Real se tenait là, près de l’embarcadère, observant le navire qui s'approchait lentement mais sûrement, manœuvrant pour pénétrer au cœur même du port de Karakura . A son bord, un membre de son organisation envoyé tout spécialement pour lui apporter son aide. La missive l'informant de cette décision ne lui était arrivée qu'il y a trois jours de cela. Et c'était avec une certaine surprise qu'elle avait pris connaissance de la nouvelle. Elle avait toutefois rapidement digérée l'information, sachant que la taille de la ville ne lui permettait pas d'agir seule. Et elle préférait que le Conseil lui adjoigne un partenaire plutôt que d'être obligé de se fier à de parfaits inconnus, susceptible de la trahir n'importe quand. Au moins leur mission serait conjointe, ce qui était effectivement un point positif.

Pour autant, elle ne se fiait pas encore totalement à cette décision. Elle connaissait suffisamment le Conseil des Fullbringers pour savoir qu'ils déplaçaient leurs pions toujours à bon escient. Si cet individu avait eu ordre de venir ici, c'est aussi parce qu'il avait sa propre mission, elle ne pouvait pas en douter. Mais en bon soldat qu'elle était, la brune ne pouvait remettre en cause cet ordre. Elle avait été sauvée par ce Conseil et mourrait donc pour lui. Il ne pouvait en être autrement. Karakura était un pôle important pour son employeur et tout devait être mis à disposition pour parvenir au résultat escompté.

De ce qu'elle savait, le soldat en question était une jeune femme répondant au nom de Luciela. Un nom qu'elle connaissait bien qu'elle ne puisse en dire réellement autant du personnage. L'Organisation avait toujours été extrêmement discrètes quant à ses membres et si certains se croisaient, les missions étaient généralement courtes et ne permettaient pas de faire plus ample connaissance. Pour le coup toutefois, la donne serait différente. Il s'agissait d'une mission sur la durée. Ils allaient devoir échangés. Il ne pouvait en être autrement. Son oreillette s'activa, la sortant de sa torpeur.

- Mademoiselle Mayer, le véhicule est prêt. Je vous attendrais à la sortie Ouest, parking B3.

Il était temps d'aller accueillir la jeune femme. Elle se retrouva rapidement sur le quai, observant les passagers tandis qu'ils quittaient le bateau. Il y avait du monde ici. Entre ceux qui s'apprêtaient à partir et ceux qui attendaient des passagers, ça faisait un sacré embouteillage. Mais son regard s'arrêta enfin sur celle qu'elle recherchait. Luciela. Une beauté, sans commune mesure avec le commun des mortels. Un sourire apparu sur le visage de Real. La voir chassait toutes les pensées de la brunette. Elle se rapprocha d'elle. Elle ne pouvait avoir aucun doute : elle dégageait une énergie plus terrible que les autres simples mortels autour d'elle. Et elle avait elle aussi ce petit quelque chose dans son regard. Ce que recherchait le Conseil. De véritables tueuses.

- Luciela... Je suis Real. On nous attend. Nous discuterons dans la voiture.

Leur beauté n'échappait pas aux regards des hommes dans les alentours. Il serait difficile de parler réellement tant que ces oreilles traîneraient.

Luciela n'était pas le genre à faire attention aux autres agents. Elle en avait déjà croisés plus d'un, parfois effectuant même des missions avec, mais elle les oubliait aussi vite. Non pas qu'ils n'en valaient pas la peine, simplement qu'elle ne s'y intéressait. Et Real n'échappait évidemment pas à cette règle. La jeune fille avait déjà aperçu cette tueuse, mais sans s'y intéresser plus, sans s'être retrouvée en mission avec elle. En vérité, c'était à peine si son apparence l'avait marquée et elle n'eut confirmation que quand celle-ci vint lui parler.
Pourtant, il lui sembla évident qu'elle seule, dans la masse de personnes circulant dans le port, pouvait être son contact. Il y avait quelque chose de différent chez elle. Et ce n'était pas la marque spirituelle présente chez tous les Fullbringer, Luciela étant loin d'être une experte lorsqu'il s'agissait de lire ce genre de détail.

Ecoutant son aînée, elle se contenta de sourire en observant autour d'elle avant de se mettre en marche. Nombreux étaient ceux à les fixer si bien que discuter de ce qu'elles avaient à faire n'était pas le plus judicieux. Elle se moquait certes des conséquences, mais tel n'était pas le cas de ses supérieurs. Ces derniers étaient en effet très attachés au secret, préférant que l'ensemble du monde ignore ce qui les entourait.
Ainsi, elle emboîtait le pas à Real, non sans jouer du regard avec les différents mâles l'entourant, leur donnant l'illusion de l'intéresser ne serait-ce qu'un bref instant avant de leur briser toute espoir en disparaissant de leur vue après s'être entièrement détournée d'eux. Cette petite distraction dura ainsi jusqu'à ce que les deux femmes s'installent dans la voiture, qui se mit immédiatement en route.

L'expérience ne jeta qu'un coup d'oeil rapide au conducteur, déduisant qu'il était certainement affilié au Conseil mais sans pour autant avoir plus d'importance qu'être leur chauffeur. Puis son attention fut rapidement captée par la ville. Collant son visage à la fenêtre, et tournant donc le dos à son équipière, elle observa le paysage comme une enfant découvrant le monde pour la première fois.
Du moins pendant relativement peu de temps également car très vite elle perdit tout intérêt dans cette activité et se reposa contre son siège, appuyant sa tête contre son poing tout en observant Real.

>> Bon, autant entrer dans le vif du sujet directement. Je ne suis pas le genre à travailler en équipe. J'ignore quelle est ta mission et j'ai la mienne, l'extermination pure et simple.

L'enquête, la protection, la discrétion. Tout cela n'était pas dans les compétences que le Conseil avait développé chez elle. En tant qu'arme, elle n'avait d'autre raison d'être que tuer à leurs yeux et il était inutile de l'encombrer d'autre chose. Toute autre assignation impliquait selon eux une certaine réflexion qu'ils ne voyaient pas chez elle. Et, au final, elle s'en accommodait très bien.

>> Ma seule consigne, c'est de coopérer avec les agents déjà sur place afin de ne pas se gêner inutilement et d'augmenter les chances de réussite. D'ailleurs, j'avais cru comprendre que vous seriez deux. L'autre n'a pas pu venir ?

Deux personnes pour la surveiller, du moins selon ses propres déductions, une seule présente. Elle préférait pourtant savoir directement devant qui elle devait agir sans reproche. La simple pensée d'un œil inconnu la surveillant la fit d'ailleurs frisonner. Rien n'était pire pour elle que d'avoir de nouveau l'impression d'être un animal en cage. Elle appréciait la liberté gagnée depuis qu'elle allait sur le terrain, ce n'était pas pour retrouver ce sentiment d'enfermement qu'elle avait connu depuis toujours.

La voiture roulait, tranquillement, au travers de la ville. Si le silence s'était imposé de lui-même, Real n'avait rien fait pour le troubler. De par la force des choses, on lui imposait une coéquipière et elle n'en était pas plus ravie que cela. Et elle réfléchissait à sa situation lorsque Luciela la sortit de ses songes en s'adressant à elle. Finalement, elles avaient plus ou moins le même avis sur la question, ce qui n'avait rien de surprenant. Le Conseil ne laissait que rarement plusieurs de leurs atouts travailler ensemble, s'inquiétant certainement de ce qui pouvait en ressortir. Mais pour cette fois, ils n'avaient pas le choix. Et Real se demandait s'ils n'avaient pas sélectionnés leurs atouts en se basant sur quelques critères très spécifiques.

La Mayer hochait la tête alors que Luciela poursuivait de s'expliquer. L'extermination était la mission principale de sa compagne. Mais également la sienne. Leurs manières seules allaient différer visiblement. Bien plus directe qu'elle ne l'était elle-même, Luciela laissait entrevoir une agressivité particulière. Elle ne s'agitait pourtant pas plus que cela mais il était évident qu'elle n'était pas le genre de personne à se laisser marcher sur les pieds. Sacrée équipe que voilà. Elle se devait toutefois de recadrer quelque peu celle qui allait travailler avec elle à l'avenir. Histoire qu'elle comprenne que dans cette ville, c'était elle la plus ancienne. Et donc elle qui serait leur guide. N'en déplaise à ses envies d'indépendance.

- Tes habitudes, je m'en fous. Le Conseil t'a donné des ordres et l'un d'eux t'oblige à respecter ce partenariat. Ne l'oublie jamais... Car si tu fais foirer ma mission à cause de tes états d'âme, je m'occuperais de toi. Tu es une arme. Mais ma propre mission nécessite quelques phases de discrétion.

Elle souriait mais ne plaisantait pas pour autant. Sa mission à elle était censée se dérouler sur plusieurs mois. Voir plus au besoin. On lui allouait une aide bienvenue et elle ne crachait pas dessus, se sachant dans l'incapacité de remplir ses obligations tant la ville était grande. Quant au second qui devait débouler, il n'était pas en retard. Seulement elle n'avait aucune idée de quand il devait arriver. Sans doute le Conseil l'avertirait au dernier moment. Comme avec Luciela en réalité.

- Il devrait arriver d'ici quelques jours. Le Conseil ne m'a pas encore confirmé son identité mais ils m'ont fait comprendre qu'il se joindra également à notre unité rapidement. Je n'ai pas envie de diriger cette équipe mais on va devoir faire avec pour le moment, tant que vous ne serez pas à l'aise avec les particularités de cette ville. Vous serez toutefois libre de parcourir le coin sans chaperon. Seules nos missions communes nécessiteront que l'on joigne nos forces.

Le visage de Luciela se fendit d'un large sourire. Real ne semblait clairement pas être une enfant de cœur. Dans un sens, ses paroles laissaient penser que les deux femmes n'étaient pas si différentes l'une que l'autre. Pas forcément dans leur façon d'être. Après tout l'adolescente était certainement du style bien plus superficielle que son aînée, certainement en raison de l'âge d'ailleurs. Mais plus dans leur conscience, leur rôle. Toutes deux étaient des agents pour qui les ordres étaient sacrés. Et toutes deux semblaient ne pas tolérer qu'on les dérange dans l'exécution de celle-ci.
Dans un sens, il était possible que, grâce à ce point bien particulier, elles soient capables de s'entendre. Après, les êtres humains normaux n'étaient-ils pas du genre à se rapprocher plus ou moins facilement de leurs collègues tant qu'il n'y avait pas de soucis dans l'accomplissement de leur emploi ? Pour elle, c'était à peu près pareil.

Cependant, si les paroles de Real étaient des plus claires, celle-ci semblait négliger quelque chose. Qu'elles étaient justement pareil. Si la tueuse déjà présente pensait que sa présence plus ancienne dans cette ville lui donnait une priorité, c'était bien mal connaître la nouvelle venue. L'ancienneté, la mission des autres... Tout cela, elle s'en moquait bien.

>> Tu fais ta mission, je fais la mienne. Si je me trouve sur ton chemin, tu prendras les mesures nécessaires. C'est bien compris, car c'est aussi mon style. Si tu te révèles être un obstacle, je n'hésiterai pas un instant avant d'agir.
Ne crois pas que mon âge m'empêche d'être professionnelle. Je suis ce qui se rapproche le plus d'une arme vivante.

Elle n'ignorait en rien ses origines, sa seule et unique raison d'être. Si elle avait réussi à se faire un sens plus personnel à sa vie, à apprécier celle-ci à sa façon, elle était bien consciente que, normalement, elle ne lui appartenait pas. Elle ne serait même pas étonnée que chacun de ses partenaires jusque là, Real comprise, ait pour ordre de l'éliminer au moindre signe qu'elle oubliait ce point.
Cela ne risquait pourtant pas d'arriver. Le Conseil l'avait laissée faire à sa guise du moment que le travail était fait. Qu'elle prenne ça comme un jeu ou pas n'était qu'un détail. Evidemment, l'idée de tout plaquer lui était déjà passée par l'esprit. Le plan de Stefan par exemple l'avait fait réfléchir. Mais elle s'était ravisée, consciente d'une chose. Rien ne lui apporterait autant de satisfaction que ce qu'elle était.

Pourtant, la dernière partie ds paroles de son équipière lui fit comprendre que les choses seraient différentes. Equipe, chaperon. Tout ça était synonyme d'une chose pour elle. La fin de la liberté. Elle serait forcément beaucoup moins tranquille, devant se plier à des règles autres que les siennes, même sur le terrain. Elle afficha d'ailleurs ce léger mécontentement par une grimace.
Il fallait dire qu'elle ne s'était pas attendue à une telle organisation. Elle avait réellement pensé à une simple mission durant laquelle elle pourrait croiser d'autres agents. Et rien de plus poussé.

>> J'espérais quelque chose de moins formel, mais y a pas vraiment le choix semblerait... Bah, comme tu dis, du moment que chacun est libre la plupart du temps, cela me va.

De toutes façons, elle doutait vraiment que quelqu'un souhaite l'avoir réellement à sa charge. Il était même fort possible qu'ils veuillent s'en débarrasser le plus rapidement possible. Elle profiterait donc au maximum de ces instants de paix pour apprécier la ville à sa façon. Et surtout la connaître. Car il fallait bien avouer qu'elle était assez intriguée.

>> Tiens, tant qu'on y est. Elle a quoi de si particulier cette ville au final? Car bon, pour qu'on y envoie autant de personnes, elle doit vraiment l'être. Pourtant, à la voir elle a l'air normale...

Elle parlait tout en observant l'extérieur de la voiture, et son constat était bien celui-ci. Cette ville n'avait pas l'air si particulière que ça.

C'est vrai. Elle était une arme. Mais comme toute arme, on pouvait la neutraliser pour qu'elle ne blesse pas son utilisateur. Experte dans le maniement des armes blanches, Real savait y faire et considérait Luciela comme un poignard très aiguisé. Tant qu'elle tiendrait le manche, elle ne risquerait aucune coupure. Mais si d'aventure elle se trompait de côté... Au moins les choses étaient claires à ce sujet et ni l'une ni l’autre n'avaient besoin de revenir sur ce point particulier. De toute évidence, malgré son jeune âge, Luciela était habituée à suivre les ordres du Conseil et en cela elles se retrouvaient.

Pour le reste, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'elle s'étonne de la place que prenait Karakura aux yeux de leurs employeurs. Il faut dire que Real était passé par les mêmes interrogations avant de comprendre à quel point cette place était une zone stratégique pour eux. Tout comme elle l'était pour toutes les créatures dotées de dons conséquents. Les Shinigamis figurant même en tête de liste, ce qui expliquait que le Conseil envoie ses meilleurs agents de terrain pour régler le problème.

Une telle activité spirituelle soulignait l'importance stratégique de la ville aux yeux des différentes entités. Et même si le Conseil n'avait pas été clair quant au but recherché, Real avait deviné qu'en contrôlant Karakura, ils contrôleraient les flux entrants et sortants vers les autres mondes. Comme si cette ville était un point de passage obligatoire, une sorte de péage gigantesque. Et les Fullbringers étaient bien décidés à en faire payer le prix aux non-humains.

- Elle a seulement l'air... Mais Karakura grouille de sources de pouvoirs. Les âmes éveillées y sont plus nombreuses que n'importe où ailleurs. Que ce soit les démons ou les Shinigamis, tous semblent croire qu'ils peuvent venir sur terre et utilisent quasiment tous cette ville comme relais. Tu le verras par toi-même : il est difficile de sortir en ville sans tomber sur une âme puissante. Un aimant à pouvoir... Et notre rôle consiste à en limiter le flux.

Poussant un petit soupir, elle ferma les yeux, se concentrant sur le bruit du moteur. Cela la berçait, aussi étrange que cela puisse paraître, et avait tendance à calmer ses nerfs. Le véhicule traversait la ville rapidement. La voix d'Elias se fit entendre, forçant la Mayer à rouvrir les yeux.

- Mesdemoiselles, nous arrivons à destination.

Lui adressant un bref signe de tête, qu'il perçut en regardant dans son rétroviseur, elle tourna le visage vers la belle Fullbringer afin de lui adresser ces dernières paroles. Le troisième Fullbringer ne tarderait pas et les choses sérieuses débuteraient alors. Pour eux tous.

- Tu auras l'occasion de faire ce que tu désires jusqu'à l'arrivée du troisième candidat. Mais une fois que ce dernier sera là, nous recevrons nos ordres du Conseil. J'attends alors à ce que tu te trouves au Quartier Général une fois que je l'aurai amené. Tiens, prends ceci. Ça m'aidera à garder contact avec toi lorsque nous serons séparés.

Elle lui tendit une petite boite noire dans laquelle se trouvait un jeu de clé permettant l'accès à leur planque mais aussi et surtout une oreillette particulière, permettant à Real de garder contact avec ses nouveaux alliés. Le téléphone qui s'y trouvait jouerait également le même rôle que l'oreillette, même si celle-ci serait plus discrète que le mobile. La voiture s'arrêtait. Elles allaient se séparer temporairement...

L'équipe serait bientôt réunie.

Citation :

Fin du rp