Sortant de la salle du trône, notre duo prit directement la route pour leur mission. Une petite balade dans le désert, rien de mieux… Au moins, Liza n’était pas seule, le voyage semblera moins long. Enfin… avec ce mec déjanté, on peut s’attendre à tout. Sortant du palais, ils prirent le chemin à travers Nacimiento qui menait jusqu’au désert. Une fois dehors, il ne savait pas vraiment par ou commençait. Liza regarda Aleksi, qui semblait complètement à l’ouest, elle se demandait vraiment si elle pourra compter sur lui. Après tout, il raconte que des conneries à longueur de temps, est ce qu’il va être capable de tenir des propos correct quand ils auront rencontré un de ces souverains ? Elle se racla la gorge, pour attirer son attention, et le regarda avec un regard sérieux, en enchainant une question des plus idiotes :

- T’as une idée de là ou on doit aller ?

Partir en mission sans vraiment savoir ou se rendre dans le désert, très intelligent comme approche. Avec un duo comme ça, Liza pensait que jamais elle ne reverrait Las Noches. Mais un ordre est un ordre, et elle a prêté serment pour obéir à son Rey. Commençant à arpenter le désert, car oui, il faut bien chercher dans cet espace sans fin, Liza aperçu plusieurs silhouettes au loin, proche de quelques rocher, en haut d’une petite colline de sable. Ils étaient à bien des kilomètres du palais, et en avançant vers cette colline, ils découvraient un groupe de hollows. A cette distance, Liza pouvait en distinguer cinq, dont un qui ressemble énormément a un arrancar. Peut-être que ce sont les personnes que Liza et Aleksi voulaient trouver.

- Tu vois ce que je vois, Aleksi ?

Elle regarda alors son compère, savoir si lui aussi était du même avis qu’elle. Est-ce possible que ce soit une des créatures que le Rey voulait qu’on trouve ? Avec l’allure de l’arrancar au milieu, et les autres hollows autour d’elle, il n’y avait qu’un seul moyen de le savoir, partir à leur rencontre.

Arpenter le canyon s’avère plus complexe, plus dangereux que ce que je m’étais imaginé la fois où notre Mère nous en a vanté les mérites. Beaucoup de petites choses me manquent. Des détails, qui faisaient de nos chasses quotidiennes un loisir appréciable nullement comparable à celui que nous connaissons désormais. Certes, je n’ai maintenant plus besoin d’être inquiète au sujet de mon costume qui jadis devait être quotidiennement nettoyé après de longues traques au milieu du désert. Pourtant ce sable, au-delà de cet inconvénient majeur nous apportait un certain confort de vie. Il est, de fait, plus facile de creuser ses galeries souterraines dans un sol friable et de se mouvoir à vive allure pour mieux surgir et fondre sur sa proie. Il est plus facile d’établir un refuge pour notre grande famille, et le détruire quand bon nous semble sans laisser la moindre trace. Mais il est surtout plus facile de chasser, lorsqu’aucun obstacle ne peut dissimuler votre présence.

Nous avons donc dû adapter, revoir certaines techniques d’approche. Seules les plus compétentes d’entre nous continuent désormais de progresser sous terre ou dans la roche. Pour les autres et notamment les éclaireuses telles que moi, la voie des airs est devenue une évidence. Car ce que nous offre principalement ce nouveau décor, c’est avant tout la possibilité de se hisser et d’évoluer avec une aisance notable au-dessus des têtes et ce sans que quiconque ne s’en rende compte pour peu qu’on y mette un soupçon de furtivité. Dans les terres infinies et oubliées du Monde Creux, qui sait ce qui vagabonde au hasard du labyrinthe. Depuis que Mère s’est octroyée une part du gâteau et s’est installée sur le trône de pierre encore couvert du sang de son prédécesseur, il nous a été donné la chance de voir des choses insoupçonnables, et parfois effrayantes. Comme si ce monde, n’appartenait pas à celui dans lequel nous vivions quelques années auparavant. Loin du luxe de la forteresse d’ivoire, loin de ce militarisme de pacotille. Un monde, qui pourrait sans mal écraser son voisin mais qui préfère, malheureusement, dormir.

*Quelque chose ne va pas…*

J’entamais la phase finale de ma ronde quotidienne aux abords de notre vaste royaume. Chacune de mes sœur pouvait à loisir me contacter en cas de soucis majeur, par un système de hurlement primitif lâché à une fréquence spécifique et qui pouvait s’étendre sur des kilomètres à la ronde. Un moyen aussi de faire comprendre à quiconque qui daignait entrer sur nos terres qu’elles étaient gardées. Nos voisins avaient leur propre méthode, qui n’empêchait malheureusement pas les intrus de progresser un moment avant de (peut-être) rencontrer une forme de résistance. Chez nous toute intrusion est immédiatement captée par notre réseau. Un système que je suis fière d’avoir proposé dès notre arrivée et qui fonctionne parfaitement tant que Mère reste au centre du terrier et joue le relais. Ce qui lui permet aussi de profiter du temps infini afin de parfaire sa maîtrise du combat et de planifier un éventuel retour.

Mais revenons-en au réseau. Voilà quelques temps que notre routine s’est installée. Généralement il ne se passe pas un cycle sans que l’une de nous ne transmette un signal d’attaque. Mais cette fois, quelque chose semble figer l’espace. Le royaume et ses environs sont aussi muets que moi et, j’ai beau sonder les abysses mes yeux absents ne perçoivent rien de plus qu’une marque. Le plus étrange étant que cette signature grandit, surpasse le vide et se dessine avec des contours connus. Or les chances pour qu’une créature familière s’ose au-delà du monde connu sont extrêmement faibles, qu’elle en vienne à frôler nos terres est proprement impossible. Il y aurait bien une hypothèse, mais rien que le fait d’y penser m’aurait fait grincer les dents de frayeur si j’en avais eu à disposition. Dans le doute, il fallait que j’en sache davantage, aussi prévenais-je le reste de la meute de mon initiative.

*Que quelqu’un couvre mon secteur, je tente une infiltration hors frontières. Quelque chose cloche.*

*Ne tente rien d’insensé Betty. J’envoie Hammer pas loin de ta position actuelle, au cas où.*

Sans confirmer ce que je savais déjà, à savoir l’éternel discours sur la prudence, la discrétion pour le bien de la Famille et ma propre sécurité, je rompais le lien de communication direct pour mieux me focaliser sur cette marque très particulière. En à peine dix minutes, en plein cœur du territoire voisin, mes soupçons se confirmèrent non sans effroi. Et bien entendu, si j’avais eu des yeux ils auraient versé autant de larmes que peuvent en contenir ces glandes dont je suis heureusement dépossédée. L’objet du problème ? Le pire qui soit. Et il porte un nom. Aleksi Alexandrov. S’il existait d’aventure un terme pour qualifier la pire chose ou le pire fléau qui puisse jamais s’abattre sur ce monde et les autres réunis… Ce serait forcément lui et rien d’autre. Un tel concentré de luxure, de folie, d’horreur et de puissance… Un monstre chez les monstres, et plus particulièrement ceux de sexe féminin. Pour des raisons évidentes, que je ne tiens pas à me remémorer tant les images qu’elles m’évoquent sont à la limite du supportable.

Toujours est-il que je venais de retrouver l’objet de ce silence, et par la même d’en comprendre la raison. Il ne me restait maintenant plus qu’à descendre de mon guet, faire l’effort d’entamer l’interrogatoire à bonne distance et de faire en sorte que les autres royaumes ne viennent pas non plus s’interposer. Auquel cas, les deux tourtereaux en contrebas auraient du soucis à se faire. Et la Meute aussi, pour avoir permis à ce misérable limier de pénétrer en plein cœur de ce monde.

*Mais bien sûr… Un limier… Foutu Rey, c’est bien joué de sa part pour une fois…*

Surprenant, surtout d’avoir pour seul maître une jeune femme à l’aura passablement médiocre. A moins qu’il ne s’agisse d’une servante, elle incarnait mal l’Espada. Sauf si Aleksi venait aussi en tant que tel. Serait-ce possible ? Sans plus attendre, je laissais se propager mon signal d’alerte muet afin de prévenir les autres et me mis à chuter de mon piédestal pour reparaître sur sa paroi, accrochée à 5 mètres du sol mais bien en évidence.

*Aleksi. Ne nous perdons pas en formalités, car je me doute bien de ce qui t’amène ici et j’ai… Le plaisir… De te dire que tu n’es effectivement pas loin du but. En revanche, il va falloir presser le pas. Vous n’êtes pas les bienvenues ici, et ne le serez jamais. Si vous tenez à repartir, suivez-moi.*

J’espérais simplement qu’ils se concentrent sur cette voix s’immisçant dans leur esprit, fassent le rapprochement et se contentent de faire le nécessaire. Ce cycle s’annonçait déjà comme l’un des pires depuis notre arrivée, il valait mieux ne pas empirer les choses. Je prenais donc aussitôt le chemin du retour, modérant l’allure pour qu’ils ne se perdent pas non plus dans le dédale. Leur perte aurait été bien malheureuse….. Si on veut.

Spoiler:

Il était aisé de reconnaitre les territoires dominés et ceux qui avaient été laissés à l'abandon avec le temps. Les premiers contenaient un minimum d'ordre. De respect. De savoir vivre. Parfois d'honneur. Un être plus puissant qui domine les autres, et qui tâche de garder les choses intéressantes. Du moins, c'était ainsi que Talion s'en rappelait. Achevant d'essuyer ses mains rougies sur la crinière d'un des quelques hollows lupins qui avaient croisé sa route, le géant gris se redressa avec lenteur. Détaillant l'horizon. Il connaissait de nombreuses régions comme sa poche, pour les avoir explorées indéfiniment à la recherche d'un combat apte à assouvir sa soif. Mais il ne cherchait pas à rejoindre un territoire. Enfin. Pas avant d'avoir trouvé deux énergumènes précis.

À peine sorti des dunes de sable, il avait déjà été renvoyé écumer la mer blanche du Hueco Mundo. Il ne s'en plaindrait pas, pour ne rien cacher. Après tout, le sable fin avait été sa demeure depuis si longtemps. Il était normal que ce soit là qu'il se sente à sa place. Et pour l'instant, il se devait de rejoindre un duo de l'Espada partis en chasse. Et de renvoyer la femelle des deux à Las Noches pour prendre sa place dans la chasse. Simple. Appréciable. Une traque comme première requête de l'arrogant Rey autoproclamé. Qu'à cela ne tienne, il n'aurait pas de raisons de se plaindre dans que les choses allaient dans cette direction. Ce détail ne dépendait que de Santo.

Ils étaient partis vers l'Est. Leurs traces étaient encore fraiches, même au travers du sang qui mouillait les dunes autour de lui. Il les rattraperait bien assez tôt. Il lui suffisait d'un signe, d'un détail pour attirer l'attention et le diriger efficacement.

Quelque chose comme un Grand Rey Cero.


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Il n'avait jamais été un individu porté sur la discrétion. Aussi, ce fut à coups de Sonido que le colosse parcourut en un éclair le reste du chemin le séparant de l'apparition d'énergie qui l'avait guidé. Réapparaissant finalement à quelques mètres du sol, il se laissa tomber sur le sable avec force, soulevant un nuage blanchâtre par la même occasion. Pour finalement, après avoir repris un pas tranquille et cadencé, se diriger vers les deux individus qui l'intéressaient. Il porta d'ailleurs un regard sans réplique à la jeune femme sitôt arrivé à la même hauteur. Enfin. Façon de parler.

« Quinta. »

Ces simples mots suffiraient à rendre son arrivée officielle. De toutes façons, il n'avait aucune raison d'engager la conversation. De loin comme de près, cette arrancar qui se prétendait une Espada empestait une mièvrerie qui aurait pu lui faire retrousser les narines. Il ne fallait cependant pas confondre sa pensée avec un sexisme injuste et discriminatoire. Il n'avait jamais réellement pris la peine de se soucier du sexe d'un adversaire. Il était simplement... sensible au caractère des individus. Et la dénommée Liza Segura n'était pas une adversaire qu'il envisageait avec le moindre intérêt.

« Le Rey réclame votre présence au château. Maintenant. »

Sans même ralentir le rythme de sa marche, le colosse passa devant la concernée, pour venir se planter devant le Sexta. Ignorant la petite chose volante qui tentait de les faire avancer. Que quelqu'un l'arrête s'il dérangeait, voilà tout. Il avait ouï dire qu'Aleksi Alexandrov était un homme dont la santé mentale avait fui depuis longtemps. Il lui faudrait donc communiquer à l'aide de phrases courtes et claires. Il n'avait pas besoin d'un fou en cavale pour compliquer cette traque.

« Santo Pastor m'envoie. Je vais remplacer la Quinta Espada. »

Court, et clair. En espérant que ça suffirait au fou. Devoir calmer un Espada à grands coups de savates pour manque de coopération lors d'une chasse en duo n'irait probablement pas motiver le Rey à lui fournir de nouvelles occasions. En attendant... le regard du colosse lorgna quelques instants sur la créature maigrichonne qui avait voulu leur servir de guide avant son arrivée. Cette chose ne lui inspirait aucune confiance. Qu'à cela ne tienne.

Si elle les menait dans un piège, elle mourrait de sa main.

Alors que nous nous apprêtions à partir dans un périple qui ne me réjouissait guère, quelque chose attira toutefois mon attention. Je croyais mes sens infaillibles et pourtant l’arrivée d’une troisième personne, dont l’approche n’avait été signalée tantôt pendant que je sondais les environs, me fit reconsidérer la chose. Peut-être m’étais-je trop concentrée sur cet infâme Aleksi au point de relâcher l’attention sur le reste, peut-être s’agissait-il d’un individu bercé dans l’art du camouflage. Cette seconde option fut aussitôt rayée du registre lorsque mon regard inexistant se posa sur lui tandis qu’il se présentât comme un énième émissaire du Rey. En effet le colosse souffrait de tous les clichés possibles et imaginables. Non content d’être une véritable montagne de tendons et de muscles au faciès buriné, il ne brillait visiblement pas par son élocution ou sa courtoisie. Quant à l’imaginer maître de l’illusion ou de la traque, il aurait fallu s’appeler Stup pour y croire. Une hypothèse comme une autre cela étant, car nous savions déjà ô combien ce monde pouvait surprendre par la diversité de son bestiaire. C’est pourquoi je balayais l’idée sans plus attendre, avant de m’adresser au géant. L’autre, ne méritait rien de plus que de se complaire dans son absurde nudité et sa folie habituelle. Lui offrir le moindre intérêt ne s’imposa pas comme une nécessité immédiate.

*Santo Pastor. Un nouveau Rey ? Voilà qui devrait intéresser Mère. Enfin, passons. Veillez à ne pas trop vous éloigner de moi, les seigneurs de ce monde n’aiment pas tellement qu’on s’introduise en leur royaume sans y être invité. Votre titre n’a aucune valeur ici. Maintenant allons-y.*

Autant y mettre le ton d’entrée, histoire de refroidir les égos les plus tenaces. Les combattants baignés dans l’estime de soi et la confiance sont légion par-delà le canyon. Un terrain de jeu pour enfants en mal de reconnaissance. Ici le système féodal fait loi et, à moins d’être en mesure de renverser un maître ainsi que son armée il est préférable de se soumettre aux us et coutumes. C’est ainsi que nous vivons désormais, ainsi que le labyrinthe de roche sommeille en silence. En paix. Et pour ne pas la compromettre, je fis signe aux intrus de se hâter avant de faire volte-face pour finalement entreprendre de gravir la gigantesque colonne. Une fois au sommet, je balayai la zone en propageant mes ondes et découvris l’empreinte rassurante de Hammer qui approchait comme convenu.

Nos âmes se rencontrèrent après quelques minutes durant lesquelles je transmettais aux créatures dans mon sillage le chemin qu’il leur fallait prendre, quel embranchement, quel tournant, jusqu’à parvenir en territoire allié. Là, nous fîmes halte brièvement afin que je rende compte à ma sœur qui cracha tel un félin dès que ses oreilles entendirent Aleksi. Difficile d’oublier, encore plus d’apprécier, la compagnie de ce monstre. Et avant que celui-ci ne se plaise à tomber dans ses vieilles et viles habitudes, la troupe reprit sa route. Nous n’étions plus très loin, aussi ne fallut-il plus de vingt minutes pour rejoindre, enfin, le cœur du royaume.

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Ce lieu était autrefois une sorte d’arène incroyablement vaste et ouverte. Chaque cycle les armées du seigneur en place s’y réunissaient et formaient les remparts du colisée au centre duquel se jouait des heures durant l’histoire d’une vie. Leur maître à tous siégeait alors sur un trône de pierre sculptée, au sommet d’une formation rocheuse surplombant la scène. Là, il s’adressait généralement à ses sujets et leur ordonnait de se battre les uns les autres, par petits groupes. Un moyen pour ne pas se laisser attendrir par le temps et la paix ambiante. Parfois on lâchait un prisonnier dans l’arène, un faible, ou un sujet du royaume voisin capturé pendant une ronde au niveau des frontières communes. Chacun était ensuite libre d’en user à sa convenance, dans le seul but de divertir le seigneur.

Aujourd’hui un silence de mort chante les souvenirs du passé et balaye les fondations poussiéreuses de l’édifice imaginaire. Le trône de pierre porte désormais une robe brune qui s’étale jusqu’au bas de la colline. Un trou de taille non négligeable a depuis été grossièrement taillé au centre de celle-ci, la transformant ainsi en habitation troglodyte. Son intérieur est tapissé de peaux et autres restes morbides, exposés tel des trophées au hasard des soupentes et piliers placés là afin de soutenir les parois naturelles.

Une ribambelle de coussins sont venus orner le siège du pouvoir et ses environs. Le matériau de confection est évident, pour autant personne ne s’ose à en demander la provenance. Les rares qui d’ailleurs le font, ne se heurtent finalement qu’au silence pesant de leur interlocutrice. Ses yeux sont le reflet des ténèbres et peuvent sans mal transpercer votre âme pour en boire le jus, se nourrir de votre peur. A l’instar de son prédécesseur dont le fluide vital décore aujourd’hui un trône revendiqué par la force Daestra ne relâche jamais sa méfiance et ne permet aucun travers. Loin d’incarner la justice clémente, elle n’hésite dès lors pas à brutaliser ses sujets voire s’en repaître dans certains cas. A la vue de tous.

Les doléances du jour la contrarient car elles sont bien différentes des autres. Introduits préalablement par Betelgeuse qui se tient désormais sur sa droite, un couple singulier se tient sous son regard inquisiteur. La présence d’Aleksi n’est pas étranger à son ressentiment, puisque l’hybride n’avait jusqu’alors émit le souhait de revoir un soir les contours de son visage halluciné. Non pas que la compagnie de cet être abjecte ne lui déplaise, bien au contraire. Mais le simple fait de s’en servir comme limier ne présageait rien de bon. Or il était ici accompagné d’une sorte de monstre colossal patibulaire, étrange porteur au message encore inconnu. S’il s’agissait là d’une mise en garde de la Citadelle ou d’un acte visant à raviver la flamme de sa haine envers celle-ci, sa réponse se ferait dans la douleur et la violence aveugle. Daestra pouvait déjà se vanter d’avoir amputé l’Espada à de multiples reprises, elle n’hésiterait pas à refaire de même en cas de besoin quitte à ce que cela implique le fait de tuer son plus fidèle amant. Mais pour l’heure, la raison se fit maîtresse de l’âme et c’est en tant que tel que la souveraine s’adressa à ses hôtes.

- Sachez tout d’abord que vous n’êtes pas les bienvenues ici, mettons cela au clair dès à présent. En violant les lois de ce monde et de mes terres, vous vous êtes placés dans une position pour le moins… Inconfortable. Ne jouez donc point trop d’arrogance, chers amis, car il vous en coûtera peut-être la vie. Cela vaut également pour toi, Aleksi. Tu es autant une bénédiction qu’une menace et malgré tout l’amour que je te porte je n’exclues pas d’agir en conséquence si notre entretien prend une tournure inappropriée.

A ces mots la matriarche dans un geste significatif tenta de se repositionner avec pudeur sur le symbole d’un pouvoir déchu. Quel que soit le motif de leur présence, il fallait impérativement leur énoncer les choses afin que « l’accident » du Yermo ne se reproduise pas. La Principessa ne comptait en ce monde que très peu d’amis dignes de ce nom et même si elle ne reculerait devant rien pour protéger sa famille l’idée de devoir une nouvelle fois tuer l’un d’entre eux lui rongeait le cœur. Mais si son ennemi est capable d’utiliser de telles bassesses pour arriver à ses fins, alors elle n’hésiterait pas à en jouer.

- L’une de mes filles ici présente, vient de m’exposer son rapport. Il apparaîtrait, selon ses dires, que vous appartenez à l’élite du Roi Guignol. Grimmjow, pour ne pas le nommer. Mes oreilles ne sauraient entendre ce qui se passe au-delà de ce canyon, je ne sais donc rien de ce qui s’est passé pendant mes deux années d’exil. J’ai malgré tout un nom nouveau à associer au titre de Rey. Santo Pastor. Dites m’en davantage. Pourquoi mes assassins se présentent-ils devant moi ce soir, et qu’attendent-ils ?

Le Sexta était bien aussi stupide et invraisemblable que la rumeur le prétendait. Bien, ce détail serait désormais clarifié. La chose ne serait malgré tout pas gênante, tant que le fou aurait assez de bon sens pour se rappeler sa réelle allégeance. Si le demeuré devait se retourner contre lui, il veillerait à faire un exemple de son cas. Enfin. Inutile de penser tout de suite à une tactique - s'il existait une seule tactique valable contre cet illuminé - alors qu'il semblait pour l'heure l'avoir accueilli avec enthousiasme. La Quinta était partie, quand à elle. Du moins, normalement. Il n'avait pas réellement fait attention à ce détail, pour être bien honnête. Tant pis pour elle si elle décidait de refuser ses instructions.

Dans tous les cas, et alors que le Sexta s'extasiait dans son propre délire fantasque en exhibant ses parties génitales, leur guide se fit de nouveau remarquer pour les inviter à suivre. Bien. Au moins quelqu'un était à son affaire dans toute cette histoire. Même si pour tout dire, Aleksi semblait n'en avoir rien à carrer des instructions de la hollow. Il courrait librement, dans la bonne direction certes, mais sans aucune laisse, sans aucun répit. Bah. S'il allait au même endroit qu'eux, il n'y avait aucun problème. Néanmoins, toute la scène indiquait de plus en plus à quel point il allait sans doute devoir se faire à l'idée que rien n'était trop fou pour ce dégénéré. Et aucun n'allié n'est plus incertain qu'un dément instable.

Le voyage fut... relativement court, à vrai dire. Le colosse s'était attendu à devoir parcourir davantage de territoires avant d'arriver à destination. Pas qu'un voyage écourté soit pour lui déplaire, mais bon. Il ignorait que celle qu'ils cherchaient se trouvait en fait si près de la cité et de la citadelle. Il en apprenait à chaque jour un peu plus. Après tout, il était normal que de nombreuses zones du Yermo lui soient de nouveau inconnues. L'époque où il arpentait le Désert dans son entièreté, créature de mort qu'il fut jadis... cette époque était révolue depuis plusieurs siècles, sans doute. Les territoires avaient changé. La géographie s'était modifiée. Les seigneurs de guerre s'étaient succédés. Et lui, il n'était qu'en partie revenu. Un guerrier encore à moitié endormi dans une forme qu'il apprenait chaque jour à connaitre un peu plus. Cette apparence qu'était la sienne n'était pas dénuée d'avantages, mais elle n'était pas sa réelle apparence pour autant. Du moins, pas selon sa vision des choses. Mais qu'importe.

Le géant gris ne put s'empêcher d'esquisse le retroussement d'un coin de ses lèvres en entrant dans l'arène antique, dévastée par le temps et ses ravages. Il ignorait si ce lieu était déjà érigé du temps de sa gloire oubliée. Peut-être, allez savoir. Voilà de quoi regretter de ne pas avoir connu ces lieux à l'apogée de leur gloire. Les combats tenus ici avaient dû être dignes de légendes. Même maintenant, l'air était lourd de la fragrance du sang. De la mort. Une ambiance oppressante, qui ne fit pourtant que mettre Talion davantage à son aise. Ses instincts plus aiguisés. Il appréciait l'aura de cet endroit. Et il se laissa envahir par cette dernière jusqu'à ce qu'une voix en hauteur ne le fasse sortir de sa torpeur. Levant les yeux, il l'aperçut. Celle pour laquelle ils avaient fait ce chemin. La Principessa, comme l'appelaient craintivement certains. Le Requin. Et du haut de sa position, digne d'apparence, le ton impérieux et menaçant, elle s'adressait à lui et au Sexta. Les prévenant du danger dans lequel ils étaient. Exigeant une explication quelconque, un éclaircissement sur ce qu'elle semblait ignorer du monde extérieur.

Et les bras croisés, le regard droit, l'Exequias la laissa finir son monologue avant de s'avancer d'un pas tranquille, mais assuré.

« Je ne suis pas venu ici en espérant un accueil amical. Les choses seront donc claires entre nous. »

Interrompant son dialogue un moment, Talion croisa de nouveau les bras sur son torse musculeux, laissant son regard lorgner derrière lui pour s'assurer de la position d'Aleksi. Ce genre de moment lui semblait curieusement bien propice à faire que le Sexta se décide à agir... de façon stupide. Et si possible, il souhaitait pouvoir faire en sorte d'éviter la chose le cas échéant. Qui plus est, il semblait bien que le fou et la Principessa aient un rapport précédent dont on ne lui avait pas fait mention. Ce détail expliquait pourquoi cet illuminé avait été choisi pour traquer cette cible. Il la connaissait. Et il semblait être l'objet de son affection également, par un tour du destin dont il ignorait les détails. Il allait devoir surveiller ce genre de chose.

Or, pour le moment, il importait davantage d'éclaircir les raisons de leur présence. Ce qu'il fit en dardant sur le rorqual un regard sans appel.

« Ainsi, que les choses soient donc encore plus limpides. Je n'ai connaissance d'aucun Grimmjow. Et je considère Santo Pastor comme un illuminé perdu dans une foi religieuse aussi absurde qu'inutile. Mais il dispose néanmoins d'une puissance et de ressources qui sauront me permettre de retrouver des forces avec le temps. Je suis Talion. Et le monde a amplement eu le temps d'oublier plusieurs fois mon nom depuis l'époque où j'arpentais le Yermo. »

Pourquoi cette présentation sans doute bien trop longue pour être utile? Parce qu'il en avait eu envie. Et parce qu'il n'appréciait pas être vu comme un simple pantin du Rey. Il comptait bien retrouver sa force d'antan, et dès lors qu'il serait à même d'asseoir sa force sur Las Noches et son souverain, il saurait que son heure était venue. L'heure de résumer son existence là où il l'avait laissée. Maintenant que de nouveaux noms inondaient le Yermo. Maintenant que de nouveaux despotes et seigneurs de guerre arpentaient les dunes. Il frémissait presque d'impatience à l'idée du retour de ces jours bénis. La soif du combat le tenaillait, et il comptait bien prendre tous les moyens pour arriver à la contenter. En temps et en heure.

Mais pas tout de suite. Chaque chose en son temps.

« Plus précisément, cette visite n'est pas celle d'assassins. Le Rey désire votre... présence à Las Noches. J'ignore dans quel but précis, et j'avoue ne pas voir beaucoup d'intérêt à le savoir. Mais c'était bien là sa seule directive. Vous ramener à Las Noches. »

C'était sans doute là ce que certains appelaient jadis son ''tact légendaire''. Il n'avait jamais été doué avec les mensonges. N'avait jamais souhaité le devenir non plus. Les fadaises et les mensonges des autres ne lui inspiraient rien de plus que du mépris. Après tout, fallait-il être réellement à ce point faible pour craindre le poids de nos propres paroles? Si ses propos devaient lui valoir une armée entière sur le dos, alors soit. Il n'irait pas faire le geste déplorable de se parjurer simplement pour tenter de sauver sa vie. Une mort glorieuse valait toujours bien mieux qu'une vie de lâcheté. Mais bref. Voilà qu'il s'égarait encore en dilemmes intérieurs, comme toujours. Ses propos avaient été directs, et peut-être quelque peu crus, selon l'oreille qui les avait entendus. Ils seraient sans doute capables de déclencher à peu près n'importe quelle réaction. De la colère à l'hilarité. Il connaissait bien les différentes facettes des seigneurs du Yermo. Après tout, il avait combattu les générations d'antan sur une base quotidienne.

Restait à voir comment réagirait celle-ci.

- Ainsi donc le Roi Guignol est mort. Une aubaine. Pour autant je n’offre guère plus de crédit à son successeur. Qu’il brise la tranquillité de ce royaume est déjà un outrage non négligeable en soi, mais que dire lorsque mon regard se pose sur l’outil dont il s’est servi afin de parvenir jusqu’ici… De toute évidence il doit être désespéré. Ou dément.

Jamais un pantin de Las Noches ne s’était encore aventuré dans son domaine. Du moins, nul ne s’en serait échappé vivant puisque la moindre intrusion était immédiatement relayée, après quoi la Principessa appliquait sa sentence suite à l’interception sans ménagement du malheureux, qu’elle présidait en général dans le but de se divertir. Aucun prisonnier ne croupissait plus dans les geôles dans l’attente d’un éventuel jugement ou de la grâce du souverain. La justice du squale est souvent immédiate, impitoyable. Seuls les émissaires de royaumes voisins, ou les plus puissants vagabonds tels que Vilmar se voyaient reconduits en dehors des frontières, sous bonne escorte. En de très rares occasions pourtant, elle les recevait pour parlementer. Dans le cas présent, n’importe quelle possibilité serait envisageable.

Les exécuter ici et maintenant serait incroyablement jouissif, et aisé. Utiliser Aleksi comme limier, c’est prendre le risque de le voir se retourner contre vous par amour aveugle d’autant que celui-ci se donnerait volontiers la mort ensuite pour plaire à sa dulcinée. Toutefois agir de la sorte aurait été stupide, après tout ils ne venaient pas vomir leurs ordres au nom de Grimmjow dont la mort arracha lui un subtil sourire tantôt. Non, elle se devait de comprendre les motivations de son successeur, un fanatique religieux d’après les mots de Talion et qui visiblement souhaitait s’entretenir avec une ancienne renégate. Ce simple état de fait l’amusa grandement. Faire appel à celle dont le nom hante encore probablement l’esprit des créatures du Yermo, celle qui ne respecte pas plus ses pairs que la hiérarchie ou le confort de la civilisation, relevait à ses yeux de la folie pure.

Mas la curiosité rongea son âme, tandis que ses oreilles buvaient les paroles intrigantes de son ancien amant. L’albinos venait de se raidir, coquille vide étalant désormais devant elle un message à la portée réduite, car implanté dans son crâne par une voix qu’elle reconnut immédiatement. Borick. Lui aussi devait très certainement l’attendre de pied ferme, notamment pour qu’elle réponde de son crime envers feu Dark Ezeckiel qui malheureusement devait avoir une place dans les plans de son petit Brasier. Voilà qui aurait pu sceller cet entretien dans l’idée d’un refus catégorique. Mais alors qu’elle s’apprêtait à intervenir en ce sens, le simplet à peine sorti de sa torpeur mécanique gravit habilement la pente à vive allure pour se frotter, impudique et frénétique, contre sa jambe nue tout en déblatérant nombre d’informations intéressantes. Il était question du départ de Borick donc, chose stupéfiante, et d’une attaque contre la forteresse que l’on pouvait sans mal associer à Riful.

Le visage de Daestra s’assombrit, à peine perturbé par le coït improbable dont elle était pourtant victime. Trop de changements en quelques misérables secondes, après une éternité de silence et de paix. Il fallait malgré tout avancer, et comprendre. Elle se redressa donc, non sans avoir au préalable expédié Aleksi au bas de la colline en secouant vigoureusement la jambe. Stup en profita pour se ruer sur lui. Et les autres de s’en écarter avec dégout, consciente de ce qui allait se produire sous leurs yeux innocents. Betty s’adressa, impassible, à sa mère. En silence, elle lui exposa ses idées, que la matriarche approuva d’un hochement significatif de la tête. Sa bouche se tordit enfin, laissant entrevoir ses innombrables couteaux aiguisés, qu’elle exposa à ses convives avant de leur adresser la parole. Ses yeux fixèrent l’horizon, inquiets.

- Sima. Ragots et légendes à son sujet circulent par centaines d’un bout à l’autre du Canyon. Si de tels récits vous sont parvenus, alors il est fort probable que votre cher Santo soit malade. Car s’ils sont avérés, vous êtes en train de constituer à ce Dieu primordial le plus merveilleux des banquets. Et en ce cas, je serais bien stupide de m’y rendre, non ?

Elle-même ne croyait pas réellement à ces mots, ni plus qu’aux fables qui se répandent sur ses terres ou ailleurs. Mais qu’un monarque prêcheur en vienne à l’inviter, elle, fléau ambulant dont la tête fut mise à prix jusqu’à ce jour… Il devait certainement s’agir d’une ruse infâme ou d’un acte désespéré. Un vieillard que l’hybride avait rencontré plus tôt, dépeignait Las Noches comme une vaste citadelle entourée d’innombrables créatures venues rejoindre les idées de ce nouveau dirigeant. Une croyance qui prend de l’ampleur. Une population grandissante, qui doit probablement abriter quantité de soldats potentiels et redoutables. Faire tout ce chemin pour une traîtresse, pour une prédatrice redoutée… Cela avait de quoi faire sourire.

Au lieu de ça Daestra prit un air sévère, fit quelques pas langoureux en direction du colosse. Bientôt sa silhouette immaculée et chétive ferait pâle figure devant lui et pourtant, elle était en mesure de l’écraser avec autant d’aisance que s’il s’agissait d’un insecte. Un gros insecte.

- Dis-moi Talion, le Yermo a-t-il oublié qui je suis ? Mon nom ? Dis-le. Ai-je seulement une raison de quitter ces lieux ? Je pourrais tout aussi bien garder Aleksi, et te donner en pâture à mes filles. Qu’est-ce que ton roi peut m’offrir de plus important que ma liberté, que la paix ?

Spoiler:

Sarcasmes, fanfaronnades et prétentions.

Cette femme semblait bien trop aisément se complaire dans sa propre supériorité apparente. Du haut de son trône dévasté, riant et relevant la tête d'un air fier en les invectivant tels de simples pièces de gibier. Ce qui n'avait malgré tout pas empêché Aleksi de se jeter comme un chien excité sur la jambe de la Principessa, créant ainsi une situation brève, mais au potentiel particulièrement curieux. Encore une fois, l'absence totale de pudeur du Sexta changeait la discussion d'une façon qu'il aurait été clairement impossible de prévoir. Mais ce n'était probablement pas plus mal pour autant. D'une certaine façon, et à sa manière, Aleksi semblait avoir un don pour... alléger l'atmosphère. En la rendant indescriptible, certes, mais les faits restaient les mêmes malgré tout. Et même si l'incartade de l'albinos fou se solda par une dégringolade jusqu'au pas de la colline, gracieuseté de sa précieuse amante, il avait semble-t-il réussi à proférer quelques mots qui avaient légèrement fait changer le discours de la squale.

Enfin, modifié. Elle portait maintenant son sarcasme à l'encontre du culte de Sima, plutôt que contre les messagers qu'ils étaient. Ce qui n'avait rien pour déranger le colosse gris. Elle pouvait cracher sur Sima jusqu'à ce que son corps ne contienne plus une once de salive, si l'envie lui prenait. Lui-même n'avait aucune considération pour cette religion de pacotille. Santo pouvait prêcher autant qu'il le voulait. Ses propos n'étaient jamais plus que les élucubrations d'un illuminé comme tant d'autres avant lui. Les cultes apparaissent et disparaissent si rapidement avec les siècles qu'ils ne deviennent aux finales que de vagues rumeurs que les gens oublient sans problème. Ce culte à Sima subirait le même sort, un jour ou l'autre.

Or... à la suite de ses paroles, les actions de la Principessa se modifièrent peu à peu. D'un ton à mi-chemin entre la moquerie et la menace latente, elle semblait maintenant... curieuse. Intriguée, même. Aussi, le colosse se fit attentif lorsqu'elle reprit la parole, descendant une à une les marches qui la mèneraient finalement face à eux. À leur hauteur, comme si elle avait décidé de leur donner une impression d'égalité. Cette femme parlait en énigmes. Elle avait le don de la parole, acérée, passant de doucereuse à menaçante en l'espace de quelques secondes. Appuyée qu'elle était par ces créatures chétives qui lui faisaient office de filles. Le regard menaçant de ces dernières était presque risible. Elles n'étaient que des amas de chair attendant d'être sectionnés et mis en pièces. Leur courage apparent, elles ne le devaient qu'à leur protectrice. Mais qu'importe. À chacun ses illusions.

Et pour le moment, il devait vraisemblablement une réponse aux interrogations de la squale.

« Je ne saurais parler au nom du Yermo, Daestra. Le Yermo que j'ai connu est révolu depuis longtemps, enterré sous des siècles de tempêtes et de seigneurs de guerre se suivant sans arrêt. Je peux cependant dire que plusieurs semblent encore craindre le nom de la Principessa entre les murs de Las Noches. »

Le colosse se tut un moment, fermant les yeux en adoptant un air pensif. Il souhaitait dire plusieurs choses en même temps, mais une seule de ces possibilités irait franchir le pas de ses lèvres. Il n'avait aucunement l'intention de négocier pour sa vie face aux menaces amusées de cette femme non plus. Non, il se contenterait de faire comme il l'avait toujours fait auparavant. Il dirait le fond de sa pensée, sans honte, sans hésitation. Si elle déplaisait, le problème leur revenait à eux.

« Je doute très franchement que tes filles soient celles que mon destin a désigné pour mettre un terme à mes jours, Daestra. Et ne te méprends pas à mon sujet. Je ne suis pas ici en tant qu'avocat de Santo Pastor. Il peut aisément vendre son caractère et ses lubies lui-même. Je ne suis pas ici pour te manipuler, te convaincre ou te forcer à faire quoi que ce soit. Et je ne suis pas non plus ici pour deviner le fond de sa pensée, et t'offrir tout ce que ton âme désire. Je n'ai jamais eu le coeur à ces joutes verbales inutiles. Grimmjow est mort. Mon prédécesseur, Borick, s'est évanoui dans le désert pour ne jamais revenir. Et le Rey actuel de Las Noches m'envoie ici avec l'un des membres de son Espada pour ''convaincre'' une ancienne traitresse de donner une chance aux négociations. Honnêtement, ce souverain idiot croit probablement que ma première réaction aura été de sauter à la gorge du premier venu. »

Un regard entendu se fixe sur les orbites ténébreuses de la Principessa. Certes, l'envie d'en découdre l'habitait perpétuellement. Mais il n'était pas pour autant à considérer comme le dernier des abrutis. Certains feraient encore et toujours cette erreur à leurs dépends.

« Si tu refuses l'offre du Rey sans affrontement, je m'en irai sans honte. Si tu refuses l'offre du Rey et que tu décides de m'affronter, je t'affronterai sans hésiter, que ce soit pour la victoire ou la défaite. Affronter une souveraine du Yermo digne de ce nom me rappellerait certains souvenirs agréables, sans doute. Je ne suis simplement pas en ces lieux pour décider ce que tu veux, et si Santo Pastor peut te l'offrir. Toi seule connait ton esprit, et toi seule connait tes aspirations. »

Et ainsi, le regard fixe, bras croisés, le colosse gris se tint droit et inflexible, telle une statue millénaire imposant sa présence par un silence pesant. Il avait parlé, et di tout ce qu'il pouvait vouloir dire en ces lieux. Franchement, simplement. La suite revenait à la souveraine des lieux. Elle était libre d'interpréter ses paroles comme bon lui semblait. Et elle était libre d'y réagir comme bon lui semblait aussi. Tout ce qu'il lui restait à faire, c'était de décider.

Décider si le sang coulerait ou non sur le sable blanc du Yermo en ce jour.

- Tu es ici en tant que pantin, Talion, ni plus ni moins. Le vulgaire faire valoir d’un monarque qui, à t’entendre ne vaut guère plus que la parole qu’il colporte : du vent. La forteresse d’ivoire se fissure par endroits, les piliers fondateurs s’écroulent. Une ère de misère et de mensonge, où l’apparence prévaut sur la force. Mais de là à recruter d’anciens criminels ? J’avoue ne pas cerner la logique…

Sous ses airs intrigués Daestra jubilait. Grimmjow mort, les portes du Yermo lui seraient de nouveau ouvertes. En à peine deux ans son royaume de dunes avait probablement été le théâtre de nombreux combats, de nombreuses traques, d’innombrables renaissances. Dans le cadre d’un éventuel retour, il lui faudrait évidemment rassoir son autorité sur ce domaine qui dès lors que la figure alpha s’était exilée, sombra très certainement dans l’anarchie la plus complète. A trop laisser le gibier sans prédateur le voilà qui se met à envahir les terres, à errer sans véritable but. Ici, le problème est tout autre. L’environnement est propice à la dissimulation, à la vie en communauté restreinte. La question de la chasse se pose autrement, devient une affaire d’état si les voisins sont trop regardant. Ici la vie se joue dans une poche d’air au milieu d’un océan de roche spongieuse où bon nombre de colonies cohabitent et s’alimentent mutuellement sans jamais en avoir conscience. Ou très rarement.

Ici, l’hybride se sent pour la première fois chez elle, en sécurité, sereine. Pourquoi vouloir tout abandonner de nouveau en se basant sur les mots acides d’un émissaire qui visiblement ne lui paraissait pas très investi dans la cause qu’on lui demandait de prêcher ? De quoi la conforter dans son idée d’enfoncer davantage les bases de son terrier, afin de s’établir comme sédentaire au sein d’un système féodal aussi vieux que le canyon, sans doute. D’autant qu’à l’endroit même où se tenaient les deux intrus de l’ancien monde se dessinait encore les vestiges d’une arène qui il y a peu la propulsa du rang de renégate à celui de souveraine autoproclamée. Parcourir le chemin inverse sur du vent, très peu.

Pour autant la proposition lui rongea les nerfs, et bientôt son visage se ternit avant de disparaître à la vue de ses invités. La Principessa scruta un instant la colline, soucieuse de ce qu’annoncerait le futur. Ses filles, bien qu’elles fussent certes misérables en termes de puissance comme le fit très justement remarquer Talion, n’en restaient pas moins des êtres d’une importance capitale aux yeux du squale qui refuserait toutefois catégoriquement de leur laisser la gérance du domaine. Pourtant, elle ne pouvait décemment pas refuser l’invitation. Ni laisser ses terres mourir dans l’attente d’un énième régent. Elle trouva aisément un compromis, et ne tarda pas à le faire savoir.

- Partez. Dites à votre bon prophète de pacotille que je regagnerais la forteresse à ma guise. Dites-lui que je viendrais dans le seul but de voir s’il est un moulin qui brasse de l’air, ou le digne successeur du Roi Guignol. Car je ne place en lui aucun espoir autre que celui-là.

Et sans adresser le moindre regard à ses convives, elle s’avança vers l’ouverture principale creusée à la base de sa colline. Sa tanière. Les filles, déjà, se regroupèrent afin de guider les émissaires en vue du retour.