Les poings serrés, le pas léger, la fluette silhouette de la Quinta Espada semblait courser contre sa propre ombre dans le dédale de Las Noches. Le peu de larbins qu’elle a croisé s’écartaient de son chemin, de peur d’être piétinés par Lili, qu’ils voyaient bien souvent arriver, le regard noirci par d’obscures pensées. Ils ne comprenaient ni la raison qui la mettait dans un tel état, ni la destination qu’elle avait en tête. Peu importe, il semblait impossible de l’aborder en de telles circonstances, car à peine l’eut-il remarqué dans le couloir qu’elle disparaissait dans une autre avenue en grommelant. Elle était d’une rapidité sidérante…

Qu’est-ce qui mettait l’Arrancar dans un tel état? Un événement bien banal, en fait… Elle était tout simplement perdue. Alors que ce matin, elle avait ouï dire qu’il y avait eu une ou deux promotions au sein de l’Espada, l’intention d’aller faire la connaissance de l’un d’eux lui était venue à l’esprit. Elle souhaitait, entre autre, connaitre ses « alliés », mais surtout, mettre les choses au clair avec le tout récemment promu Sexta. Ses noirs desseins étaient bien enfouis en son for intérieur, ayant toutefois une légère idée de la tournure des réactions qu’elle allait provoquer par sa venue dans ses quartiers. Peu importe, là n’était pas la source de son caractère maussade. En s’aventurant dans le labyrinthe du palais, elle croyait connaitre le trajet sur le bout de ses doigts. Séjournant ici depuis une dizaine de jours, elle avait su mémoriser les chemins pour se rendre à des points clés de la forteresse. En toute confiance, elle s’était aventurée vers l’inconnu, persuadée de mettre le pied dans l’aile réservée au Sexta en moins de quelques minutes de marche, qui tournèrent finalement en une course d’une soixantaine de minutes. Non qu’elle n’ait tenté d’avoir un peu d’aide, son humeur revêche avait fait fuir les bons samaritains s’étant arrêtés en route pour lui porter secours. Cela l’avait encore plus désespérée.

Enfin, les voilà. Il n’y avait aucun doute là-dessus. Malgré l’absence de toute indication pouvant lui certifier qu’elle avait atteint sa destination, il était impossible qu’elle se soit trompée, car elle avait fait le tour de tous les quartiers hormis celui-ci. Les ornements étaient différents, la disposition des salles aussi; au moins, elle n’était pas revenue à son point de départ. « Si je me suis encore trompée, j’suis damnée! » Une ou deux respirations suffit pour contenir temporairement la rage issue de cette longue expédition, puis elle cogna sans délicatesse sur les deux grandes portes, avant de les pousser malgré l’absence d’invitation. Sans prêter attention à l’état des lieux, comme elle avait pourtant coutume de le faire à chaque fois qu’elle découvrait une place inédite, elle parla d’une voix forte pour qu’une quelconque présence se manifeste, demeurant immobile à l’entrée :

— Yo! J’suis là pour le Sexta!

Une main vint se poser sur la garde de son épée, par simple habitude, tandis que l’autre, celle dont le chiffre cinq y était tatouée, vint chercher la sucrerie coincée entre ses dents, se délectant de ce tas de calories dans l’attente de sa venue. Elle était d’une patience exemplaire, pour le moment, mais elle craignait que les quartiers soient vide et donc, que toute cette épuisante marche ait été au final vaine. S’il s’avérait que le maître des lieux soit indisponible, elle exploserait littéralement l’endroit. Cette seule pensée la fit frémir de rage.

- Il semblerait que tu aies frappé à la bonne porte.

La voix provenait directement du fin fond de la pièce mais semblait se rapprocher, laissant alors apparaître la silhouette si caractéristique de Borick. Un simple regard lui permit de voir qu’il ne connaissait pas cette Arrancar, non sans comprendre de suite qu’elle appartenait déjà à l’élite de Las Noches. Son numéro importait peu à l’Empereur qui ne voyait là qu’un simple signe d’appartenance et en rien un symbole de puissance. Plutôt bien placé pour le savoir, il préférait se fier à ses propres avis et intuitions plutôt qu’aux chiffres que Grimmjow appréciait tant. Lui-même portait ce précieux manteau propre à l’Espada, le trouvant très à son goût puisque ce dernier était aussi blanc que son accoutrement initial.

S’arrêtant à quelques pas de la jeune femme, Borick inclina légèrement la tête en guise de salutation, signe logique pour une personne qui était si à cheval sur les règles de savoir-vivre. On avait beau se trouver au milieu d’un désert peuplé d’animaux, rien ne justifiait à ses yeux de manquer à la politesse la plus élémentaire. Une donnée toutefois absente du cœur de bien des Arrancar, ces derniers étant trop enclin à se tendre des pièges plutôt que de se comporter de manière civilisée. Alors qu’il redressait la tête, il remit en place d’un geste de la main l’une de ses mèches blondes, celles-ci ayant tendance à se glisser devant son visage. Petit sourire en coin, il prit de nouveau la parole :

- Je suis la personne que tu recherches, Espada… Borick « El Emperador », heureux de t’accueillir en ma demeure. Puis-je savoir qui tu es et ce que tu me veux ?

Volontairement, Borick s’était présenté en mettant en avant son titre d’Empereur. Un titre auquel il attachait une importance particulière et qui expliquait pourquoi jamais il ne se disait « Espada ». N’était-il pas homme avant d’être soldat, après tout ? Ce n’était d’ailleurs pas sans raison si son propre tatouage se trouvait derrière ses mèches blondes, juste en dessous de la partie de masque brisé qu’il laissait en permanence caché sous cette chevelure de feu. Il ne laissait entrevoir cette immondice que lorsqu’il n’avait pas d’autre choix. D’un signe de la main, il invita la jeune femme à s’avancer, désignant ainsi un des fauteuils de libre. Très porté sur le bien-être, cette pièce était donc parfaitement confortable et aménagé aux goûts de Borick. Le blanc primait, évidemment, puisqu’à ses yeux il s’agissait du symbole de la pureté par excellence. Seule la lumière du dehors éclairait la pièce, plongeant donc une partie de l’endroit dans la pénombre.

Soit il était myope, ou complètement aveugle, la question n’avait pas lieu d’être aux yeux de la Quinta, qui exposait visiblement la preuve la plus évidente à sa question en guise de réponse potable; limite, elle pourrait faire office de carte d’identité. Il s’agissait évidemment de sa dextre sur laquelle était tatouée le chiffre cinq, indiquant clairement son affiliation à l’élite du Rey, ainsi qu’il confirmait bien son titre, Cinquième. La main portée à sa bouche depuis son entrée fracassante n’aurait pu passer inaperçue que si elle n’avait pas existée, aussi simple qu’il est dit. Il devait donc souffrir d’une déficience de la vue, le pauvre. Ça ne devait pas être pratique au combat. Bien sûr, à aucun moment Lili n’avait pensé à une simple marque de courtoisie de la part du sixième, les bases du respect ayant toujours été de second plan dans les conversations qu’elle engendrait. De ce fait, les présentations se limitaient à ce qu’elle jugeait de nécessaire pour le bien-être de la discussion; et à la vue des indices manifestes que lui procurait son tatouage, il ne suffisait que de sortir de sa planque pour entendre les rumeurs de Las Noches. La nouvelle de l’arrivée de la Quinta aurait de ce fait trouvé chemin jusqu’à l’oreille du Sexta Espada, et elle espérait fort heureusement que le nom et prénom l’accompagnaient lorsqu’elle fut circulée. Il n’y avait donc pas lieu de parler inutilement, surtout qu’elle nourrissait dès les prémices une haine particulière envers cet être.

Hormis son ignorance à ce qui a trait aux courtoisies, la raison de son silence était un terme sur lequel elle avait accroché durant sa brève présentation. « Emperador »? Bien que son espagnol ne fût pas ce qu’il y avait de plus parlant, il demeurait qu’elle savait reconnaitre un mot qui n’avait pas sa place. L’absence de son chiffre aussi avait provoqué un léger lever de sourcil, bien qu’elle ne s’en fût pas autant inquiétée que le sobriquet qu’il s’était probablement offert la première fois qu’il avait croisé un miroir. Même si elle n’était pas la personnalité la plus modeste de la dimension, cet Espada devait être d’un narcissisme étouffant pour s’autoproclamer comme tel. Néanmoins, entendre pareilles prétentions sur un ton aussi commun démontrait qu’il était d’usage qu’on le réfère sous ce même nom. Cette théorie, dont l’analyse semblait des plus raisonnables, l’agaçait au plus haut point, et malgré le fait qu’elle tenta de ne point tiquer, quelques traits de son visage en décidèrent autrement. Ce fut donc dans une subtile mimique que son mécontentement transparut, mais elle rattrapa le coup en hochant maladroitement de la tête, calquant son comportement sur celui qu’il lui avait témoigné peu avant sa présentation.

N’empêche, elle ne se fit pas prier lorsqu’on lui présenta le mobilier en guise d’invitation à y prendre place. Elle s’était promise de ne pas prolonger la durée de sa visite, mais passer le temps qu’il faudra debout sur le seuil d’entrée n’était en rien comparable à ces confortables fauteuils. Une fois son postérieur soigneusement installé, elle reporta sa main à la sucette qui fondait lentement dans sa bouche, profitant de ce léger silence pour observer son hôte. La noirceur de la pièce ne pouvait lui permettre un examen bien détaillé, mais elle avait relevé quelques caractéristiques plus-ou-moins intéressantes; il aimait le blanc si on se fiait aux décors et sa démarche n’était en rien similaire à la sienne. Tandis qu’elle pouvait rappeler vaguement l’attitude d’un enfant, Borick conservait toujours la tête haute, se munissant d’un air presqu’hautain, sans oublier une apparence soignée et un environnement luxueux. Même elle, qui avait débuté les rénovations de ses quartiers –depuis que l’autre con avait joué au laser dans son aile, ne pourrait obtenir un résultat aussi beau. Peu importait, l’attente se faisait longue et elle n’avait toujours pas parlé. Il était temps d’engager un semblant de conversation :

— J’ai entendu parler que tu avais été promu Sexta récemment. Maintenant qu’on est voisin de chiffres, et en tant que sœur, je suis venue te féliciter en personne.

Elle prit une pause afin de profiter de son bonbon, qui rapetissait à chaque fois qu’elle l’extirpait de sa bouche. C’était son dernier, quel dommage.

— Je me demande bien ce que tu as bien pu faire pour t’attirer les faveurs du Rey.

Cette phrase s’échappa de ses lèvres sans même qu’elle ne soit adressée à lui en particulier. Une pensée dite à voix haute, sûrement, mais qu’importe. Lili était bien curieuse de connaitre les raisons d’une telle attention de la part de Grimmjow, surtout qu’elle avait entendu dire que ce Borick avait fait ses débuts en tant que Fraccìon d’un ex-Expada. À noter son attitude, il n’était certainement pas du genre à se glisser sous la table de son supérieur pour tirer profit de son pouvoir. Bien qu’il fût été un chien au service de l’élite, il devait avoir beaucoup trop d’amour propre pour s’abaisser à cette tâche. Alors, quelle était la relation qu’il entretenait avec Grimmjow qui pourrait expliquer bon nombre d’événements reliés à ce personnage hautain? Ces moult interrogations, elle se les posait pour des causes variées, débutant par une jalousie puérile, suivie d’une crainte de perdre de la valeur aux yeux du Rey, ainsi que d’autres peurs qu’elle nourrissait à l’égard de ces types, ceux qui était sûr d’eux, et qui avaient raison d’avoir une telle confiance, puisqu’ils réussissait bien dans chaque aspect de leur importante vie... Elle crispa des poings d’une manière qui put sembler naturelle, tandis qu’elle tentait d’étouffer toutes ces craintes pour conserver une saine conversation… du moins, pour l’instant.

Ainsi la jeune femme ne daigna pas répondre à la première question de l'Empereur. Si cela n'était qu'une marque de politesse, il n'empêche qu'elle était importante aux yeux de Borick qui considérait la non-réponse comme une sorte d'insulte. Il l'accueillait en sa demeure et elle ne respectait même pas les coutumes de son hôte. Soit ! Il ne changerait sans doute jamais la mentalité de ces brutes, tout juste bon à servir de chair à canon sur le champ de bataille. La rumeur allait et venait concernant la nouvelle Quinta mais le blondinet n'était pas homme à prêter l'oreille à ce genre de chose. Ainsi, si elle ne se présentait pas, il continuerait de l'appeler comme il l'avait toujours fait avec ceux qu'il ne respectait pas : Espada. Un simple titre qui ne représentait rien à ses yeux.

Mimant la jeune femme, il prit également place dans un des fauteuils, prêtant l'oreille aux autres interrogations qu'elle avait. Un petit sourire apparut sur son visage alors qu'il comprenait la raison première de sa venue. La curiosité. Un sentiment très humain, qui allait souvent de pair avec la jalousie. Par contre, il tiqua sur quelque chose. Sœur ? Elle ne l'était en rien, et ne le serait jamais. Parmi les hommes et femmes qui constituaient l'Espada, seule une personne pouvait se prétendre son frère. Et ce dernier n'était autre que le Primera, Dark Ezeckiel, véritable sosie de l'Empereur. Qu'elle soit membre de l'élite ne lui donnait aucunement le droit de se prétendre proche de lui. En aucun cas.

- Je te remercie pour tes félicitions. Toutefois, permets-moi de clarifier une chose, Espada... Tu n'es et ne sera jamais une sœur pour moi. Que l'on soit dans l'élite du Roi ne changera jamais ce fait. Ainsi, inutile de faire semblant, veux-tu ?

Il avait déblatéré ces paroles sans quitter ce sourire mesquin, plongeant son regard ambré dans celui de son invitée surprise. Beaucoup jugeait Borick comme prétentieux et hautain. Ils n'avaient pas tort. Mais l'Adjuchas était en ce moment une personnalité incontournable du Hueco Mundo et le sous-estimer sous prétexte qu'il avait atteint cette place récemment serait une grave erreur. Jouer sur les apparences étant sa spécialité, c'est ainsi qu'il piégeait ses victimes. Est-ce que cela mettrait la Quinta en colère ? Aucune importance à ses yeux, elle n'avait de toute façon pas le choix.

- Surprenant, n'est-ce pas ?

Il poussa un soupir faussement blasé. Devenir Espada était pour beaucoup un accomplissement mais l'homme ci-présent n'était pas comme les autres. Alors qu'il était Fraccion, jamais il n'avait été inquiété par les autorités suprêmes de Las Noches, lui et Fou-Lu étant liés par un pacte étrange et surprenant. Mais en devenant Espada, en intégrant l'armée officielle de la Panthère, il se retrouvait d'un coup projeté en pleine lumière. Et si nager parmi les gros poissons ne le dérangeait pas du fait de son véritable titre, il n'en restait pas moins qu'il préférait tirer les ficelles dans l'ombre afin de ne prendre aucun risque. Là, forcément, il devait se montrer plus prudent que jamais. Ce qui pouvait ralentir de manière significative ses projets.

- Disons qu'il a trouvé utile de me récompenser pour ce que j'ai apporté à Las Noches récemment. Entre les informations recueillies sur terre et la mort d'un des Capitaines du Gotei, il semble que je me sois distingué.

Ce qu'il gardait pour lui, c'est que Grimmjow ne devait pas être habitué à voir un Espada briller. L'incompétence de la plupart de ses membres devait l'avoir blasé à la longue et pour une fois qu'un fait rendait un peu d'honneur à son unité, il s'en félicitait. Enfin... S'adossant plus confortablement encore dans son fauteuil, il resta un instant silencieux, laissant à la Quinta le loisir d'intégrer ces nouvelles. Il doutait que ces maigres informations satisfassent sa curiosité mais elle allait devoir s'en contenter. Si elle souhaitait connaître le contenu de ce qu'il avait divulgué à la Panthère, elle allait devoir se renseigner auprès de lui directement.

- Je me pose la même question à ton sujet... Une parfaite inconnue capable d'intégrer directement l'élite, ce n'est pas courant. Il y a bien quelques rumeurs qui courent mais je ne suis pas homme à prêter l'oreille aux commérages. Je suppose que tu possèdes quelques talents qui ont intéressés Grimmjow.

…Crack…

Le bonbon venait de fendre en mille morceaux lorsque la mâchoire de Lili se crispa suite aux paroles acerbes de son interlocuteur. Elle qui avait tenté de le consommer dans une lenteur exemplaire, s’en délectait jusqu’à la dernière calorie, voilà qu’elle venait d’anéantir sa toute dernière sucette, dont les fragments disparaissaient déjà dans son gosier, n’y laissant qu’un goût insatisfaisant. Elle avala un juron au même moment, tandis qu’une veine à son front palpitait de façon incontrôlable, heureusement dissimulée par son toupet. Ses mains se crispèrent une fois encore, alors que l’intention de lui en foutre une, voire les deux, au visage, devenait à chacun de ses mots une envie irréfrénable. Une rapide droite, juste histoire de lui refaire le portrait. Vite fait, bien fait. Cette chaine de réaction était provoquée par nulle autre que le dialogue de son interlocuteur. Ce prétentieux personnage ne déployait aucun effort pour changer son caractère en compagnie d’autrui, ni même de tenter de l’altérer au profit de quelque chose de plus agréable. Il était devenu trop difficile pour la Quinta de conserver un quelconque respect, malgré les moult tentatives à retenir son impulsivité. Sa curiosité la poussa tout de même à répliquer par une question sur un ton légèrement irrité :

— Alors qui donc a le mérite d’être vu comme ton frère ou ta sœur, si, en tant qu’Espada, nous ne pouvons l’être à tes yeux?

Ainsi n’était-elle pas sa sœur d’armes. Elle n’allait pas verser une larme à cette conclusion. Ce n’était pas de constater qu’ils nourrissaient des opinions divergentes quant à l’unité d’élite de Grimmjow qui lui tirait une telle réaction, loin de là. Comprendre qu’elle n’était pas liée à lui d’une quelconque façon et qu’elle n’était qu’une simple Espada à ses yeux ne saurait l’affliger, au contraire, mais il s’agissait plutôt du ton sur lequel il l’avait corrigé. L’air hautain dont il s’était muni se répercutait sur chaque aspect du personnage; son physique, son environnement, ses paroles… Tout n’était qu’arrogance et supériorité illusoire. Illusoire, parce qu’elle demeurait la cinquième. Il avait beau sous-entendre que seules les personnalités autorisées pouvaient se prétendre comme ses frères, il n’était qu’un être anodin, inférieur à elle, autant en chiffre qu’en pouvoir. La pensée lui plut, aussi trouva-t-elle le moyen de se calmer pour retrouver tous ses moyens. Elle devait être en possession de tout son corps et de son esprit si elle voulait conserver un calme exemplaire, pour la santé de cet entretien. Il serait dommage que ces beaux quartiers y passent aussi…

Et elle eut bien fait de faire taire son arrogance, car les informations qui suivirent furent des éléments clés qui expliquaient la promotion récemment obtenue. Certes, les commérages lui avaient appris que des informations importantes avaient été collectées par nul autre que l’Espada, mais il semblait bien qu’elle ait manqué la partie la plus intéressante du récit. Il avait engendré la mort d’un Capitaine? Elle comprenait maintenant ce pourquoi il avait gravit les échelons à une telle rapidité. Mais sa montée s’arrêtait là, et aussi aura-t-il à lui passer sur le corps s’il voulait obtenir davantage, au risque de tomber au pied de l’échelle. Oui, voilà une des raisons pourquoi la Quinta était venue lui rendre visite. Elle voulait le prévenir que sa progression arrêtait là. Il n’aura rien de plus que le chiffre de six, tant et aussi longtemps qu’elle sera cinq. C’était une certitude à ses yeux; le voir la dépasser ne constituait même pas une option dans son esprit… Il était juste impossible que cet Empereur atteigne le plus haut du podium; ce Fraccìon, cette chose prétentieuse… ce microbe.

— Je vois qu’on n’a pas chômé. Je comprends maintenant les motifs du Rey, et je partage son point de vue. Tu méritais ces promotions. Dommage que je te précède dans les rangs; tu aurais sûrement pu gagner davantage avec ces actions, mais ta progression a une fin, et c’est ici, sur ce chiffre six. Du moins, tant et aussi longtemps que je bloquerai ton ascension.

Un sérieux qui ne lui était pas familier figeait ses traits dans une expression impassible, tandis qu’elle mâchouillait le bâton auquel s’accrochait le bonbon quelques minutes auparavant. Son regard lançait au même instant un avertissement sévère. Sa jambe se croisa, tandis que ses mains reposaient calmement sur les accoudoirs, dans l’espoir qu’il comprenne cette menace dissimulée par la politesse de son dialogue. Et si elle débordait visiblement de confiance lorsqu’elle prononça ces derniers mots, et que la défaite à cette course aux numéros ne lui était pas envisageable, une crampe vint nouer son estomac, comme une crainte qui venait s’insinuer dans les sombres recoins de son esprit, écrasé par son assurance, mais assez forte toutefois pour se faire sentir… Une crampe dont elle ne comprit pas la raison d’être; et qu’elle ignora sans trop se prendre la tête.

— Talents? Bien sûr, être talentueux est une qualité requise pour entrer dans l’élite! Disons que Grimmjow a suivi mes progrès. À la sueur de mon front, j’ai visé le sommet et je l’ai atteint. C’est tout.

Elle marqua une pause. Elle ne lui avait pas donné son nom, se fiant plutôt sur le fait qu’il devait le savoir. Pourquoi alors commencerait-elle à vanter ses compétences, alors que ce personnage-ci se présentait davantage en ennemi qu’en allié? Elle avait donc préféré être brève sur ce sujet, peu intéressée à mettre cartes sur table avec ce personnage. Il faudrait trouver mieux pour lui tirer les vers du nez. Puisqu’à la base, elle était venue ici pour faire sa connaissance, pourquoi ne pas s’informer en plus du reste de l’élite, dont elle ne connaissait que très vaguement? Il était ici depuis plus longtemps qu’elle, aussi devait-il détenir quelques informations intéressantes quant aux autres Espada. Elle avait fait la rencontre du Primera, à son plus grand malheur, mais il demeurait qu’elle ne savait absolument rien de la Tercera. Dans une intention pour une fois saine, elle aborda le sujet :

— D’ailleurs, je n’ai pas eu le loisir de rencontrer tous les Espada. Je sais que nous sommes peu, mais à défaut de ne pas m’être entretenu avec chacun d’entre eux, peut-être pourrais-je au moins connaitre les bases…? Tu dois bien les connaitre, toi. Tu es ici bien plus longtemps que moi.

Elle ne comprenait pas ses termes, ou tout simplement estimait-elle que son statut lui permettait d’obtenir une réponse plus franche que ce qu’elle avait déjà entendu. Malheureusement, elle allait devoir apprendre qu’avec Borick, agir de la sorte ne résolvait rien. Bien au contraire. L’Empereur se considérait comme un être bien supérieur aux autres Arrancar dans l’ensemble, ainsi il ne partageait ce qu’il savait ou ses états d’âme qu’à ceux qu’il estimait un minimum. Cette femme était nouvelle et ne connaissait donc certainement pas celui qui se dressait face à elle. Et ses agissements ne servaient en rien ses intérêts. Pis encore, elle était tout simplement en train de faire de cet homme un ennemi, une erreur qui lui causerait du tort le moment venu.

En tout cas, il était simplement hors de question pour lui de répondre à sa première demande. Ce pourquoi il n’y prêtait déjà plus aucune attention, se focalisant plutôt sur la suite de la discussion qui, malgré la menace sous jacente, accentua plus encore son sourire. Pour appartenir à l’Espada, il fallait posséder une puissance hors du commun. Ou une intelligence développée. Visiblement, elle appartenait à la première catégorie. Les menaces de ce genre étaient courantes au sein de Las Noches. Et Borick, en sa qualité d’ancien Fraccion, en avait eu tout son saoul. Ainsi, ce n’était certainement pas la Quinta qui ferait trembler un Empereur. Reprenant son calme, il se pencha légèrement en avant, croisant ses mains sur ses genoux, l’air pensif.

- Hum… Je comprends. Alors je n’aurai qu’à me débarrasser de toi, tout simplement.

Contrairement aux propos de la jeune femme, qui n’étaient que des menaces couvertes et contenues, Borick énonçait un fait. Quelque chose de tellement logique pour lui qu’il ne pouvait l’exprimer autrement. Ces simples mots suffisaient à faire comprendre qui il était réellement, ce qu’il pouvait devenir également. Si la Quinta pensait être un frein dans l’ascension inéluctable de l’Empereur, elle comprendrait bien assez tôt la sottise qui était la sienne. Au moins avait-elle le mérite de se montrer franche avec lui, ce qui était une rareté absolue. Comprenait-elle que devenir Sexta était en réalité une demande de sa part ? Etant donné son niveau, il savait qu’il aurait pu prétendre à une place bien plus confortable, parmi le trio de tête. Mais alors quelle chance aurait-il eu de pouvoir mener à bien le projet « S », comme il aimait à l’appeler ? Jamais Grimmjow n’accepterait que ses trois meilleurs éléments quittent Las Noches en même temps pour un projet obscur. Il en était tout autre d’une mission dite « officielle » et dans laquelle se trouvait un Espada « lambda ». Ainsi, chaque chose était à la place qui arrangeait le plus Borick. Et il ne pouvait en être autrement pour le moment. L’assurance de la jeune Arrancar l’arrangeait. Car cela rendait ses jugements moins clairs. Il n’en fallait pas plus au blondinet pour prendre la discussion à son avantage. Elle parlait bien. Mais pas assez pour mettre El Emperador en porte-à-faux.

- Mais nous n’y sommes pas encore, alors inutile de maintenir cette pression inutilement. Je préfère t’avertir toutefois… Ne me menace plus jamais au sein de ma demeure. Je suis très porté sur les règles de bienséances et ton attitude est une insulte à mon hospitalité.

Cette fois, plus aucune trace de sourire. Comme il le disait, la politesse était une chose qui primait chez lui. La présence d’El Emperador se fit sentir avec plus d’intensité que précédemment, preuve qu’il n’appréciait en rien ce comportement. L’attitude de la Quinta n’était ainsi pas tolérable et il était préférable qu’elle apprenne à se tenir en sa présence. Cette demeure n’était rien aux yeux de Borick. Elle restait toutefois sa propriété et en tant que telle, ses invités se devaient de le respecter lorsqu’ils franchissaient le seuil de sa porte. S’adossant de nouveau dans son fauteuil, il se détendit…

- Je connais en effet la plupart des autres Espada. Pour la plupart, ils ne sont pas aussi amicaux que moi pour dire vrai. Dark vient d’obtenir le rang de Primeira mais est un homme qui s’emporte facilement. Ses colères sont aussi réputées que dangereuses pour ceux qui en sont les victimes et il n’a que peu de respect pour la vie d’autrui. Un conseil, tout Quinta que tu sois, ne t’en fais pas un ennemi. La Tercera, elle, est une prédatrice. Les autres évitent son contact tant elle peut être imprévisible. Son accession à cette place s’est d’ailleurs effectuée dans le sang. Elle est l’unique responsable de la mort de l’ancienne Tercera, Hallibel, qui n’a d’ailleurs pas tenu bien longtemps face à la férocité de son adversaire. En dehors de son instinct de chasseuse, elle reste une personne parfaitement charmante. Si l’on met de côté ses pulsions animales. Là se trouvent les deux Espada les plus intéressants. Les autres ne m’intéressent pas et je ne perdrais donc pas mon temps à te les décrire. Mais je suppose que tu as déjà entendu parler d’eux, n’est-ce pas ?

Spoiler:

La courte pensée ne sut trouver chemin jusqu’à l’oreille de Borick, mais elle se répéta en boucle jusqu’à ce qu’il eut terminé ses remontrances portées principalement sur la bienséance, sans omettre la fameuse menace de mort. À en croire le peu d’expérience qu’elle avait accumulé depuis son arrivée à Las Noches, le parler des Espadas se résumait à des mises en garde et des provocations arrogantes dont elle était lasse d’entendre. À commencer par le roi de l’intimidation, Dark Ezeckiel. Si elle avait bien calculé durant sa précédente rencontre, il avait frôlé le chiffre dix en termes de menaces de mort, à croire qu’il s’agissait de son unique méthode pour faire frissonner une femme. Le pauvre… Certes, elle attestait que Borick était de plein droit de lui répondre sur ce ton, puisqu’il ne faisait que contester la certitude de Lili, mais tous ses efforts étaient vains. Elle n’avait partagé qu’une indubitable vérité; il avait commencé Fraccìon et avait réussi à grimper l’échelle, tandis que son départ à elle était sur le cinq, et qu’elle n’était pas à la fin de ses prouesses. Au final, l’avertissement qu’il avait évoqué sérieusement n’avait guère plus de valeurs que les milliers d’insultes et de mises en garde qui avaient plu sur elle depuis son accession à ce poste. Qu’importe, son indifférence autant que son mutisme prouvaient qu’elle n’était pas atteinte par toutes ces attaques verbales.

En fait, ce qui l’agaçait réellement était l’attitude globale de son interlocuteur. Elle était habituée à être étouffée par l’ego des Arrancars, mais jamais elle n’avait cru être écrasée par un narcissisme poussé à l’extrême. L’amour-propre avait atteint des degrés insupportables, au point qu’il captait toute l’attention de la Quinta. Il s’agissait peut-être de l’une de ses principales raisons à faire fi de son précédent dialogue; elle était fixée sur le caractère hautain qu’il affichait, concentrée à maitriser ses pulsions meurtrières qui devenaient difficiles à dissimuler. Le rappel de sa politique extrémiste basée sur le respect lui arrachait à chaque fois un tic qui, en l’absence de tout effort, aurait bien pu trahir son inconfort dans cette discussion. Comme elle s’en balançait de la tenue et de toutes ces choses futiles qui n’étaient propres qu’à ces riches nobles! S’il voulait défendre avec autant d’énergie le respect et la convenance, il s’était trompé de milieu : la Soul Society avait bien plus de temps à perdre sur ces inutilités! Ici, il n’était question que de la loi de la jungle, comme le lui avait appris le Primera. Les concepts de propriété, de politesse et de respect d’autrui, elle les laissait aux humains. L’instinct de tuerie dont possédait la majeure partie de l’Espada venant éradiquer toute espérance à un code de conduite convenable pour « El Emperador ».

Toutefois, malgré tout le mépris cumulé dans les sombres recoins de son esprit, elle dut admettre qu’il avait une tolérance appréciable lorsqu’elle entendit la réponse à sa question. Elle qui n’avait que faire des règles de tenue et lui crachait de viles paroles, elle s’attendait à ce qu’il ignore sa curiosité et saute à autre chose, limite qu’il laisse aller sa botte pour la sortir vite fait bien fait de ses appartements. Pour la peine, elle mit sa rancune de côté pour tendre une oreille attentive… Les informations étaient brèves, mais elles n’étaient pas pour autant inutiles. Si elle avait bien connu Dark lors de sa fortuite visite, elle n’avait pas eu la chance de croiser la Tercera. Aussi son désir d’y faire sa rencontre s’estompa lorsque Borick eut terminé de dresser son bref portrait. Un animal en liberté; voilà la seule image qui lui vint en tête. Incapable de dialoguer, seulement assoiffée à l’idée de faire saigner quiconque s’en approche. Elle n’avait pas trop envie de se frotter à un « prédateur »… Ainsi, le Sexta avait pris la peine de soulever le nom de deux seuls Espadas, les autres n’étant pas intéressants à ses yeux. Elle doutait que les critères pour avoir un tant soit peu de valeurs aux yeux de ce vaniteux personnage devaient être très élevés. S’amusant à mordiller le bâtonnet sur lequel était fiché le bonbon quelques instants plus tôt, elle ne se retint pas dans ses critiques :

— Dark? Dangereux? Ha! Ha! Ha! Tu dois rigoler! À part qu’il faut planquer les meubles avant sa venue, je vois pas pourquoi il est tant menaçant. Il ne sait que parler pour effrayer. Dur de l’extérieur, probablement mou dans ses culottes. Voilà tout! Il m’a menacé… Mmh. Il m’a menacé une dizaine de fois durant sa petite visite de « courtoisie » et regarde, je suis intacte! Tu vas me dire que tu as du respect pour cet homme, alors que tu ne le connais qu'à partir de rumeurs non-fondées? Il est aussi intéressant qu’un singe dans un cirque, voilà tout.

Un rire moqueur s’échappa de ses lèvres, venant accentuer toute la violence gratuite dont elle venait de faire preuve. Elle n’avait pas lésiné sur les mots. Et bien qu’elle aime le fait d’insulter aussi gratuitement une personne qui n’était pas là pour se défendre, il demeurait qu’elle mentait sur ses opinions. Certes, elle trouvait charmant l’attitude de mauvais garçon que Dark empruntait et il avait bien raison de le faire, car elle avait dû faire moult efforts pour le convaincre de ne pas la blesser. Elle reconnaissait entièrement son potentiel, et elle ne pouvait qu’avouer qu’il avait sa place à la droite du Rey; le chiffre un lui seyant à merveille. Elle n’avait que de l’admiration pour cet Espada, mais elle le dissimulait parfaitement, notamment car elle trouvait ce sentiment quelque peu inapproprié vu les circonstances. Qu’importe, il n’était pas là. Ainsi pouvait-elle parler en mal de lui sans risquer sa peau…

— Ce que tu me dis sur la Tercera est par contre très intéressant. En fait, mis à part le Primera et toi, je n’ai pas eu la chance de croiser nos fr… pairs. Bref, à part quelques rumeurs qui parcourent les couloirs sur le caractère de quelques numéros, je ne sais rien. Je suis ici que depuis quelques semaines. J’ai toutefois bien l’intention d’aller rendre une petite visite de courtoisie chez les autres, sans oublier que bon nombre de sièges n’ont pas encore su trouver digne héritier…

Borick ne sous-estimait aucunement la femme qui se dressait face à lui. Il avait toutefois une avance considérable sur elle quant à la manière de se comporter en public. Si la jeune femme pouvait se targuer d’avoir du répondant et une certaine présence, le blondinet se considérait comme largement supérieur à elle dans ces deux domaines. Etait-elle plus puissante que lui ? Cela ne l’aurait guère étonné. Mais il savait mieux que quiconque que ses relations et sa personnalité en faisaient l’un des Arrancars les plus dangereux de Las Noches. Il n’avait besoin de rien d’autre que cette certitude pour se sentir supérieur aux autres. Un caractère qui avait tendance à agacer les autres, il le savait, mais un Empereur devait-il se soucier de l’avis du commun des mortels ? Assurément pas.

La remarque sur Dark le fit sourire. Décidément elle ne connaissait rien à rien, ça en devenait risible. Comment pouvait-on devenir la Quinta sans savoir un minimum de chose sur les autres ? Voilà une faute stratégique impensable pour lui. De tous ceux qui peuplaient le Hueco Mundo, il était très certainement celui qui connaissait le mieux l’ancien Quincy. Borick l’avait en quelque sorte sauvé et les deux hommes étaient plus proches que jamais. Ce n’était d’ailleurs pas sans raison si Ezeckiel était l’un des rares à connaître l’intégralité des plans de l’Empereur. Une confiance particulière qui était certes dangereuses mais qui permettait au Sexta d’avoir un soutien de poids.

- Je ne me fis jamais aux rumeurs, il me semble te l’avoir déjà indiqué, non ? Peut-être devrais-tu consigner par écrit ce que je te dis si la mémoire te fait défaut.

S'il y a bien une chose qu'il détestait, c'était de se répéter. Dès le départ, il avait fait mention de son aversion pour les bruits de couloir, des ragots tout juste bons à contenter les faibles d'esprits. La proposition de noter ce qu'il disait était ainsi parfaitement justifiée par les propos de la jeune femme. Quoi que… Ces Espada savaient-ils écrire ? Pour la plupart, seul le combat et la puissance primaient. Il ne serait pas étonnant alors qu’ils soient illettrés. Encore et toujours cette façon d’aborder les choses. Mais en sa demeure, Borick était roi. Et la jeune femme avait au moins eu le mérite de soulever un point important. Il existait de nombreuses places vacantes et cela n’aidait en rien les affaires de Grimmjow. Une armée éparpillée, voilà ce qu’il possédait réellement. Et si les membres déjà présents étaient puissants, El Emperador ne se voilait pas la face quant au résultat probable d’une guerre future. Ils seraient balayés si les forces ennemies étaient plus nombreuses.

- Ta remarque est toutefois très juste. Nous manquons de gens de valeurs et cela se ressent dans nos rangs. Je crains que nous ne puissions faire le poids si un groupe aussi organisé que les Sternritters rappliquait de nouveau par ici. C’est pour cela que je suis heureux de voir une nouvelle Espada dans nos rangs. Et c’est sans doute cela qui justifie que notre très cher Roi ait pensé à moi pour gravir les échelons à cette vitesse. Sexta Espada… Un titre que la Panthère connait très bien d’ailleurs.

Il faisait évidemment allusion à l’ancienne place du Roi alors qu’il était sous les ordres de Aizen. Une petite pique anodine envers la Quinta qui lui avait gentiment fait remarquer qu’il n’évoluerait jamais plus tant qu’elle serait dans les parages. A en croire la propre évolution de son prédécesseur, il n’avait pas à craindre pour son avenir, n’est-ce pas ?

- Je souhaite très sincèrement que nos rangs se fortifient à l’avenir. Je reste persuadé que le Yermo renferme de nombreuses âmes volontaires et suffisamment robustes pour s’associer aux désirs du Roi.

Pour la pluaprt, ils n'étaient que de la chaire à canon, tout juste bon à être sacrifiés comme les pions qu'ils étaient. Borick lui-même ne s'en était jamais privé, utilisant alors la plupart de ses congénères pour agir à sa place.

Ce qui était bien avec Lili, c’était qu’elle dissimulait efficacement bien son jeu, pour le peu qu’elle avait à cacher. C’est qu’on ne pouvait deviner que derrière son air puéril se trouvait les traces d’une aptitude plus développée qu’on l’imaginait à raisonner. En dépit des nombreuses paroles abjectes qu’elle ne cessait de répandre dans des dialogues à la base respectueux, elle s’était vantée à plusieurs reprises que sa langue était son meilleur atout, du moins, personne n’avait contredit ses prétentions. Si bien qu’on crut réellement à sa haine pour Dark Ezeckiel, qu’elle n’avait cessé d’insulter sans vergogne, alors qu’en son cœur, elle lui vouait une honnête admiration. La raison d’un tel mensonge était simple : elle souhaitait tirer quelques vers du nez de Borrick, largement insatisfaite depuis qu’il avait ignoré son commentaire quant à ses prétendus frères ou sœurs. En toute logique, il n’avait mentionné que le Primera et la Tercera. À moins qu’il s’était lié d’amitié avec des microbes du Hueco Mundo, ce qui serait peu honorable pour un Empereur comme il se prétend être, il devait forcément dissimuler un lien quelconque avec l’un ou l’autre. N’ayant pu connaitre la Tercera, elle avait tenté le coup avec Dark, dans l’espoir qu’il prenne sa défense. Résultat : elle était profondément vexée par sa réplique.

Mais bonne comme elle était, elle n’en tint pas rigueur. Elle finirait bien par percer les mystères de ce personnage, s’il en avait. Au moins pourrait-elle questionner les autres Espada sur ce qu’ils connaissaient du Sexta, car non seulement elle était curieuse d’en apprendre davantage, mais aussi se méfiait-elle de son comportement un peu trop hautain à son goût. Son petit doigt lui indiquait clairement que se frotter à cet individu n’allait rien lui apporter de bon; et ce dont elle était persuadée, c’était que son petit doigt ne mentait jamais. Néanmoins, malgré le fait qu’elle le détestait de tout son cœur, elle ne regrettait pas sa visite. Il était un poil trop civilisé à son goût pour faire partie du tableau, il l’écrasait avec son ego démesuré et ses paroles n’avaient de cesse de l’agacer, sans compter qu’il les exprimait toujours avec une certaine classe. Ça l’a rendait encore plus irritable. Mais tout compte fait, il avait su lui fournir quelques informations indispensables à sa familiarisation avec son nouvel environnement. De plus, cette petite visite lui avait permis de dresser un portrait général de ce personnage que nul autre n’aurait pu peindre avec exactitude, car ils auraient probablement tous atténué ses gros défauts.

Elle aurait toujours eu un bonbon accroché au bâtonnet qu’elle conservait que celui-ci aurait une fois de plus été fragmenté par le claquement sec de ses dents. Il avait réussi une fois encore à la piquer d’une façon toujours aussi subtile. Voilà que la veine à son front faisait de nouveau son apparition. Elle la sentait palpiter sous ses cheveux au rythme des battements de son cœur. Il avait un don pour énerver les gens, elle ne pouvait qu’avouer. Il était d’ailleurs temps pour elle de partir, avant que ces appartements ne deviennent leur champ de bataille. Elle aura sa vengeance un jour ou l’autre, pour l’instant, ses objectifs avaient été remplis : elle connaissait globalement le Sexta et l’avait prévenu de son impossibilité à gravir plus d’échelons. Le message ne pouvait être plus clair.

— Mouais bon. Va falloir faire avec ce qu’on a, pour l’instant. Je préfère qu’on soit peu et compétent, que faire partie d'un groupe de neuf incapables. Bref, c’est pas que je m’ennuie ici, mais j’ai quelques chats à fouetter. Donc blablabla, merci de m’avoir accueilli, blablabla, c’était plaisant. On risque de se recroiser, donc ce ne sont pas des adieux, tout de même.

Un léger sourire en coin tandis qu’elle se levait, puis, après un vague signe de main en guise d'au revoir, se dirigea vers la sortie. La Quinta ne pouvait être plus heureuse de quitter l’endroit. Aussi pensa-t-elle à y laisser un cadeau de remerciement avant de quitter les lieux. Dans un geste qui ne cherchait aucunement la subtilité, elle extirpa le bâtonnet de sa bouche, s'assurant par le fait même qu'il était suffisamment baveux, puis le laissa tomber à ses pieds, sur le sol propre des appartements de son hôte. Voilà ce qu’elle en faisait de ses règles de tenue et de respect. Sans même un regard par-dessus son épaule, elle disparut.