Las Noches, Hueco Mundo… Des noms et des paysages qui n’étaient que peu familiers à l’Arrancar, qui ne s’était jamais intéressé à autre chose qu’à la recherche d’informations sur son amnésie, et donc aussi sur celle d’Ora, sa sœur. Cette curiosité, ou tout simplement cette quête, qui l’avait mené à rencontrer Musaboru, contre qui il avait été grandement défait. Mais ses rêves lui avaient fait comprendre, ou ramené le souvenir que ce dernier lui avait laissé la vie. Et c’était pourquoi, aujourd’hui, il était venu à Las Noches.

Bien entendu, pour faciliter ses recherches et ce qu’il avait prévu, il n’avait pas eu d’autre choix que de rejoindre l’armée du Rey. Ce n’était pas quelque-chose qui le dérangeait au final. Peut-être qu’il l’aurait fait sans avoir traversé cet épisode avec Musaboru. Mais dans tous les cas, il était là, et il avait des choses à faire. Retrouver celui qui lui avait laissé la vie. Apparemment, certains disaient qu’il était Segunda Espada.

Des termes complexes, d’autres plus simples, mais qui valurent tous l’envie à Rei d’aller dans cette vieille bibliothèque aux murs blancs et poussiéreux. On lui avait parlé de cet endroit lors du premier jour de sa venue dans l’armée du Roi. Il y en avait d’autres, mais les vieux livres sont souvent les plus intéressants. Pour cause, le Zéro apprit des choses intrigantes. Et rapidement, nombre de noms et de grades lui devinrent plus familiers.

Musaboru était donc Segunda Espada, et de ce fait, il vivait forcément dans une tour. Il avait cru en voir une de loin, la veille. Il savait donc où chercher. Cependant, il préféra rester debout et continua de lire l’ouvrage qu’il avait dans ses mains. Il n’était pas réellement pressé, ni même réellement sûr de ce qu’il s’apprêtait à faire concernant Musaboru.

Il resta donc là, s’instruisant, alors que quelqu’un rentra. L’Arrancar détourna son regard des vieilles pages, et plongea ce dernier dans les pupilles d’un homme qu’il ne connaissait pas. Mais il eut l’étrange impression que ce dernier ne devrait pas lui être inconnu…

Borick détaillait l'Arrancar alors que ce dernier se tournait enfin vers lui. Il ne l'avait visiblement pas senti arriver avant, sans doute trop concentré par la lecture de cet ouvrage. Un Arrancar qui prenait le temps de lire était une chose aussi rare qu’intrigante. El Emperador n'en connaissait que très peu qui étaient susceptibles de déchiffrer les différentes écritures et il ne pouvait qu'être perplexe devant cet inconnu. A moins qu'il ne sache pas ce qu'il tenait entre les mains ? Il n'y croyait pas. De ce qu'il en déduisait, cette créature avait parfaitement saisie les mots et avait seulement prit le temps de poursuivre sa lecture. Voilà qui était intéressant. Les récentes arrivées à Las Noches changeaient radicalement des premières vagues, sans le moindre doute. Et pour l'homme qui était ici depuis le début du règne de Grimmjow, il était facile de faire un comparatif avec les précédents soldats.

Malheureusement pour l'inconnu, la présence de Borick en ce lieu n'était pas anodine. Ni une erreur. Veiller à ce que rien de fâcheux ne se produise à Las Noches était de son ressort. Pas étonnant alors qu'il ait été informé par son unité qu'un inconnu vagabondait en ce lieu. L'Exequias était imprévisible. Et invisible pour qui ne savait pas observer. Et ce n'était pas sans raison que le blondinet se considérait comme l’homme le mieux informé de la Citadelle.

Maintenant qu'il avait l'intérêt de l'Arrancar, il allait pouvoir éclaircir les choses. Mains dans les poches, dégageant une aura apaisante, presque amicale, il se rapprocha de lui, tout sourire. Afin de ne pas l'effrayer - et essayant ainsi d'éviter un débordement défensif absurde - il s'arrêta à quelques pas de lui, inclinant légèrement la tête dans sa direction avant de remettre en place une des mèches blondes rebelles qui s'étaient placés devant son visage, veillant surtout à ne pas laisser apparaître la partie de son masque d'Arrancar se trouvant caché par cette cascade blonde.

- Oh, pardonne mon intrusion, je ne voulais pas te déranger. Seulement je m'interrogeais sur les raisons qui poussaient un parfait inconnu à venir dans cette salle. Il est rare de voir un Arrancar ici, vois-tu, et ma curiosité a eu raison de moi. Permets-moi de me présenter. Je suis Borick "El Emperador", Maître de l'Exequias.

Le sourire adressé était sincère. Et en se présentant de la sorte, il attendait un juste retour des choses. Très à cheval sur les conventions de ce genre, il ne laissait jamais passer une occasion de donner des leçons à ceux qui se jugeaient au-dessus de la politesse la plus élémentaire. Sans doute un reste de son humanité. Même s'il aimait à dire qu'il était devenu comme ça en s'apercevant de la stupidité des autres Arrancars. Une manière de rehausser le niveau, en quelque sorte.

Un homme qui paraissait jeune, et beau. Non pas physiquement, car Rei n’était tout simplement pas du genre à penser à propos de la beauté du sexe masculin, mais dans un autre ressort. Sa beauté était plus liée à sa prestance. Ce sentiment qu’il devrait le connaître. Ce sentiment, donc, que celui qu’il avait en face de lui était loin d’être n’importe-qui. Est-ce que l’Arrancar était en train de se tromper ? Peut-être, mais au fond, ce n’était pas bien important. Il était arrivé ici le premier, et il était quasiment sûr d’en avoir le droit. Il n’avait donc pas de « premier pas » à faire. Il fallait attendre…

Peu. Car l’inconnu se présenta immédiatement. Une politesse qui sembla contraster avec l’effet que Rei avait ressenti. Réflexion faite, la droiture et la politesse étaient deux marques de puissance, d’un certain point de vue. Si la force se permet d’oublier les bonnes manières, alors c’est la force d’esprit que l’on perd. L’Arrancar ferma les yeux, comme pour essayer de ne pas réfléchir plus à ça. Sa seule philosophie était d’en savoir plus sur l’armée qu’il avait rejointe et sur Musaboru.

Quoique maintenant, il avait plutôt intérêt à porter son intérêt sur Borick. Un nom qui ne lui dit que vaguement quelque-chose. Cependant, sans se rappeler immédiatement de ce que l’Exequias était, il sut que c’était un titre important. De la même hauteur que l’Espada. Il se courba, et salua celui qui avait fait son entrée calmement.

─ Vous ne me dérangez pas. Je suis Rei, ou plutôt appelez-moi Zéro pour ne faire aucune comparaison avec notre Rey. Je suis un nouveau Números.

Sur quoi il se souvint alors de ce qu’il avait justement lu dans le livre qu’il tenait dans ses mains. L’Exequias… Ceci expliquait donc cela.

─ Et rassurez-vous, je comprends très bien le fait que vous me surveilliez, Maître de l’Exequias.

Sur quoi il reporta son regard sur son livre pendant un instant. Puis il regarda son interlocuteur à nouveau, tout en posant son ouvrage sur la vieille table à côté de lui.

─ Il est peut-être rare pour les Arrancars de savoir lire. C’est probablement quelque-chose qu’il me reste de mon ancienne vie. Mais en tout cas, ça me permet d’apprendre beaucoup de choses, comme l’importance de votre rôle, ou simplement la constitution de notre armée, que je viens de rejoindre.

Il s’arrêta là. Il en avait probablement assez dit. Aucun manque de politesse apparent, aucune parole déplacée. Borick était quelqu’un d’important, et donc de fort, mais il semblait aussi être vif d’esprit. Se pouvait-il qu’il eut une autre raison de venir ici ?

Ainsi, ce sera Zero. La remarque fit sourire Borick qui ne voyait là qu'un joli trait d'humour. Mais plutôt que de partager la plaisanterie avec cet homme, il se contenta de l'écouter et de comprendre ce qui l'avait poussé à se rendre ici. Un Numeros n'avait par principe pas vocation à s'instruire. Non pas que l'Empereur puisse dénigrer cette caste de guerriers mais plutôt que jusque-là, il n'avait jamais véritablement rencontré de soldats susceptibles de faire autre chose que cogner. Une rencontre aussi agréable que surprenante et il n'allait certainement pas abréger cette discussion. Pas sans en apprendre un peu plus sur celui qui portait un nom si peu courant. D'autant que la politesse qui avait été sienne était une marque qu'appréciait Borick. Et si la rareté de ce genre d'intervention le peinait, ce n'était évidemment pas sans raison. A ses yeux, la civilité et la politesse étaient justement des distinctions importantes, ce qui permettait de séparer les simples Hollows des Arrancars.

Savoir ce que représentaient l'Exequias et son travail n'était en rien une exception. Quiconque appartenant à l'armée de Grimmjow se devait de savoir cela. Il existait deux unités à Las Noches : l'Espada et l'Exequias. Et si la première se trouvait sur le devant de la scène, accaparant l'attention de leurs ennemis, la seconde se mouvait en silence, dans l'ombre des premiers. Ce qui leur laissait une marge de manœuvre plus restreinte, certes, mais leur permettait aussi d'agir sans avoir à se référer en permanence au Roi. L'unité n'obéissait finalement qu'à lui et à lui seul. Et il avait été très clair avec eux quant aux ordres que les Espada pourraient leur donner. Rien ne se faisait sans son consentement. Sauf ordre express du Roi, bien entendu.

Jetant un regard discret vers l'ouvrage qu'il avait déposé, le blondinet reporta presque aussitôt son attention sur l'Arrancar cultivé. Connaitre l'histoire de Las Noches ou du Hueco Mundo dans son ensemble était une chose importante. Mais d'expérience, il savait que cet homme ne trouverait au final que de bien maigres informations à ce sujet. Certains des auteurs de ces ouvrages ne comprenant pas la subtilité de certaines unités. Ou plus généralement, de l'histoire de ce monde. Qui s'y intéressait réellement ? Borick lui-même devait admettre ne pas y porter plus d'intérêt que cela, ayant déjà jeté son dévolu sur un tout autre monde, nettement plus intéressant à ses yeux.

- Je comprends. Se cultiver est une marque d'intelligence que je ne peux qu'apprécier. Toutefois, je doute que tu puisses trouver ton bonheur dans ces ouvrages. Si certains sont anciens, ils n'en restent pas moins emplis d'erreurs. Rares sont ceux à savoir lire. Encore plus ceux à savoir écrire. En dehors de quelques érudits, nous n'avons jamais été reconnus pour ce talent. Et ces érudits étaient pour la plupart des scientifiques... Autant dire que les notes sur leurs travaux sont plus nombreuses que celles concernant ce monde. Mais si tu as trouvé ton bonheur, tant mieux. Je n'ai jamais eu cette chance, pour dire vrai.

Pour sa part, c'étaient ses expéditions dans ce monde et dans le monde réel qui l'avaient formés et instruits. Il était un homme qui s'intéressait plus aux autres personnes qu'à l'histoire en elle-même. Pour tout dire, il appréciait surtout l'aspect psychologique qui se cachait derrière ce genre de discussion. Une analyse permanente, lui qui cherchait en fait à obtenir le plus d'informations possibles sur ceux qui gravitaient autour de lui. Rei ne serait pas le premier à être ainsi décrypté. Et certainement pas le dernier.

- Prends garde toutefois à ne pas attirer l'attention de certains autres Arrancars qui verraient là une preuve de faiblesse évidente. La culture n'est pas une chose encouragée par l'Espada, ces derniers n'étant pas vraiment sélectionnés pour leur compétence intellectuelle. Encore que, ça semble évoluer depuis peu.

Les nouveaux venus n'étaient pas si incompétents que cela, c'était clair. Et ce changement était évidemment apprécié par l'Exequias. Car le challenge était enfin à la hauteur de ses talents.