L’homme était paisiblement assis en train de pêcher au bord de la rivière. Quelle belle journée paisible ! Il était loin de tout. Sa femme ne lui braillait pas dans les oreilles, pour une fois, ni ses gosses non plus car justement la dame était parti voir de la famille laissant enfin notre pêcheur souffler un coup. Il avait alors sorti sa canne à pêche, avait traversé le bois derrière leur cabane, perdue au milieu de nulle part, puis s’était installé sur un rocher au bord de la rivière qui coulait paisiblement. Et c’est là qu’il s’adonnait à la pêche. Enfin la pêche… c’était un bien grand mot à vrai dire ! Car il ne se rappelait même pas s’il avait accroché un ver au bout sur son hameçon. Seul comptait le fait d’être tranquille, sans soucis, à écouter les bruits de la nature. Sa femme lui reprochait régulièrement d’avoir amené leur famille loin de tout. Mais lui il préférait mille fois la quiétude de cet endroit que celle des autres districts. Certes ils étaient seuls ici, isolés, et ils ne se nourrissaient que de ce qu’ils pouvaient trouver, mais d’un autre côté ils ne vivaient pas non plus dans la misère. Et puis surtout, ils vivaient loin du Seireitei et de ces foutus Shinigamis. Depuis quelques années on aurait dit que ces derniers attiraient les malheurs. Pourtant on pourrait croire que la vie après la mort soit agréable, qu’on atteindrait une sorte de Paradis, mais avec des Shinigamis non loin on passait plutôt de Charybde en Scylla…

L’homme cracha dans la rivière et se secoua la tête. Voilà qu’il commençait à se morfondre alors qu’il était enfin tranquille. Il ne fallait pas gâcher le temps comme ça, les marmots et la mégère rentreraient dans un jour ou deux touts au plus. Mieux valait profiter de l’instant présent. Il glissa alors de son rocher puis s’y adossa et ferma les yeux. Il se laissa bercer par la nature, le vent qui souffle, le bruit de l’eau qui coule, au loin le son d’un rongeur qui passe, le chant des oiseaux, le crépitement de l’électricité…

Le crépitement de l’électricité !?

L’homme rouvrit grand les yeux et vit alors en face une espèce de fissure qui déchirait le vide. Tétanisé et médusé il observa le phénomène qui s’amplifia pour laisser apparaître une espèce d’ouverture sur un autre endroit. C’était comme s’il voyait un monde différent, ce qui était exactement le cas, mais ça il l’ignorait. De ce Garganta émergea alors un homme affublé d’un masque effrayant. Pas très grand, d’apparence musclée et assez jeune, l’inconnu avançait d’une démarche sûre qui détonait avec ses vêtements. En effet, on pouvait voir que le tissu était élégant mais le détail qui clochait était ailleurs : ils étaient en haillons. Par ailleurs, le nouvel arrivant arborait des blessures aussi nombreuses qu’impressionnantes. Sans demander son reste le pêcheur pris ses jambes à son cou ne cherchant pas à investiguer plus. La curiosité était un vilain défaut à la Soul Society, un défaut qui pouvait être mortel.

Kirito regarda l’homme s’éloigner en courant. Le pauvre bougre avait dû avoir une sacrée frayeur. Le masque de Hollow de notre jeune héros se désagrégea soudainement laissant apparaître un visage fatigué, mais serein, dans lequel brillait deux yeux gris qui reflétaient une intelligence farouche. Il avait traversé de nombreuses contrées et s’était perdu à maintes reprises mais il sentait qu’il était enfin de retour. Les chemins qu’il avait pris avaient été semés d’embuches et de combats qui pour la plupart resteront inconnus de tous. L’ancien capitaine de la division scientifique était de retour chez lui, mais il était conscient que les choses avaient dû évoluer. Cela faisait combien de temps qu’il errait ? Un an, deux ans ? Il trouverait bien la réponse en temps et en heure.

Manifestement l’ « alliance » Shinigamis / Hollows dans laquelle il s’était engagé personnellement, en devenant émissaire, avait tourné au vinaigre. Ainsi, lorsqu’il avait senti que de grands évènements se préparaient ses sens avaient été mis en alerte. Il avait alors essayé de tester sa garde personnelle, ou ses geôliers selon le point de vue, afin de connaître sa marge de manœuvre pour s’enfuir. Il avait alors constaté que ses chances de réussite étaient faible, pour ne pas dire inexistante… Puis El Rey fut tué. Kirito n’avait pas eu le détail, et nul doute que personne n’aurait pris le temps de lui expliquer, mais il avait su à la seconde où il avait appris la nouvelle qu’il était condamné s’il ne tentait pas de s’enfuir. Il avait alors provoqué son destin en s’échappant de Las Noches profitant du chaos qui régnait en l’absence du Roi. Il y parvint partiellement, car même s’il était sorti de la cité, quelques-uns des Espadas qui le surveillaient l’avaient poursuivi malgré tout. Il fut rattrapé puis pris au piège dans le Yermo, ses ennemis connaissant mieux le terrain que lui. Il livra alors bataille et même s’il parvint à abattre la quasi-totalité de son escorte ses forces avaient fini par décroitre et il avait cru son dernier moment arriver. A la fin, il ne resta plus qu’une Arrancar pour se tenir face à lui, Yûki. Cette femme du Hueco Mundo, qui était à la tête de son ancienne garde rapprochée, avait plus d’énergie que notre jeune héros mais en même temps elle était impressionnée par la débauche de puissance dont avait fait preuve l’ex-capitaine scientifique pour sauver sa vie. Par pitié, ou par erreur de jugement, elle relâcha un peu trop sa garde et Kirito, usant d’un appareil de sa création, parvint à leurrer son adversaire et se vit obliger de fuir. Nul doute que Shu se serait foutu de lui dans cet instant pitoyable où il partit à travers le Yermo dans un état proche de la mort. Mais son heure n’était pas venue. Usant de ses talents et de son équipement de scientifique il parvint à se maintenir en vie. Puis il erra. Longtemps.

Akihiko ne gardait qu’un souvenir vague de ses errances, il était alors au bord de l’épuisement et son esprit, fractionné en trois, était au bord du gouffre de la folie. Mais contre toutes attentes le dieu de la mort survécut usant de son instinct pour toujours se tirer des situations délicates. Puis il avait fini par réussir à se reconstruire, sa schizophrénie avait reculé et son Hollow intérieur s’était calmé, lassé des terres du Yermo, même s'il semblait perturber par quelque chose de nouveau dont il ne voulait pas parler avec Kirito. Heathcliff était loin d'être un grand sentimental... Notre jeune héros retrouva alors finalement son chemin et, grâce à son pouvoir de Vizard, il rassembla ses forces et parvint à ouvrir une brèche pour revenir dans son monde.

Ainsi il se tenait là devant un petit ruisseau, les yeux fermés profitant d’une brise fraîche. Sensation Ô combien agréable après avoir connu le Yermo…

T’as l’air d’un imbécile planté là !

Quand même t’aurais pu éviter de te paumer… Deux fois en plus. Tu vas avoir l’air d’un abruti en rentrant au Seireitei.

Kirito ne réagit pas à cette remarque là non plus, mais cette fois parce qu’il savait pertinemment que le monstre avait raison. Cela allait être compliqué de réintégrer les rangs des Shinigamis, on n’allait sans doute pas l’accueillir à bras ouverts et puis il y avait fort à parier que la douzième division avait recruté un nouveau capitaine. Les choses allaient être compliquées. Mais elles restaient plus simples que de vivre dans le Yermo.

Notre jeune héros s’approcha de la rivière et se nettoya le visage, profitant de la fraîcheur de l’eau. Puis Il se mit en marche pour le Seireitei avec pour objectif entretemps de se nettoyer et trouver des vêtements un peu plus présentables. Même si Kirito n’était pas très à cheval sur sa tenue vestimentaire il n’allait pas non plus faire son retour dans cet état. En chemin il allait également ouvrir l’oreille, il avait vaguement eu vent d’un affrontement dantesque à Karakura, dans lequel notamment El Rey, avait perdu la vie et que l’alliance avait été rompu, il y avait donc fort à parier que beaucoup de choses avaient dû changer.

Malgré tout ça, c’était bon de rentrer chez soi…