Il se tenait là, seul au milieu d'une vaste pièce dénuée de tout mobilier hormis l'unique chaise qui trônait sous sa personne, le soutenant dans sa troublante observation de l'astre blanc qui se dessinait sur la toile d'encre du plafond de ce monde que l'on nommait Hueco Mundo.

Etre étrange par excellence, il siégeait ainsi, au milieu du néant de cet endroit dénué de vie, où rien ne pendait aux murs ou n'encombrait le sol...
Il était la seule chose ponctuant cet environnement désert, quartier tout juste ouvert pour sa personne à la suite de son entretient avec le Primera.

L'Adjuchas n'avait cure de cet endroit, à vrai dire, il ne se souciait même pas de ce "foyer" qui lui était offert tant son esprit semblait égaré dans les méandres de son propre corps.
Main tendue à hauteur de son visage, il regardait le temps défilé sur sa montre à gousset, la mouvant tel un pendule alors que le croissant de Lune s'élevait lentement au delà de l'horizon.

"J'ai enfin rejoint le Roi..." murmurait il alors que les secondes s’égrenaient selon l'avancée de cette aiguille, ce bourreau qui le torturait à mesure que le temps défilait et lui signifiait qu'il se rapprochait toujours plus d'une fin, lui qui ne voulait que l'éternel.

Et pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'ôter son regard de cet instrument qu'il glorifiait autant qu'il le haïssait. Cette montre symbole de ce qu'il recherchait et de ce qu'il voulait atteindre plus que tout, la domination du temps, s'ôtant ainsi la crainte qui le tourmentait depuis qu'il avait supplanté sa condition de Gillian : Disparaitre...

"Serais je un jour tel cet astre éternel, contemplant l'existence des êtres tourmentés par le temps, là haut bien à l’abri de ce méfait qu'est la temporalité qui rythme nos vies à tous ?" déclarait-il à haute voix, se questionnant lui même alors qu'il stoppait la course de sa montre au moment où cette dernière éclipsait le sujet de ses rêveries.

Un simple grincement se fit entendre derrière lui, en lieu et place de ce qui devait être la porte de sa tanière. Stoppant alors tout mouvement, se figeant à l'arrivée de cette personne dont il ressentait clairement la présence, il resta ainsi bras en l'air et montre pendante, se permettant juste de tourner sa tête de manière assez peu commune.
Lorgnant ainsi par dessus son épaule, il posa son regard d'abysse teinté d'orange sur l'un des êtres les plus énigmatiques qu'il lui ait été donner de voir. Simple rumeur durant toute son existence, le temps dans sa magnanime bienveillance lui avait octroyé la chance de le rencontrer.

"El Emperador..." souffla-t-il brièvement, à la manière d'un esprit dérangé contemplant une vision torturée de sa psyché.

Poussant plus en avant la porte, Borick s'avança alors de quelques pas, souriant en entendant son titre. Belial savait déjà à qui il avait à faire, ce qui faciliterait certainement la discussion qui allait venir. En sa qualité de premier Fraccion de Fou-Lu, le blondinet se devait de garantir sa sécurité, même si cela signifiait le préserver de ses nouveaux sujets. Non pas par altruisme ou par dévotion mais réellement car le Shen Di était encore indispensable aux propres projets d'El Emperador. De fait, rien ne devait lui arriver. Toutefois, Borick n'était pas pour autant venu mettre en garde Belial. Il s'était montré outrageusement respectueux à l'égard du Primera, beaucoup trop pour ne pas être sincère, bien que la manipulation ne soit pas exclue. Non, s'il se déplaçait en personne, c'était bel et bien pour apprendre à connaître celui qui sortait de nul part. Lui dont le parcours à travers Las Noches avait été entaché par les morts et le sang. Cruel Arrancar que voilà. Mais qui finalement n'était pas bien loin de la mentalité des autres qui vivaient dans ce palais.

Détaillant à nouveau cet homme, avec beaucoup plus d'attention cette fois, il notait l'étrange montre que celui-ci tenait en sa main. A chacun son histoire, à chacun ses reliques. Borick ne jugeait pas ce genre de choses. Mais cette aura qui se dégageait du Fraccion nouvellement nommé n'était pas commune. Était-ce de la folie qu'il lisait dans son regard ou tout simplement autre chose, il était encore trop tôt pour le dire. Cette rencontre allait être source d'informations pour celui qui tirait les ficelles dans les ombres du Hueco Mundo.

- En effet... Je te prie de m'excuser pour le dérangement. Je souhaitais simplement m'entretenir avec toi, loin de ces oreilles indiscrètes qui pullulent au sein de Las Noches.

Lorsque Borick se déplaçait en personne pour quelque chose, il n'attendait pas que l'objet de sa convoitise l'invite. On ne refusait pas un entretien avec El Emperador après tout. Après avoir incliné la tête en guise de salutation, il poussa la porte derrière lui et s'avança au milieu de la pièce. Une main posée sur le pommeau de son Zanpakutô, l'autre qui remettait en place l'une des mèches qui lui tombaient régulièrement sur le visage. Froide. Pour ne pas dire glaciale. L'aura de Belial était réellement particulière. Sensible à ce genre de chose, le blondinet traquait le moindre indice lui permettant de mieux cerner son nouvel allié. Car c'était plus ou moins ce qu'impliquait sa place de Fraccion.

- Es-tu bien installé ? Je sais que certaines de ces pièces peuvent paraître précaires mais l'on s'y fait rapidement. Cela change du désert blanc après tout. Plus civilisé, bien que la plupart se moque de ce terme.

Un court silence. Borick était certainement celui qui était le plus attaché à son apparence et à sa ressemblance avec les hommes. Pas étonnant ainsi qu'il prête autant d'attention à ces sentiments qui étaient jugés comme une faiblesse par ses pairs. Mais ce n'était pas aujourd'hui que l'on changerait El Emperador.

- Les autres parlent beaucoup de ton arrivée remarquée. Nous allons devoir remplacer les Arrancars qui ont croisés ta route. Essaye tout de même de réprimer tes pulsions lorsque tu te trouves à Las Noches. Une armée sans soldats est inutile après tout...

Voilà une conception de la vie assez particulière, plutôt rare pour ceux de leur espèce. Pourtant, cette notion d'éternité était aussi quelque chose que recherchait El Emperador. En souhaitant gouverner le monde de ses rêves, il aspirait à imposer sa vision des choses sur le long terme. N'était-ce pas ainsi que l'on devenait réellement immortel ? En tout cas, la présence de cette relique était désormais plus clair que jamais. Sans doute un bien lui rappelant son obsession. Suite aux propos et à la pseudo invitation de ce dernier, le blondinet s'approcha, contemplant un instant l'astre qui gouvernait les cieux. Mais il ne partageait pas sa passion. S'il avait à choisir, ce serait même son parfait opposé qu'il choisirait : le soleil. Car comme lui, il comptait briller et éclairer ce monde de sa propre lumière. Si les ombres étaient son domaine pour le moment, ce n'était que pour mieux en sortir le moment venu.

Il n'enlevait pourtant rien à la beauté de ce spectacle. Mais n'y trouvait pas autant d'intérêt que Belial. Pensif, Borick se demandait bien en quoi ce dernier serait utile à Fou-Lu. Avant de balayer ces pensées d'un simple mouvement de tête : ce n'était pas à lui de décider ce qui était bien ou mal pour le Primera. Il était bien assez grand pour décider seul. Sa propre position étant simplement de veiller au grain.

- Je ne sais rien de l'éternité, en dehors du fait que les idées et les pensées traversent le temps. Un être de chair et de sang est éphémère par nature. Car la mort peut prendre bien des visages et à ma connaissance, personne n'est indestructible.

Fou-Lu n'était pas immortel même si certains le pensaient. Un coup bien placé pouvait mettre un terme à sa vie. Et même le Roi du Hueco Mundo n'était pas à l'abri de cela. C'était précisément pour cela que le Primera était ici. Borick connaissait les ambitions de celui qu'il avait décidé de suivre. Et il partageait en un sens sa vision des choses, même si leurs aspirations différaient.

- Le Primera ne faisant de toute évidence pas exception. C'est précisément pour cela que je suis à ses côtés. Pour éviter qu'un malheur ne puisse s'abattre sur lui. Un rôle qui est devenu le tiens également. Il te demandera bien plus que de simplement tuer quelques Arrancars pour éprouver ta fidélité.

Borick avait parlé d'une traite, sans porter le moindre regard vers celui qui était à ses côtés. La lune n'avait certes pas la même influence sur lui que sur Belial, il n'empêche qu'elle avait quelque chose d'hypnotique. Il avait deviné à travers le comportement de cet homme qu'il n'était pas comme les autres, il avait son propre monde, ses propres règles. Sans doute serait-il intéressant de le manipuler pour parvenir à ses propres fins. L'idée n'était pas idiote. Car les fous étaient certainement les pions les plus intéressants. Cette petite aparté sur Fou-Lu était d'ailleurs là pour jauger la dévotion de cet Arrancar. Il avait tué sans se poser de question pour atteindre le Shen Di. Le prenait-il pour un véritable Dieu ? Si oui, ce serait plus facile encore qu'il ne le pensait.

- Je crains de ne pas éprouver le même intérêt que vous à cette lune.

"Détrompez vous... Ce n'est pas pour cette amas rocheux d'une pâleur inouïe que j'éprouve de l’intérêt, mais pour ce qu'il représente. Il vogue parmi les cieux depuis l'aube des temps, et nous survivra sans doute aucun..."

Sa main vint alors se déposer sur son cœur, ou au moins ce qui fut autrefois cet organe de vie désormais remplacé par un trou béant présent sous sa veste, trônant en plein centre de sa poitrine.
Aucun battement ne se faisait ressentir, symbole même de cet éternité qui s'offrait à eux qui n'étaient plus dépendants de l'état de vieillesse de leurs organes. Ce simple état de fait aurait du le réconforter, et pourtant ce n'était pas réellement la vieillesse qui le torturait mais cette peur irrationnelle de retomber à l'état de Gilian...
Déglutissant légèrement, il releva son regards vers l'Empereur qui était venu se placer à ses cotés.

"Je ne sais si vous sauriez comprendre cette peur du temps qui passe qui m'anime... Elle est comme une épée de Damoclès sans arrêt présente au dessus de moi. Un bourreau cruel prêt à frapper au moment où je baisserais ma garde..." il pencha alors sa tête sur le coté, de manière plutôt dérangeante "La mort... C'est ce que vous avez dit il me semble..."

Il se remit à observer par la fenêtre, songeant aux errances de son esprits qui sans cesse le privait du plaisir du moment présent. Pourquoi avait il recherché Fou-Lu ? Les simples mots de Borick le forçaient à se poser cette question qui autrefois ne s'était pas imposé à lui tant la réponse lui paraissait claire. Il devait y parvenir, et la réflexion s’arrêtait là.

"Fou-Lu fut un exemple pour moi... Un être à l'existence si longue que personne ne se rappelle vraiment quand il est arrivé en cet endroit." il songeât alors à un fait troublant, qui le fit marquer une pause et détourner son regard de la fenêtre observant alors le sol un instant "Mais... El Emperador n'a également jamais eut de naissance... Peut être que... Le temps m'a octroyer la chance de le défier en vous rencontrant, vous et le Primera."

Alors qu'il respirait lentement, il ressentait l'odeur caractéristique de l'arrancar présent à ses cotés, cette saveur particulière qui pendant des années le maintenait en vie. S'il pouvait comprendre que sa nouvelle condition le protégeait des peurs qui le tourmentent, alors peut être se verrait il purger de ces démons qui le hantait de manière incessante. Mais cette peur primaire résidait de son existence antérieure, et elle était une séquelle psychologique qui n'aurait pu trouver de rédemption que dans une aide psychologique spécifique à sa personne, chose inconcevable au cœur même du Hueco Mundo.

"La mort ne m'effraie pas, Borick-sama... Seul disparaitre est pour moi une douleur que je ne peux supporter... Ne plus être, ne plus exister. Tant de combats auraient été menés pour rien alors... Peut être ne comprenez vous pas cette douleurs de régresser et redevenir cette forme infâme, ou vous n'êtes plus qu'un chainon d'une entité sans conscience..."

Ses souvenirs remontant à la surface il serrait le poing, encore trop peu distant de cet instant pour ne pas éprouver d'émotion en se remémorant de tels instants.

"Je ne veux pas... Je ne veux pas perdre mon être..." alors, tel un enfant perdu, il releva son visage pour observer cet arrancar majestueux qui l’honorait de sa présence, lui glissant une simple question "M'aiderez vous à être digne du Primera et de votre personne, mon frère ? M'aiderez vous à devenir votre égal, un être éternel ?"

Un exemple ? Voilà qui était particulier. C'était bel et bien la première fois que Borick entendait pareils propos et il pouvait dire que cela l'amusait réellement. Imaginer son maître en guide, ce n'était pas dans ses habitudes. Le caractère parfois étrange du Primera était d'ailleurs en parfaite contradiction avait son rôle de dirigeant. Passer sa colère sur les pauvres serviteurs ne faisait qu'accroître la peur de ces derniers. Cela le satisfaisait bien sûr mais en quoi était-il un réel exemple ? Un mince sourire répondit aux premiers propos de son vis à vis.

Quant à cette histoire de temps qui passe, El Emperador n'y prêtait qu'une attention distraite. Il comprenait que cela puisse être une obsession mais ce n'était et ne serait finalement jamais la sienne. Belial ne semblait pas être un être faible, preuve en était la façon qu'il avait eu d'atteindre Fou-Lu dans Las Noches alors même que les Arrancars lui barraient la route. Mais cette notion et ce rapport aux temps était une véritable obsession pour lui. Vivre éternellement pour ne plus jamais devoir compter les minutes. Une idée plaisante pour beaucoup... Un instant silencieux, Borick reprit finalement la parole. Sa voix était posée, calme, répondant point par point aux différentes interrogations de Belial.

- Je dois bien admettre qu'il s'agit d'une peur qui m'est inconnue. Je ne la comprends pas mais je ne juge pas pour autant. Chacun possède ses peurs et je ne suis pas assez sot pour prétendre comprendre celles qui ne m'habitent pas.

L'Empereur préférait ne pas être trop prompt au jugement. Car lui-même n'accepterait jamais qu'un autre puisse faire de même avec lui. Les peurs étaient personnelles, au même titre que les sources de joie. Un jardin secret que préservait jalousement le blondinet. Car lui plus que tout autre savait une chose : connaître la peur d'un homme permettait d'avoir un pouvoir absolu sur lui. Du moins lorsque l'on savait y faire. Un art que la manipulation. Un art qu'il maîtrisait à la perfection.

- Ta quête est particulière mais j'espère très sincèrement que tu parviendras à ton but. Chaque être en possède un et ils ne sont pas pour autant plus facile à atteindre.

Lui-même était le mieux placé pour en parler. Devenir un empereur sur Terre était réellement hors de sa portée pour le moment. Mais il n'abandonnait pas pour autant cet objectif si ambitieux qu'il s'était fixé. Un objectif qui allait le pousser à se rendre incessamment sous peu à Karakura. On ne dominait pas un monde sans en connaître les facettes. Se détournant du spectacle, Borick fit quelques pas dans la salle vide. Une salle qui ne comportait qu'un siège unique. Une pièce qui semblait plaire au nouvel hôte et là était le principal. Cette discussion n'avait finalement pas répondu à toutes les interrogations de l'Empereur mais il avait au moins appris une chose : il lui faudrait du temps pour percer à jour le caractère si étrange de ce doux rêveur. Un rêveur qui cachait un véritable tueur.

- A notre contact, il n'y a aucune raison que tu ne parviennes pas à atteindre ton but, mon frère. Nous n'avons pas d'âge car le temps lui-même l'a oublié. Tel l'astre que tu admires, nous régnerons sur ces terres. De cela au moins, tu peux être sûr. Je vais donc te laisser, d'autres affaires attendent que je m'y penche. A mon retour, nous en parlerons de nouveau.

Inclinant la tête en guise de salutation, El Emperador quitta la pièce. L'heure était venue pour lui de visiter son monde.