La surface de l'étang était un véritable miroir, et les cimes des arbres s'y reflétaient à la perfection. La ligne, tendue mais pas assez, s'y reflétait également alors qu'une jeune femme frêle vêtue de blanc regardait dans le vague au bout de la canna à laquelle elle s'accrochait vaguement. La pèche. Un passe-temps calme, qui délassait Ai lorsqu'elle venait ici, dans le monde humain. Elle ne pensait qu'à sa musique, même quand un poisson idiot s'amourachait un peu trop de son hameçon pourtant si laid. Son shamisen était posé à son coté, sur un tapis de mousse.

Elle essayait de se vider l'esprit, regardant le tronc d'un bouleau au loin. Divisé en deux, celui-ci se reflétait presque complètement dans l'étang, et lui permettait d'une manière ou d'une autre d'oublier les avances grossières qu'un humain lui avaient faites au déjeuner. Elle ne se ferait jamais à ce désir permanent, à cette électricité. On vivait bien sans, on pensait mieux sans. On avait tout à y gagner, plutôt que de s'embourber en méandres dont la stupidité n'avait d'égale que la luxure.

- Oh !

Sa ligne se tendit, brutalement. Une touche, enfin ? Méthodique, elle quitta le bouleau des yeux et les braqua sur la surface ou des cercles commençaient déjà à déformer l'eau autour de l'épicentre du séisme. Une carpe koi, très certainement. Elle tira, doucement, petit à petit, hissant sur la berge un poisson agité et visiblement désespéré. Elle ouvrit de trois quarts le couvercle de son panier, également sur le tapis de mousse encerclant son rocher, et déposa la bestiole à l'intérieur. Un fin sourire illumina le visage d'Ai.

Elle jeta ensuite la ligne à l'eau une nouvelle fois, contemplant la surface, à présent, et son propre reflet dans l'eau. Loin d'elle l'idée d’être narcissique. C'était simplement l'une des premières fois ou elle avait le loisir de se contempler réellement avec son haori sur les épaules. Ce qu'elle voyait, c'était une jeune femme portant des vêtements trop grands, avec des yeux fatigués et une canne à pêche.

La semaine avait été riche, pour la science en tout cas, et ils avaient pu monter un grand nombre d'images concernant le projet KG, qui feraient certainement leur effet à la Soul Society. Ça, et un échec retentissant lorsqu'ils avaient constaté les limitations du prototype avec Homura. Le reiatsu de niveau capitaine avaient rendu le prototype instable, l'obligeant à intervenir... et permettant à Masshusebone d'exprimer la violence à peine contenue qu'il avait exprimée face au Menos, à leur arrivée. Le moins était à présent en sommeil. La capitaine ferma les yeux.

Elle ressentait, par très faibles touches, une autre pression spirituelle que la sienne. Elle tourna la tete dans cette direction, scrutant la lisière. Elle n'avait pas la moindre envie d’être dérangée alors qu'elle profitait enfin d'un moment seule et au calme. Mais ça faisait malheureusement partie des aléas du monde humain ou des responsabilités d'officier supérieur. Ai soupira.

Uragami partait du temple à la recherche de la jeune capitaine de la 12ème division. Avant de partir toutefois il accorda une dernière prière et un dernier salut à son vieil ami. Sur le chemin il vit Kirito, allongé sur l'herbe avec son jeu de Go et sa bouteille de coca, en voyant cela Uragami ne put s'empêcher de sourire en se disant "Drôle de personnage celui-ci", il fut prit d'un petit regret de ne pas avoir pu jouer avec lui, ses arguments n'étaient pas faux, il n'était pas nécessaire de terminer une partie mais le jeune Vice-Capitaine n'aimait pas les choses à moitié faites et reprendre la partie plus tard n'était pas envisageable pour lui non plus, il détestait s'interrompre dans un jeu de stratégie qui demandait toute sa concentration. Enfin, il n'avait pas le temps de toutes façons donc c'était réglé.

Il se mit donc à rechercher la capitaine à Karakura, il savait qu'ils avaient rendez-vous dans une auberge en fin d'après-midi, dans le monde des humains il était seulement 14H. Ca lui laissait quelques heures pour la chercher mais il eut plus de chance que prévu. Kirito ne lui avait pas précisé de quelle auberge il s'agissait, ce qui ne facilita pas le travail de recherche, Uragami dut en faire quelques unes en donnant la description des trois personnes avant d'en trouver une qui correspondait enfin. Aucun doute c'était bien eux. Il avait mis moins d'une demi heure avant de retrouver leur trace. Il se doutait ensuite qu'elle ne s'en éloignerait probablement pas beaucoup et priait pour qu'elle ne soit pas à l'heure actuelle en train de camoufler son Reiatsu pour x raison. C'est là qu'il eu deux coups de chance, le 1er car elle ne masquait pas son aura, grâce à ses dons de détection il ne mit pas longtemps à capter le Reiatsu d'un capitaine, et le 2ème parce que l'auberge n'était pas complètement au centre de Karakura, elle était même très excentrée et proche de la périphérie, le Reiatsu provenait d'une zone légèrement à l'écart de la ville.

Bref, il se dirigea droit sur l'origine de l'émission sans faire de détour ni camoufler sa propre force afin qu'elle ne soit pas surprise par son arrivée. Comme à son habitude il se concentrait fortement sur les variations de l'aura de la personne qu'il cherchait à l'affut d'une légère variation significative du fait qu'il était repéré. Dans sa tête, cela se représentait comme des ondulations légères et colorées, en temps normal elles sont régulières, varient légèrement en fonction des pensées mais la captation d'un autre Reiatsu, ami ou ennemi, les dérange et même si le propriétaire tente de se calmer immédiatement, il ne peut jamais empêcher ces ondulations d'émettre un très léger changement dans leur habitudes, c'est sur cela qu'Uragami se concentrait. Pour cela il avait besoin d'une grande concentration et de quelques secondes pour analyser les ondulations et il devait fermait les yeux lorsqu'il courait ce qui, maladroit comme il est, lui causa bien des fois des bosses et des hématomes, une fois il s'était emmêlé les pieds dans un carton rempli de sacs plastiques, avait dévalé un escalier sur la tête et avait atterri au milieu des poubelles d'une grande surface.

Il vit la Capitaine qui était tranquillement en train de pêcher, décidément ce n'était pas son jour, il venait de déranger Kirito qui était en train de se recueillir auprès de son vieil ami, là il allait déranger la jeune Capitaine. En même temps, c'était leur jour de repos il ne pouvait s'attendre à ce qu'il en soit autrement. Il allait tenter de lui parler rapidement afin de ne pas lui prendre trop de son temps, d'autant qu'elle avait rendez vous avec ses deux sièges dans un peu plus de trois heures. Uragami s'approchait doucement, en faisant le moins de bruit possible et parla calmement pour ne pas effrayer les poissons.

- Tsunemi Ai-taishô, je suis Akucho Uragami-fukutaishô, vice-capitaine de la 2nde division. Je suis enchanté de faire votre connaissance. Votre 4ème siège m'a dit que je pourrais vous trouver par ici, j'espère que vous ne lui en tiendrez pas rigueur pour le dérangement que j'occasionne par ma présence. Je suis seulement venu faire votre connaissance, nous n'avions jamais eu l'occasion de nous rencontrer et j'aime connaitre les personnes avec lesquelles je suis associé, d'une certaine façon. Cela peut-être utile pour de nombreuses raisons.

Il interrompu son discours pour laisser à la capitaine le temps de répondre. Il lui arrivait parfois d'être très bavard, comme parfois il pouvait ne rien dire à personne pendant des jours entiers. En général il parlait pour masquer sa nervosité car en général il n'était pas du tout à l'aise avec les gens, lui qui était un solitaire pur et dur et peu habitué aux longues conversations.

La lisière avait finalement révélé ses secrets, et c'était un shinigami qui en était sorti. La capitaine retint un nouveau soupir et ramena la canne à pêche vers elle, tout ouïe, détaillant le nouvel arrivant de pied en cap. Elle ramena une mèche de ses longs cheveux d'ébène derrière son oreille, et écouta, attentive, alors que l'autre se lançait dans une longue tirade à faire pâlir les meilleurs acteurs de théâtre. Elle était décidément fatiguée, pour ne pas ressentir sa pression spirituelle alors qu'il ne la cachait même pas.

En vérité, elle était venue pêcher car elle avait une vilaine migraine depuis le début de l'après-midi. L'air frais près de cette petite étendue d'eau et le calme avaient un peu calmé le marteau-piqueur qui sévissait dans sa tête. Mais il était reparti de plus belle à l'instant ou cet Akucho-Uragami Fukutaisho avait ouvert la bouche. La seconde division, hein ? ce qui voulait dire, si ses sources étaient exactes, qu'elle se trouvait face à l'officier qui commandait actuellement cette division de facto. En l'absence de capitaine, s'entend.

- Enchantée moi aussi...

Les accents maladifs de sa voix la faisait sembler plus faible qu'elle ne l'était en réalité. Elle ramena ses jambes contre son buste, sur son rocher, adoptant une position de collégienne là encore, mais une position confortable pour parler à son aise. Dans le panier, la carpe koi avait cessé de se débattre, pour de bon.

- J'imagine qu'il avait raison, comme toujours. J'aime beaucoup les endroits calmes, et quand je viens ici la pêche est l'un de mes hobbies favoris. Cet étang, par exemple, est une véritable mine d'or pour ce qui est des carpes koi. Connaitre ses alliés est une bonne initiative, mais si vous le voulez bien je vous laisserai poser les premières questions. Ma semaine ici m'ayant un peu... fatiguée.

Elle était sincère, et elle appréciait l'initiative. Visiblement son vis à vis était nerveux, et, fine psychologue, elle devinait qu'il devait être un solitaire, la plupart du temps. Surtout en l'absence d'un capitaine pour l'aider avec les rapports. Elle ne connaissait que trop bien cette situation, l'ayant expérimentée comme les autres officiers de siège de la cinquième division après la trahison de Sosuke Aizen. Elle décida ensuite de désigner du doigt un rocher, adjacent au sien, au vice-capitaine.

- Prenez place, je vous en prie.

Le rocher en question était à peine plus grand que le sien, et bénéficiait du même tapis de mousse. Confortable, autant que pouvait l’être un caillou, quoi. Elle se demandait s'il appréciait lui aussi les endroits calmes, ou si il était de ceux qui préfèrent l'action à toute heure du jour. Comme le Kenpachi, par exemple, qui provoquait des sentiments contradictoires chez la jeune capitaine.

Uragami venait de finir sa tirade et vit l'expression ennuyée de la capitaine, ce dont il fut intérieurement désolé. Elle rangea sa canne à pêche, malgré les efforts du vice-capitaine pour ne pas perturber son passe-temps. Ses mains et tout en elle semblait délicat et fragile comme de la porcelaine de Chine. D'ailleurs elle lui faisait penser à une de ces Geysha des temps anciens (bien que celles-ci étaient en fait des hommes déguisés) ou à une poupée telles que l'on peut les voir dans les vitrines. Uragami ne dirait pas qu'elle est belle mais elle était dotée d'un certain charme envoûtant étrange. Elle rembobina son fil et l'enroula autour de sa canne avant de la déposer à côté du rocher sur lequel elle était assise, elle fit cela avec beaucoup de douceur et de délicatesse puis changea de position pour s'asseoir et lui répondre d'une voix toute aussi délicate. C'est alors qu'il eut le même flash que lors de son entretien avec Kirito Akihiko, Mayuri Kurotsuchi lui apparu en parallèle à côté d'elle et il fit intérieurement la comparaison entre les deux. Décidément absolument tout les opposait, alors qu'elle était douce et délicate, lui était laid et calculateur. Mais Uragami ne se fiait pas autant que cela aux apparences, il est du genre à réfléchir à toutes sortes de choses auxquelles la plupart des gens ne pensent pas forcément. Il se dit qu'ils devaient avoir forcément des points communs pour aujourd'hui en arriver à occuper le même poste, et même si Mayuri était un allumé, ses expériences purent permettre de grandes avancées grâce à ses horribles expériences sur des Quincy entre autre. Il devait peut être en être de même pour cette femme qui se tenait en face de lui.

D'ailleurs Uragami poussa la comparaison encore plus loin en la comparant avec Urahara, qui, lui aussi était un bel allumé dans son genre. Le point commun entre ces trois personnes étaient qu'elles occupaient ou avaient occupé le même poste. C'était le seul point commun en apparence mais cela ne voulait pas dire qu'il n'y en avait pas d'autres, bien au contraire, la plupart des apparences sont trompeuses et faites pour l'être afin de cacher ce qu'il y a réellement au fond. Les gens mentent en permanence, par leurs paroles, leurs gestes etc. afin de cacher cette part au fond d'eux et que personne ne découvre ce qu'ils sont réellement. Certains en arrivent même à se mentir à eux-même jusqu'à oublier qui ils sont. Alors qu'il observait cette jeune femme aux allures délicates et douces, vêtue de son Haori de capitaine qui est un vêtement blanc, tout en elle, à part ses magnifiques yeux et cheveux couleur laque, étaient blancs, respirant la pureté comme la neige. Beaucoup trop pour être réel. Uragami, d'expérience, savait que plus les gens cherchent à cacher leurs secrets, plus ceux-ci sont gros. Et à en juger par son allure globale, ses secrets devaient vraiment être énormes.

La femme semblait pourtant absolument rien soupçonner sur les pensées du jeune vice-capitaine, il faut dire que ces pensées là se déroulaient en l'espace de quelques secondes dans la tête du Fukutaishô, c'était un exercice habituel pour lui qui se reproduisait à chaque fois qu'il rencontrait une nouvelle tête, avec le temps cela allait de plus en plus vite. A tel point qu'aujourd'hui il était devenu maître en la matière, cela était tellement rapide et discret que personne ne pouvait soupçonner ce à quoi il pensait. Ayant en plus un visage naturellement inexpressif, cela n'arrangeait pas les choses. Seules les personnes solitaires comme lui, habituées à observer les gens, pourraient détecter cela, Kirito Akihiko semblait être ce genre de personnes.

- J'imagine qu'il avait raison, comme toujours. J'aime beaucoup les endroits calmes, et quand je viens ici la pêche est l'un de mes hobbies favoris. Cet étang, par exemple, est une véritable mine d'or pour ce qui est des carpes koi. Connaitre ses alliés est une bonne initiative, mais si vous le voulez bien je vous laisserai poser les premières questions. Ma semaine ici m'ayant un peu... fatiguée.

Le "comme toujours" l'interpella.

- Oui, il semble être quelqu'un de très perspicace, il aurait très bien sa place dans la seconde division. Mais rassurez-vous, je n'ai pas l'intention de vous le prendre. Ma semaine fut relativement fatigante aussi mais je veux bien poser les premières question, après tout c'est moi qui ai dérangé votre calme.

Jusque là, la carpe koi qui était dans son panier remuait encore un peu, mais elle s'arrêta, visiblement elle avait cessée de lutter. La brise qui était parfaitement perceptible lorsqu'il était au temple, un peu plus haut, ne se ressentait presque pas ici, le bel arbre au bord de l'étang les couvrait bien. Il faisait très beau, un de ces soleils dont on aimerait qu'ils durent toujours venait agrémenter le côté agréable du cliquetis de l'eau de l'étang. Les faibles brises faisant très délicatement bouger la surface de l'eau. Uragami se sentait apaisé, il aimait ce genre d'endroit plus que tout au monde. C'est alors que la capitaine reprit la parole.

- Prenez place, je vous en prie.

Dit-elle en désignant un rocher un peu plus large que le sien, juste à côté d'elle. Uragami fit un signe discret de remerciement de la tête et prit place à côté d'elle. Peut-être avait-elle lue dans ses pensées à ce moment là.

- Eh bien Kirito n'a pas voulu en parler mais ma curiosité me joue souvent des tours, ainsi, je ne souhaite absolument pas me mêler de ce qui ne me regarde pas. Vous savez que je suis de la seconde division et qu'il fait partie de mes fonctions de savoir, tout comme le votre est de chercher. Après cette brève introduction, je voudrais donc savoir ce qui pousse une capitaine et deux de ses sièges à venir à Karakura? Etant quelqu'un de juste, il va de soi que si cela vous intéresse, j'en ferai de même pour vous et répondrai à une de vos questions.

A cet instant Uragami descendit du petit tapis mousseux qui recouvrait le rocher et s'appuya simplement dos contre lui, assis sur l'herbe qui était plus confortable que celui-ci.

Il s'était installé, finalement, et entre les feuilles virevoltante et l'immobilité de circonstance des conifères, le théâtre de leur conversation pouvait lever son rideau pour la première. Car elle n'avait jamais rencontré cet homme, pas dans cette vie, en tout cas. Et il était comme tous ceux à qui elle avait parlé, ou presque, depuis son intronisation en tant que capitaine de la douzième. Des questions, des questions encore, en cascade. Si elle s'était préparée à répondre aux questions de sa divisions, questions scientifiques qui plus est, faire des exposés aux autres officiers supérieurs sur ses moindres agissements ne lui avait pas traversé l'esprit.

Mais elle choisit de faire abstraction de sa lassitude, qui était de surcroit probablement liée à sa migraine qui s'intensifiait un peu plus à chaque heure. Elle était bien pourtant, il faisait encore bon, et elle allait cuisiner une fricassée de carpe à ses subordonnés ce soir, la cuisine étant devenu depuis son arrivée à la douzième l'un de ses hobbies préférés. L'intensité mélodique peu commune de différentes poêles et bouilloires sifflant à l'unisson la fascinaient. Elle appartenait au Gotei, cependant, et entre les petits plats il y avait aussi les responsabilités. Elle écoutait donc posément.

- Ne vous excusez pas, je regrette simplement de ne pas être plus en forme pour une rencontre avec quelqu'un qui, comme moi, est à la tête de sa division. Quant à Akihiko, il faisait partie de la cinquième division avec moi, aussi me connait-il mieux que le plupart des subordonnés connaissent leur officier supérieur.

Contemplant le reflet d'un nénuphar dans l'eau, la jeune femme avait malgré elle des accents mécaniques, machinaux dans la voix. Combien de fois lui avait-on demandé des précisions sur sa relation avec son quatrième siège ? Sa migraine brouillait les flux d'information, comme une mauvaise radio, et Masshusebone murmurait un grand nombre de phrases possibles pour envoyer balader son vis-à-vis. Mais, en tant que manieuse, elle avait le pouvoir implicite de le faire taire.

- Eh bien, ravie de l’intérêt que vous portez à nos travaux, Uragami-Fukutaisho. En ce moment nous sommes en train de tester en situation un nouveau prototype de Gikongan. Et quand je dis en situation, c'est bien sur contre des Hollows purs et durs.

Elle marqua un temps d’arrêt, hésita, puis énonça:

- Et vous, quelle est la raison de votre présence ici ? Si ce n'est pas... indiscret.

Un petit rire cristallin s'échappa des lèvres de la capitaine, à sa propre surprise. Et elle ne le regrettait pas, puisque ça permettrait de briser la glace et de donner une tournure moins formelle à ce qui avait des allures de sommet officiel bucolique. Connaissant Akihiko, il avait du se rendre dans un temple, ou quelque chose du même acabit. Un esprit avec une vie spirituelle. Paradoxe. Et donc ce vice-capitaine avait très bien pu le rencontrer dans l'un des temples en périphérie de la ville. Elle ne se rendait jamais dans de tels endroits, car l'histoire était non seulement vivante, mais beaucoup plus réceptive aux pressions spirituelles. C'était comme si les voix des mystiques psalmodiaient encore.

Cette conversation prenait une tournure intéressante. Uragami ne s'attendait pas du tout à ce que la capitaine lui réponde aussi franchement. Alors il y avait trois possibilités, elle disait l'entière vérité et dans ce cas c'était une femme sincère, soit elle disait une partie de la vérité mais cachait autre chose et dans ce cas elle était calculatrice ou encore la dernière possibilité c'était qu'elle mente complètement. Quoi qu'il en soit, lui poser de nouvelles questions à ce sujet éveillerait des doutes et serait impoli. Il avait conclu un accord avec elle, une question contre une autre, pensant qu'elle ne répondrait pas vu comment la 12ème protège bien ses informations, cela l'embêtait bien. Cependant une certaine lassitude se faisait entendre dans sa voix, elle semblait épuisée, il pourrait lui raconter un tissu de bobards, en y mettant les formes elle ne serait probablement pas en mesure de détecter quoi que ce soit. D'ailleurs, il était hors de question de lui raconter l'entière vérité donc il allait bien devoir broder un peu avec des fils de mensonge.

En entendant sa réponse il tourna la tête de façon à ce qu'elle ne voit pas son visage et il ne put s'empêcher de sourire à ce qu'il venait d'entendre. Ce prototype était sans aucun doute un objet très précieux qui serait très utile à la seconde division. Bien sur, il n'était pas question de le voler, d'autant qu'il n'est surement pas encore totalement au point. Mais il serait bon de se tenir informé régulièrement de l'avancée de ces travaux et de tout faire pour en obtenir un certain nombre en temps voulu. Cet objet serait d'une incroyable utilité, bien que cela manquerait de naturel, cela ferait gagner un temps énorme au service de renseignements. En effet, détecter et identifier des Reiatsu est un entrainement long et fastidieux, peu d'individus arrivent à avoir une sensibilité nécessaire pour y arriver avec précision à part avec un long travail de détection prenant chez certains, plusieurs minutes. Pour Uragami, cela ne prenait qu'une dizaine de secondes pour analyser avec une certaine précision certains Reiatsu. Il était doté d'une très bonne mémoire, de ce fait lorsqu'il rencontrait des énergies déjà connues, il ne mettait pas longtemps à les re-identifier et pouvait se concentrer sur les nouvelles. Donc pour lui cet appareil serait une perte de temps mais pas pour les membres de sa division.

Bref il fut stoppé dans sa réflexion par la question qu'il redoutait, il allait devoir marcher sur la corde avec précision pour ne pas tomber et qu'elle comprenne son mensonge. Mais un bon mensonge doit avoir une part de vérité, il suffisait de rester vague et de ne pas trop entrer dans les détails et tout irait bien, elle ne chercherait probablement pas à en savoir plus de toutes façons.

- Et vous, quelle est la raison de votre présence ici ? Si ce n'est pas... indiscret.

- La routine, rien de bien intéressant malheureusement. J'étais venu rencontrer un Gardien du Kanshu afin de lui proposer mon aide mais il s'est avéré plutôt récalcitrant. Après je me suis promené un peu et c'est là que j'ai rencontré votre subordonné au temple Raiju. La suite vous la connaissez. Je ne pouvais me résoudre à repartir sans vous avoir rencontrée auparavant, il aurait été bête de rater cette occasion alors que nous étions si proches.

L'envie de la questionner davantage sur ses recherches le démangeait énormément mais il n'obtiendrait de toutes façons probablement aucune réponse ou peu satisfaisantes. Si cela était confidentiel elle ne dirait surement rien par elle-même, il faudrait fouiller par d'autres moyens pour en savoir plus. A moins de la jouer fine, Uragami eut donc une idée.

- Il y a toutefois une chose que je ne comprend pas, vous dites ne pas être très en forme, est-ce lié à ce fameux prototype?

Avec ça, cela lui permettait d'en savoir plus sans éveiller les soupçons. Ou du moins, en les réduisant.

La capitaine perçut l’intérêt dans la voix de son interlocuteur, voyant qu'il avait une bonne opinion de la division de recherche en général, ce qui n'était pas quelque chose de commun au Seireitei. Une division qui semblait toujours impliquée dans plus que ce qu'elle voulait bien laisser paraitre. Une division iceberg, en quelque sorte, dont la partie émergée dépassait l'entendement. C'était vrai, en quelque sorte, puisque seuls les chercheurs connaissaient les secrets de fabrication de leurs inventions, lesquelles arrivaient à l'état de produit

C'était vrai, cependant, que les trois derniers capitaines de la division des recherches avaient quitté celle-ci dans des circonstances douteuses. Entre le bannissement su capitaine Urahara dans le monde réel, la désertion du capitaine Kurotsuchi et la disparition du capitaine Yuurei, il y avait de quoi se demander si ce poste n'était pas lui aussi un poste maudit. Elle défit le ruban qui retenait ses longs cheveux d'ébène et les laissa retomber sur ses épaules, masquant l'emblème des scientifiques sur son haori. Elle se détendait un peu, même si ça cognait toujours à l'intérieur de son crane.

- Le Kanshu, récalcitrant ? Ça me semble étrange. Avez vous fait quoi que ce soit pour le mettre mal à l'aise ?

Question ingénue et dénuée de vraies connaissances de terrain puisqu'elle même n'avait jamais rencontré qui que ce soit appartenant à cette organisation. Mais elle obéissait au principe vieux comme le monde qui voulait que les ennemis de nos ennemis soient nos amis. Eux aussi étaient des chasseurs de hollows, et leur mission, si elle l'avait bien comprise, était de se constituer barrière du monde humain pour stopper une éventuelle invasion. Des rumeurs prétendaient même que le Kanshu comportait d'anciens Shinigamis hauts gradés dans ses rangs.

Puis il se montra plus curieux, plus pressant quant à leurs recherches, et quant à son mal de crane. Et, a ce stade, seuls les plus hauts gradés des autres divisions et ses propres subordonnés étaient dans le secret de l'avancement des recherches sur le Kuron Gigai. Parce qu'elle avait une totale confiance en eux afin de ne pas ébruiter le projet sur lequel sa division travaillait. Le plan était de dévoiler les nouveaux Gikongan au public lorsqu'ils seraient pleinement opérationnels même sur des manieurs de niveau capitaine. Ils avaient d'ailleurs l'intention d'en faire le test avec la capitaine de la cinquième division, Takamichi Homura, un peu plus tard dans la journée.

Quant à son état de santé, il n'était absolument pas lié, et seul son meilleur ami Akihiko, son quatrième siège a la douzième, était au courant des errements moraux de son Zanpakuto et de ses tendances meurtrières. Mais c'était bien trop personnel pour être lancé comme ça lors d'une conversation aussi banale. Elle éluda, regardant un point au dessus de l'épaule du vice-capitaine avec une fixité inhabituelle.

- Raisons personnelles, mais je n'en dirai pas plus à ce sujet. Non, je n'utilise pas le prototype moi-meme, disons que c'est un modèle qui est plus spécialisé, et qui convient mieux aux manieurs de Zanjutsu et de Hakuda. Je suis très mauvaise dans ces deux domaines...

Elle eut un petit sourire en coin.

- Mais je me rattrape dans d'autres, autrement je ne porterais pas cette couche de tissu supplémentaire.

Elle tentait d'avoir l'air sure d'elle, mais elle avait vraiment été surprise par sa promotion. D'abord parce qu'elle ne pensait pas que son bankai s'ébruiterait, le croyant en sécurité avec ses camarades de la cinquième, et surtout parce qu'après avoir été témoin de l'invasion du Vandenreich, la jeune femme savait que même ceux qui avaient l'air les plus forts étaient en fait de chair et d'os... Même si ceux ci étaient spirituels. Alors comment elle, petite chose dénuée de charisme, s'était-elle retrouvée propulsée à la tête d'une des 13 divisions ? Grand mystère.

Comme il s'y attendait, la 12ème cachait bien ses informations, mais au moins la capitaine ne mentait pas et ne tentait pas de lui faire gober des sornettes, ce que Uragami apprécia. Il était habitué à interroger des personnes diverses et variées à longueur de temps, à chaque fois qu'il faisait une rencontre en fait, et il avait appris depuis longtemps à distinguer ceux qui lui mentent et était devenu un expert dans ce domaine. Seuls les meilleurs menteurs qui peuvent regarder dans les yeux sans sourciller et ceux qui mentaient sans le savoir, arrivaient à lui échapper, mais ceux-ci formaient tout de même une grande minorité. Pour arriver à déceler ceux qui lui mentaient, il se servait de la détection comme souvent, toute émotion, toute pensée génère une faible variation de Reiatsu ou variante, mais pour arriver à comprendre cela il était nécessaire de pousser cette technique jusqu'à sa plus grande finesse et il était indispensable de tenir la conversation pendant maximum quelques minutes avec son interlocuteur tout en se concentrant sur son flux d'énergie, ainsi la moindre variation ou changement même si il est bref est immédiatement détecté. Depuis le début de la conversation Uragami était concentré sur le Reiatsu de la capitaine, celui-ci était incroyablement stable, ce qui voulait dire qu'elle ne lui avait dit que la stricte vérité depuis le début ou qu'elle était une très très bonne menteuse.

En tout cas Uragami apprit tout de même plusieurs choses relativement intéressantes durant ces quelques dialogues échangés. La première c'était qu'ils utilisaient un autre capitaine pour tester leur prototype, la Capitaine de la 5ème division Takamichi Homura, c'était une piste non négligeable à garder en tête si il souhaitait en savoir plus sur cette fameuse invention. Il pensait qu'il serait plus facile de lui soutirer des informations plus précises à elle qu'à la 12ème ou un de ses membres. Cependant il comptait bien faire les deux à la fois, espionner la 12ème tout en enquêtant sur Takamichi Homura. La deuxième chose intéressante était plutôt un indice sur l'invention, celui-ci était surtout destiné aux shinigami utilisant régulièrement le Zanjutsu et l'Hakuda qui sont toutes deux des techniques physiques. Cela pourrait vouloir dire deux choses, étant généralement ceux avec le moins de détection, ils ont pu se servir d'eux pour tester la capacité de leur invention ou alors que la capacité de détection de cet appareil est relativement limité et donc inutile à partir d'un certain niveau de détection naturel.

Toujours est-il qu'elle tentait aussi d'en savoir un peu plus sur les activités de la 2nde, mais il était impossible de soutirer quelque chose de non maitrisé à Uragami, il était d'un calme à toute épreuve en toute circonstance et ne lâchait que des informations qu'il ne jugeait pas utiles en quoi que ce soit. Parfois il en jouait même pour manipuler ses interlocuteurs, faisant croire qu'il lâchait une grosse information ou encore qu'il avait fait une gaffe pour voir et tester la réaction de la personne en face et en savoir plus sur ses intentions. Cette technique avait fait ses preuves à de nombreuses reprises. Elle tenta donc d'en savoir un peu plus sur ce qu'il avait pu se passer lors de son entretien avec un des membres du Kanshu, il n'était pas question pour lui de préciser à quel membre il avait parlé, ainsi il couperait court à ses questions comme elle avait pu le faire avec ses recherches.

- Oui, disons simplement que j'avais des questions personnelles à poser à l'un des membres mais rien d'important.

Visiblement elle ne savait pas grand chose sur eux et sur leur composition pour avoir été étonnée à cette simple idée que le Kanshu ait pu être récalcitrant face à quelque chose. Elle devait penser qu'ils étaient les alliés de Shinigami étant donné qu'ils étaient les ennemis des Hollow et cie. mais ce n'était pas aussi simple que cela. Le Kanshu est composé de membres qui ont tous leur propre personnalité et histoire, certaines sont même lourdes. Il n'y avait donc rien d'étonnant au contraire à ce que cette organisation soit récalcitrante à quelque chose venant d'un Shinigami. Cette naïveté lui donnait un certain charme.

Bref il n'en saurait visiblement pas plus sur cette expérience et de toutes façons il en avait appris plus que ce qu'il avait espéré, d'autant qu'il ne s'attendait qu'à une conversation banale qui s'est finalement transformée en quelque chose de plutôt intéressant. Uragami était sur qu'elle avait joué le même jeu que lui en lui donnant des informations qu'elle ne jugeait pas utiles, mais toute information est utile pour un membre de la seconde division, surtout quelqu'un avec l'esprit aussi fin que lui qui savait tirer parti de tout ce qu'il entendait ou voyait à son maximum. Quoi qu'il en soit il était impatient de rentrer au Seireitei afin de prendre tout ça par écrit et de l'analyser plus calmement, il était donc temps de quitter la capitaine et de rentrer dans ses quartiers qui commençaient à lui manquer.

- Bien, je vous remercie pour cet entretien, il est grand temps pour moi de vous laisser désormais, mes obligations m'appellent au Seireitei. En espérant vous revoir bientôt, Tsunami-taishô.

Il s'inclina respectueusement et partit rapidement d'un shunpô sans lui laisser le temps de répondre.

Avec certaines personnes, rares mais bien réelles, les conversations prenaient sans crier gare une tournure de partie d'échecs. Bien sur, habituellement celles-ci ne portaient pas le même uniforme que vous. Mais elle le sentait, même s'il semblait habitué à ce jeu, ce vice-capitaine là tentait de lui soutirer des informations qui dépassaient son grade et sa fonction. Même s'il croyait bien faire, ça allait de soi. Tournures de phrases étudiés, silences abrupts, tout était calculé, jusqu'au coté vague de sa réponse sur le kanshu. Bien sur, la capitaine avait commencé cette entrevue improvisée avec un état d'esprit des plus innocents, prenant sur elle et sur son mal de tête par la même occasion.

Elle était songeuse, vraiment. Dans quelques jours elle repartirait à la Soul Society, et elle tenterait de démêler les fils de ses propres expériences et de cette conversation, car elle lui resterait en tête. C'était sur et certain. Ce jour de congé l'avait fatiguée, finalement, et voir un autre Shinigami tenter de lui soutirer des informations sur un projet top secret sous couvert de lui présenter ses respects l'avait profondément chagrinée. S'ils ne se faisaient pas confiance entre eux ou agissaient comme des gamins trop hâtifs de découvrir leur cadeau de noël, ils iraient droit dans le mur.

Des obligations l'appelaient au Seireitei, et elle en fut soulagée car ses tempes choisirent cet instant pour la lancer un peu plus. A la douzième, elle avait ses cachets. Ici, elle n'avait que les brefs moments de calme qu'elle pouvait s'offrir. Et il semblait que les moments de calme de quiconque arbore un haori étaient rares. Et qu'ils filaient entre ses doigts dès qu'elle les pensait acquis.

- Au plaisir, lieutenant Uragami. Bonne chance avec votre division.

Elle en ferait immanquablement part à Senji et Akihiko lorsqu'elle les reverrait plus tard dans l'après-midi. Ce lieutenant posait trop de questions, et elle donnerait son signalement à sa division, afin que des recherches qui n'en étaient qu'à l'état de prototypes ne soient pas ébruitées. Leurs défaillances, même si elles étaient temporaires, pourraient simplement décrédibiliser son travail et celui des hommes et des femmes qu'elle dirigeait. Elle ne comprenait pas pourquoi quiconque voudrait une telle chose, puisque les résultats venaient en temps et en heure.

Elle fit de nouveau face à l'étang, les pas de son bien curieux interlocuteur s'étant totalement estompés dans l'épais tapis de feuilles mortes qui recouvrait le sol de la foret. Elle fit un grand mouvement de bras, arqua le bambou de sa canne à pêche et lança le flotteur au milieu de l'étang. Une carpe, ce n'était pas assez pour la nourrir elle et ses deux partenaires de mission. Et, croyez le ou non, la migraine s'estompait un peu lorsqu'elle pensait à la façon dont elle allait cuisiner les poissons. La cuisine n'était en soi pas si différente d'une expérience scientifique. Il fallait les bons dosages et la bonne attention afin d'obtenir la texture et le gout désiré. Et là, elle avait un arrière-gout déplaisant dans la bouche. Nul doute qu'il pensait bien faire, mais elle était fatiguée et irascible, dans ce genre de situations.