L'empereur et le vagabond... [PV Borick]

Enfin, le désert blanc s'offrait à moi. Las Noches se trouvait déjà loin en arrière et c'est sans regret que j'avais quitté cette citadelle aussi vite que j'y était rentré. Amer, je ne pouvais m'empêcher de constater à quel point j'avais failli. La seule présence de la forteresse du Hueco Mundo, sa simple vu m'était désormais presque insupportable. Rien que la pensée qu'une armée d'hybride me narguait au loin attisait ma haine tel la brise sur le feu de camp. Cette colère était pesante, irritante et persistante. Je ne parvenais pas à m'en défaire, il fallait que j'exulte, que je l’extériorise sur quelque chose... Quelqu'un... Non. Perdre la face maintenant au profit de mon instinct serait inacceptable. Cela réduirait à néant tout ce que j'ai accompli jusqu'alors. Toutes les âmes emprisonnées dans mon armes n'auraient plus la même valeur, je n'aurais plus de but...

Je me retournais une dernière fois vers Las Noches. Au loin, l'édifice n'était pas plus gros qu'une tête d'épingle. Je tendais le bras comme si je cherchais à l'attraper, ma main s'ouvrit et se referma d'un coup sec. Je ricanais d'un rire malsain, presque sadique, seul face à l'idole de ma faiblesse. Je les détruirai... Tous... Je m'en faisait la promesse. Le Roi tombera et plus jamais il n'y en aura. Cependant, je restais lucide. Avant de pouvoir atteindre le monarque, il me faudrait le désarmer de son épée, de son armée, et pour cela, je serais bien obliger d'en arriver là. Une chose à laquelle je m'était abstenu pendant des siècles... L'évolution. Je surpasserais ces hollows impurs, j’accéderais au stade supérieur. Mon poing se serrait de plus en plus au fur et à mesure que ma conviction se renforçait.

Perdu dans mes pensées, je ne remarquais que maintenant la présence toute proche de celui que je suivais depuis un petit moment maintenant. Borick, l'Empereur, la suffisance, l’ego, tout ça incarné dans un enfant aux allures d'ange. Un paradoxe, une énigme à lui seul. Il m'avait accordé la clémence, une porte de sortie que j'avais saisi sans hésitation. Me retournant, je me déplaçais à sa rencontre. Il me fallu juste passer la crête de cette dune avant de le voir. M'attendait-il ? Quel question... Bien sûr. Même un menos aurait pu me repérer en plein brouillard. Je me rapprochais lentement de lui en silence tout en descendant la dune. Dans le creux de deux vagues de sable, nous nous faisions face. Je n'arrivais pas à le cerner. Cette hybride avait pourtant agit en contradiction avec les principes de la citadelle qu'il m'avait annoncé plus tôt. Se ces trois êtres avaient suivit à la lettre les règles, il y aurait sans doute eu des dégâts. Pourtant, rien... Que recherchait-il ?

Méfiant, je me planta à quelques mètres de lui. Mes pupilles le fixaient attentivement en tentant de percer ses pensées à travers ses prunelles d'or. Je devais résoudre l'énigme. C'est ainsi, simplement, que ma voix s'éleva entre les dunes creusant la scène de cette rencontre.

« Pourquoi ne pas m'avoir abattus plus tôt, cher Empereur ? A croire que la citadelle de ce Roi n'est pas un endroit aussi dangereux que tu puisses le prétendre. Ou alors... Peut-être en es-tu simplement incapable... Non, c'est autre chose... Quel raison a donc pu te pousser à me « préserver » de tes congénères ? »

Une petite pointe de provocation dans ce dernier mot, complètement gratuit et sans demi-mesure. Vu le dégoût qu'il semblait ressentir vis-à-vis des autres arrancars, je m'étais permis cette petite pique, convaincu qu'elle ne l'atteindrait pourtant pas. Une simple manière de lui faire comprendre le fait que j'avais retrouvé la confiance que me prodiguait le désert. J'étais de nouveau dans mon élément, sans peur, invincible... Pourtant, l'immaculé se tenait devant moi et j'attendais sa réponse, avide de comprendre...

Il l'avait suivi, comme prévu. Ce qui constituait déjà un bon point pour l'Empereur. Discuter à Las Noches avec deux autres Arrancars dans les parages revenait à parler devant Grimmjow. Ou peu s'en faut. La loyauté d'un Arrancar allait avant tout à lui-même et en cela, ils étaient tous semblables. Ce Hollow était intéressant selon les critères du blondinet, il se devait donc d'en apprendre un peu plus sur lui afin de savoir s'il saurait se montrer utile à l'avenir. Si tel n'était pas le cas, le Vagabond continuerait sa route seul. Avec comme consigne de ne plus jamais approcher de ce lieu... Les Vasto Lorde étaient de terribles représentants de leur caste. Mais avec l’avènement des Arrancars, ils n'étaient plus les Seigneurs de ce monde. Ils ne le seraient plus jamais.

Alecto fut le premier à prendre la parole alors que Borick l'observait. Au cœur de la Citadelle, le Vasto Lorde s'était montré imprudent, se mettant en danger face à l'armée du Roi. Mais ici, il redevenait le Vagabond, potentiellement le maître des lieux. Cela suffisait à lui redonner de la confiance, ce qui expliquait sans doute qu'il puisse s'adresser à lui comme cela. Quoi que... Il ne s'était pas forcément montré très impressionné auparavant. Sans doute était-ce dans leur nature que de se croire au-dessus du lot. Après tout, qui pouvait contester leur puissance dans le Yermo ? Sans doute personne. Mais aujourd'hui, Alecto allait apprendre une chose essentielle à sa survie : face à l'Empereur, on se modérait. Sans quoi, on disparaissait.

- Tout simplement parce que tu m'amuses, Alecto. Vois-tu, dans le Yermo tu es un Seigneur incontesté et incontestable. Mais ici, dans la Citadelle, tu n'es rien d'autre qu'un animal. Plus puissant que la moyenne bien sûr mais animal quand même. Pour la Panthère, tu ne serais qu'un jouet. Pour les Espada, un moyen de montrer que le temps des Vasto Lorde est révolu. Une distraction, tout au plus. Mais pas pour moi...

Il était préférable de bien mettre les choses au clair pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté. Ce Vasto Lorde se cachait derrière un mur de confiance et de suffisance, justifiée par une vie de conquête sans le moindre doute. Borick ne relevait pas les petites allusions sur sa prétendue faiblesse ou sur le terme de "congénère" que l'autre avait mentionné. Pure perte de temps et le temps était trop important à ses yeux pour polémiquer. Qu'il pense ce qu'il veut, la réalité le rattraperait bien à un moment. Il espérait seulement que ce ne serait pas trop tôt.

- Je pense que tu n'es pas aussi sot que ton comportement peut le faire croire. Je pense que tu sous-estimes ce que tu as vu parce que tu ne le comprends pas. Oh bien sûr j'ai répondu à quelques-unes de tes questions. Mais tu n'as pas encore compris l'implication d'un tel bouleversement sur ton territoire. Dis-moi donc, Vagabond... Ne crois-tu pas que ta supposée liberté n'est qu'une illusion ? J'aimerai savoir ce que tu penses de tout ceci. N'aie aucune crainte de parler. Je ne suis pas comme eux. Tuer pour l'amusement ne m'intéresse pas.

Un seul ordre de Grimmjow et l'Espada traquerait les Vasto Lorde sans remords. Alecto se croyait libre mais en réalité, son existence se résumait à peu de choses... A la volonté du Roi, qu'il le veuille ou non. Sur ce point unique, Alecto et Borick étaient sur un même pied d'égalité.

« Je... t'amuse... »

Ma voix s'était voulu calme, pourtant ces mots sonnèrent plus violemment dans mon esprit, remontant dans mes tripes et perçant mon ego. Il se moquait de moi. Je ne pouvais concevoir cette idée. Moi, un jouet... Depuis le temps que j'arpentais ce désert, on ne me l'avait jamais faite celle-là. Me calmer, oui. Quel maladresse cela serait de craquer si tôt. Surtout lorsque je me trouvais face à l'un de ces hybride. L'heure n'était pas encore venu. Il ne devait pas la percevoir, la haine parcourant mes veines telle une ronce torturant mes nerfs. Mes yeux contemplaient, mes oreilles entendaient l'arracar se prétendant si... différent des autres. Étrangement, je ne le percevais pas comme une menace. Je ne ressentais pas le besoin de le broyer sous mes coups, même après de telles paroles. Étais-ce son allure inoffensive ? Ce faciès angélique qui anesthésiait mon instinct ?

Pour dire vrai, ces créatures bousculaient ma conception de ce monde même. Comme si, après des siècles et des siècles, chacune de ces dunes m'apparaissait comme une inconnue. Comme si, un vent puissant venait de balayer le sable en déterrant au grand jour la citadelle et ses habitants. J'étais perdu, tourmenté devant une telle réalité. Une rencontre, il lui avait suffit d'une seule rencontre pour comprendre mon malaise. Étais-je donc faible à ce point ? Non, bien au contraire. Mon errance dans le Yermo, cette lassitude qui m'habitait depuis tant d'années devait disparaître. Elle bridait mon esprit et ma perception du monde, enrichit de ces nouveaux facteurs qu'étaient cette forteresse et cette espèce. Je n'avais plus affaire à des monstres sans cervelle. Ces animaux qui ne pensaient pas, qui ne réfléchissaient pas, gouvernés par leur seule instinct.

A l'image de Borick et de son espèce, je considérais maintenant ces arrancars d'une tout autre façon. D'un certain point de vue, je leur ressemblais. Comme moi, leur instinct primaire semblait s'être tari au profit d'un sens plus aiguë des choses, pour ne pas dire une conscience. A raison, l'immaculé mettait le doigt quelque chose. Un fait qui m'apparaissait maintenant comme une douloureuse évidence. Il y avait un Roi... Au Hueco Mundo. J'avais beau le comprendre, je ne le concevais pourtant pas. Sans doute me faudrait-il faire avec si je voulais accomplir mon devoir envers le royaume des sables. Quant à ma liberté illusoire...

Lentement, ma main alla chercher le manche de mon sabre dans mon dos. Je la dégainais doucement avant de la présenter à mon vis-à-vis. Le bras tendu en avant, je tenais l'immense nodachi au niveau de mes épaules, à l'horizontale.

« Ma liberté ? Je l'ai perdu dès l'instant où cette lame fut créée. Elle est mon fardeau, ma rédemption, la raison qui m'a poussé à entrer dans ta citadelle... Écoute... »

D'une brève fluctuation de mon reiatsu, les âmes au cœur de l'épée s'agitèrent. Mon sabre suinta alors d'une aura noire, mouvante, une fumée de murmures, de rires et de cris étouffés, jalonnée d'éphémères visages indistincts.

« Voit et entend les âmes que j'ai jugé... Emprisonnées au cœur de mon arme, elles sont le reflet de ceux qui ne pourront plus jamais prétendre à l'évolution... »

J'hésitais un instant, méfiant. Cet arrancars avait beau m'avoir invité à la franchise, il n'en restait pas moins l'un des pions du Roi. De plus, qui me disait qu'il ne cherchait pas un prétexte pour s'accaparer à lui seul le droit de me mettre à terre ? Si tuer ne l'amusait pas, cela ne l'empêchait pas de tuer tout de même... Un souvenir me revint alors subitement en mémoire. Boréas... Je m'en souvient. Ah... Oui... Ce conseil ne t'avait pas vraiment rendu service à l'époque, mais peut-être que je saurais l'utiliser d'une bien meilleure façon. « Soit proche de tes amis et encore plus proche de tes ennemis... ». Soit, je vais prendre le risque...

« Tous ceux qui ne jurent que par leur puissance. Tout ceux qui ne désirent que le pouvoir. Tout ceux qui se mettent en travers de ma route... Tout ceux-là sont destiné à cette lame. Ton... Roi... Pourrait y être destiné. Sa simple existence est la preuve de mon échec. Il est de mon devoir de l’anéantir, quoi qu'il m'en coûte... »

Avait-je oublié de mentionner tout ces hybrides ? Peut-être bien, mais après tout, une chose à la fois. Cette déclaration de guerre ouverte à l'encontre de son Roi aurait sans doute déjà de quoi l'indisposer, alors autant ne pas s'étaler dans les détails... Je me tenais sur mes gardes, appréhendant ce que mes mots allaient déclencher chez l'empereur.

Il était rare de voir un Hollow avec un sabre. Cette simple constatation rendait Alecto plus intéressant encore qu'il ne l'était déjà. Cette histoire d'âme jugée pouvait paraître assez glauque d'ailleurs et à la manière de se comporter de cette créature, le blondinet devinait qu'il ne fallait pas faire grand-chose pour être ainsi jugé. Son sourire s'estompait finalement pour laisser place à de l'intérêt pur et dur. Il avait bien fait de le soustraire à la surveillance de Las Noches, tout comme il avait bien fait d'empêcher l'Exequias de le suivre pour éradiquer la menace que ce Vasto Lorde représentait à coup sûr. Sans doute lui reprocherait-on son laxisme mais Borick avait déjà la parade : Ace étant le Segunda, il serait l'unique responsable pour avoir laissé cette créature s'enfuir.

Le discours d'Alecto était évidemment passible d'une mise à mort immédiate si Grimmjow en entendait parler. Jamais le Roi n'accepterait de laisser un souffle de vie dans le corps d'un être capable de le braver si ouvertement. La puissance était véritablement la seule chose qui caractérisait la Panthère, il entrait de fait directement en tête de liste pour le Vagabond. Mais se rendait-il compte qu'en l'état actuel des choses, il n'arriverait jamais à atteindre son objectif ? Il n'était pourtant pas sot au point d'oublier l'Espada, alors même que le Sexta lui en avait appris l'existence quelques temps auparavant. Braver Grimmjow voulait dire braver son élite. Il ne survivrait jamais, malgré sa faucheuse d'âmes.

Et le voir mourir pour une cause si absurde peinait vraiment Borick. Alecto pouvait devenir la pierre angulaire de son projet s'il se donnait la peine de vouloir se tempérer. Les yeux de l'ange déchu parcouraient les reflets hypnotiques de cette arme étrange. Jamais il n'avait été confronté à un tel pouvoir. Et cette chose réagissait au Reiatsu de son maître. Une épée pour un Menos. La scène aurait été cocasse si elle n'était pas aussi capitale.

- Ta dévotion est louable. Mais ton raisonnement est stupide et digne d'une bête. Je n'ai pas été totalement franc avec toi... J'ai préservé ta vie car tu m'as donné l'impression que tu étais différent de tes semblables. Toi qui te désigne comme Juge, tu n'es finalement pas si étranger aux coutumes de l'Espada et de ces hybrides que tu exècres tant.

Borick ne plaisantait plus. Le Vagabond menaçait clairement les Arrancars, jugeant cette évolution comme indigne de ses principes. Pour autant, il n'était lui-même pas si différent, puisqu'il usait d'arcanes que ses semblables ne connaissaient pas. Cette épée en était la première preuve. Il avait beau être Seigneur du Yermo, il semblait avoir oublié tout instinct de conservation. Il était dangereux. Mais son attitude le conduirait rapidement à la mort. En son âme et conscience, Borick hésitait à mettre un terme à sa misérable existence. Il était déçu. Déçu de voir qu'un tel potentiel était ainsi gâché par manque d'intelligence.

- Qui es-tu vraiment, Vagabond, pour te permettre de juger ceux qui se dressent face à toi ? Tu agis comme n'importe lequel d'entre nous. En vérité, tu ferais un Arrancar brillant avec un tel état d'esprit. Mais si tu daignes m'écouter, peut-être serais-je en mesure de t'apporter un peu d'aide dans ton projet insensé. Tuer Grimmjow est impossible pour le moment. Tu ne pourrais même pas dégainer ta lame que déjà tes cendres seraient éparpillées dans le désert. Il est le plus puissant de tous. Ce n'est pas sans raison que les Arrancar le suivent. Sa seule force est capable d'éradiquer l'Espada sans problème.

Borick ne s'intéressait que peu au Hueco Mundo. Il ne s'agissait là que d'une étape pour son véritable plan. La Terre était tout ce qui comptait. Mais il ne pouvait partir tant que la Panthère serait aussi dangereuse. Si Grimmjow se trouvait un vrai adversaire, alors peut-être que lui, Borick, aurait les coudées franches pour mettre à exécution ses ambitions.

- Ne vois-tu pas que tu es dans l'erreur ? Tu n'es pas capable de me juger aujourd'hui, alors comment peux-tu espérer parvenir à abattre Grimmjow ? Il te faut réfléchir à une autre alternative. Travaille avec moi, Alecto. Et avec de la patience, je t'ouvrirai les portes de Las Noches. Mais si tu te mets en travers de ma route, alors tu rejoindras ces âmes que tu as jugé.

Ferme, il ne laissait aucune autre alternative. Même si Alecto trouvait d'autres alliés, jamais il ne pourrait les persuader que Borick conspirait contre Grimmjow. Pas après ces états de service.

J'abaissais doucement, très lentement, ma lame à mon flanc à chaque phrases de l'hybride. Un point commun après l'autre, Borick m'associait à sa caste. Les âmes suintant le long de mon arme ne se calmaient pas, bien au contraire. Plus l'angélique me pointait la vérité de ses paroles en pleine face et moins je parvenais à garder mon calme. Je le savais bien les Épées devraient tomber, la garde du Roi devrait s'effondrer, mais ce n'est pas vraiment cette pensée qui me mettait hors de moi. J'avais conscience de leur force désormais et le seul moyen de parvenir à mes fins serait de reprendre le massacre. Le chemin vers l'évolution que j'avais délaissé au profit d'une croisade solitaire à l'encontre de ceux de ma race. La voie que je m'étais juré de ne plus jamais emprunter. Je ressentais, j'écoutais les murmures des millions de vies damnées que j'avais résolu à l'emprisonnement, répandre leur aura. La brume noire de mon nodachi remontait le long de mon bras tel un poison avant de recouvrir l'ensemble de mon corps.

Mes muscles se contractèrent sous la tension émise par la masse de reiatsu contenue à l'épiderme. Ma main armée tremblait, mes pupilles s’étrécirent. J'étais prêt à exploser, galvanisé par les paroles de mon interlocuteur. Pourtant, ma sourde frénésie fut stoppée nette. Les tremblements cessèrent, les âmes se turent. Tel un éclair, les mots de l'Immaculé venaient de transpercer mon esprit. Que disait-il ?! M'aider ?! J'étais désorienté. Là où ses précédentes provocations allaient sceller son destin, le voilà qu'il me proposait, à moi la « bête stupide », de... l'aide ??!! Il jouait avec mes nerfs... Me vanter la puissance d'un Roi, de son Roi, alors qu'il sous-entendait sa chute ? Je me laissais emporter par un ricanement malsain, absurde. N'étais-je donc pas le seul régicide ? D'un mouvement sec, je planta ma lame dans le sable devant moi, mettant fin à mon rire nerveux. Mes mains se posèrent sur le pommeau de l'épée et la brume sombre se dissipa.

Fascinantes étaient les graines que pouvaient semer l'évolution. Effectivement, j'en prenais désormais pleinement conscience... Borick, tu n'es pas comme les autres. Un divin stratège dans le corps d'un enfant. Tu as de nouveau su éveiller ma curiosité. Cependant, et je n'aurais su dire pourquoi, cette proposition me laissait perplexe. Un doute en moi qui fut rapidement balayé par un simple constat. N'avait-il pas choisit les mots plutôt qu'un cero ? Déjà dans la citadelle, personne n'avait levé la main sur moi. Lui étais-je redevable pour autant ? Au moins pour cette fois-ci... Soudainement, ma voix résonna depuis mon heaume, calme, jusqu'aux oreilles de mon vis-à-vis.

« J'ai arpenté ce désert des siècles durant... J'ai vu ce à quoi nos congénères aspirent. Là où ces bêtes tuent par plaisir, pour combler la faim qui les ronge... Tuer ne me procure aucun plaisir, je me le suis interdit. Abattre ces êtres incontrôlables est pour moi un devoir... J'ai mes raisons... Je gage aussi que certains de ces Espada ont sans doute gardé cette faim sauvage... Ce n'est pas mon cas alors ne me compare pas à eux, plus jamais... »

Finis-je d'un ton ferme, presque menaçant. Mes raisons... Peut-être pourrait-il les appréhender si je les lui révélais. Pour le moment, j'espérais lui avoir fait comprendre la différence qu'il pouvait y avoir entre moi et ceux prisonniers de mon épée. A vrai dire, il l'avait sans doute déjà compris, même s'il se gardait bien de l'avouer.

« Toi en revanche, tu es bien différent de ceux que j'ai pu rencontrer jusqu'à présent. En quoi m'aider te servirait-il, empereur ? Dois-je comprendre que le Roi ne voit pas ses ennemis au sain même de son armée ? Sa toute puissance l'aveuglerait-il ? »

J'essayais de percer la carapace angélique, sans pour autant répondre à sa dernière question pour le moment. L'hybride en face de moi, de part ses paroles, démontrait une adresse certaine à manier les mots. Une dextérité qui m'était étrangère pour ne l'avoir que rarement côtoyée. J'étais naïf, trop sûr de moi... Ma méfiance s'était envolée car j'avais devant moi celui qui pourrait sans doute m'offrir une opportunité à ne pas manquer. Peut-être devrait-je revoir mon jugement concernant certains de ces êtres tout compte fait.

« Tu as fait le premier pas, et je vais faire le second. Si tes mots ne sont pas une simple poudre aux yeux, alors mon épée est tienne... »

Tout du long, je n'avait pas bougé d'un pouce, mon avenir pendu aux lèvres du blondinet... J'étais absorbé, grisé à l'idée de voir de mes propres yeux un traître au milieu de la cours du Roi.

Il n’avait pas apprécié la comparaison. Compréhensible puisque lui-même n’apprécierait sans doute pas d’être comparé à des bêtes. Pour autant, la situation semblait se détendre. Il avait obtenu la possibilité de s’expliquer et l’Empereur considérait déjà cela comme une victoire. Brève mais importante à ses yeux. Ce Vasto Lorde n’avait certainement pas l’habitude de se trouver face à un être doué d’intelligence et il se méfiait de ses réactions instinctives. A plusieurs reprises, il avait pensé avoir dépassé les limites mais la maîtrise d’Alecto était plus développée qu’il ne l’avait cru possible. Un point précieux pour lui. Bien sûr, la menace couverte n’effrayait en rien le Sexta qui ne voyait là qu’un simple moyen de préserver la face. Une attitude logique, qu’il respectait. Pour autant, il n’y portait aucun crédit.

- Qui saurait dire avec précision qui est son ami ou qui ne l’est pas ? La frontière est si mince que moi-même je m’y perds… Pour autant, sache que je ne me considère pas comme un ennemi du Roi. Seulement je n’ai pas les mêmes aspirations que lui. En pénétrant en ce lieu, tu es entré sans le savoir dans un jeu dont tu ne maitrises aucune règle. Et tu ne peux plus en échapper sans aide désormais. Pas après ce que tu as appris sur la Panthère et ses suivants. Mon aide te sera indispensable car c’est la seule que tu obtiendras.

La seule sincère, tout du moins. Borick pensait avoir compris les aspirations premières du Vasto Lorde. Chaque centimètre carré de son être repoussait l’idée que les Arrancars gouvernaient ce monde. Comme si cela n’était qu’une hérésie. Une vaste blague cosmique qu’il comptait balayer en détruisant Grimmjow. Un projet difficile mais le fait que le Vasto Lorde puisse par la suite prêter sa lame aux plans de Borick garantissait l’appui de l’Empereur.

- Mes promesses ne sont pas que paroles au vent. Mais de cela, tu ne peux avoir aucune certitude. Il te faudra te fier à moi. Tu n’as pas le choix. Ton projet prendra du temps, tout comme le mien. Mettons-le à profit pour sécuriser nos positions. Mais prends garde, Alecto. Car si tu t’écartes de cette route, je saurai te rappeler ta parole.

Il n’aimait pas menacer ainsi ouvertement un homme qui pourrait s’avérer utile par la suite. Convaincre par la peur n’aidait jamais. Mais Alecto était de la race des Seigneurs et il était préférable qu’il comprenne que le pacte tacite qu’ils allaient signer ensemble amenait des conditions. Trahir Borick serait sans la pire et la dernière erreur de son existence.

- Tu sais où me trouver désormais. Réfléchis bien, Alecto. Car je serais sans doute le soutien le plus fiable vers lequel tu pourras te tourner. Et rien n’est gratuit, en ce monde.

Déjà, l’Empereur tournait les talons. Ils avaient dit ce qu’ils avaient à se dire et il ne voyait aucune raison de poursuivre plus longtemps. Il prenait toutefois son temps, au cas où l’autre ait encore quelque chose à lui dire. Dans le cas contraire, le blondinet disparaitrait vers la Citadelle. En attendant une prochaine rencontre qu’il espérait payante.

Peu commun ce Borick, vraiment. J'en venais presque à apprécier sa façon de voir les choses. Il jouait au funambule sur un câble le reliant à son objectif, ceci sous les yeux du Roi. Un mauvais pas et c'était la chute. Moi, à peine avais-je fait le premier pas que j'étais déjà en déséquilibre. Cet arrancar m'offrait une sécurité pour ne pas tomber et je n'allais pas la refuser. Pourtant, et même si je ne le montrais pas, l'angélique me laissait perplexe. Ses aspirations, je ne les connaissait pas. Je les appréhendais tout au plus. La preuve étant qu'il daigne m'offrir son aide alors que j'avais ouvertement menacé son monarque. Ce jeu, j'y prendrais part, quitte à canaliser mes ardeurs, jusqu'à ce que ce que je puisse concrétiser ce vers quoi j'aspirais... Mettre à terre ce Roi, ainsi que tout ceux qui viendraient à réclamer ce droit...

« Une menace inutile Borick... Tu apprendras également que ma parole n'est pas à remettre en doute. Malgré mon apparence, je crois en la force que peuvent dégager les mots. Si tu as foi en ce que tu avances, alors soit sûr qu'il en va de même pour moi. »

Même si la plupart de mes frères ayant croisé ma route ne furent pas bien causant. Ma longue solitude dans le désert m'avait usé. Moi qui pensait avoir tout accompli, je me retrouvais comme un enfant au milieu d'une meute de loups. Devant moi n'était pas apparu l'Alpha, mais le renard se faisant passer comme tel. S'il se tenait là à présent, le blondinet devait sans doute bien cacher son jeu. De lui, j'apprendrais beaucoup. Cela n'allait pas être chose aisée, mais il me faudrait me fondre dans la masse tout en renouant avec cette partie de moi-même que j'avais rejeté . La bête referait surface dans le désert... Mon masque dissimulerait cette aberration devant mes ennemis. Il tomberait uniquement le jour ou je tiendrais ce Roi à ma merci.

A compter de ce jour, je serais l'agneau face à la panthère, le loup face aux loups, la bête face à ses proies. Tout ne pouvait pas se résoudre en un jour, ça je l'avais compris, et il ne tenait qu'à moi de tirer mon épingle du jeu. Ainsi, saisissant mon sabre, je la rengaina dans mon dos d'un ample mouvement du bras, interpellant une dernière fois l'Immaculé.

« Alors, j'en paierais le prix... »

Conclus-je avant de tourner les talons dans le sens opposé, vers le désert.

Spoiler:

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