Ils attendaient. Trois heures s’étaient déjà écoulées, d’après ce qu’on pouvait juger de la position du soleil, depuis que le détachement du Kanritaï de l’Onmitsikudô mené par la jeune Kai Umezawa avait encerclé les lieux où se trouvait leur cible. Le mystère et le secret faisaient partit intégrante du quotidien quand on œuvrait au sein des Forces Spéciales, un voile épais d’obscurité recouvrant les activités sur lesquelles la morale stricte du Seireitei ne désirait guère s’attarder. Une attitude que Kai jugeait hypocrite en son fort intérieur, mais qui était nécessaire pour conserver le mince glacis d’apparence qui faisait du Goteï 13 une institution honorable et soudée. Chaque action effectuée par les assassins en noir ou décision du Capitaine de la Seconde Division étaient marqués du sceau du secret. Kai elle-même avait exécuté nombre de missions sans connaître l’identité d’une cible ou les implications de son geste. Poser des questions ne relevait pas de son domaine. Cependant jamais auparavant elle n’avait été tenue aussi éloignée des raisons véritables qui avaient motivé l’envoi de ce détachement en nombre du sinistre Corps de Détention, qu’elle commandait pour la première fois en qualité de Vice-capitaine. Les tueurs de l’Onmitsikudô n’étaient guère réputés pour être chaleureux, elle-même n’était pas un parfait exemple de camaraderie, mais la compagnie des membres de la troupe avait quelque chose de glaciale qu’elle trouvait particulièrement déplaisant. Peu étonnant que la plupart des détenus du Nid des Asticots voyaient leur santé mentale vaciller avec pour compagnie ces gardiens aux visages de marbre. Statues immobiles dissimulés dans la maigre végétation aux alentours, les hommes du Kanritaï s’apparentaient aisément aux soldats en terre cuite que les empereurs d’antans faisaient descendre dans leur tombe. Une comparaison qui n’aida en rien la jeune femme à calmer son malaise. Davantage que leur apparence, c’était l’idée que chacun d’entre eux pouvait à tout moment l’entraîner dans un puits de ténèbres pour l’éternité qui éveillait son angoisse. Elle savait que son rang ne la protégeait pas, il suffisait d’un simple ordre du Central. Même si elle n’en laissait rien paraître, son instinct lui disait qu’elle ne pouvait rien cacher à ses camarades.

Un sentiment qui la poussa à se demander une fois de plus ce qui prenait tant de temps pour leur dernier invité d’arriver. L’homme en question dont ils attendaient la venue était le Capitaine de la 10eme Division : Igarashi Shu. Kai ne savait pas pourquoi le Central 46 avait décidé de leur attribuer la présence d’un aussi puissant personnage, et surtout un membre étranger aux affaires des Forces Spéciales. Les attributions de cette division n’empiétaient en rien sur le travail du Corps. Une fois encore la jeune femme avait préféré taire toutes ces questions. La vice-capitaine se contentait donc de fixer la cavité obscure et insondable dans laquelle leur cible s’était refugiée. Ce n’était pas la pression de la traque qui l’avait conduit à se jeter ainsi dans cet abri sommaire qui pouvait tout aussi bien devenir sa tombe. Non. Etrangement le shinigami résidait ici de son plein gré, un trou rocailleux et éloigné de toute forme de vie à plusieurs kilomètres à la ronde. Kai n’arrivait pas à voir les raisons qui l’avaient poussé à faire un tel choix. L’individu avait été un membre de la Troisième Division avant sa fuite du Seireitei, il était donc parfaitement au fait de la dangerosité de sa position. Aucune retraite ne lui était possible. Une chose qui facilitait sa localisation mais en rien sa capture. La cave se constituait d’un étroit et sinueux goulot où ne pouvait entré qu’une personne à la fois. Posant le regard sur la noirceur presque palpable de la caverne la jeune femme n’avait guère envie d’y rentrer. Ses yeux ne voyaient rien mais elle pouvait ressentir les émanations d’une aura dérangeante et malsaine qui semblaient comme déborder.

S’il y avait bien une chose que la jeune femme avait apprise c’était à ne pas négliger ce genre de sensations. Quelque chose n’allait définitivement pas. Elle ne connaissait rien du dénommé Akira Shima de la Troisième Division, mais le fait que le Corps du Kanritaï ait choisi d’envoyer 20 de ses membres pour sa capture indiquait qu’il n’était pas le genre de client habituel. Un hululement grimpa soudain du puits sombre et dans un ballet parfaitement exécuté les tueurs de l’Onmitsikudô se crispèrent, plaçant la main sur la garde de leurs zanpakutô, prêt à dégainer. La vice-capitaine leva le bras en signe d’apaisement, et la tension se calma un brin, sans que les hommes relâchent leur prise sur leur sabre pour autant.

-Restez sur vos gardes et aucune action hâtive ! Rappelez-vous qui vous êtes ! Resserrez le périmètre. Je veux chacun de vous prêt à s’occuper de quoiqu’il sortira de là-bas.

C’était là la question : à quoi allaient-ils être confrontés ? Les rapports mentionnaient qu’Akira Shima avait été pris en charge par les services de la 4 eme Division après avoir fait mention d’un mal de tête persistant au retour d’une mission au Hueco Mundo. Quelques heures plus tard et il plongeait dans le coma. Trois jours plus tard et il disparaissait mystérieusement. Dépêchée sur les lieux, Kai avait pu traquer l’individu qui avait laissé des traces plutôt évidentes. Le Central avait court-circuité le système en la mandatant directement à la tête de ce détachement pour sa capture. Même si elle avait ses suspicions, Kai n’avait encore aucune idée sur ce qu’ils allaient affronter. Elle serait fixée une fois le Capitaine de la 10eme Division sur place, et si on avait jugé sa présence nécessaire, cela n’annonçait définitivement rien de bon. Les sens en éveil elle vint se placer vers l’arrière garde quand elle repéra la présence aisément identifiable de l’officier en charge de la 10eme.

-Capitaine Igarashi, je suis la vice-capitaine Umezawa Kai de la Seconde Division en charge de ce détachement. Notre cible a trouvé refuge dans une grotte mais je perçois des…fluctuations étranges de reatsu aux alentours. Puis-je savoir exactement la raison qui a poussé le Central à nous adjoindre votre présence ? Nous parlons bien ici de l’arrestation d’un simple shinigami, rien de plus ?

Dit-elle en appuyant lourdement sur la fin de sa phrase. Elle ne tenait pas avoir de surprise, car dans ce genre de cas elles étaient toujours mauvaises.

Enchanté Umezawa-Fukutaishô, j’aurais aimé faire connaissance dans un endroit plus propice mais nous ferons avec.

Non nous ne parlons pas de l’arrestation d’un simple Shinigami Fukutaishô. Je suis sûr que vous savez déjà pourquoi j’ai été envoyé ici... Un cas de Hollowmorphose.

Le mot avait tranché dans l’air, aussi sinistre que le son strident d’une flèche en plein vol. Réflexe inconscient, la jeune femme se sentit frissoner, une sueur froide coulant subitement dans son dos, alors qu’elle devait lutter pour ne pas marquer un mouvement de recul. Le dégoût le disputait à la peur. Elle pouvait sentir les fibres de son être se dresser sous ce vent sinistre nommé « terreur ». Une fois encore elle s’efforça de prononcer pour elle-même, priant pour une facétie de son esprit, le mot honni. Hollowmorphose. Elle plissa le nez marquant sa répulsion instinctive, trop occupée à prendre la pleine mesure de cette annonce, la vice-capitaine ne remarqua pas que sa répulsion trouvait écho chez les hommes de son détachement. La sensibilité ou l’effroi n’étaient pas chose fréquente ou même permise chez les membres de l’Onmitsukido, mais on touchait ici à une forme de tabou qu’il convenait de manipuler et d’affronter avec soin. Kai, sans se considérer elle-même comme une traditionaliste, attachait une certaine importance à la pureté de l’âme shinigami. Son système de valeurs reposait sur la croyance à l’existence d’un certain système d’équilibre et de séparations. Les shinigamis tuaient les Hollow et aucun mélange n’était permis. C’était une sentence aussi simple que radicale. Tout autre empiètement sur le territoire de l’un ou l’autre relevait de la contre-nature. Les choses ne devaient tout simplement pas se passer ainsi. Les arrancars n’étaient dans son esprit que le reflet pathétique et déformé des dieux de la Mort, et ils méritaient autant sa haine que son froid mépris. Mais qu’un shinigami s’abaisse à faire ressurgir ses plus noirs instincts sous une forme aussi marquée, cela touchait à un domaine qui était pour elle marqué du sceau de l’interdit. En contrepartie elle connaissait l’assouplissement de la politique du Seireitei à l’égard de ceux qu’on appelait communément Vizards. Son propre supérieur lui-même possédait cette…facette. La vice-capitaine avait néanmoins appris à distinguer entre ceux capable de contrôler cette partie sombre, et ceux qui se laissaient submerger par elle.

Ceux qui appartenaient à cette dernière catégorie se devaient d’être traités comme des Hollows : par la purification. Une tâche qui était néanmoins loin d’être aisée. Cette conjugaison de natures opposées produisait un être à la puissance déraisonnable qui nécessitait les pleins pouvoirs d’un capitaine. Il était donc aisé de comprendre le malaise de Kai de même que son appréhension à devoir faire face à une telle créature. Une crainte nourrit par l’expérience. Son passage au sein du Corps de Détention avait suffisamment alimenté son imagination sur les horreurs et autres potentiels contre-nature qui étaient logés dans la sinistre prison souterraine. Tournant le regard vers le puits de ténèbres où était logée leur cible, le grognement lugubre qui s’en échappa de nouveau trouva un écho encore plus terrifiant en elle. Il était néanmoins hors de question d’afficher la moindre marque de faiblesse, et ce encore moins devant un capitaine d’une autre division. Le capitaine Igarashi semblait bien plus confiant, mais non moins sérieux quant à la menace qu’ils allaient affronter, peut-être disposait-il d’un talent caché qui allait lui permettre de mieux gérer la situation qu’un autre. Kai s’avouait ignorante sur la question mais cependant rassurée, plus qu’elle ne voulait l’admettre, de sa présence. Elle ne tenait pas à perdre une dizaine d’hommes sous son commandement pour sa première mission en sa qualité de vice-capitaine. Mais malgré cela elle savait que l’expédition allait s’avérer sanglante. Elle déglutit lentement, laissant l’idée faire son chemin en elle. Elle devait se débarrasser de toute appréhension.

La peur était une chose inutile au combat. Un poison pour l’esprit, comme le lui avait appris ses maîtres, et une entrave à l’action. Or elle ne pouvait se permettre la moindre latence de réaction dans le cas présent. La moindre inattention signifierait la mort. Elle était fort au fait des capacités de ces créatures impies, alliant les pouvoirs de shinigami et de Hollow. De surcroît ils ne pouvaient savoir dans quel état ils trouveraient leur cible. Tordu de douleur sur le sol ou ayant déjà succombé à la Hollowmorphose et prêt à semer le carnage autour d’elle. On restait très mystérieux sur le déroulement de cette transformation, la vice-capitaine avait entendu parler d’une lutte intérieure de l’âme. Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis la fuit de leur proie, on devait donc conclure au pire. Elle se tourna vers le capitaine de la Dixième Division, s’étant reconstruit une certaine contenance.

-Mes pires soupçons se voient confirmés capitaine. Dans ce cas que préconisez-vous ? Je suis tout à fait ignorante de ce genre de cas extrême, habituellement nous intervenons toujours avant que les choses ne dérapent. Devons-nous attendre que la cible sorte des lieux au risque de devoir nous confronter à bien pire et de la laisser s’échapper ? Ou devons-nous aller porter le combat dans son terrier ?

La dernière option lui apparaissait comme la plus raisonnable mais également la plus dangereuse. Considérant un moment le goulot étroit qui marquait l’entrée de la caverne, elle y voyait avant tout un désastre stratégique. Un défilé où aucune aisance de mouvement ou de retraite n’était possible. Mais il était plus que dangereux d’attendre plus en avant, prendre l’initiative en toute situation était une maxime de la Deuxième Division et il y avait ici un bon prétexte pour la mettre en pratique. Elle se tourna de nouveau vers le capitaine qui allait superviser l’opération.

-Nous pensons qu’après l’étroit passage nous déboucherons sur une large cavité avec un lac souterrain. La cible devrait s’y trouver, son statut nous est inconnu. Cela pourrait nous donner un avantage : nous pourrons le cerner avec davantage de facilité, et restreindre le champ de sa violence. Mais il nous faudra agir vite pour ne pas nous faire surprendre. Le choix est votre capitaine.

La vice-capitaine exposait de manière claire, précise et concise ses arguments en leader de corps expérimentée. L’idée de s’enfoncer là-bas, d’où les hurlements déments semblaient augmenter en puissance et niveau sonore, ne l’enchantait guère, mais accomplir son devoir n’impliquait pas le moindre plaisir ou même la satisfaction de penchants personnels.

Non définitivement non. Le laisser sortir de son repère serait bien trop dangereux pour la population environnante.

Et bien c’est parfait Vice-Capitaine nous agirons ainsi. Du moins a peu près ! Je crois néanmoins qu’il est nécessaire que je vous explique certaines choses avant que l’on s’engouffre dans la gueule du loup.

Cela fait trois jours que le patient c’est échappé du Seireitei, en trois jours son état mental à du se détériorer à vitesse grand V et si je peux vous assurer une chose c’est que s’il n’est pas déjà totalement transformé en un Hollow, ce n’est plus qu’une question d’heures voire de minutes avant que la transformation totale soit opérée. La puissance de cette Hybride n’aura tout simplement rien à voir avec tout ce que vous avez pu affronté au paravant et je ne dis pas ça dans le simple bute de vous effrayer. Considérer le comme un Espada si vous ne voulez pas tous mourir !

Ensuite, tant que la transformation n’est pas terminé nous donnons une chance au Shinigami de reprendre le contrôle, mais ne vous méprenez pas, chacune de vos attaques doit être létal, il faudra au moins ça si l’on désire l’arrêter. Par contre, à partir du moment où la transformation s'achèvera il n’y aura plus aucune chance de retour en arrière, et donc à ce moment là nous n’aurons qu’une seule et unique solution, abattre la cible.

Pour finir en ce qui concerne le plan d’attaque, on va faire très simple. Le Vice-Capitaine Umezawa et moi nous chargerons de la cible, vous votre boulot sera de vous assurez que le monstre ne quitte pas la grotte.

N’oubliez pas une chose, nous allons devoir profiter de chaque occasion que l’on pourra s’offrir lorsque nous combattrons, alors je ne sais pas comment vous vous battez, mais je vous en conjure, ne lésinez pas sur les moyens !

Les bonnes nouvelles continuaient à pleuvoir en cascade, songea amèrement la vice-capitaine qui prêtait oreille aux paroles du capitaine de la Dixième division qui noircissait un peu plus le tableau de la situation. Kai ne se livrait néanmoins pas encore au désespoir, il lui fallait être prêt à défendre sa vie si elle allait s’aventurer dans cette fosse ténébreuse et non se résigner à un sort atroce. Le sacrifice c’était bon pour les autres. Le péril était réel, mais elle se serait abstenue de rejoindre les rangs du Goteï 13 si elle ne s’était pas déjà préparée à côtoyer le danger. Une longue vie dans le silence, ou une existence de gloire et mourir dans un éclat, ce genre de chose. La vice-capitaine laissait cependant la gloire et les honneurs aux idiots intrépides, la perspective de se retrouver transformée en dîner pour hybride contrenature déchaîné n’entrait pas exactement dans sa définition d’une mort utile ou noble. Pas davantage que d’entraîner ses subordonnées dans un guêpier sans protection plus solide que les conseils d’un capitaine d’agir avec mesure et retenue. Malgré son stoïcisme qu’elle partageait avec nombre des membres de l’Onmitsukido, la jeune femme ne pu se retenir de lever un sourcil face au discours tenu par l’envoyé du Seireitei. Avait-elle besoin de reformuler ? Lui « donner une chance de reprendre le contrôle » ? Quelque chose dans cette admonition ne coïncidait pas avec le reste de la teneur de son annonce qui leur dessinait leur cible comme une créature mortelle, au pouvoir potentiel équivalent à l’élite du Hueco Mundo, et dont la raison s’était probablement déjà enfuie. Pour Kai le comportement de leur proie ne soulevait aucune équivoque : sa fuite précipitée annonçait d’ors et déjà qu’il avait perdu le combat contre quoique ce
soit qui avait pris possession de lui ; ou pire : qu’il avait décidé d’ors et déjà d’abandonner le combat. La fuite et la dissimulation ressemblait en effet fort au comportement du couard s’étant résigné à la fatalité qui le dévorait. Pouvait-elle l’en blâmer ?

Non. Elle ne prendrait aucun risque ni de gants avec un pareil adversaire. Le regard muet qu’elle partagea avec ses camarades lui fit comprendre que son point de vue était partagé. Kai allait peut être désobéir à un ordre direct mais elle préférait privilégier la sécurité de ses subordonnées L’officier de la Dixième Division ne se fourvoyait pas sur la dangerosité de la créature, mais visiblement il faisait preuve de plus de miséricorde que les membres de la Seconde Division. Une qualité fort noble mais qui n’avait pas cours au sein des Forces Spéciales, et que Kai jugeait inutile sur le champ de bataille. Il n’y avait déjà eu plus de retour en arrière pour le shinigami de la Troisième Division le jour où l’horreur qui sommeillait en lui s’était manifestée. Elle opina pas moins aux ordres du capitaine de Division, inutile de créer la moindre esclandre ou opposition avant le combat principal. Ils avaient besoin de présenter un front uni pour cette bataille, et l’atmosphère était déjà suffisamment lourde. Son discours terminé, les paroles du capitaine restaient comme suspendues dans l’air. Aucun homme présent n’aurait été prêt à avouer sa peur, et aucune émotion visiblement ne se lisait sur leurs visages, mais la tension était bel et bien là. Les mots avaient frappés comme des poignards : « frapper pour tuer », « par tous les moyens », on savait à présent à quoi s’en tenir. La vice-capitaine savait ici que tout le monde avait plus ou moins l’expérience de ce genre de cas, certainement moins extrêmes, mais tous restaient des tueurs efficients et impitoyables. Le capitaine Igarashi se faisait une fausse idée de l’Onmitsukido et de la Seconde Division s’il pensait que ses membres manquaient de sauvagerie. Aucun cri de guerre ne montaient de leurs gorges, mais la lueur fantôme dans leur regard était à elle seule une promesse de mort.

-Tout le monde sera prêt vice-capitaine, mes hommes savent gérer ce genre de situation, nous prenons note de vos conseils et de vos…sollicitations à laisser une chance au pauvre homme. Ce n’était qu’une fois percée de part en part par leurs larmes seulement que Kai le considérerait réellement comme un pauvre homme. Je vous laisse ouvrir la voie pour le départ capitaine, je pense vous êtes plus à même de parer à la moindre…éventualité.

Ombres mouvantes et silencieuses, le détachement du Kanritaï se plaça en formation, enchaînant les pas de shunpo de manière à se placer en une colonne espacée règlementaire. Kai s’en fût à leur suite, se calant sur l’allure du capitaine qui ouvrait la marche, posant une main souple sur la garde de son zanpakutô. L’air se fit soudain plus dense alors qu’ils entraient dans la grotte, une nuit soudaine s’abattit sur le groupe, aussi sûrement qu’une ambiance sinistre et étouffante. Kai pouvait sentir l’énergie spirituelle lui agresser les sens comme une lame ébréchée frottant contre de l’acier. Un picotement lui parcouru les membres et son inconfort augmenta. En alerte, les sens en éveil, mesurant ses pas pour étouffer le moindre pas, ils avançaient sous couvert des ténèbres. Les hurlements s’étaient tus, remplacés par des halètements non moins lugubres. Ils se répercutaient en échos à travers la grotte, voix invisible et irréel les cernant de part en part. La vice-capitaine fixait le dos du capitaine, distinguant malgré l’opacité le symbole de sa division sur son haori. Kai mettait à profit plus de 100 ans d’expérience, attentive à son environnement et à son propre souffle, elle pouvait compter ses battements de cœur tout comme ceux du shinigami qui la suivait. C’est en se basant sur ce décompte réglé sur l’horloge organique qu’elle mesura leur progression. Quinze battements. Six mètres. Vingt-cinq battements. Quinze mètres. Soudain leurs ombres se dessinèrent en formes vagues et tremblotantes sur les parois rocheuses, leur signalant leur arrivée dans un lieu plus vaste où la lumière naturelle avait réussi, quelque part, à percer. Une lumière faible et blafarde mais qui se reflétait sur un cours d’eau qui circulait entre leurs jambes et qui allait se perdre dans la rivière qu’elle avait mentionnée.

Ils y étaient. Leur but et leur possible tombe. L’éclat lunaire trouvait reflet sur l’eau boueuse du lieu où n’était audible que les faibles clapotis de l’eau et les gémissements de la chose. Révoltante pour les sens et pour la vue : la créature qui avait été un shinigami semblait avoir muté au-delà de toute rédemption. Kai fit un signe discret au détachement d’adopter une manœuvre d’encerclement tout en continuant son observation fascinée. Rouge et noir. Repliée sur elle-même, la chose se balançait d’avant en arrière semblable à un enfant perdu et confus. Ses bras écailleux munis de griffes imposantes étaient repliés sur son thorax, enserrant une blessure invisible. La jeune femme eut presque peur de déglutir, son souffle s’arrêta lorsqu’elle distingua le masque de Hollow aux teintes carmin et os qui révélait une parodie de visage bestial à l’hilarité démente, une rangée de dents pointues semblables à des aiguilles achevaient cette représentation terrifiante. Plus d’espoir pour cet homme, pas besoin de davantage de réflexion pour Kai, quelque chose en elle aspirait même à lui accorder au plus vite une miséricordieuse exécution. Un liquide blanchâtre mêlé d’un rouge rubescent continuait de couler de ce qui semblait venir de son torse, recouvrant les dernières traces de son humanité d’une carapace monstrueuse. La jeune femme jugea qu’il devait en être aux derniers stades de sa transformation, un moment critique. Ils devaient immobiliser cette chose pour ensuite l’annihiler, ils ne connaissaient rien de ces capacités, mieux valait d’abord limiter ses mouvements. Le kidô allait se révéler primordial ici, il était hors de question d’aller au contact. Les hommes du Kanritaï s’attelaient déjà la tâche, profitant du bref moment d’inconscience de la créature. Leurs lèvres s’agitaient pour réciter les sorts d’aria de la destruction nécessaire à leur œuvre. Leurs voix éclatèrent soudain dans la grotte, brisant le silence pesant qui régnait, et signalant le début des hostilités.

-Bakudō no rokujū san : Sajo Sabaku !

Deux serpents de lumière dorée vinrent s’enrouler autour du corps déformé de leur proie qui s’éveilla en grognant et en se débattant, découvrant autour d’elle une multitude d’ennemis.

- Os de bêtes sauvages éparpillés ! Grandes tours, lumières pourpres, roue d'acier ! Si vous bougez, le vent ! Si vous arrétez, le ciel ! Le sifflement des lances résonne dans la forteresse vide !

Experts en maniement de sorts de Bakudô mais également en Kidô, les hommes des Forces Spéciales se mirent en positon pour relâcher leur mortel sort. Une exécution qui ne vint jamais. Kai recula dans un mouvement de repli quand un sang chaud et poisseux vint lui maculer la joue, l’homme à six mètres d’elle se retrouvant dépourvue de tête. L’odeur cuivrée du sang lui vint à la bouche, se bousculant dans sa gorge, et elle dégaina son zanpakutô juste à temps pour parer un coup de griffe mortel qui enfonça son corps dans la roche. Le Vizard avait fait usage d’une puissance brute spectaculaire pour s’extraire du Bakudô et il exerçait à présent sa violence sur la première proie sous ses griffes, déployant une force qui égalait sa rage. Un rugissement ignoble monta de sa gorge, sa mâchoire s’ouvrant sous un angle d’amplitude impossible. La vice-capitaine saisi l’opportunité pour se sortir de cette situation désavantageuse, faisant appel à son aria de la destruction.

- Hadō no yon : Byakurai !

Un faisceau d’énergie bleutée pure perfora la gueule du monstre, le rejetant en arrière dans une secousse. Le Vizard vint heurter la face de l’eau, mugissant sous la douleur, ses capacités de régénération déjà à l’œuvre. Kai s’approcha de la créature, zanpakutô à la main, remise du choc initial et entièrement focalisée sur la menace. Aucun autre de ses hommes ne mourraient ce soir, et cela incluait de tenir cette chose occupée en étant au contact. Etouffant sa fierté elle s’adressa sans le regarder au capitaine.

-Capitaine Igarashi, maintenant serais un bon moment pour faire illustration de vos talents !

Ou bien elle ne tarderait pas à être morte sous peu, mais elle se garda de partager cette pensée négative.

Je croyais mettre fait clair lorsque je parlais d’y mettre les moyens ! Poussez vous Fukutaishô !

Gochūtekkan !

Raikōhō

J’espère que vous avez mieux en réserve Vice-Capitaine, car ce n’était que l’échauffement pour lui !

L’avalanche s’abattit avec une violence qui fit trembler les parois rocheuse de la caverne. La pierre se fissura et le sol s’ouvrit en de larges brèches, incapable de supporter le torrent de puissance qu’elle devait accueillir. La vice-capitaine de la Seconde Division était habitué à la subtilité et attaques net, une manière que ne partageait visiblement pas le capitaine de la Dixième Division. Ce dernier fit preuve d’une véritable débauche de force, de façon aussi soudaine qu’impitoyable. Les yeux à demi-clos face à l’épais nuage de poussière qui s’était levé, la jeune femme pouvait presque plaindre la créature. L’air vibrait encore des remous de la puissance déployée par les incantations de Kidô. Le capitaine se battait sans considération pour ses alliés. Kai ne savait dans quel état se trouvait ses camarades, mais elle luttait encore contre pour rétablir sa vue brouillée par des tâches noires imprimées sur sa rétine presque brûlée par l’éclat de la dernière attaque. Les lieux confinés ne faisaient rien pour amoindrir l’intensité des attaques déployés. A dire vrai la vice-capitaine commençait davantage à craindre un éboulement possible que la chose qu’ils affrontaient. Les yeux se reportant sur la silhouette de l’officier du Goteï 13, son maintient tendu pour recevoir un assaut lui souffla que leur cible devait toujours être vivante. Une hypothèse qu’elle jugeait aussi incroyable qu’effrayante au vu de ce qui s’était abattu sur la créature. Kai frémit en pensant que le capitaine Igarashi n’avait pas encore même dégainé son sabre. *Une telle force…* pensa-t-elle sans révéler ouvertement le choc qu’elle éprouvait à voir d’aussi prêt les talents mortels exercé par un des membres de la plus haute élite du Goteï. Elle ne partageait ni la confiance ni l’expérience du capitaine néanmoins, aussi assura-t-elle sa prise sur son zanpakutô.

Une prise qu’elle raffermit brusquement, serrant la garde à s’en faire blanchir la jointure des doigts lorsque le hurlement presque physique de la chose perça l’air. Elle devinait la souffrance surpassée uniquement par la rage dans cette vocifération si outrageusement inhumaine et contre-nature. Les vagues d’une aura aride et violente venaient heurter ses sens aiguisés par le combat et enflammer sa peur qu’elle maîtrisait avec une discipline forgée par l’expérience. Elle gardait son sang-froid, malgré l’image de son corps coupé en deux qui s’imposait à elle. Kai pouvait sentir l’adrénaline courir dans ses veines, ses muscles se tendre prêt à réagir et une partie d’elle-même prenait un certain plaisir étrange à cette situation de tension extrême. La vice-capitaine menait une danse sur la corde raide et le frisson d’une possible et mortelle chute. Dans ces moments là elle se sentait vivante. Dans ces moments là elle laissait le calme de l’assassin reprendre le dessus. Elle devina ainsi plus qu’elle ne sentit la suite des évènements. La créature était mue par l’instinct et l’envie de destruction, il lui fallait prendre l’initiative. En un mouvement souple, presque caressant, elle fit glisser la paume de sa main droite sur la lame de son sabre et révéla son nom. Un murmure, une prière, une supplique, une sentence.

- Taimeiki…Kokuen.

La métamorphose fut invisible et l’anodin wakizashi se mua en un gigantesque shurkien à larges pâles à l’envergure proprement disproportionnée. Le reatsu de la jeune femme se matérialisa sous forme visible autour d’elle, alimentant son aura d’un halo sombre et violacée. Aucune démonstration de force ou de puissance vulgaire, Kai incarnait un puits sans fond. L’air se chargea en électricité, et les poils se hérissèrent sur les peaux, de même que les cheveux sur les nuques. Le zanpakutô révélait toute sa magnifique et sombre splendeur à la contemplation des regards. Kai ne dévoilait que rarement son partenaire, et la plupart du temps ce moment signait une sentence de mort. La vice-capitaine entretenait volontairement le mystère et la confusion sur ses capacités, néanmoins il était ici autant question d’exécuter la mission que de rester en vie. La créature ne marqua aucun temps d’arrêt ni fit preuve d’intérêt face à ce changement soudain. La jeune femme de la Seconde Division fit tournoyer la chaîne lestée de sa nouvelle arme et d’un geste ample l’envoya en direction du bras de la chose, trop rapide pour être vu, trop vif pour être intercepté. La chaîne s’enroula autour du membre impie, se resserrant comme animée d’une vie propre. Kai ne laissa pas le temps à la chose de réagir et d’un coup sec détourna le flash aveuglant de reatsu brute qu’il avait l’intention de relâcher. Le cero vint heurter la paroi de la grotte, forant un trou impressionnant et exposant les lieux à la lumière lunaire. Le spectacle venait de franchir une nouvelle dimension alors que des pans entiers de la cache se délitaient sous les yeux des membres de l’Onmitsukido.

L’environnement menaçait de devenir aussi dangereux que leur adversaire. Lié à la créature par l’intermédiaire de sa chaîne Kai la jeta au sol d’un coup brusque et sauta dans les airs, exécutant une manœuvre mille fois répétée. Danse mortelle et hypnotique, elle fit virevolter son immense shuriken, gagnant en vitesse centrifuge avant de projeter l’arme avec une violence inouïe vers la créature. Les lames acérées ripèrent contre le hierro de la chose, mais baignée d’un reatsu foudroyant le tranchant du zanpakutô pénétra pouce par pouce dans le thorax de celui qui achevait à présent sa transformation en Hollow. La créature rivetée au sol hurla de douleur face à cette attaque soudaine qui surmontait ses défenses naturelles. Elle se dégagea inextremis du shuriken qui perça jusqu’au sol de la caverne en lieu et place de ressortir dans le dos de sa cible. Kai rappela son partenaire fidèle à elle, prête à réagir de nouveau. Le Hollow portait une main crispée sur sa poitrine ravagée qui crachait des rigoles de sang qui se tarissaient peu à peu. Regénération accélérée. Il lui faudrait bien davantage pour venir à bout d’une telle horreur. La vice-capitaine craignait de n’avoir réussi qu’à exciter davantage l’ardeur combattante de la chose qui leur offrit un nouveau rugissement avant de déployer deux séries de griffes osseuses et impressionnante qui jaillirent de ses ongles. Dans un éruption de chair corrompue et de fluide visqueux, les nouvelles excroissances se déployèrent en serres répugnantes.

Le Hollow considéra un bref moment son nouvel atout et d’un revers de main il balaya l’air. La roche se creusa de cinq profonds sillons, avertissement suffisant pour Kai qui ne voyait là rien de bon. Leur cible achevait progressivement sa transformation et il ne faisait que gagner en force. Il fallait faire quelque chose. A peine cette pensée occupa-t-elle son esprit que la créature se projetait dans un bond prodigieux vers le capitaine Igarashi, une bave écumante aux lèvres.

Kyokusen, Onibi.

Oh oh...

Mikazuki no Mai.

MAINTENANT !

Il reculait. Le capitaine du Goteï se révélait sous un jour nouveau, son zanpakutô descellé en main. Il faisait pleuvoir la mort sur le Hollow. Celui-ci avait été trop stupide pour reconnaître le danger et subissait à présent les conséquences de sa sauvagerie brutale et animale. La lame en croissant de lune détourna l’attaque de la chose, creusant dans son hierro tandis que le capitaine continuait son entreprise de destruction. Kai grava dans sa mémoire le shikaï du capitaine, il était rare de pouvoir témoigner du pouvoir en action d’un des supérieurs du Goteï. La vice-capitaine savait reconnaître l’œuvre d’une épée experte d’un seul coup d’œil. Et elle devait admettre que la démonstration de la part du capitaine était magistrale sur ce plan-ci. La créature comme consciente de son infériorité face à son opposant semblait presque contrainte de subir l’avalanche de coups qui meurtrissaient sa chair à une vitesse d’enchaînement trop rapide pour laisser à son corps le temps de se régénérer.

Le corps fumant, le Hollow mobilisait toutes ses ressources pour sauver ce qui restait de son carcasse ravagé. Une mutation hideuse supplémentaire vint faire l’écho de cette volonté de survie de la chose qui changeait sous les yeux des shinigamis. Kai reconnaissait bien là le genre de vermine du Monde Creux. Mais la vice-capitaine n’avait pas besoin des conseils du capitaine de la dixième division pour reconnaître une occasion qu’il fallait saisir. Rappelant son zanpakuto à elle d’un coup sec tiré sur la chaîne elle le prit fermement en main et laissa libre court au reatsu qu’elle accumulait patiemment depuis le début du combat. Flot soudainement relâché, le trancheur d’âme de la jeune femme se fit le relais de ce relâchement de puissance spirituelle, convertissant en un pilier foudroyant d’énergie concentré qui s’abattit avec la vitesse de l’éclair sur une seule et unique cible. Echo grondant et terrible de la fureur d’un dieu, la foudre engloutit la silhouette de la créature, une lueur aveuglante vint envahir la caverne, éclairant soudainement la nuit ténébreuse. De profonds sillons se creusèrent aux alentours et le sol s’effondra face à ce déluge surnaturel. Kai replia le shuriken en une unique et mortelle lame, prête à bondir pour venir achever sa proie.

Mais lorsque le rideau de fumée se dissipa, le spectacle qu’il révélait était suffisant pour dissiper la moindre inquiétude quant à une probable riposte du monstre. Le Hollow succombait lentement mais sûrement aux attaques conjugués des membres de l’équipe de traque. Sa peau fusionnée en une carapace chitineuse tombait en lambeaux pouilleux, s’échouant sur le sol avec un bruit répugnant, tandis que une humeur noirâtre coulait des nombreuses blessures que son métabolisme ne parvenait plus à soigner. Ses capacités hors du commun tentaient encore de se révolter face au traitement subi et de le maintenir en vie mais Kai savait reconnaître une âme quand elle s’effondrait sur elle-même. Davantage que l’affrontement, la chose subissait le contrecoup d’une énergie trop phénoménale pour une enveloppe charnelle aussi instable. La faiblesse intrinsèque du shinigami qui avait perdu le contrôle de son être pour se métamorphoser en cette parodie grotesque finissait par ressurgir. Il n’y avait pas de mystère, songea froidement la vice-capitaine en observant la déchéance de sa proie. Peu importait de transcender les limites des races et des espèces, un être faible et lâche en restait un. Le Hollow exhalait une odeur de chair brûlé atroce à laquelle Kai avait fini par s’habituer. La fin venait pour l’être misérable. Un sifflement rauque avait remplacé ses grognements vindicatifs antérieurs. Néanmoins la vice-capitaine n’était guère empressée de lui donner le coup de grâce.

Kai se retourna vers le capitaine Igarashi, prenant la peine de ramener son zanpakutô à sa forme initiale. Elle n’avait pas besoin de plus pour mettre un terme à l’existence de la créature à présent. Les membres du détachement des Forces Spéciales refaisaient surface, armes à la main, prêt à accomplir leur dernière et rituelle besogne d’exécution. La vice-capitaine regarda l’officier supérieur du Goteï et le questionna.

-Devons nous l’achever ou garder ce qui reste de lui pour le confier aux bureaux de la Douzième Division ? La Seconde Division considère ici son travail achevé dans les deux cas. La décision vous revient.

Une proposition d’une cruauté aussi froide n’était pas le genre de la jeune femme, mais le dégoût profond qu’elle avait ressentit à combattre une pareille ignominie la poussait à considérer comme nécessaire d’accomplir jusqu’au bout sa mission d’annihilation et de purification. La vice-capitaine ne se laissait guère gagné par ses émotions, mais elle considérait que pour ce cas spécifique elle ferait une exception pour se réjouir de voir une pareille horreur contre-nature périr. C’était sa manière à elle d’expurger la peur sourde qu’elle croyait ressentir à l’idée de subir un jour un tel sort.

Je vais m’en occuper...

Cette mort propre et nette gracieusement accordé par le capitaine de la Dixième Division semblait laver au moins une partie de la corruption qui avait ravagé l'ancien shinigami. La vice-capitaine de la deuxième division ne prêta guère attention à la mine sombre du haut gradé qui quittait les lieux avec un soupçon de culpabilité et de regrets sur les talons. Un ressentit que ne partageait en rien la shinigami, son regard s'était durci à la vue du cadavre informe dépourvu de tête de la chose. Elle pouvait sentir mince éclat de satisfaction dans sa poitrine, pulsant en accord avec les battements de son cœur. Si elle avait été sujette aux grandes démonstrations d'humeur elle en aurait craché sur cette chose. Consciente de cet écart elle se disciplina pour évacuer toute trace d'émotions parasite en elle. La mission avait été accomplie. Les geôliers rentreraient sans nouveau pensionnaire cette fois-ci. Les hommes du Kanritaï s'attelaient à leur tâche de nettoyeur, privés de la présence du capitaine du Goteï qui ne tenait sûrement pas à assister au sale travail. Kai elle se sentait à l'aise au milieu de cette fange sanglante. Nettoyer. C'était à cet office que les hommes de l'Onmitsukido étaient affecter. Ils étaient les anticorps de ce gigantesque corps vivant qu'était Soul Society. Ils purifiaient, purgeaient les infections et veillaient à conserver le glacis immaculé d'apparence, veillant à ce que personne ne prête attention à la souillure nauséabonde qui pointait derrière le tableau. Les humains pensaient accéder à un « paradis » promis, les hommes des Forces Spéciales s'assurait de les conforter dans leurs croyances. Tout le nécessaire accomplis pour éviter les questions et recueillir l'obédience craintive. Les flammes purificatrices de reishi ne tardèrent pas à s'élever, dévorant les restes honnis de la créature, les réduisant en cendres anonymes que les vents se chargeraient de dispserser. Les shinigamis connaissaient la procédure. Kai veillerait elle-même à condamner l'accès aux lieux, pour faire disaparaître les dernières traces. Le mot d'ordre ne lui était pas étranger : ils n'étaient jamais venus et il ne s'était rien passé.

L'Histoire et le temps ferait le reste pour eux. Leur action plus lente mais ô combien plus efficace. Les rapports seraient modifiés, et certaines informations censurées. Le nom de la chose qu'ils avaient traqués ce soir lui-même sombrerait dans l'oubli, effacé de la mémoire de ses anciens camarades, rumeur supplémentaire sur le sort funeste promis à ceux qui enfreignaient les cadres du Seireitei. Et tout cela était pour le mieux, se dit la jeune femme en marchant vers la tête déformée de la défunt créature. Elle se saisit de ce crâne difforme, ne faisant signe d'aucun dégoût, et plongea son regard dans les yeux morts de sa proie. Deux puits ténébreux à jamais clos. Le masque de hollow commençait déjà à se fissurer, mais elle ne tenait pas à poser les yeux sur ce qu'il dissimulait. Elle garda ce trophée macabre en main : un symbole de sa mission réussie et un matériel de recherche bienvenue pour les membres de la Douzième Division. De la chair en plus à mettre sous leur scalpel et leurs yeux avides. Un ichor sombre et poisseux se répandit du cou sectionné, lequel dépassait encore un reste de colonne vertébrale sectionné net là où le zanpakutô du capitaine Igarashi s'était abattu. Les hommes de son détachement s'esquivaient un à un dans les ombres, leur besogne achevé, prêt à prendre le chemin du retour. La jeune femme gagna l'extérieure et laissa ses hommes la dépasser avant de sceller ce qui restait de la grotte prête à s'effondrer. Un simple coup de poing chargé en reatsu suffit pour ébranler suffisamment les fondations éprouvés des lieux. Un fracas de tonnerre retentit lorsque plusieurs tonnes de roche s'écroulèrent de concert pour offrir une tombe mémorable à la créature qui avait péri ici.

Un dolmen funéraire digne d'un titan, songea la vice-capitaine qui ressentait encore l'echos vibrant de l'avalanche rocheuse, qui sonnait comme l'ultime note d'une partition d'horreur. Kai se retourna vers le capitaine de la Dixième division, le crâne toujours en main, sans prêter attention au spectacle peu ragoûtant qu'elle devait offrir. La plupart de ses hommes étaient éprouvés, et il était temps pour eux de repartir chacun vers son chemin : le capitaine vers la lumière et les membres de la Seconde Division vers l'obscurité.

-Capitaine cela a été un honneur. Un honneur dont personne n'aura vent cependant. Pour le commun il est préférable que nous ne nous soyons jamais croisé autrement que par voie officielle. Nous ne sommes jamais venu ici et cette traque n'a jamais eu lieu. Nous ne recroiserons pas.

Du moins devait-il l'espérer pensa-t-elle sombrement sans faire part de ses réflexions impudentes. Elle se mit en retrait, son détachement la suivant de prêt. Elle accorda un ultime regard à ce compagnon de combat d'un moment avant de se retourner. Elle savait ce qu'il était. Peut être qu'un jour allait-elle devoir collecter son crâne à lui aussi.

Je comprends. A jamais !