait à se mettre au goût du jour autant que faire se peut. Ah, maintenant il savait pourquoi elle s'était retrouvée aveugle aussi vite, la question le taraudait depuis qu'il l'avait croisé. En tant qu'expert en torture, il n'arrivait pas à comprendre qu'on arrache directement les yeux de sa proie, mais si elle était borgne à la base, tout prenait sens. Le Rey avait agit plus sagement en la matière qu'il ne l’aurait cru de prime abord, ce qui le rendait plus dangereux encore. Bref, là n'était pas le point, il avait une opportunité en or de se faire une relation des plus intéressantes, une qui ne courait pas les rues ces temps-ci : une rebelle, une arrancar forte et pleine de rage contenue. C'est ce qu'il pensait d'elle en l'observant, mais la pénombre ambiante l'empêchait de bien distinguer les traits de son interlocutrice. Directement, elle enchaîna en lui adressant une requête... Et quelle requête ! Cela sonnait comme un défi à ses oreilles, même s'il semblait relativement facile à relever. Il avait tenté la chose auparavant, en quatre siècles d'expérimentation chirurgicale et après avoir disséqué et reconstitué des centaines de corps de toutes provenances, il était particulièrement rôdé dans le domaine. Oui, cela touchait quasiment dans sa spécialité à vrai dire, et si il n'avait jamais eu l'occasion de pratiquer une telle opération sur un arrancar, il se sentait assez confiant.

Ce qu'il fallait se demander, c'est est-ce qu'il pouvait se permettre de le faire ? Il n'allait pas accorder un tel cadeau aussi facilement, et cela l'irritait quelque peu de réparer les choses plutôt que de les détruire. Puis il ne possédait pas d'endroit équipé pour procéder à ce genre d'intervention, il faudrait qu'il tire une ou deux ficelles, peut-être cette Rosalie Termerie lui accorderait-elle une faveur ? Il ne pouvait pas réfléchir à ce problème tout de suite, il avait d'autres soucis plus urgent à régler concernant Freya. Akahebi avait survécu en se protégeant et en s'assurant une échappatoire en toutes circonstances, là, si il aidait une prisonnière de Santo, qu'il avait mutilé personnellement, il prenait un risque inconsidéré et complètement gratuit. Cela ne le faisait pas, il rejoignait l'Espada, puis quelques temps après il soignait délibérément une criminelle qui, même si le traitement était rude, avait amplement mérité son sort... Aux yeux de celui qui lui avait infligé ça tout du moins. Il devait trouver une autre solution, ou savoir quels bénéfices il pourrait en tirer. Il arrêta de faire les cent pas, puis se tint droit devant l'arrancar mutilé, la scrutant d'un regard amusé. Ce fut d'une voix contrôlée qu'il dit :

« - Douce Freya, ma chère, réfléchissez un instant avant de me poser ce genre de question. Vous êtes maligne, non ? L'êtes-vous ? (Il eut un rire faux, puis poursuivit). Si vous êtes dans cette situation, aveugle, et par la volonté de notre Rey adoré, qui suis-je pour oser aller à l'encontre de sa volonté ? (On pouvait très nettement sentir la pointe d'ironie à « Rey adoré », montrant subrepticement qu'il était de son côté). Mais je vais répondre à votre question si abruptement posée, excusez-moi si je ne suis pas aussi direct que vous, j'ai tendance à énoncer les faits avec élégance si je le peux. Effectivement, j'ai dit que j'étais un scientifique, et j'en suis un, de plus, ma spécialité... C'est l'étude des corps, de ses organes, entre autres, je ne citerai que ces points là car c'est ceux-là qui importent en l’occurrence. Oui, je pense pouvoir vous rendre la vue si j'en avais la possibilité. Mais là réside tout le problème. (Il se tut, laissant son interlocutrice peser le poids de ses mots). En ais-je la possibilité ? J'aime m'y retrouver, et surtout éviter de m'attirer des ennuis que je peux éviter … Néanmoins, parfois, il m'arrive de me jeter à l'eau, si je pense que le trésor dissimulé dans ses profondeurs en vaut la peine. Vous me suivez ? »

Tout en finesse, comme d'habitude. Aucun opinion trop tranché ne transparaissait de son petit discours, il avait été plus ou moins honnête compte-tenu des circonstances et avec un peu de chance il récolterait toutes les informations qu'il voulait de cet échange. Il espérait que Freya avait compris où il voulait en venir, mais il ne se faisait pas de mourrons sur ce plan là, elle avait l'air du genre coriace, sûre d'elle et impitoyable, et pour développer ces capacités, il fallait être un minimum perspicace, réceptif. Si il pouvait s'assurer qu'elle lui renverrait l’ascenseur d'une façon ou d'une autre, et que cela en vaudrait la chandelle, il prendrait en considération sa demande très sérieusement. Mais il faudrait y aller doucement, furtivement, et adroitement si ils ne voulaient pas se retrouver tout les deux dans la... Oui, il n'y avait pas d'autres mots, dans la merde. Oh, mais à tout bien y réfléchir, il y avait une issue de secours, oui, elle était petite, étroite, mais elle marcherait à coup sûr, bien qu'elle ne fonctionnerait que pour lui. Aurait-il des remords à jouer cette carte si il le devait, laissant tout éventuelle alliée à son triste sort ? Oui, bien sûr, sans l'ombre d'un doute. Elle devait savoir à quoi s'attendre, on ne marchandait pas avec le serpent sans prendre ses propres précautions...

Satisfaction.

Il était vrai que les attentes de l'aveugle sur le répondant et le discours du scientifique avaient été comblés au moment même ou il abordait le sujet de l'ascenseur des services. Un service rendu n'était jamais gratuit et surtout dans sa position actuel cela ne changerait pas. Il se jouait d'elle et manipulait habilement avec l'aisance que lui prêtait son intelligence les mots et phrases ne laissant jamais un instant de véracité ou une faille pour que la dragonne ne découvre un faux pas de sa part. Il était intelligent et ses phrases pompeuses ne plaisait plus à la prisonnière, dans le sens ou il tournait trop longtemps autour du problème et des conséquences de son éventuel aide pour aider l'ancienne borgne à de nouveau voir le monde.

-Avez vous déjà vu la mort Novena?

Une question mettant fin à son monologue et surtout qui le faisait réfléchir sur la suite du discours de la femme derrière les barreaux. Elle esquissait un sourire faux à son tour joignant les mains et s'en servant comme reposoir pour son menton tandis que son orbite sans vie était en direction de la personne du serpent. Voulait-il l'intimider et lui faire comprendre qu'elle lui serait redevable pour le restant de sa vie? Hors de question elle avait déjà trop de dettes pour toute une vie et surtout vu comment il se plaisait à se jouer d'elle, vu comment elle devait encaisser ses phrases aussi amère et aussi dangereuses que le pire des venins. Cet homme était un poison vivant et la seul question qui semblait être logique maintenant concernait la suite de leurs entrevu. Freya devait rapidement inverser la tendance et la force qu'avait le scientifique sous peine de ne pouvoir rétorquer que des affirmations et des simples mots sans importances.

Ses crocs s'allongèrent et sa peau devint écailleuse sur son visage comme si il menaçait de se briser à tout instant, comme si elle était faite de porcelaine dont la peinture disparaissait au fur et à mesure. Puis dans son dos une extension fit son apparition balayant la poussière qui s'accumulait dans la cellule avant de fouetter les barreaux, sa queue reptilienne apparaissait désormais sans que ne le désir le dragon. Symbole de sa colère et de son exaspération son corps se transformait doucement pour prendre l'apparence bestiale et mythique qu'elle était sous cette couche de chair et de fragilité maladive.

-Le prix à payer n'est rien sans la valeur que prendras ton acte si le Roi apprend que tu es venu me parler. Personne ne vient voir les prisonniers encore moins quand ces derniers sont des traitres ou des déserteurs encore vivants. Et à mal y regarder cette discussion peut être interprété comme chacun le souhaite n'est ce pas?

Il ne jouerait plus longtemps avec ses nerfs ni sa patience, elle irait désormais droit au but en faisant comprendre à ce courtisan de pacotille que si il voulait ne serait ce qu'un merci de sa part alors il devrait y mettre du sien. Une nouvelle fois la poussière se souleva lorsque la queue draconienne fouette le sol de la geôle avant que Freya ne s'en serve comme promontoire. Elle prit de nouveau un ton froid mais colérique après tout elle n'avait rien à lui cacher et alors qu'il jouait avec les mots et les nerfs de ses interlocuteurs au contraire Freya privilégiait la sincérité et la véracité de ses propos.

-Je ne te demande pas le modèle dernier cri avec les paillettes scientifique. Je te demande un objet relativement simple capable d'envoyer des impulsions ou de transmettre à mon cerveau des indices et des informations sur la zone ou je me trouve, en l'occurence cela m'aiderai grandement dans la vie de tous les jours. Un rocher et une pierre n'émanant pas d'énergie spirituelle il est compliqué pour une aveugle de se réperer dans de tels zones géographiques comprends tu?

Elle ne demandait rien de plus et en vérité cela lui semblait déjà un bon départ, la détection de formes ou de présences vivante ça serait sa détection spirituel qui s'en chargerait. Elle avait de nombreuses capacités à travailler avant de combattre ses adversaires sans avoir peur d'une défaite quasiment instantané mais cela lui convenait, lorsque de nouveau sa puissance augmenterait pour égaler celle de quelques membres de l'espada alors elle se lancerait dans ses projets et qui sait cet énergumène pouvait lui être utile?

-Rend moi service et je m'assurerais que la Septima ne te porte point préjudice et de plus tu auras mon aide si jamais tu te retrouves en difficulté. En somme nous nous aiderons mutuellement, car je sortirai d'ici Novena et ce jour la tu pourras compter sur moi ou non. A toi de voir.

Elle lui laissait le choix tout en analysant sa réponse, elle ne lui tiendrait pas rigueur si il refusait car elle comprenait aisément qu'on refuse d'aider une prisonnière, néanmoins son aide serait la bienvenue et lui éviterait d'investir et d'étudier dans la science qu'elle jugeait peu attrayante.

Il ne faisait aucun doute que Freya avait très bien compris où il voulait en venir à peine avait-il ouvert la bouche. C'est probablement pour cela qu'elle mit fin à son monologue en lui posant une simple question : avait-il déjà vu la mort ? Vaste, très très vaste question que celle-ci. Il avait vu la mort sous toutes les coutures, il l'avait donné, il l'avait vécu, sinon il ne serait pas dans cet état. Il avait expérimenté les morts lentes, rapides, différées, simultanées, virales, brutales, à retardement... Ses victimes étaient innombrables, ce qui faisait de lui une sorte d'expert en matière de mort. Mais de toute évidence, ce n'était pas ce genre de mort dont elle parlait, elle voulait mettre l'accent sur LA mort, la véritable, l'éternelle, celle qui ne promet qu'un inconnu incertain et des mystères insondables. Celle-ci, il l'avait vu en face trois fois, la première alors qu'il venait à peine de se changer en hollow, pris en embuscade par toute une troupe de shinigamis. La deuxième, à peine arrivé au Hueco Mundo et fraîchement devenu gillian, il avait faillit mourir dévoré. La troisième lorsqu'il était devenu adjucha, une bataille avec un rival qui avait duré trois jours et trois nuits, et qu'il n'avait emporté que grâce à la naïveté de son antagoniste. Il avait simulé une trêve et l'avait abattu en traître, pendant qu'il repartait de son côté, sachant pertinemment qu'il n'aurait jamais tenu le coup une seule journée de plus. Après ces sombres époques, il avait redoublé de prudence, et de puissance, de ce fait il n'avait plus jamais été en situation de danger extrême.

Akahebi ne jugea pas nécessaire de répondre à cette question, et de toute façon son interlocutrice n'avait pas l'air de réellement attendre de réponse, elle voulait introduire sa prochaine diatribe en bonne et due forme. Elle semblait être quelqu'un de direct, encore une, décidément, les hollows de Las Noches avaient tendance à tous être très franc du collier, mais d'un côté cela lui convenait très bien. Ce n'était jamais bon d'avoir trop d'intrigants au même endroit. Elle lui lança un sourire en le regardant droit dans les yeux, il reconnaissait que trop bien ce genre d'expression, il l'employait lui-même quotidiennement. Son visage commença à changer petit à petit, s'écaillant, puis une longue queue vint taper contre les barreaux. On aurait dit que son état de faiblesse ne lui permettait plus de réussir à totalement contrôler les transformations de son corps, très intéressant, il devrait étudier ce phénomène sur d'autres arrancars au plus vite. Et oui, il n'avait pas encore pu expérimenter sur d'autres arrachés, et pour cause, il n'avait découvert leur existence que tardivement par rapport à leur apparition, et avait rejoint Las Noches avant de pouvoir investir le sujet, mais il allait remédier à ce problème très vite, aussitôt qu'il aurait reconstitué son laboratoire d'antan dans ses quartiers. Le Sarujie se recentra sur la discussion, il était d'en face d'une camarade à en juger par son apparence qui se faisait de plus en plus reptilienne. Une espèce de sentiment de solidarité s'anima en lui, mais ne dura que le temps d'un flottement, fallait pas exagérer, il en fallait cent fois plus pour réellement l'émouvoir... C'est ce qu'il aurait aimé dire mais il espérait que cette vague de sympathie, qui lui causait un terrible mal de ventre soit-dit en passant, et oui il n'y était pas habitué, disparaîtrait très vite.

Et elle eut tôt fait de s'en aller après avoir écouté Freya attentivement. Elle jouait avec le feu, elle venait d'entrer sur son terrain en le menaçant indirectement. Certes, elle l'avait fait de fort belle manière, il ne la respecta que d'autant plus, mais en tant qu'adversaire désormais. Sa queue fouetta le sol une nouvelle fois puis elle reprit, lui demandant ce qu'elle attendait de lui dans le cas où il déciderait d'accéder à sa requête. Il pouvait lui faire recouvrer la vue, la vraie, mais ce qu'elle lui demandait était plus simple et surtout beaucoup moins long à réaliser. Il devait encore peser le pour et le contre, et le dernier argument qu'elle lui imposa paraissait maigre mais alléchant. Elle pouvait apparemment faire en sorte que la Septima ne lui porte atteinte, mais en était-elle vraiment capable ? Si elle avait des relations avec elle, peut-être était-elle une de ses amies, dans le cas présent elle ne serait pas en mesure de lui réclamer quoi que ce soit. Le serpent rouge garda cela dans un coin de son esprit quand même, mais tant qu'il n'aurait pas de preuve concrète, il considérerait que cette partie du marché ne pourrait être véritablement honorée. En gros, elle lui en devrait une, mais en aurait-il besoin quand le moment viendra ? Il avait un vague plan en tête, mais à aucun moment il ne prévoyait de combattre ou de se rebeller contre qui que ce soit, tout ce qu'il voulait c'était se faire des relations, influentes et puissantes de préférence, un peu partout dans Las Noches, d’asseoir sa position et de poursuivre ses expériences au nom de son Rey, tranquille.

Il devait s'assurer de plusieurs choses avant de prendre un risque aussi inconsidéré, en apprendre plus sur son vis à vis, tenter de savoir de quoi elle était capable, quel était son rang avant d'être emprisonnée, bref, il devait vérifier si cela valait vraiment la peine de lui rendre un service. Selon ce qu'elle lui répondrait, il aviserait, il était même prêt à encourir les foudres de Santo si cela dépassait ses espérances, diplomate comme il était, il pensait s'en sortir relativement bien. Mais avant d'en arriver là, il devait organiser son esprit, ne pas trop s'éloigner de ses pensées pendant qu'il parlerait, bien qu'il voulait remettre deux-trois trucs bien dans leur contexte avant d'entrer dans le vif du sujet. Akahebi se mit à marcher en se tenant le menton, devant la cellule, aller-retour, sans s'arrêter. Il remit ses lunettes en place, s’éclaircit la voix puis prit un ton qu'il voulut compatissant :

« - Vous m'impressionnez ma chère, réellement, malgré votre état vous vous démenez pour paraître fière et affable, belle prouesse, cependant... J'aimerai éclaircir un point, sachez que notre discussion, comme vous l'avez si bien dit, peut effectivement être interprétée de différentes manières, dépendantes chacune du point de vue de l'observateur, et des justifications des observés. Dans le cas ci-présent, si par je ne sais quel malheur, je venais à être découvert à avoir cette conversation avec vous, j'expliquerai tout bêtement que je m'étais perdue et que c'est vous qui m'aviez interpellé. Vous pourrez dire tout ce que vous voulez, mais le fait est qu'on me croira moi, plutôt que vous, pour la simple et bonne raison que... (Il désigna la prison des mains puis le couloir en ricanant). Et bien que moi je suis du bon côté. Ne le prenez pas personnellement, je vous donne juste de quoi réfléchir un peu, comme je vous l'ai dit, c'est important avant de dire ce genre de choses. (Il s'arrêta puis lui fit face, les bras croisés). Mais venons-en au fait. Oui, je peux vous arranger ce que vous me demandez, et relativement rapidement et facilement de surcroît, mais que vaudrait ce service que vous me devriez ? D'après vos dires, si la Septima est votre maîtresse, j'en conclus que vous êtes sa fraccion, mais si elle vous a laissé dans ce pétrin, c'est qu'elle ne tient pas trop à vous, je me trompe ? Si possible, je souhaiterai avoir quelques précisions avant de me mouiller. »

Persuasion.

La sienne n'avait pas marché et de nouveau l'aveugle rencontrait un mur et pas des moindres. Il était intelligent et méritait noblement sa place au sein de la garde de Pastor. Elle devait encore faire des concessions et de nouveau ouvrir la bouche pour parler et raconter des parties de son histoire. Il voulait tout et visiblement il en avait les moyens et tout ça pour quel cadeau au final? Rien si ce n'était un appareil lui permettant de nouveau voir avec son orbite vide.

Avec une légère pointe d'exaspération elle replaça son heaume et détourna la tête dans la direction opposée, le sujet de Lies était tout autre chose, une véritable mine qui pouvait exploser à tout instant au nez du scientifique. Il voulait des précisions et préférait ne pas se mouiller? Alors Freya allait faire de même et jouerait comme lui avec les mots mais surtout elle dirait également la vérité.

-Et vous si votre fraccion avait déserté et vous avait entrainé dans ses péripéties pour finalement venir ici alors que le palais avait subit des attaquez qu'auriez vous fait? Ce n'est pas dans les habitudes de la Septima de faire une relation mère poule avec ceux qui la côtoient surtout quand sa fraccion est trop insolente. Si je vis encore c'est surement parce qu'elle n'a pas encore eu le temps de venir me tuer.

Après tout c'était vrai, aucun espada n'aurait risqué sa vie pour une fraccion semblable à la dragonne et surtout certains auraient depuis son passage sur Terre trouvé un moyen de lui régler son compte et d'apporter en guise d'amuse bouche au Roi sa dépouille. Mais ce ne fut pas le cas de l'albinos qui trop occupée à parlementer avec la vampire n'avait finalement pas encore eu le temps de venir discuter à sa manière avec sa suivante. Alors Freya en profitait autant que possible mais surtout jouait avec le nom de la septième lame ce qui pouvait encore lui attirer des ennuies beaucoup plus grave que les précédents.

-Vous n'avez, je tient à être clair sur ce sujet, aucune garantie que votre aide vous rapporte en retour une quelconque reconnaissance si ce n'est de ma part et c'est donc avec moi que vous devrez trouver les termes de notre ententes mutuel, car pour l'instant à part faire votre commère et vous renseignez sur mon entourage vous n'avancez pas très chère Novena.

Personne ne tenait à Freya mais cela n'avait plus d'importance et l'aveugle était désormais indifférente aux médisants comme aux courtisans et visiblement Sarujie ne rentrait pas dans ces deux catégories, il oscillait entre les deux selon ses paroles et surtout semblait naviguer en solo et se démerder pour que jamais sa barque ne coule en eau trouble. Quelque part l'ignorante des intrigues qu'était la fraccion avait encore beaucoup à apprendre de cet étrange personnage.

Pour l'heure elle attendait sa réponse en tapotant ses tempes avec ses doigts, pas que la discussion la dérangeait mais la suite la rendait anxieuse et la tension augmentait en son sein, le fait de parler de Lies et surtout de lui rappeler l'existence de sa maitresse qu'elle avait presque oubliée n'était pas ce qu'elle préférait.

« - Si ma fraccion avait déserté ? Ah ah ah, mon dieu, j'aurai fait bien plus que simplement lui retirer un œil, croyez-moi sur parole. J'aurais redéfini toutes les interactions que pourrait représenter le mot douleur à ses yeux, je l'aurais brisé sans la moindre pitié, et lorsque enfin elle m'aurait supplié de l'achever, qu'elle aurait rampé devant moi, souffrante, n'étant plus que le pâle reflet de ce qu'elle avait été, j'aurais daigné lui accorder la mort. Pas avant. (Le Novena rigola allègrement à cette idée puis reprit contenance). Si votre « maîtresse », ou je ne sais comment vous l'appelez, venait et mettait fin à vos jours aussi simplement, cela voudrait dire qu'au final elle tenait un peu à vous. En vous laissant pourrir ici, désolé de devoir paraître rustre, la Septima prouve qu'elle ne vous estime pas tant que ça. »

Des paroles qu'il avait voulu volontairement blessante, le sujet semblant sensible. Akahebi n'avait pas fini de jouer avec elle, il voulait la jauger, voir où se situait les limites de sa patience. C'était important pour lui, si son interlocutrice était plus forte qu'il n'y paraissait, et dans un tel état, il y réfléchirait à deux fois avant de refuser son offre, même si pour le moment sa décision semblait s'être arrêtée. Effectivement, il n'avait rien à tirer de cet accord, les conséquences étaient trop démesurées pour une intervention aussi banale que celle-là, en tant que stratège avisé, il se devait de se préserver. D'un autre côté, il ne voulait pas se priver d'une relation de cet acabit, il fallait toujours avoir des « possibilités », pouvoir compter sur les deux faces d'une même pièce, pour gagner à coup sûr une fois le moment venu. Il devait faire très attention à ce qu'il allait dire ensuite, il échafaudait peu à peu un plan d'une complexité légèrement plus relevée, un plan qui lui permettrait de s'enrichir sur les deux tableaux. Il pouvait tenter de se présenter comme un allié à la prisonnière tout en restant complètement fidèle à Santo Pastor, c'était possible mais délicat comme opération. Le Sarujie épousseta rapidement sa veste d'un revers de la main puis prit un ton mielleux :

« - Vous êtes une arrancar... Hum, disons... Fascinante ma douce Freya, c'est ça, fascinante. À vrai dire, vous me ressemblez beaucoup mais d'une manière totalement différente, si je puis me permettre. (Le gentleman saisit les barreaux de ses deux mains et tenta de se rapprocher le plus possible de son vis à vis). Certes, je cherche à en apprendre plus sur vous et je tourne autour du pot, alors avant de vous faire de faux espoirs, je vais vous dire sans ambiguïtés aucunes que non, je n'accéderai pas à votre requête. Cependant, j'ai des projets pour vous, disons que je ne voudrai pas que notre « relation » s'arrête là. Ouvrez grand les oreilles, je ne le répéterai pas, et tout ce que je vais vous révéler est d'une importance capitale. Vous êtes en prison, aveugle et disgraciée, c'est un fait indéniable, mais vous sortirez un jour, de par vos propres moyens, par la la bonté de Santo ou d'un autre ou de par une aide extérieure quelconque, c'est une certitude. Le jour où vous serez libre, sachez que vous aurez un allié dans Las Noches, et ce peu importe la situation. Informations, aide logistique, tout... Moyennant une contribution de votre part, bien entendu. Vous serez mes yeux, ou plutôt mes oreilles en l’occurrence, en dehors ou en dedans du palais et j'en ferai de même. Échanges de bon procédés, qu'en dîtes-vous ? »

Tout était dit, sa proposition tenait plus lieu du marché que d'une simple demande. Le Neuvième jubilait intérieurement, il espérait de tout cœur que ça allait fonctionner. De cette manière, il s'assurait de rester blanc comme neige auprès du Rey, n'ayant rien dit de trop sensible, ou de choses qui pourraient se retourner contre-lui, lors de l'échange, il était resté à la fois très évasif et très clair sur ses intentions. Il avait estimé qu'il ne risquait rien à balancer ce type d'offre à la dragonne, sa répulsion envers Pastor et tout ce qu'il pouvait représenter paraissant plus qu'évidente. Et officieusement, n'avait rien à perde. Et oui, les fameux « pactes » du serpent rouge, une méthode qui avait fait ses preuves du temps où il n'était qu'un Adjucha, le genre de pacte dont seul l'instigateur pouvait en retirer de réels bénéfices. Si Freya acceptait, il aurait de quoi la faire chanter, car vu ce qu'elle avait fait et son comportement, il n'aurait qu'à inventer quelque chose de convaincant pour la refaire plonger au trou. Mais ça, ce n'était qu'en dernier recours, le plus beau c'était qu'il pourrait fournir les informations qu'il voulait à la fraccion, et en retour il s'assurait une source fiable parmi Las Noches ou même à l'extérieur, qui pouvait prédire ce que l'ancienne borgne ferait une fois sortie après tout ?

Alors bien sûr, c'était à double-tranchant. Il avait beaucoup plus à y gagner, certes, mais elle aussi en profiterait, et par extension ses propres alliés du moment. Il pourrait toujours jouer la carte de l'agent double par la suite, tout raconter au Rey sous la forme d'une confession, remonter dans son estime, etc... Le classique, une manœuvre diplomatique basique mais très rusée, et qui avait fait ses preuves au sein de nombreuses organisations de par les mondes. Il régnait un calme étonnant dans la prison à ce moment précis, comme si le temps avait décidé momentanément d'arrêter sa course. Un léger courant d'air passa, faisant voleter la chevelure flamboyante du scientifique, son ombre se déformant sur les murs derrière lui d'une effrayante façon. La lueur des torches était faible, l'ambiance était intimiste, spéciale, idéale pour réfléchir et prendre une décision importante. Cela tombait bien, car Freya était face à un dilemme qu'elle devait résoudre. Ou pas, elle pouvait très bien l'envoyer balader, mais passer un accord avec lui, pouvoir compter sur quelqu'un, c'était quelque chose de précieux, surtout dans ce contexte-ci, à un moment où plus personne ne croyait en elle...

Elle disait que non.

Que ses foutaises et ses belles promesses ne lui plaisaient pas. L'aveugle n'aimait pas qu'on se moque d'elle surtout après avoir miroiter devant elle une potentialité qu'elle désirait plus que tout. Alors oui elle n'était pas contre du repos en prison pendant un long moment mais le foutage de gueule des gens qui venaient la voir elle n'aimait pas du tout çà.

Qu'elle crève en prison ne lui posait plus de soucis, elle était comme disent les religieux 'en paix avec elle même' elle n'était pas fière de ses actes et de ses défaites mais désormais l'ancienne borgne assumait tout. Rien n'était plus pathétique qu'une personne cherchant une opportunité de rejeter ses fautes sur une autre personne. L'albinos n'était pas venue la voir, et les visites qu'elle recevait n'était pas dans un but purement altruistes à son égard. Elle aurait fait de même mais cela n'avait plus d'importances, elle croisait ses bras avant de cracher derrière elle. Ce drôle de personne et clown au sein de l'espada ne lui inspirait aucune confiance, mais qui pouvait le faire?

Personne ne lui proposait mieux et personne ne lui proposait simplement un plan. Elle était de nouveau seule contre tous, et face à l'adversité elle ne pouvait que de nouveau courber l'échine en maudissant sa propre faiblesse et son passé. Elle poussa une longue plainte en soupirant et finit par se rapprocher des barreaux en passant ses mains à travers. Elle espérait au moins qu'elle ne s'alliait pas avec un moche, manquerait plus que ça tient!

La présence de la Septima en ces lieux lui importait guère et à vrai dire elle s'en moquait, lorsque Lies le jugerait nécessaire elle viendrait insulter sa fraccion et lui dire combien elle avait honte d'elle. Peut être même elle lui annoncerait qu'elle n'était plus à son service. Et là Freya serait confrontée au bonheur et la tristesse, sa maitresse était certes une sacrée plaie mais au fond sur tous les points elle avait eu raison cette grognasse.

Putain qu'est ce qu'on est con quand on est faible, putain qu'est ce qu'elle regrettait d'avoir accomplit des actes aussi incensés qu'idiots. Mais après tout personne ne revient dans son passé, même sous cette forme. Alors elle serra les poings et tenta de montrer un visage aussi radieux que possible tout en jurant que cet imbécile lui payerait ça dans une autre vie probablement.

-Vous êtes un sacré comique Novena et surtout un négociateur hors pairs mais enfin passons. Je ne sortirais probablement jamais d'ici et ma mort se déroulera dans cette pièce aussi étroite que pathétique tout comme ma personne présentement mais bon, je me dois d'assumer mes actions. La fuite n'est pas une option et dans ces conditions je vois mal comment vous pourriez m'aider autant que je puisse faire de même. Et je doute que le Roi vous écoute n'est ce pas? Aussi disons que je serais vos oreilles dans un périmètre aussi restreint que l'est une prison et qu'une fois ma condition amélioré j'augmenterais également mes redevances envers votre personne qu'en pensez vous?

Elle n'avait que ça à proposer pour l'instant alors il s'en contenterait. Et puis merde elle devait déjà trop de dettes à la moitié de la population qu'elle côtoyait.

Akahebi conserva son sourire impassible pendant que son interlocutrice était en train de vider son sac en face de lui. Néanmoins, il ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'il avait perdu un temps précieux en s'arrêtant devant cette cellule, cela ne faisait aucun doute que la dragonne avait abandonné tout espoir d'un jour être libre. Il n'y avait pas de plus désespérants individus que ceux qui avaient délaissé toutes formes de volonté au profit d'un comportement auto-destructeur et d'un cycle ininterrompu de souffrances. On pouvait toujours s'en sortir, faire des efforts, tenter de changer sans s'imposer, et dans le bon sens du terme, sans forcément devenir quelqu'un d'autre. Non, Freya était faite de ce bois là, incapable de voir plus loin que sa propre situation, attendant désespérément qu'un événement quelconque tombe du ciel et la sauve. Ou la détruise. Peu importait, elle serait restée fidèle à ses convictions et c'était tout ce qui comptait à ses yeux, et bien soit, le Sarujie la laisserait dans son malheur. Il ne perdit pas le nord pour autant, si jamais elle devait virer de bord ou subitement comprendre le sens véritable de son avenir, il fallait qu'elle garde en tête sa proposition. Il répugnait ce type de personnalité mais en tant que stratège, il ne pouvait se priver d'un atout qui aurait pu lui être tout particulièrement utile. Puis il devait surtout se réexpliquer, elle n'avait apparemment pas très bien compris où il voulait en venir au final, rien dans sa proposition ne l'engageait à forcément lui être redevable, son marché fonctionnait dans les deux sens. Il s'éloigna un peu des barreaux et croisa les bras avant de s'exclamer sur son éternel ton amusé :

« - Nous nous sommes mal compris j'en ai bien peur ma douce Freya, alors je vais ré-exposer les choses pour que vous puissiez les assimiler correctement. (Il leva l'index, comme un professeur s'apprêtant à donner une leçon). La question n'est pas de savoir quand est-ce que Santo vous libérera ou quand est-ce que vous perdrez la vie, non non non, elle est tout autre. Ce qui compte vraiment, c'est : est-ce que vous voulez réellement sortir d'ici ? Est-ce que vous avez encore la volonté de vous battre, de vous améliorer ? Personne, et surtout pas moi j'en ai bien peur, ne viendra vous servir sur un plateau d'argent la solution. Alors effectivement elle peut tomber d'elle-même, mais dans votre état je doute que cela change quoi que ce soit, et mon offre ne peut fonctionner que si vous-même vous êtes capable d'en mesurer toute la portée. (Le serpent rouge baissa son doigt, mit ses bras dans son dos et fit les cent pas). Ce que je vous propose, c'est d'échanger mutuellement des informations qui pourraient intéresser les deux parties, une fois que vous serez hors d'ici. Mais si vous êtes d’ores et déjà brisée, il est évident que vous ne pouvez pas concevoir l'utilité d'un tel accord. »

Le Novena fit une pause, le temps que son vis à vis assimile bien tout ce qu'il venait de lui dire. C'était rare mais pour une fois il avait été plus ou moins cash dans ses propos, n’hésitant pas à dénoncer ouvertement ce qu'il trouvait qui n'allait pas chez l'ex-fraccion. Se remettre en question n'était jamais facile et il espérait qu'elle allait y mettre du sien, sinon elle risquait effectivement de passer le restant de ses jours entre quatre murs sans jamais pouvoir mettre le nez dehors. Après, il doutait sincèrement d'être un exemple à suivre ou encore d'être une sorte de parangon de vertu, loin de là, mais si il y avait bien un trait de son caractère dont il était fier, c'était sa détermination. Il était donc peut-être mal placé pour juger les autres, certes, mais il s'en fichait à vrai dire, il avait donné son avis et tant pis si cela pouvait la faire rechigner. D'un autre côté, il ne voulait pas laisser s'en aller son pion, maintenant qu'il avait déjà envisagé de le mettre en jeu, ce serait terriblement dommage de le perde d'office. Il avait plusieurs plans et intrigues en tête, et chacun nécessitait ses composants adéquats pour fonctionner, aussi se devait-il d'essayer de remotiver la dragonne du mieux qu'il pouvait. Encore de la manipulation, mais c'était son passe-temps favori, que pouvait-il y faire ? Le Neuvième décida d'enfoncer le clou, histoire de faire bonne mesure :

« - Vous pouvez être forte, mais malheureusement votre esprit est aussi aveugle que peut l'être votre vue. Il ne tient qu'à vous de saisir cette chance et de vous reconstruire, de vous tenir du côté des vainqueurs et non des vaincus... »

Il avait terminé, et décida de retourner à ses quartiers sans tergiverser outre mesure. Les dés étaient jetés, il était un peu joueur et espérait ne pas s'être fourvoyé lors de cette entreprise. Il quitta le sombre domaine dans lequel il était, l'ambiance tamisée et intimiste ne lui manquant pas tant que ça. Et dire qu'à la base il s'était retrouvé là-bas pour assouvir son plus vil instinct, voilà qu'il repartait en espérant s'être fait une alliée ou au moins sans s'être fait une ennemie. Les grands couloirs de Las Noches contrastaient merveilleusement bien avec le reste, il n'y avait pas à dire, on ne pouvait pas se douter une seconde en voyant ce genre de décor qu'on puisse trouver une salle de torture ou une prison quelque part dans le palais. Ce fut avec ces intéressantes déductions que le scientifique se mit à siffloter un air de musique classique qu'il avait certainement dû entendre lors de l'un de ses voyages sur terre...

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